Acta Pacis Westphlicae II B 1 : Die französischen Korrespondenzen, Band 1: 1644 / Ursula Irsigler unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy
345. Memorandum Serviens Münster 1644 Dezember [31]
Münster 1644 Dezember [31]
Ausfertigung: AE , CP All. 38 fol. 422–431 = Druckvorlage = Beilage 1 zu nr. 344. Konzept:
AE , CP All. 31 fol. 480–483’; Reinkonzept: AE , CP All. 31 fol. 433–440, datiert auf
24. Dezember 1644.
Argumente gegen und für die in nr. 292 vorgeschlagene Erklärung.
Diverses considération sur |:l’ouverture faicte par nostre dépesche du 12 e
novembre d’offrir de la part du Roy la restitution de tout ce que Sa Majesté
a conquis en Allemagne pendant ceste guerre, pourveu que l’Empereur et
ses adhérens en fassent de mesme de leur costé en restablissant toutes choses
dans l’Allemagne de leur part au mesme estat qu’elles estoient en l’année
mil six cens dixhuict:|, ce qui s’entend après que |:les députéz des Princes
et Estatz de l’Empire seront icy et que l’on aura résolu avec eulx la ligue
pour la seureté du traicté qu’on nous a ordonné de proposer:|.
Raisons contre la proposition
1. Ladicte proposition |:pourroit faire croire que la France faict peu de cas
desdictes conquestes puisqu’elle en offre la restitution si facilement, ce qui
donneroit mauvaise opinion de ses forces et de l’estat de ses affaires au
dedans, outre que la restitution ne paroistroit pas si considérable estant
offerte avec tant de facilité:|.
2. |:La seureté que la France penseroit d’acquérir par le restablissement de
toutes choses en leur premier estat ne seroit pas considérable parce que tous
les Princes qu’on pourroit faire restablir sont si ruinéz et si foibles qu’ilz
demeureront tousjours entièrement à la discrétion de l’Empereur, et la
France ne sçauroit espérer aucune assistance d’eulx en l’estat où ilz sont ny
en celuy auquel ilz seront remis:|.
3. |:Quand toutes choses seroient restablyes dans l’Allemagne en l’estat
qu’elles estoient en l’année mil six cens dixhuict, le Royaume de Bohème
pour cela ne deviendroit pas électif, parce qu’avant ladicte année l’Empereur
prétendoit y avoir desjà un droict de succession et que la question estoit
comme indécise entre luy et les Estatz du pays, à cause que depuis le mariage
de Ferdinand avec la sœur de Louis dernier Roy de Hongrie et de Bohème
les Princes descendus dudict Ferdinand ont prétendu que la Bohème leur
appartenoit par droict successif, si bien qu’on rendroit du costé de la France
des provinces entières et des places considérables, et la restitution qui seroit
promise de la part de l’Empereur ne seroit faicte qu’en apparence et n’auroit
aucun effect réel au moings dans les poinctz plus importans:|.
4. Des |:deux principales places qui ont esté prises sur l’Empereur, une qui
est Brisak estant de son patrimoine et l’autre qui est Philipsbourg ayant
esté usurpée par luy en suite du prétendu traicté de Pragues qui luy a comme
permis de se l’approprier, les Princes et Estatz de l’Empire n’ont pas beau-
coup d’intérest qu’elles sortent des mains du Roy pour retomber dans celles
de l’Empereur et n’auront pas beaucoup d’obligation à la France lorsqu’elle
en fera la restitution:|.
5. Il semble au contraire que |:les Princes et Estatz de l’Empire ont très
grand intérest que lesdictes places qui donnent le passage du Rhin demeu-
rent au pouvoir de la France, affin qu’elle ayt moyen de les assister en cas
que cy après ilz soyent oppriméz ou attaquéz au préjudice de la paix qui
sera faicte:|.
6. |:Noz alliéz ne tesmoigneront pas de vouloir faire la mesme déclaration
et semblent n’estre pas disposéz quoyque l’Empereur puisse faire de son
costé à se départir de leur satisfaction particulière pour tant de fatigues et de
despenses qu’ilz ont souffertes dans l’Empire en combattant pour la liberté
des Princes et Estatz de l’Allemagne, pour raison de quoy ilz prétendent
d’estre récompenséz tant en général qu’en particulier, c’est à dire tant la
Couronne de Suède que les officiers de ses armées:|.
Raisons pour déffendre la proposition
1. L’on a tousjours creu jusqu’icy que |:pour faire une paix honorable et
juste il falloit remonter à l’origine des troubles présens et pour cet effect
remettre les choses en l’estat où elles estoient avant la naissance de la guerre,
si bien que par l’ouverture proposée on satisfera au désir et à l’opinion de
tout le monde, or est il qu’on ne sçauroit proposer ce restablissement qu’il
ne s’entende que chacun doibt rendre de son costé ce qu’il a conquis, sans
quoy il ne seroit pas trouvé juste et raisonnable, principalement si nous
voulions obliger l’Empereur de réparer les changemens qu’il a faictz dans
l’Empire depuis le commencement des troubles et que nous n’en voulus-
sions pas faire de mesme de nostre costé. Il fault donc conclurre que si la
demande de ce restablissement général a esté trouvée juste et s’il ne peult
estre proposé sans que les deux partyes s’obligent à faire la mesme chose
chacun de son costé, ou il ne fault point parler de restablir l’ancien ordre de
l’Empire, ou il fault confesser qu’honnestement nous ne pourrions pas nous
excuser de nous engager à la mesme restitution au moings facilement à
laquelle nous prétendons d’engager l’Empereur, si bien que l’expression
de la restitution que nous offrons de faire de nos conquestes n’est qu’une
addition en quelque façon inutile et qui ne sert qu’à mieux faire considérer
la bonne volonté de Leurs Majestéz et la faire paroistre avec plus d’esclat,
parce qu’elle est nécessairement comprise dans l’offre du restablissement
général qui doibt estre faict de part et d’autre:|.
2. On ne peult pas nier que [si] |:la proposition de rendre tout ce que le
Roy tient en Allemagne debvoit estre acceptée et exécutée, elle ne fust pré-
judiciable à la France et qu’il ne luy soit plus advantageux de tenir sa propre
seureté entre ses mains en conservant les Estatz et les places qu’elle a conquis
que de la chercher dans le restablissement de l’ancien ordre de l’Empire, où
la seureté que l’on pensera de trouver ne sera jamais que doubteuse. Aussi
n’a-t-on estimé debvoir faire cette proposition que pour faire esclater l’ affec-
tion de Leurs Majestéz envers l’Empire et rejecter la hayne contre l’Empereur
si par son refus un offre si plausible n’est pas accepté:|.
3. Or est il qu’il n’y a pas d’apparence que |:les conditions soubz lesquelles
la France offrira cette restitution soient accordées par l’Empereur et ses
adhérens, ny qu’ilz veuillent se résoudre à rendre son droict d’eslection au
Royaume de Bohème, les deux Palatinatz et l’Electorat à la Maison Palatine,
à oster la Luzace et l’Archevesché de Magdebourg au Duc de Saxe, l’ Arche-
vesché de Brême au frère du Duc de Dannemark, à restablir entièrement les
Ducz de Wirtemberg, à réformer les changemens qui ont esté faictz dans
Constance, Ausbourg, Ratisbonne et autres villes de l’Empire, et générale-
ment à rendre tous les biens et Estatz à ceux qui en ont esté despouilléz:|.
4. Cependant |:ledict offre ne laissera pas de faire un très bon effect, non
seulement pour gaigner l’affection des Allemandz et les irriter contre l’ Em-
pereur si le refus qu’il fera d’un moyen si honneste de finir la présente guerre
empesche ou retarde la conclusion de la paix, mais en ce qu’il fera voir que
les moyens de faire la paix ne sont pas si longs et difficiles que les ennemis
ont voulu persuader pour descrier l’assemblée de Munster, et monstrera que
c’est la France qui propose les plus grandes facilitéz au préjudice mesme
de son intérest particulier, ce qui destruira l’impression qu’ilz ont voulu
donner qu’elle ne cherche que des longueurs et des obstacles au traicté:|.
5. Oultre cela, |:le Duc de Bavière qui peut beaucoup dans l’Empire et que
l’Empereur a faict cognoistre de n’estre jamais bien disposé que lorsqu’il
est vivement attaqué dans ses intérestz particuliers, tant par les armes que
par la négotiation sera forcé de craincte d’estre réduict dans une restitution
générale qui seroit faicte de part et d’autre à lascher prise tant du Hault
Palatinat que de la dignité électorale, de favoriser les autres expédiens qui
seront proposéz pour sortir d’affaires et de contribuer secrèttement à ce que
la France retienne ses conquestes afin d’avoir droict de conserver les siennes,
ou en tout cas favoriser la proposition d’une longue trêfve quand elle sera
faicte, affin qu’elle laisse un chacun en possession de ce qu’il tient et que le
temps qui est tousjours favorable à ceulx qui ont profficté dans la guerre,
adjoustent un second tiltre à celuy de la conqueste:|.
6. D’ailleurs il fault considérer que tous les |:discours qui ont esté faictz
aux Allemandz jusqu’icy tant de bouche que par escript les ont tousjours
asseuréz que Leurs Majestéz ne songeoient point à leurs intérestz particuliers
et ne vouloient que l’advantage des Princes et Estatz de l’Empire, si bien
qu’il seroit nuisible de faire paroistre d’abord un desseing contraire qui
donneroit moyen aux ennemis de leur persuader que la véritable intention
de la France dans cette guerre a esté de s’aggrandir aux despens de l’Empire.
Cela pourroit produire un très mauvais effect dans toute la nation allemande
qui se gaigne aisément par les démonstrations d’amitié, mais qui s’irrite de
mesme quand elle croid d’estre trompée, de sorte qu’il y auroit subject de
craindre que ce grand corps dont une partye nous favorise aujourd’huy ne
se réunist enfin contre nous pour un intérest si sensible, comme il fit soubz
Charles Quint lorsqu’il entreprit le recouvrement des trois Eveschéz. Car
encore que Brisak et Philipsbourg appartiennent à l’Empereur en particulier,
il seroit malaisé de séparer si fort en ce poinct les intérestz de l’Empereur
d’avec ceulx de l’Empire qu’ilz ne se pûssent réunir pour recouvrer ce qui
a esté démembré d’un corps dont l’Empereur est le chef et les Princes et
Estatz les membres:|.
7. En tout cas, |:quand l’Empereur accepteroit l’offre et tesmoigneroit d’y
vouloir satisfaire de son costé, le restablissement de toutes choses ne pourroit
jamais estre faict si nettement qu’on n’eust des moyens légitimes d’en éviter
l’exécution, sans qu’il parust visiblement que les difficultéz vinssent de la
France, ceulx qui ont les gages entre les mains ne manquans jamais de pré-
texte pour en demeurer saisis. Le seul intérest de la Bohème en fourniroit
un bon, parce que nous insisterions que l’Empereur renonçast formellement
au droict de succession qu’il prétendroit luy appartenir avant l’année mil
six cens dixhuict, ce qu’il ne fera jamais. Nous demanderions mesme que la
forme cy devant prattiquée dans les dernières mutations des Roys de Bohème
ne pust pas estre observée à l’advenir, mais que la dignité royale ne pûst
estre conférée qu’en vertu d’une eslection libre et légitime:|.
Il fault remarquer qu’aux |:derniers changemens des Roys de Bohème depuis
le mariage de Ferdinand avec l’héritière du Royaume, les Princes de la
Maison d’Austriche pour ne faire pas préjudice à leur prétendu droict de
succession se sont tousjours mis en possession du Royaume sans y observer
les formalitéz de l’eslection et se sont contentéz de donner une déclaration
aux Barons du pays qu’ilz n’entendoient point de faire préjudice à leurs
droictz et privilèges:|.
8. |:Les affaires de la France sont grâces à Dieu dans une prospérité si cognue
de tout le monde tant dedans que dehors le Royaume, qu’on ne pourra pas
imputer à foiblesse ny à aucune craincte la facilité contenue dans ledict offre,
lequel paroistra plustost l’effect d’une magnanimité royale, d’une sincère
affection pour la paix et d’un véritable désir d’obliger les Allemandz que
d’aucune sorte d’appréhension:|.
9. L’on pourra mieux faire |:comprendre aux Allemandz l’affection de Leurs
Majestéz en leur endroict par l’offre de ceste restitution que par toute autre
voye, en ce que la France renonce à la seureté particulière qu’elle trouveroit
dans la rétention de ses conquestes pour leur procurer un bien général que
l’on croid qu’ilz préfèrent à toute autre chose. Car si lesdictz Princes après
ledict offre faisoient tant soit peu cognoistre qu’ilz ayment mieulx que les
places du Rhin demeurent entre les mains de Sa Majesté pour faciliter cy
après les moyens de les assister en cas de besoing que de les voir restituer
présentement à l’Empereur, il ne sera pas malaisé de prendre party en les
contentant, et l’on pourroit en toute seureté sans prendre aucun détour et
sans recourir aux apparences de l’offre proposé déclarer ouvertement qu’on
veult retenir toutes les conquestes parce qu’il n’y auroit plus de danger d’en
faire la déclaration quand l’on seroit asseuré de l’inclination des Princes et
Estatz de l’Empire lesquelz, présupposé qu’ilz en fussent bien aises dans
leur âme, ne se joindroient jamais à l’Empereur pour en entreprendre le
recouvrement, les forces particulières de sa Maison sans celles de l’Empire
n’estans pas si à craindre:|.
10. On pourroit adjouster que |:cet offre guérira nos alliéz de deux soupçons
qu’ilz ont contre nous et qui se resveillent dans leur esprit de temps en temps
quelque soing qu’on prenne de les effacer. L’un que nous n’avons pas une
affection véritable dans le cœur pour le party protestant d’Allemagne quoy-
qu ’il soit joinct à nous et que pour nostre intérest particulier nous taschions
de l’attacher à nous contre l’Empereur, l’autre que nous avons une inclina-
tion secrètte pour le Duc de Bavière avec intention de former avec luy et
avec d’autres Princes de l’Empire un party catholique dans l’Allemagne
contre l’Empereur qui nous donne moyen de mespriser les Protestans, dont
ilz croyent que la diversité de Religion ne nous permet pas de désirer effec-
tivement la prospérité et peut estre mesme de nous en détacher entièrement.
Ces deux opinions seront destruictes par nostre offre qui tend à restablir la
Maison Palatine et à l’abaissement du Duc de Bavière. En effect, Messieurs
les Ambassadeurs de Suède ont tesmoigné d’estre surpris extraordinairement
quand nous avons tesmoigné disposition d’assister la Maison Palatine pour
son restablissement comme d’une chose à laquelle ilz ne s’attendoient pas:|.
11. Oultre tout ce que dessus |:il fault considérer que n’ayans proposé de
faire ledict offre qu’après qu’il aura esté préalablement pourveu à la seureté
du traicté, nous ne manquerons pas de moyens sur ladicte seureté de faire
des difficultéz raisonnables qui empescheroient tousjours l’exécution de
l’offre, comme par exemple de demeurer saisis pendant quelques années des
places principales que nous tenons, ou bien de les remettre entre les mains
de personnes neutres qui feroient serment ou de nous les rendre ou de nous
accorder le passage sur le Rhin en cas qu’il arrivast quelque contravention
au traicté. Par ces expédiens et plusieurs autres semblables il sera en nostre
pouvoir de rendre en effect ladicte offre inutile quand nous voudrons, mais
il importe extrêmement de la faire d’abord générale, spécieuse et sans condi-
tion , affin que l’Empereur en la refusant soit plus blasmable et s’attire la
haine de toute l’Allemagne qui, demeurant satisfaicte de nous, pourra
prendre quelque résolution généreuse en nostre faveur contre l’Empereur
mesme:|.