Acta Pacis Westphalicae II B 4 : Die französischen Korrespondenzen, Band 4: 1646 / Clivia Kelch-Rade und Anuschka Tischer unter Benutzung der Vroarbeiten von Kriemhild Goronzy und unter Mithilfe von Michael Rohrschneider
1 Ass. Nat. 276 fol. 110–112’: Memorandum Longuevilles, d’Avaux’ und Serviens für die
Generalstaaten, [Münster] 1646 [August], Kopie.
Les ambassadeurs de Messieurs les Estatz firent instance il y a quelque temps pour l’ac-
ceptation du 9 e article, et comme la pluspart d’entr’eux partirent dès le lendemain pour
aller en leurs provinces, l’on estoit en pensée d’attendre leur retour pour y faire response.
Mais enfin parce qu’un plus long silence ne seroit pas convenable au soin que les ambas-
sadeurs de France ont tousjours eu de satisfaire Messieurs les Estatz en toutes choses,
quoyqu’il ne reste icy que deux de leurs plénipotentiaires ils ont jugé à propos de s’es-
claircir avec eux sur ce sujet ainsy qu’il en suite.
La France a tant de désir de conserver l’union contractée avec Messieurs les Estatz qu’elle
est très disposée à l’estraindre et serrer encore davantage s’il se peut, et s’il veulent faire la
paix qui leur a esté offerte, qui doit estre le but de la guerre et la dernière fin de toutes les
trefves, il n’y a aucune obligation réciproque dans laquelle on ne soit prest de s’engager
avec eux, au cas que les traittés cy-devant faits ne leur semblent assés forts et assés ex-
près pour garentir suffisamment laditte paix. Mais parce que lesdits Sieurs Estatz ont tes-
moigné de vouloir faire présentement plustost la trefve que la paix, l’on a accommodée
〈les〉 intérestz de la France aux leurs et commencé à mettre en exécution ce qu’ils de-
mandent. Car qu’est-ce autre chose de vouloir faire la trefve pour la Catalogne d’esgale
durée à celle de Messieurs les Estatz sinon déclarer que l’on ne veut rentrer en guerre
conjointement avec eux lors que leur trefve sera finie.
Si Leurs Majestés n’avoient pas tant d’affection et tant de 〈…〉 aux affaires et sentimens
desditz Sieurs Estatz on pourroit dire avec beaucoup de raison qu’estant à leur choix de
faire la p〈aix〉 ou la trefve, la France s’est acquittée de ses promesses puis〈que〉 les
ennemis communs sont réduits à leur offrir l’une ou l’autre. Mais Leurs Majestés ont
voulu aller au-delà de leurs obligations et le Roy n’ayant aucune autre de ses provinces
dont la conservation luy soit plus chère et plus importante que celle de la Catalogne, au
lieu de prétendre que 〈dès à〉 présent elle luy soit cedée par un traitté de paix comme le
reste de ses conquestes, Sa Majesté a bien voulu se conten〈ter〉 d’une trefve affin de
demeurer engagée à reprendre les armes avec Messieurs les Estatz quand la leur viendra à
finir.
C’est ainsy que Sa Majesté accomplit abondamment non seulement les choses promises et
embrasse les intérestz présens de Messieurs les Estatz mais pourvoit encore à leurs inté-
restz plus esloignés et à un cas qui ne peut arriver que dans trente années, pendant qu’au
mesme temps dans la négotiation de la paix leurs ambassadeurs mettent en doute des
choses clairement décidées par les traittés d’alliance et qu’on voit aussy l’inexécution
d’une promesse qui se renouvelle tous les ans par le traitté de campagne.
Le dessein des Espagnolz a tousjours esté de ne faire par tout qu’une trefve, ne s’estans
jamais proposés le repos pour leur fin mais de proffiter du temps et des occasions pour se
remettre en meilleur estat. Le 9 e article leur donneroit entièrement ce qu’ils prétendent,
estant certain que de la déclaration qu’on demande aujourd’huy à la France sans aucune
nécessité il n’en pourroit réussir autre chose sinon de mettre les affaires en un point qu’il
ne pust estre fait qu’une trefve par tout au lieu que faisant la paix ès autres endroits et la
trefve en Catalogne pour le temps marqué cy-dessus il est pourveu suffisamment à la
seureté de Messieurs les Estatz et l’on oste à l’ennemy commun le moien de parvenir au
but par luy tant souhaitté.
L’article 9 tend à obliger le Roy de faire en sorte auprès du roy d’Espagne que la trefve des
Provinces-Unies estant expirée il en accorde la continuation et qu’en cas de refus Sa Ma-
jesté rentre en guerre conjointement avec Messieurs les Estatz. Mais ceux qui font cette
instance ont reconnu par une déclaration
Vgl. [nr. 31 Anm. 9] .
tiaires d’Espagne le 24 may dernier et signée 〈dès〉 que le roy d’Espagne aura droit de
recommencer la guerre quand la trefve sera finie, et ainsy ils veulent exiger de la France
qu’elle rompe la paix contre le roy d’Espagne à faute d’obtenir de luy une chose qu’il
〈pouvoit〉 refuser légitimement par leur propre adveu. Car 〈lors〉que Sa Majesté le
pressera de continuer la trefve il s’en deffendra avec raison sur ce que Messieurs les Estatz
eux-mesmes sont demeurés d’accord qu’il pouvoit justement rentrer en guerre. Il se peut
dire avec vérité que lesditz sieurs ambassadeurs ont agy en cellà contre 〈leur〉 intention
et ont osté le moyen à Sa Majesté de pou〈voir〉 faire avec justice la déclaration qu’ils
demandent puisqu’elle seroit contraire à la leur du 24 may, veu mesmes que le roy d’Es-
pagne se gardera bien de perdre l’avantage que cette déclaration luy a aquis puisqu’elle
justifie ses armes quand il les reprendra 〈contre〉 les Provinces-Unies, et que sans cellà il
n’auroit 〈pas〉 de titre ou de prétexte pour leur faire la guerre après avoir reconnu que ce
sont provinces libres et indépendantes sur lesquelles il n’a aucun droit. Aussy les plénipo-
tentiaires d’Espagne n’ont jamais voulu rendre ledit escrit dont ils ont envoie par tout des
copies deuement collationnées pour faire voir que la déclaration de leur maistre touchant
la souveraineté de Messieurs les Estatz est limitée au temps de la trefve et que du consen-
tement de leurs ambassadeurs il est permis au roy d’Espagne de leur faire la guerre quand
la trefve sera expirée, c’est-à-dire de leur disputer comme auparavant la liberté et sou-
veraineté qu’ils ont aquise si légitimement et si glorieusement depuis tant d’années.
La nation espagnolle a de grans et profonds artifices. Il faut avoir l’œeil bien ouvert pour
ne s’y pas laisser surprendre. Il est à croire que Messieurs les Estatz qui ont le plus d’ex-
périence de cette vérité s’en sçauront bien garder mettant différence entre les paroles et les
fausses apparences que peut donner un ennemy réconcilié depuis peu et irréconciliable en
effet, et les solides avantages qu’ils reçoivent tous les jours d’une couronne amie qui a son
intérest dans leur conservation.
C’est ce qu’on a creu devoit représenter sur cette affaire, et on a répété que non seulement
la France 〈veut〉 observer les traittés, et maintenir toute l’union qu’elle a eu jusqu’icy
avec Messieurs les Estatz mais est preste 〈de〉 l’affermir en sorte que l’on entre de part et
d’autre en de plus grandes et plus précises obligations pour l’av〈enir〉 si celles où l’on est
ne sont jugées suffisantes. A 〈quoy〉 s’il est correspondu de la part desdits Sieurs Estatz
comme leur grande prudence et le soing qu’ils 〈doivent〉 avoir de leur propre utilité ne
donnent pas lieu de douter, on doit espérer le mesme succès dans les affaires communes
qui s’est veu jusques à présent, et se 〈souvenir〉 que c’est une maxime d’autant plus
certaine qu’elle a esté aprouvée il y a longtemps, que les Estatz se conservent par les
mesmes moyens qui les ont establis, et se destruisent par les contraires.