Acta Pacis Westphalicae II B 4 : Die französischen Korrespondenzen, Band 4: 1646 / Clivia Kelch-Rade und Anuschka Tischer unter Benutzung der Vroarbeiten von Kriemhild Goronzy und unter Mithilfe von Michael Rohrschneider
247. Memorandum Ludwigs XIV. für Longueville, d’Avaux und Servien Paris 1646 November 9
Paris 1646 November 9
Kopien: AE , CP All. 67 fol. 259–263’ = Druckvorlage; AE , CP All. 78 fol. 337–344’;
Ass. Nat. 272 fol. 544–547. Konzept Lionnes: AE , CP All. 62 fol. 248–251’.
Militaria. Verzögerung des Friedensschlusses mit Spanien zur Sicherung Léridas. Zufriedenheit
mit niederländischer Friedensvermittlung. Zugeständnisse in den Verhandlungen über Lothrin-
gen ; Situation Herzog Karls nicht mit der König Johanns vergleichbar; Notwendigkeit der Ent-
waffnung des Herzogs; französisches Angebot. Joux; Berücksichtigung der Interessen Longue-
villes .
Zu nr. 227; zur Sicherung Lothringens und der Rheinlinie während der Ausrich-
tung Turennes zur Donau hin wurden Truppenbewegungen angeordnet. Militä-
rische Lage Herzog Karls.
Quand on a mandé à Messieurs les Plénipotentiaires de prolonger la signature
du traitté, le principal ou pour mieux dire le seul motif que l’on a eu en cella a
esté qu’aians satisfaction dans tous les autres pointz nous pussions voir quel
succez auroit le siège de Lérida pour les raisons qui ont esté escrittes. C’est
pourquoy on pourra conclurre la paix sans différer toutes fois et quantes que
noz parties demeureront d’accord ou de nous laisser cette place qu’il y a desjà
six mois que nous assiégeons, ou que la trêve de Catalogne ne devra commen-
cer que du jour que cette entreprise sera finie d’une manière ou d’autre, bien
entendu néantmoins que nous recevrons préalablement satisfaction sur d’ au-
tres pointz que noz parties n’accordent pas encores.
Nous sommes bien aises de voir les avantages que nous remportons par l’ en-
tremise des Holandois et Messieurs les Plénipotentiaires pourront se souvenir
qu’il leur a souvent esté mandé que par quelque autre main que la négotiation
de la paix pust passer que par celles des médiateurs nous en recevrions plus de
proffit, parce que ceux-cy nous les auroient vendus bien plus chers, et n’ au-
roient lasché les choses qu’à toute extrémité, usans de mil artifices et finesses,
voians avec desgoust que noz parties apportassent tant de facilité à l’ aggran-
dissement de cette couronne. Mais c’est un grand bonheur pour nous que
l’exclusion des médiateurs soit venue de noz parties.
Quant à l’affaire du duc Charles, lorsque l’on a songé à l’expédient que Mes-
sieurs les Plénipotentiaires auront veu dans le mémoire qui leur fut envoié
touchant le point de la Lorraine , on ne s’est pas fondé simplement comme ilz
ont jugé sur la pensée que noz parties auroient grande peine à signer la paix
sans avoir fait quelque chose pour luy, mais on a eu esgard aussy à satisfaire le
public, à tesmoigner à tous les princes de la maison de Lorraine qu’on les
considère et qu’on ne veut pas les punir de la faute du chef, et à beaucoup
d’autres raisons contenues dans ledit mémoire.
Car au reste on n’a jamais douté que tenant bon sur ce point-cy, noz parties
ne s’en relaschassent dès que tous les autres seroient ajustez. Bien plus on a
sujet de mettre en question si les Espagnolz souhaittent sincèrement que ledit
duc soit inclus dans le traitté s’ilz ne sont pas bien aises dans leur intérieur
qu’il se rencontre des obstacles à l’y faire comprendre. La raison d’en douter
est qu’aians le dessein que probablement ilz ont de rompre contre nous à la
première conjoncture favorable qui s’en offrira, il peut leur estre plus avanta-
geux de tenir tousjours le duc Charles mescontent de la France et hors de ses
Estatz que s’il estoit satisfait par quelque expédient, parce que fomentans le-
dit duc et l’assistantz sous main, ilz se promettent de pouvoir nous inquiéter
continuellement et de nous consommer en despenses pendant qu’eux seront
tousjours à l’erte pour se prévaloir des occasions de nous faire du mal et espier
le temps de se déclarer à propos.
Et en effet on ne révoque nullement en doute, quoy que promettent noz par-
ties , qu’ilz ne taschent de secourir au moins indirectement ledit duc et que si
celuy-cy peut avoir sur luy comme il le devroit la force de despenser l’argent
qu’il a amassé il n’ait moien de bien proffiter du licentiement qui se fera des
trouppes de costé et d’autre pour en composer une puissante armée. Mais
c’est ce qu’on prétend d’empescher, et certainement il n’y a aujourd’huy au-
cun point à ajuster dans la conclusion de la paix qui soit si important que
celuy-cy et de bien asseurer que ledit duc n’estant pas compris dans le traitté,
on le réduise en estat de n’avoir aucunes trouppes et hors de moien de trou-
bler le repos qui aura esté establi. Ainsy voiant qu’il se mettroit sur les bras
tous les princes qui auront eu part à la paix s’il vouloit rebrouiller les affaires,
cette juste crainte luy ostera non seulement les pensées qu’il en pourroit avoir,
mais reconnoissant que sa maison est hors de toute resource qu’en la bonté de
Leurs Majestez il songera à demander et recevoir en grâce ce qu’on eust pu
luy accorder dans le traitté. En quoy nous aurions l’avantage que bien loin
d’avoir obligation aux Espagnolz de son accommodement il l’auroit toute en-
tière à la France de ce qu’elle luy auroit rendu et seroit outré contre les autres
de la perte qu’il auroit faitte du reste, laquelle il attribueroit à leur peu de
reconnoissance et à leur mauvaise volonté.
Enfin Messieurs les Plénipotentiaires auront pu cognestre que nostre but est
de faire quelque accommodement avec le duc Charles s’il est possible dans les
termes qu’on a mandez, et mesmes si lesditz Sieurs plénipotentiaires le jugent
à propos on ira au delà, pourveu qu’il ne fallust pas commencer par son res-
tablissement et luy donner dès à présent la jouissance de ce qu’on voudroit
luy rendre, parce que ce seroit luy fournir des armes contre nous-mesmes,
mais seulement dans le temps marqué dans le mémoire.
Ou si cella ne se peut, prendre dans la conclusion de la paix de telles précau-
tions contre ledit duc que la France ne soit pas obligée à continuer la guerre
contre luy, que si les Espagnolz vouloient se servir de la liberté que nous nous
réservons d’assister le roy de Portugal pour prétendre la mesme chose envers
le duc Charles il y a cent raisons qui tombent d’abord dans le sens pour faire
voir cette disparité dont on se contentera d’en toucher une bien concluante.
C’est que les Espagnolz n’offrent aucun parti au roy de Portugal, ilz protes-
tent qu’il ne peut y avoir de milieu ny de tempérament en cette affaire, ilz
veullent absolument la guerre et la ruine de ce prince, de sorte qu’il faut de
nécessité ou que nous le sacrifions entièrement, ce qui ne se doit pas, ou que
nous l’assistions.
La France au contraire à l’esgard du duc Charles luy offre des partis que toute
personne désintéressée trouvera justes en l’estat où il est dans la constitution
présente des affaires et dans la conduitte qu’il a tenue envers cette couronne,
elle ne porte pas les choses aux extrémitez et sera bien aise d’un accommode-
ment raisonnable, de façon que si par le caprice du duc Charles il ne peut
estre conclu, les Espagnolz n’ont pas le mesme droit de se réserver la liberté
de l’assister que nous avons de secourir le roy de Portugal à qui on ne fait
veoir que feux et flammes et que précipices.
On peut adjouster à cella que celuy que les Espagnolz traittent si rudement
est un prince qu’ilz avouent eux-mesmes estre de la maison roiale de Portugal
et qui se trouve en possession paisible depuis six ans de tous ses Estatz et aimé
tendrement de ses sujetz.
Et au contraire celuy à qui nous consentons de faire divers avantages est un
prince qui est hors de ses Estatz depuis douze ans, qui n’y possède pas un
pouce de terre, qui est hors d’espoir d’y rentrer par la force et est abandonné
d’un chacun.
Et comme la principale et quasi la seule précaution que l’on peut prendre
contre luy pour empescher que la paix estant faitte il ne puisse rebrouiller les
affaires, c’est celle de l’obliger à désarmer quand le traitté se fera, dont nous
ne pouvons venir à bout, sans que les Impériaux et les Espagnolz mesmes y
contribuent à cause de la retraitte qu’il peut avoir dans leurs Estatz et que
d’ailleurs on considère que si nous nous opiniastrons à désirer que noz parties
mesmes luy courrent sus pour le forcer à désarmer, tout le monde ne trouvast
beaucoup à redire en la dureté de la condition qu’on voudroit leur imposer,
d’estre eux-mesmes les instrumens de la perte d’un prince qui les sert de sa
personne et de ses trouppes depuis tant d’années. Sa Majesté juge que pour
parvenir à cette fin sans encourir le blâme d’estre peu équitable, il est néces-
saire de passer par quelque milieu, et il semble qu’il ne puisse estre autre
qu’une proposition formelle en faveur dudit duc, laquelle le public jugeant
raisonnable eu esgard à l’estat où il est, et aux sujetz que la France a de se
meffier de sa légèreté et se prévalloir des droitz qu’elle a de retenir ses Estatz,
et le chastier de l’extrême et opiniastre animosité qu’il a tesmoignée pour elle.
Si noz noz [!] parties n’avoient pas, comme il est à croire, le crédit sur luy de
la luy faire accepter, elles pussent avoir lieu sans honte et sans reproche de le
forcer à désarmer, affin que la chrestienté ne courre pas risque de souffrir des
préjudices irréparables de ses caprices, et tout au moins nous gaignerons d’en
pouvoir presser noz parties jusques au bout avec l’applaudissement général de
tous ceux qui souhaittent la paix et qu’elle soit durable.
Et ce qui sembleroit devoir nous empescher de faire cette ouverture en ce que
nous avons si souvent déclaré positivement que la France ne consentiroit ja-
mais à comprendre le duc Charles dans le traitté est la mesme raison qui doit
nous obliger aujourd’huy de la proposer, parce qu’elle fera d’autant plus d’ ef-
fet et d’impression dans les espritz qu’elle est moins attendue, et que chacun
reconnestra qu’elle ne procède pas des instances de noz parties en faveur du-
dit duc que chacun est persuadé qu’elles abandonneront, mais de nostre pur
mouvement et du véritable désir que nous avons d’establir les choses en sorte
qu’il ne demeure rien en arrière qui puisse fournir des prétextes à ceux qui ont
tousjours troublé le repos, d’en faire de mesme à l’avenir.
Et on ne pourra pas dire avec fondement que la France n’offre rien d’effectif
pour ledit duc, remettant comme elle veut faire à dix ans d’icy l’exécution
de ce que l’on propose pour luy, d’autant que Sa Majesté outre l’assistance
qu’elle consent de donner présentement à sa personne et à ceux de sa maison
est preste pour le reste de donner toutes les seuretez qu’il voudra et consent
que ce soient les mesmes dont on se servira pour asseurer l’observation des
autres pointz du traitté.
Messieurs les Plénipotentiaires auront appris par le dernier mémoire que l’on
s’estoit desjà apperceu icy de la mesprise qui avoit esté faitte touchant le poste
de Joux. Leurs Majestez ont veu ce qu’ilz en mandent et examineront mieux
la chose. Cependant monsieur le duc de Longueville peut estre asseuré qu’elles
feront tousjours beaucoup de considération de ce qui pourra estre de ses
intérestz.