Acta Pacis Westphalicae II B 4 : Die französischen Korrespondenzen, Band 4: 1646 / Clivia Kelch-Rade und Anuschka Tischer unter Benutzung der Vroarbeiten von Kriemhild Goronzy und unter Mithilfe von Michael Rohrschneider
34. Memorandum Serviens für Lionne [Münster] 1646 Juni 26
[Münster] 1646 Juni 26
Konzept, teilweise eigenhändig: AE , CP All. 76 fol. 656–663’, 666–674’
(Teilkopien
Servien machte einen Teil dieses Memorandums zur Grundlage eines Memorandums für Bras-
set . Das Konzept dazu (= Teilkopie von nr. 34; Kopien: AE , CP Holl. 37 fol. 164–171; AE ,
CP All. 66 fol. 460–470, datiert auf September 1646) sandte er Brasset als Beilage zu einem
Brief vom 22. August 1646 (Ausf.: AE , CP All. 66 fol. 291–292). Brasset kopierte es und
schickte es Servien mit einem Brief vom 28. August 1646 (Ausf.: AE , CP Holl. 37 fol.
183–183’) zurück. Eine überarbeitete Version des Memorandums (Konzept: AE , CP Holl. 37
fol. 269–295) schickte Servien Brasset als Beilage zu einem Brief vom 14. September 1646
(Ausf.: AE , CP All. 66 fol. 435–435’).
164–171, datiert auf den 22. August 1646.)
Forderungen Frankreichs in bezug auf die Spanischen Niederlande (Abtretung der Eroberungen;
Abzug der Spanier; Neutralität) und die Vereinigten Niederlande (Subsidien, keine Unterstüt-
zung Spaniens, möglicher Wiedereintritt in den Krieg) im Falle einer Einschränkung der Ver-
pflichtung der Generalstaaten. Spanisches Werben um die Generalstaaten. Wichtigkeit des fran-
zösisch-niederländischen Bündnisses. Vertragliche Verpflichtung der Generalstaaten gegenüber
Frankreich nicht auf Niederlande beschränkt; Memorandum Charnacés. Ermutigung der Feinde
durch Aussicht auf französisch-niederländische Interessendivision.
Sy l’on estoit un jour forcé de consentir à la prétention qu’ont Messieurs les
Estatz de n’estre pas obligez aux intérestz de la France ailleurs qu’aux Pays-
Bas, il fauldroit au moins y apporter de très grandes précautions, et il y a
apparence qu’ilz approuveroient tout ce qu’on pourroit demander pour estre
desgagez de cette obligation.
Premièrement, il est certain qu’ilz nous feroient laisser par le traicté tout ce
que nous tenons aujourd’huy dans les Pays-Bas, et desjà les Espagnolz pour
les engager à se séparer de la France dans les aultres intérestz ont offert, par-
lant aux députez de Messieurs les Estatz d’abbandonner au Roy pour l’amour
d’eulx, et pour les mettre hors d’intérest, toutes ses conquestes des Pays-Bas
cognoissant très bien que sans cette condition ilz ne pourroient pas seulement
proposer aux Provinces-Unies de se séparer de nous dans les aultres intérestz,
mais parce que ladite condition ne peult pas estre revocquée en doubte, et que
les Espagnolz l’offriront d’abord, il seroit nécessaire sy on en venoit là, d’en
exiger d’aultres.
La plus importante seroit que les Espagnolz sortissent des Pays-Bas, et que les
gouvernemens des places fussent laissez aux naturelz habitans. Cette condi-
tion pourroit estre demandée avec justice et Messieurs les Estatz seroient
contrainctz de se joindre à nous pour l’obtenir, puisqu’oultre l’intérest qu’ilz
y auroient pour leur propre seureté et qu’ilz la proposèrent eux-mesmes aux
Espagnolz en la conférence de 1634, on est obligé par le traicté de 1635 de
continuer la guerre jusqu’à l’entière expulsion des Espagnolz et que nous
pourrions avant cela dire raisonnablement que nous ne voulons pas consentir
à la paix.
Aussy seroit-il impossible sans cette précaution d’estre asseuré que faisant la
guerre ailleurs on ne courust tousjours fortune d’estre inquiété de ce costé-là,
où sans doubte les Espagnolz estans maistres des places ne manqueroient pas
de commencer des hostilitez toutes les fois qu’il seroit utile au roy d’Espagne,
quelque traicté qu’on eust faict au contraire.
Il fauldroit encor demander que tous les habitans des provinces obéissantes au
roy d’Espagne s’obligeassent en corps d’Estatz dans la meilleure forme qui se
pourroit, d’observer inviolablement la neutralité qui seroit promise, et que
pour cet effect les habitans dudit pays ne pourroient aller servir le roy d’ Es-
pagne dans les aultres guerres qu’il auroit contre la France, ny souffrir aucu-
nes levées de gens de guerre dans leur pays, ny aucuns transportz d’hommes,
vaisseaux, vivres, munitions de guerre, ny d’aultres choses qui pourroient es-
tre employées contre la France, sans quoy on ne pourroit pas dire que la
neutralité fust observée, puisque la France ne se pourroit pas promettre les
mesmes assistances desdites provinces et sans quoy aussy on ne feroit que
transporter ailleurs la guerre qui se faict aujourd’huy dans les Pays-Bas avec
ce désavantage pour la France que nous n’y serions plus assistez de la puis-
sante diversion que font les Provinces-Unies.
Cette diversion a esté sy considérable depuis cinquante ans, et a tellement
incommodé et miné les Espagnolz qu’on peult dire avec raison que c’est ce
qui a ouvert les moyens de les réduire en l’estat où ilz sont aujourd’huy, ce
qui peult faire considérer combien il seroit nuisible de la perdre.
Nous aurions aussy droict de demander que les Provinces-Unies nous assis-
tent d’hommes et d’argent, comme nous avons faict quand elles estoient seul-
les en guerre contre l’Espagne, et il semble qu’elles ne nous pourroient pas
refuser les régimens françois qui sont à leur service, et de les entretenir dans
celuy de Sa Majesté, veu mesme que par un article du traicté faict avec elles en
1627 il est expressément porté qu’en cas que cy-après Sa Majesté fust en
guerre pendant qu’elles seroient en paix ou en trêve, elles renvoyeront lesdits
régimens et les feront conduire jusqu’à Calais ou à Dièpe.
Il fauldroit encor stipuler bien expressément avec Messieurs les Estatz que leurs
subjetz ne pourroient donner aulcune assistance directement ny indirectement
au roy d’Espagne, ny l’ayder de leurs vaisseaux et matelotz pour le transport des
choses qui pourroient servir à la guerre qu’on feroit contre la France.
Il fault néantmoins considérer qu’encor qu’on eust obtenu de Messieurs les
Estatz l’article précédent il seroit très difficile d’en espérer une sincère obser-
vation pour le peu de moyen qu’il y a d’empescher que leurs subjetz n’aillent
en tous les lieux où le gain les appelle dont nous avons faict l’expérience du
costé de la mer méditerranée pendant la durée de la guerre présente.
Oultre cela, comment se pourroit-on asseurer que les Provinces-Unies sy elles
avoient restably une bonne intelligence avec l’Espagne voulussent rentrer un
jour en guerre contre elle, quand elle feroit quelque contravention aux choses
qu’elle nous auroit promise, soit dans les Pays-Bas ou ailleurs, quelque obli-
gation qui demeurast entre elles et nous pour ce subjet, puisque nous voyons
qu’elles ne font pas scrupule estant encor en guerre ouverte avec les Espa-
gnolz de traicter leur accommodement avec eux sans considérer beaucoup les
traictez faictz avec la France qui ne leur permettent pas de se conduire dans
cette négotiation comme elles font. Sy le seul désir du repos leur faict au-
jourd ’huy manquer à leur debvoir pour finir la guerre, et se réunir avec leurs
anciens ennemis où ilz nous veulent forcer de suivre toutes leurs inclinations,
on auroit bien plus de subjet de craindre que lorsqu’ilz gousteroient la dou-
ceur de ce repos, ilz ne voulussent pas se rembarquer dans les périlz et les
despenses d’une nouvelle guerre contre un prince qui seroit alors leur amy,
quelque entreprise qu’il pust faire contre nous. La plus favorable condition
que nous pourrions espérer d’elles seroit, en cas qu’elles vinsent à rompre
pour satisfaire à leur obligation, qu’elles vouldroient que tout se fist à noz
despens. Ilz auroient encor bien moins de honte de nous demander des subsi-
des excessifs qu’elles n’en ont eu à demander pendant cette guerre ceux, aus-
quelz elles avoient expressément renoncé par le traicté de 1635, nonobstant
lequel elles n’eussent pas mis une seulle année en campagne, sy on ne les y
eust engagez par des assistances extraordinaires.
La difficulté qu’il y auroit d’obtenir les précautions cy-dessus exprimées ou
d’en espérer l’exécution faict croire que la proposition en général sera tous-
jours plus à l’advantage de l’Espagne que de la France, et que les Espagnolz
n’en auroient pas faict l’ouverture comme ilz ont desjà faict, s’ilz ne croyoient
qu’elle réussira plus à leur utilité qu’à la nostre, et s’ilz n’avoient quelque
espérance que c’est une voye non seulement pour rendre un jour les Provin-
ces -Unies neutres entre nous et eux, au lieu que maintenant elles sont alliées
avec nous, mais de les ranger enfin tout à faict de leur costé contre la France
ou par la douceur et proffit qu’elles treuveroient dans le commerce d’Espagne
ou par le grand avantage qu’elles auroient à s’unir avec le roy catholique pour
despouiller le roy de Portugal de ce qu’il tient dans les Indes et dans le Brésil,
cependant qu’il luy ostera ce qu’il tient dans le continent d’Espagne, ou enfin
par la jalousie qu’elles prendroient de nous sy la guerre que nous ferions sans
elles contre l’Espagne nous estoit avantageuse, car il fault avouer que cette
république est parvenue à un point de puissance et d’audace qu’il sera malaisé
désormais qu’il y ayt un différend important et long entre les deux couronnes
sans qu’elle y prenne part d’un costé ou d’aultre, tandis que nous la tiendrons
unie avec la France par les traictez qui ont esté faictz avec elle, il sera impos-
sible que les Espagnolz la puissent faire passer du blanc au noir, sa manière
d’agir naturellement lente n’est pas de former des desseins avec tant de préci-
pitation . Ce seroit aujourd’huy une proposition ridicule dans les provinces, et
qui seroit rejettée tout d’une voix sy l’on vouloit leur faire quitter le party de
la France pour se joindre à l’Espagne, mais les mal affectionnez du pays qui
peult-estre ont ce dessein dans l’âme et ne l’ozent pas encor tesmoigner ou-
vertement veullent prendre des voyes plus plausibles, et croyent qu’il fault en
premier lieu se détacher de la France, puis demeurer quelque temps en neu-
tralité , et qu’après cela on pourra passer avec moins de blasme dans une es-
troitte union avec l’Espagne. Quand tous ces inconvéniens ne seroient pas à
craindre, il paroist visiblement que les Espagnolz recognoissant bien qu’à la
longue ilz ne pourroient pas deffendre les Pays-Bas contre les forces de la
France et des Provinces-Unies joinctes ensemble, taschent par la proposition
qu’ilz font d’intéresser les Provinces-Unies dans la conservation des aultres
suivant l’exemple de l’empereur Charles-Quint, lequel voyant que la Fran-
che -Comté estoit trop esloignée de ses aultres Estatz pour la deffendre contre
les forces de la France, crut que l’unicque moyen de la conserver estoit d’ in-
téresser les Suisses dans sa deffense. Il est certain que les Espagnolz ont au-
jourd ’huy un semblable dessein, et que c’est pour l’exécuter par degrez qu’ilz
ont tant d’impatience en sortant d’affaires avec les Provinces-Unies de les
contenter et d’acquérir leur amitié pour asseurer enfin la conservation de cel-
les qu’ilz tiennent en y intéressant les aultres par cette ligue deffensive qu’ilz
proposent, ou mesmes ilz ne font pas refus pour en venir plus facilement à
bout d’y recevoir la France, jugeant bien que sans cela les Provinces-Unies ne
pourroient pas y entendre.
Il semble donc très nécessaire de demeurer constamment dans l’observation
des traictez précédens qui ont eu pour but d’attacher inséparablement les Pro-
vinces -Unies avec la France, tandis qu’il y aura moyen de tenir ces deux puis-
sances joinctes ensemble elles seront invincibles, et les Espagnolz ne pourront
jamais que perdre en leur faisant la guerre. Je sçay bien que leur amitié est peu
asseurée, et qu’il fault achepter de temps en temps leur fidélité, mais il seroit
encore pire de les avoir ennemies, et nous leur pourrions dire avec raison ce
qu’Ausone
Decius Magnus Ausonius (um 310-um 393), spätantiker Schriftsteller, Rhetoriker und Staats-
mann ( Marx ). Das Zitat geht zurück auf ein Epigramm des röm. Dichters Martial (40–104):
Difficilis facilis, iucundus acerbus es idem:/Nec tecum possum vivere nec sine te. Mar-
tial , Epigrammata 12, 46 (47) ( Partington S. 449).
nec sine te.“ Ce sont des amys intéressez, difficiles et qui ont peu de gratitude,
mais il vaut encor mieux les avoir tels que de ne les avoir point.
Nous n’avons rien oublié par deçà pour faire comprendre aux députez qui
sont icy (qui sont les principaux autheurs de toutes ces nouveautez,) que ces
doubtes et ces subtilitez sur l’alliance de la France ne doibvent pas estre mis
sur le tappis en cette saison, et ne le peuvent selon le véritable sens des traic-
tez , nous avons esté obligez d’en parler fortement pour prévenir le mal et
pour fortiffier noz amis et les bien intentionnez qui ne sont pas en cela de
l’advis des autres. Nous avons aussy escript à monsieur de La Thuillerie pour
s’en remuer et faire cognoistre aux sages du pays que semblables questions ne
sont agitées que pour favoriser les ennemis et désobliger les amis, puisqu’eux
et nous pouvons facilement obtenir nostre compte avantageusement par un
traité et qu’il ne faut pour cela que s’y conduire avec honneur et fermeté.
Quand nous serions disposez de prendre enfin quelque tempérament sur ce
subjet, il ne faudroit pas laisser de s’opposer vivement à la proposition que
l’on en faict qui vient seulement de ceux d’entre eux que l’argent d’Espagne
ou la mauvaise volonté contre la France a corrompuz. Il est très nécessaire de
leur dire d’abord et avec hardiesse pour estonner ceux qui n’ont pas encor
pris party que nous prenons cette praetention pour une infraction des traitez
d’alliance, et que Messieurs les Estatz ne sont pas mieux fondez à doubter
s’ilz sont joinctz à la France dans tous les intérestz qu’elle a à démesler avec
l’Espagne, que sy la France vouloit révoquer en doubte la garentie entière du
traicté qui sera accordé à Messieurs les Estatz, et l’obligation de rompre avec
l’Espagne en cas qu’elle vienne cy-après à violer la trêve qu’elle leur offre
aujourd’huy.
Voycy à peu près les raisons dont nous nous sommes serviz pour le preuver
tirées des trois derniers traictez faictz entre la France et les Provinces-Unies
en 1634, 1635 et 1644
qui contiennent bien clairement l’obligation de chaque party.
L’on ne peult pas comprendre sur quelle raison peuvent fonder leur oppinion
ceux qui croyent que les Provinces-Unies ne sont alliées avec la France que
pour les affaires du Pays-Bas et non point pour tous les autres intérestz
qu’elle a à démesler avec l’Espagne.
Quand il n’y auroit point d’autre raison de n’escouter pas cette proposition
que de veoir qu’elle vient des Espagnolz, et qu’ilz ont pris sy grand soin de la
persuader aux députez de Messieurs les Estatz en diverses conférences, elle
seroit suffisante pour la faire rejetter, veu mesme qu’elle ne peult produire
aucun effect qu’à l’avantage de l’Espagne et au préjudice de la France, et
qu’elle est jettée comme une pomme de discorde pour destruire l’union qui a
esté depuis tant d’années entre la France et les Provinces-Unies, en un temps
auquel elle est plus nécessaire que jamais pour sortir avantageusement de la
guerre, où elles sont engagées conjoinctement contre l’Espagne.
Quand cette oppinion seroit appuyée de quelque raison (ce qui n’est pas) elle
n’est pas pratiquable, et ceux qui en sont les autheurs auroient bien peine
d’explicquer comment la France pourroit faire la paix avec l’Espagne pour les
Pays-Bas et demeurer en guerre partout ailleurs, puis mesme qu’elle a esté
obligée d’entrer en rupture de tous costez sur l’instance de Messieurs les Es-
tatz comme il sera dict cy-après, et qu’eux ne pouvant faire ny paix ny trêve
que de son consentement, ilz ne peuvent pas espérer qu’elle consente jamais à
aulcun traicté, sy elle ne sort d’affaires en tous lieux.
Quand cette proposition seroit raisonnable et pratiquable (ce qui n’est pas),
elle n’est ny utile ny honorable pour Messieurs les Estatz, et ilz donneroient
un juste subjet à tous leurs voysins de fuir plustost que de rechercher leur
amitié, sy dans la forme ilz se vouloient attribuer l’authorité d’interpréter
seulz les alliances à leur fantaisie sans en convenir avec ceux qui y ont intérest
et sy dans la matière ilz croyoient aussytost qu’ilz treuvent leur compte pour
ce qui les touche en particulier de pouvoir traicter avec les ennemis communs,
en abbandonnant les principaux intérestz de leurs alliez ou bien en forçant
leurs amys d’accepter les conditions que les ennemis désirent.
Ceux qui ont intention de jetter par cette subtilité de la division entre la
France et les Provinces-Unies, ne sont pas sy grossiers que de proposer ouver-
tement qu’il fault se séparer de la France, quoyque ce soit leur intention se-
crette . Ilz sçavent bien que chacun en condamneroit la proposition. Le souve-
nir de ce qu’ell’a contribué pour faire monter les Provinces-Unies au point de
grandeur et de prosperité où elles sont aujourd’huy, est encor trop récent
pour n’exciter pas le général et les particuliers de l’Estat contre ceux qui leur
vouldroient persuader de tumber dans l’ingratitude et dans l’infidélité tout
ensemble par une pareille résolution.
Leur manière d’agir est d’autant plus dangereuse qu’ell’est beaucoup plus fine
et plus adroite. Ilz font semblant de chercher l’avantage de leur pays pour
couvrir de ce prétexte spécieux le dessein qu’ilz ont en effect de servir les
ennemis. Ilz veullent persuader que ce sera beaucoup gaigner et se tirer d’un
engagement fâcheux sy on peult le réduire aux seules affaires des Pays-Bas. Ilz
adjoustent que la guerre n’aura jamais de fin ny les Provinces-Unies de repos,
sy elles demeurent intéressez dans tous les différens d’entre la France et l’ Es-
pagne , comme sy ce n’estoit pas un effect ordinaire de toutes les confédera-
tions qui obligent expressément d’avoir le mesme soin des intérestz de son
allié que des siens propres, comme sy l’on pouvoit manquer à cette obligation
sans infidélité, comme si la bonne foy pouvoit permettre de chercher ces
avantages et ces dégagements lorsque les traités sont faits, et comme sy la
France de son costé n’avoit pas faict beaucoup davantage pour les Provinces-
Unies lorsqu’elle a rompu la paix, et qu’elle sortit du repos dont elle jouissoit
pour espouser leur vieille querelle contre un puissant ennemy qui est certai-
nement ce qui le contraint auhourd’huy de rechercher un accommodement
avec elles. Quand les Espagnols ont offert dans un traicté particulier à la
France tous les advantages qu’elle eust pu désirer, si elle y eust presté l’oreille,
si mesme elle eust acomodé tous les différends qu’ell’a avec l’Espagne hors
des Pays-Bas sans la participation et consentement de Messieurs les Estats, ils
n’eussent pas manqué d’en faire plainte et de s’y opposer.
Si ceux qui proposent ces nouveautés n’avoient intention que de procurer le
bien et le repos de leur Estat, ils se serviroient de moyens plus solides et plus
honestes pour y parvenir, l’expérience ayant fait voir jusqu’icy que tous les
autres qu’ils ont voulu employer et les vaines espérances qu’ils en donnent
aux ennemis n’ont produit autre effet que de les rendre plus difficiles et de
reculer l’accomodement au lieu de l’avancer. S’ils eussent voulu considérer
qu’il n’y a point de voye plus prompte et plus seure pour obtenir un traité
avantageux et honorable que de demeurer dans l’observation exacte des al-
liances sans leur donner des explications trop subtiles, contraires à leur véri-
table sens et à la bonne foy, il y a desjà longtemps que les Espagnols auroient
esté forcés par le mauvais estat de leurs affaires d’accepter les conditions rai-
sonables d’acomodement qui leur ont esté offertes par la France et par les
Provinces-Unies et ne se fussent pas arrestés aux artifices dont ils se servent
Unies.
Outre ce que dessus si on veut examiner les traités faits en 1634, 1635 et 1644
et les interpréter selon l’aequité et la bonne foy, il n’y a personne qui ayt tant
soit peu de bon sens et de probité qui n’avoue qu’on ne leur peut donner une
telle interprétation sans les détruire et par conséquent que ceux qui cherchent
ces subtilités n’ont autre but en effet que de faire les affaires des Espagnols au
praejudice des intérests de la France et de la réputation des Provinces-
Unies.
La France entre en alliance par le premier avec les Provinces-Unies pour sept
ans, elle promet de fournir pendant le temps de l’alliance deux millions de
livres par an, de garentir la paix ou la trêve qui sera accordée à Messieurs les
Estatz et de faire une rupture ouverte par mer et par terre contre l’Espagne, en
cas qu’elle contrevienne à la paix ou à la trêve. Sa Majesté promet aussy d’ em-
ployer son crédit envers les Suédois pour empescher qu’ilz ne traictent de
huict mois. Cette dernière clause monstre qu’on ne traictoit pas seulement
pour les affaires des Pays-Bas, et faict veoir clairement qu’encor que les inté-
restz soient quelquesfois esloignez les uns des aultres ilz ne laissent pas d’estre
enchaisnez ensemble.
Messieurs les Estatz promettent de ne traicter point sans l’intervention de Sa
Majesté et de le déclarer aux Espagnolz quand il sera besoin.
De rompre générallement avec le roy d’Espagne après mesmes avoir traicté
avec luy en cas qu’il attacque le Roy ez pays, terres et places qu’il possédoit
lors du traicté, ce qui ne peult estre restrainct aux Pays-Bas où Sa Majesté ne
possédoit alors aucune place.
Avant que Sa Majesté eust rompu avec l’Espagne Messieurs les Estatz estoient
obligez de rompre de nouveau contre elle après mesme avoir faict la trêve, en
cas que Sa Majesté fust attacquée ou inquiétée pour les intérestz contenuz au
mémoire donné par monsieur de Charnacé
Der Diplomat und Militär Hercule-Girard baron de Charnacé (1588–1637) hatte als ao. frz.
Ges. in Den Haag 1633–1634 (zu seiner dortigen Mission s. Waddington I S. 211–231)
den frz.-ndl. Vertrag vom 15. April 1634 unterzeichnet (Druck: DuMont VI,1 S. 68–72). Er
war 1637 bei der Belagerung von Breda gefallen ( DBF VIII Sp. 607f.; NBG IX
Sp. 947–949).
Les intérestz contenuz audit mémoire
Eine von den ndl. Ges. angenommene schriftliche Zusatzerklärung Charnacés (Druck: Du -
Mont VI,1 S. 71) zum frz.-ndl. Vertrag von 1634 spezifizierte die frz. Interessen, bei deren
Verletzung durch Spanien die Generalstaaten laut Art. 8 des Vertrages zum erneuten Kriegs-
eintritt verpflichtet waren. Sie umfaßte fünf Art.: 1. die Wahrung des Friedens von Cherasco
vom 6. April und 19. Juni 1631, 2. den Besitz Pinerolos (s. [ nr. 8 Anm. 9 ] ), 3. die Wahrung der
Souveränitätsrechte Graubündens über das Veltlin gemäß dem frz.-span. Vertrag von Monzón
vom 5. März 1626 (Druck: DuMont V,2 S. 487–489), 4. die Verpflichtung des span. Kg.s,
weder den Hg. von Lothringen im Falle des Vertragsbruchs zu unterstützen noch 5. anderen
Feinden Frk.s bei einem Angriff zu helfen.
ceux de Casal
Der Mantuanische Erbfolgekrieg ( Quazza ; Stradling , Prelude; Schneider ) um die Suk-
zession Karls I. Gonzaga-Nevers (s. [ nr. 242 Anm. 10 ] ) als Hg. von Mantua war 1631 mit den
Friedensverträgen von Cherasco (s. [ nr. 53 Anm. 4 ] ) beigelegt worden.
Lorraine, et générallement sy les Estatz du Roy sont attacquez. Tous lesdits
intérestz sont hors des Pays-Bas où Sa Majesté n’avoit encor rien, et on ne
peult pas nier avec raison que sy Pignerol, Casal, la Valteline, ou quelque
place de Lorraine eussent esté attacquées par l’Empereur ou le roy d’Espagne
mesme après la paix ou trêve faicte avec Messieurs les Estatz, ilz ne fussent
obligez de rompre générallement contre les assaillans, et après cela, de ne
faire paix ny trêve que conjoinctement avec Sa Majesté. Il n’y a point d’ appa-
rence qu’ilz puissent se desgager en faisant la paix ou la trêve des intérestz du
Roy qui par les traictez de 1634 et 1635 les obligeoient de reprendre les armes
et de faire une nouvelle rupture sy la paix avoit esté faicte.
Par l’article 10 les traictez de 1630 et 1634 doibvent durer aultant l’un que
l’aultre, se confirment réciproquement et seront renouveliez sy besoin est
après les sept années expirées, ce qui a esté faict par le traicté de 1635 où ce
terme limité a esté rendu indéfini jusqu’à la conclusion de la paix, ou jusqu’à
l’entière expulsion des Espagnolz hors des Pays-Bas.
Par les articles 11 et 12 sy Sa Majesté ayme mieux rompre avec l’Espagne elle
sera deschargée des deux millions, et sera dressé un partage des conquestes,
on ne pourra traicter l’un sans l’aultre etc.
Il fault considérer qu’en exécution de ces deux derniers articles le traicté de
1635 a esté faict, Sa Majesté a mieux aymé rompre, elle a promis de faire une
rupture généralle, c’est-à-dire en tous les lieux où ell’a des Estats proches de
ceux du roy d’Espagne. On a faict un partage des conquestes, aux lieux où les
armées devoient agir en conjonction ou s’entr’ayder, on s’oblige de nouveau
de ne traicter que conjoinctement, et de rompre de mesme en cas que le traic-
té qui sera faict soit violé.
Il fault encor considérer qu’il y a très grande différence entre faire une rup-
ture ouverte contre un puissant voysin et luy faire la guerre. Messieurs les
Estatz l’ont sy bien recognue qu’ilz ne se contentèrent pas en 1635 que l’ ar-
mée du Roy entrast dans le Pays-Bas pour faire la guerre au roy d’Espagne,
affin qu’on ne pust pas dire qu’elle estoit auxiliaire de la leur et que la rupture
n’estoit pas faicte ouvertement avec le roy d’Espagne. Leurs ambassadeurs
firent une grande instance qu’on fist une déclaration de guerre de la part du
Roy et ne furent point contents qu’elle n’eust esté publiée.
Il y a donc deux poinctz principaux dans le traicté de 1635, l’un la rupture
ouverte contre les Espagnolz à laquelle Sa Majesté s’oblige, et cela ne se peult
entendre que générallement et sans restriction, c’est-à-dire par mer et par
terre, et en tous les lieux où l’on peult endommager l’ennemy, soit que les
Estatz se treuvent voysins, soit qu’on l’aille attacquer dans ceux qui sont es-
loignez . Cette rupture généralle est d’une conséquence sy nécessaire qu’encor
qu’on ne fasse l’effort de la guerre qu’en un lieu, on ne laisse pas d’estre en
rupture en tous les aultres, et c’est à cette rupture généralle que se rapportent
les moyens dont l’on convient pour entrer conjoinctement en traicté avec
l’ennemy commun, et les promesses réciproques qu’on se faict de garentir le
traicté qui sera faict.
Le second point concerté dans le traicté de 1635 est le moyen de faire la
guerre dans le Pays-Bas. L’on s’oblige d’y faire le plus grand effort, l’on y
convient d’une conjonction de forces, du partage des conquestes etc. Il en a
fallu convenir auparavant avec Messieurs les Estatz pour ne nuire pas aux
desseins l’un de l’aultre et pour se pouvoir mieux entrayder à cause que c’est
le lieu où ilz devoient faire leur principal et presque unicque effort.
Encore qu’ilz n’ayent employé leurs forces que dans leur voysinage ilz n’ont
pas laissé d’estre en rupture avec le roy d’Espagne partout ailleurs jusques
dans les Indes, et ont souvent proposé parmy eux d’aller faire des descentes
en Espagne pour y occuper l’ennemy. Sy elles eussent réussy et qu’on y eust
faict quelques conquestes considérable [!] Messieurs les Estatz auroient pré-
tendu avec raison que la France estoit obligée de les leur conserver par un
traicté de paix, et par conséquent ne peuvent pas s’exempter de la mesme
obligation.
Il fault considérer encor que les intérestz contenuz au mémoire du sieur de
Charnacé donné à Messieurs les Estatz lors du traicté de 1634 ont esté le
principal motif de la guerre qui a esté déclarée au roy d’Espagne en 1635, et
que le premier but qu’on a eu en l’attacquant dans ses Estatz du Pays-Bas a
esté d’avoir raison de luy sur les intérest[!] dudit mémoire. Les conquestes
qu’on a faictes depuis tant dans les Pays-Bas qu’ailleurs n’ont presque esté
qu’un accessoire du dessein principal. Le premier objet de la guerre a esté
d’affirmer par les armes, ce qui avoit esté faict en Lorraine, en la Valteline,
dans le Monferrat, dans le Piémont et ailleurs, avant qu’elle ayt esté commen-
cée , à quoy les Espagnols essayoient de s’opposer et à quoy par conséquent
Messieurs les Estatz ne sçauroient désavouer qu’ilz ne soient obligez de pren-
dre part.
Il y en a qui par une subtilité assez grossière vouldroient soustenir que le
traicté de 1634 où il a esté parlé des intérestz dudit mémoire ne devoit durer
que sept ans qui sont expirez, et que par conséquent il ne se fault plus régler
que par celuy de 1635 qui ne faict aucune mention desdits intérestz, mais
oultre que lesdits traictez se confirment l’un l’aultre sans se détruire, celuy de
1635 qui n’a esté faict comme il a esté dict qu’en exécution de l’aultre, et en
suite de la liberté qui a esté laissée au Roy de se déclarer sy Sa Majesté aymoit
mieux rompre avec l’Espagne que payer les deux millions, a changé le terme
de sept ans contenu en celuy de 1634 en celuy de l’entière expulsion des Es-
pagnolz , ou bien de la conclusion de la paix, c’est pourquoy les mesmes inté-
restz subsistent encor, et Messieurs les Estatz sont aussy bien obligez d’y
prendre part que sy l’on estoit dans les sept premières années du traicté de
1634.
Il y en a aussy qui veullent tirer une mauvaise conséquence de l’article secret
faict en 1635 en explication du neuvième article du traicté où il semble que
l’on recognoist en quelque sorte de n’estre obligé par ledit traicté de faire la
guerre que dans les Pays-Bas. Il est bien vray que l’action des deux armées
dans les Pays-Bas avec un certain nombre d’hommes, leur conjonction, l’ obli-
gation de s’entreayder, le partage des conquestes etc., ont esté de nécessité, et
on n’y eust peu manquer sans contrevenir au traicté, pour ce qu’il avoit esté
convenu de faire le principal effort de la guerre dans les Pays-Bas, où Mes-
sieurs les Estatz ont esté aussy obligez d’agir de leur costé, mais cela n’a pas
empesché que par ledit traicté la France n’ayt esté obligée de faire une action
plus généralle qui est la rupture ouverte contre le roy d’Espagne et qu’en
conséquence de ladite rupture Sa Majesté n’ayt esté contrainte de faire ou de
souffrir des hostilitez partout ailleurs. Les entreprises faictes aux aultres en-
droitz ont bien esté laissées à la volonté du Roy et de Messieurs les Estatz,
mais ont esté d’une conséquence nécessaire pour Sa Majesté à cause des Estatz
que l’ennemy commun possède dans son voysinage en Italie, ou en Espagne.
Quand pour cette raison Messieurs les Estatz se pourroient excuser d’y pren-
dre part, ce qui ne peut estre, ilz ne le pourroient pas faire avec bienscéance,
puisque la principale utilité de toutes ces diversions dont la France seulle a
souffert les périlz et la despense a tourné à leur avantage, et qu’on a occupé
bien loin d’eulx ces trouppes disciplinées qui avoient accoustumé avant cela
de ravager leurs pays et de prendre leurs places.
Il est donc sy peu vray que ledit article secret favorise l’intention de ceux qui
ne voudroient pas prendre part aux intérestz de la France hors des Pays-Bas
qu’on peult tirer dudit article une conclusion démonstrative contre eux et
soustenir que sy aux lieux où l’on n’a pas esté obligé de faire la guerre par le
traicté de 1635 on ne peult y faire la paix que conjoinctement avec Messieurs
les Estatz, il fault nécessairement qu’ilz soient intéressez dans la paix qui y
doibt estre faicte, puisqu’on ne l’y peult conclurre sans eux, et par conséquent
ilz ne peuvent faire aulcun traicté avec le roy d’Espagne sans que les diffé-
rendz que la France a à démesler avec luy aux aultres lieux soient terminez en
mesme temps que ceux des Pays-Bas. Quelques-uns de Messieurs les Estatz
tirent bien une prétention dudit article secret où ilz pourroient estre en quel-
que façon mieux fondez en disant que nous ne pouvons pas faire la paix dans
l’Empire sans leur consentement, mais après avoir refusé de rompre contre
l’Empereur, lorsque la Bourgongne fut attacquée par l’armée de Galasse
Matthias Gallas (1584–1647), 1627 Reichsfhr., 1632 Reichsgf., war als Nachfolger Wallen-
steins 1634–1637 und nochmals 1643–1644 und 1647 ksl. Generalleutnant ( DBA 367,
57–65; NDB VI S. 46f. ; Salm S. 28).
quoyqu’ilz y fussent formellement obligez par le traicté de 1635, et après
nous avoir souvent déclaré depuis que nous sommes par deçà qu’ilz ne veu-
lent point prendre d’intérest dans les affaires de l’Empire, ilz auroient mau-
vaise grâce de nous vouloir empescher d’y faire la paix, et l’intention qu’ilz en
auroient seroit en quelque sorte contre la bonne foy.
Il y a encor une raison où il semble qu’il y a peu de response, Messieurs les
Estatz prétendent que la France est intéressée avec eux dans le différend qu’ilz
ont avec le roy d’Espagne pour les Indes. Leurs plénipotentiaires ont soustenu
à ceux de France que ce point n’estant pas encore vuidé estoit capable de tenir
longtemps la négotiation en suspens et peult-estre de la rompre présuposant
qu’il n’y avoit rien de faict pour tous les autres dont ilz estoient d’accord avec
les Espagnolz sy on ne convenoit aussy de celuy-là, et que par conséquent on
ne devoit point croire qu’ilz fussent trop avancez dans leur traicté, jugeant
par là que le poinct des Indes a une connexité nécessaire avec ceux qui tou-
chent seulement les Pays-Bas, on ne peult pas comprendre par quelle raison
ilz ont cru que la France soit intéressée dans tout ce qu’ilz ont à démesler avec
l’ennemy mesme hors de l’Europe et qu’ilz ne soient pas obligez de prendre
part aux différens qu’elle a dans son voysinage avec le mesme ennemy.
L’on pourroit dire avec la mesme raison sur la garentie du traicté que la
France ne seroit pas obligée de reprendre les armes en cas que les ennemis
viennent à le rompre s’ilz ne font la rupture dans le voysinage de la France,
mais en cas qu’ilz la fassent du costé de l’Allemagne qu’elle ne seroit pas
obligée d’y prendre part, ce qui seroit absurde et contre la bonne foy.
D’ailleurs, sy au lieu de faire des conquestes sur l’ennemy du costé de Langue-
doc , on y eust perdu des places importantes, Messieurs les Estatz pourroient-
ilz dire qu’ilz ne seroient pas obligez de les faire rendre au Roy, et qu’ilz
seroient en liberté de faire la trêve dans les Pays-Bas sans cela. Il n’y a per-
sonne qui ayt tant soit peu de probité ou de sens commun qui voulust estre de
cet advis, et de faict les plénipotentiaires de Messieurs les Estatz ont avoué
que la pensée en seroit ridicule, or est-il qu’ilz ne sçauroient faire veoir que
dans une mesme guerre qui a esté faicte pour leur soulagement dans la fron-
tière du Languedoc, le gain qu’on y a faict les mette plustost hors d’intérest
que la perte qui eust pu ariver, puisque la part qu’ilz y ont deu prendre a esté
à la guerre qui s’est faicte et au traicté qui la doibt finir, les succès bons ou
mauvais de ladite guerre ne pouvans changer ou diminuer ladite obligation.
Le traicté de 1644 semble faire la décision entière de toute cette difficulté,
puisqu’il oblige à s’entreayder l’un l’aultre pour conserver toutes les conques-
tes et ne rien rendre aux Espagnolz. Tant s’en faut qu’on ayt eu la pensée de
réduire cette obligation à ce qu’on a conquis dans le Pays-Bas qui est un des
moindres intérestz de la France dans cette guerre, qu’on s’oblige en termes
exprès de conserver toutes les conquestes et de ne rien rendre aux Espagnols.
Icelle résolution est jugée si absoluement nécessaire qu’on exprime dans le
traité les raisons qui doivent empescher de s’en relascher, car encor qu’on aye
faict le plus grand effort de la guerre dans les Pays-Bas, soit parce qu’il a esté
plus commode à la France, soit parce qu’il a esté plus agréable à Messieurs les
Estatz, ou qu’on l’eust promis de la sorte par le traicté de 1635, ce n’est pas
une chose extraordinaire qu’on fasse la guerre à son ennemy dans un lieu
pour avoir raison des injures receues de luy en d’autres endroictz. Quand la
France n’auroit faict des hostilitez pendant cette guerre que dans les Pays-Bas,
et qu’elle n’auroit pas eu assez de forces pour en faire aussy du costé d’ Espa-
gne et d’Italie, elle n’auroit pas laissé pour cela d’y estre en rupture et mesme
en guerre avec le roy d’Espagne. Cela est sy vray et il y a une sy notable
différence entre estre en guerre et la faire qu’on a veu pendant quelque temps
la maison de Savoye et la république de Gennes estre en guerre ensemble sans
faire aulcunes hostilitez l’une contre l’aultre, et dans le commencement de la
mesme guerre de Gennes on a veu la France faire de grandes hostilitez contre
les Espagnolz sans estre en guerre ny en rupture avec eux.
Pour conclusion il ne se treuvera point d’exemple dans l’histoire ny ancienne
ny moderne qu’un prince ou une république ayant engagé un puissant allié à
faire une rupture ouverte contre l’ennemy commun à condition de ne pouvoir
faire aucun traicté que d’un commun consentement, ayt eu la pensée de faire
cesser ladite rupture seulement en un lieu, et moyennant cela estre deschargé
de son obligation, quoyqu’on laisse l’allié en guerre avec l’ennemy commun
dans tous les autres endroictz, car sy on entend que la France doibt faire la
paix en mesme temps avec le roy catholique aussy bien du costé d’Espagne et
d’Italie que des Pays-Bas, et que l’intention de Messieurs les Estatz ne peult
estre autre comme on l’a faict avouer à leurs députez, il fault donc nécessaire-
ment que les intérestz que la France a à démesler avec l’Espagne de ce costé-là
soient terminez par le mesme traicté sans quoy il seroit impossible de faire la
paix, et par conséquent Messieurs les Estats sont obligés de prendre intérest
dans la négotiation qui s’en doit faire tout de mesme que dans celle qui doit
terminer les différends des Pays-Bas.
A toute extrémité s’il se rencontroit quelque juste subjet de doute dans les
traités d’entre la France et les Provinces-Unies, ce qui n’est pas, ou quelque
nécessité de les interpréter il faudroit premièrement que les intéressés en
conférassent ensemble, que celluy qui a quelque praetention nouvelle s’en dé-
couvrist aux autres avec franchise en déduisant les raisons dont il croid la
pouvoir apuyer affin d’y recevoir ou esclaircissement ou satisfaction selon
l’aequité et la bonne foy qui doivent tousjours reigler la conduite des bons et
fidelles confœdérés, mais c’est un procédé bien dangereux quand on parle aux
amys de se cacher de ce que l’on a dans la pensée, que des plénipotentiaires
quand ils sont pressés de dire leur sentiment répondent qu’il apartient à leurs
supérieurs et non point à eux d’expliquer les traités et que le lendemain quel-
ques -uns d’entr’eux au praejudice de cette déclaration en traitant avec les par-
ties ne fassent pas scrupule de décider ce qu’ils n’avoient pas voulu seulement
examiner avec les autres prononçant hardyment contre l’intérest de leurs
amys pour flatter les ennemis sur une difficulté qu’ils avoient recogneu le jour
praecédent estre au-dessus de leur pouvoir.
On croid bien que ce n’est pas le sentiment du corps de l’Estat et qu’il n’ a-
prouvera jamais ny une opinion sy mal fundée ny un procédé sy désobligeant,
mais il en arrive un très grand praejudice en ce que les ennemis se prometant
que cette diversité d’advis causera enfin de la division entre la France et les
Provinces-Unies, refusent les expédients raisonables d’acomodement qui leur
sont proposés et retardent le traité au lieu de l’avancer comm’on l’a veu par
expérience depuis qu’on les a flattés de ces vaines espérances.