Acta Pacis Westphalicae II B 3,1 : Die französischen Korrespondenzen, Band 3, 1. Teil: 1645 - 1646 / Elke Jarnut und Rita Bohlen unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy, mit einer Einleitung und einem Anhang von Franz Bosbach
74. Memorandum Mazarins für Longueville, d’Avaux und Servien Paris 1646 Januar 20
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Paris 1646 Januar 20
Kopien: AE , CP All. 63 fol. 189–192 = Druckvorlage; AE , CP All. 75 fol. 117–119. Konzept
Lionnes: AE , CP All. 59 fol. 88–90. Druck: Mém. et Nég. I S. 115–121; Nég. secr. III
S. 24–25; Gärtner VII S. 598–603; Siri VI S. 829–833 (gekürzte Fassung in it. Sprache).
Regest: Mazarin , Lettres II S. 711.
Vorteile des Tauschprojekts für Spanien.
Raisons qui semblent devoir persuader aux Espagnolz le parti dont est ques-
tion .
Les raisons desquelles on peut se servir pour obliger les ministres d’Espagne à
consentir à la cession des Païs-Bas et de la Bourgongne pour rentrer dans la
Catalongne et le Roussillon sont premièrement:
Que le boulevard de toute l’Espagne du costé de la France d’où elle doit
craindre plus de mal c’est la Catalogne et ledit comté non seulement à cause
des Pyrénées qui sont en ladite province, mais parce que dans le Roussillon
seul sont les plus fortes places de mer et de terre qui soient en toute l’ Espa-
gne . Et on ne sçait pas si dans l’Europe il y en a une meilleure que Perpi-
gnan .
L’estendue de la Catalogne est aussy grande que celle des Païs-Bas avec cette
différence que ceux-cy sont une pièce destachée et l’autre tient au corps prin-
cipal de leurs Estatz.
D’où se tirent deux puissans motifz pour monstrer aux Espagnolz quel avan-
tage ilz trouveroient dans cette eschange. Le premier que les Païs-Bais qui
sont entièrement destachez de tous les autres païs de leur domination ne se
pouvans conserver sans une grande consommation d’hommes et sans des
despenses excessives au-delà de toute créance, il s’ensuit que supposé mesme
que le roy d’Espagne les pust deffendre et se les conserver, comme ce ne peut
estre qu’en absorbant insensiblement la meilleure substance de sa monarchie,
l’utilité qu’il en peut retirer n’est pas comparable au dommage qu’il en
reçoit.
Cette vérité a esté tellement connue par tous les ministres qui ont successive-
ment tenu le timon des affaires d’Espagne qu’il n’y en a aucun qui n’ait sou-
vent mis en délibération de séparer entièrement par quelque moien lesdits
païs de la couronne d’Espagne. Et quoyque tous l’aient jugé avantageux, au-
cun néantmoins n’a eu la hardiesse de l’exécutter pour ne pas donner lieu au
vulgaire de dire que la monarchie eust esté diminuée de son temps, quoyque
d’ailleurs ilz vissent bien que cette diminution augmenteroit en effet sa puis-
sance et sa vigueur.
Le second motif c’est que la possession de la Catalogne par les François leur
donne toute facilité d’entreprendre avec grande apparence de bon succez telz
desseins qu’ilz voudront dans l’Espagne où l’on sçait que la présence du roy
d’Espagne et les despenses incroyables qu’il fait pour y avoir de grandes ar-
mées ne servent pas de beaucoup, ses roiaumes estans si généralement espui-
sez d’hommes et d’argent qu’il leur est impossible d’y suffire plus longtemps
et ceux d’Arragon et de Valence particulièrement sont tellement lassez de
donner les assistances qu’on leur demande quoyque de très petite considéra-
tion qu’il n’y a personne qui doute que si les armes de France s’emparoient de
quelque poste avancé dans ces deux roiaumes-là, ilz ne pensassent aussytost à
s’establir quelque repos en se donnant à cette couronne à l’imitation de la
Catalogne, dont ilz voient les privilèges si inviolablement observez et à qui ilz
sçavent que la bonté de Leurs Majestez départ toutes les grâces qu’ilz peuvent
désirer.
C’est la principale raison qui doit faire désespérer les Espagnolz de voir quel-
que changement dans les Catalans puisque outre que Sa Majesté y tient conti-
nuellement une grande armée et y possède toutes les places, ces peuples-là
sont trop asseurez de la fermeté de Sa Majesté à les protéger, et ils ont trop
bien reconnu la différence qu’il y a du gouvernement passé des Espagnolz à
celuy d’à présent, qu’avec la qualité de sujetz ilz jouissent d’une entière liber-
té , pour ne pas se confirmer tous les jours davantage dans la résolution de
garder au Roy une obéissance et une fidellité irréprochable.
De plus la Catalogne en noz mains apporte un grand empeschement comme
les Espagnolz l’esprouvent tous les jours à leur communication avec les Estatz
qu’ilz possèdent en Italie, et au lieu d’un petit trajet qu’ilz avoient à passer, ilz
sont aujourd’huy obligez à faire leurs embarquemens à Cartagène ou à Ali-
cante d’où il y a trois cens lieues de coste estrangère et ennemie à faire avec
grand péril avant qu’estre en Vaye qui est le premier lieu de seureté où ilz
peuvent s’arrester.
En outre le Roy estant maistre du plus fort de l’Espagne qui est la Catalogne
peut porter facilement la guerre en quelque endroit de ces roiaumes-là qu’il
l’entreprenne. Ce qui est toucher au vif et attaquer le roy d’Espagne dans son
propre trosne lequel avoit esté jusques icy comme un lieu sacré d’où éma-
noient seulement les conseilz et les ordres pour troubler le reste de la chres-
tienté selon ses intérestz ou ses caprices. Enfin comme toutes les forces de ce
roiaume sont unies, elles peuvent aiant la Catalogne fondre tousjours en
moins d’un mois dans des lieux où l’on ne sçauroit faire nulle résistence san 1
en tirer les moiens d’ailleurs, à quoy ilz trouvent des impossibilitez lesquelles
mesmes estans surmontées ne peuvent pas estre suffisantes eu esgard à la né-
cessité qu’ilz auroient de se deffendre de toutes noz forces.
Mais ce qui paroist sans réplique pour bien faire connestre aux Espagnolz
l’avantage qu’ilz recevroient de cette permutation des Païs-Bas avec la Catalo-
gne , de quelque fasson qu’elle se fist, c’est que si les roys d’Espagne dans le
plus florissant estat de leurs affaires et dans le plus haut point de leur puis-
sance ont délibéré de séparer pour leur propre bien cette partie de leurs Estatz
d’avec le reste pour la seule raison que la possession leur en estoit plus rui-
neuse qu’utile, comment est-ce qu’ilz pourroient aujourd’huy dans les derniè-
res extrémitez où ilz sont réduitz, hésiter à se dessaisir d’une pièce que dans la
continuation de la guerre ilz peuvent assez vraisemblablement perdre en une
campagne seule et qu’il ne s’agit pas maintenant d’abandonner sans en retirer
un autre fruit comme ilz ont pensé autrefois, mais d’en avoir une entière ré-
compense rentrant dans un païs qui n’est pas moindre que celuy qu’ils quitte-
roient et qui leur est beaucoup plus considérable. Certainement il n’y a minis-
tre d’Espagne bien sensé qui prévoiant que la Flandre se va perdre pour eux et
qu’alors nous aurons l’un et l’autre ne dise que c’est Dieu qui les assiste visi-
blement dans leur malheur, puisque d’un Estat qu’ilz doivent tenir comme
perdu il leur donne lieu d’en avoir un autre qui leur est de plus grande consé-
quence et où ilz voyent si peu d’apparence de rentrer.
On ne doit pas mettre en doute qu’il ne naisse quelque scrupule dans leur
esprit de ne se pas priver des moiens de nous nuire par la facilité qu’ilz au-
roient à fomenter des divisions en ce roiaume que la Flandre leur fournissoit
en tant de fassons, mais outre qu’il vaut beaucoup mieux se garentir de mal
que d’en faire à autruy, s’ilz veullent se contenter de posséder en repos et avec
seureté les grans roiaumes et Estatz qui leur demeureroient, ilz le peuvent
faire avec asseurance que qui que ce soit ny la France mesme ne songera ja-
mais à les y troubler, et ilz ne seront plus exposez à l’avenir par l’ambition de
tout avoir à entreprendre des guerres qui les réduisent en l’estat qu’ilz se trou-
vent à présent, c’est-à-dire à la veille d’une entière ruine.