Acta Pacis Westphlicae II B 1 : Die französischen Korrespondenzen, Band 1: 1644 / Ursula Irsigler unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy
346. Memorandum Serviens Münster 1644 Dezember [31]
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Münster 1644 Dezember [31]
Ausfertigung: AE , CP All. 38 fol. 399–410 = Druckvorlage = Beilage 2 zu nr. 344. Konzept:
AE , CP All. 31 fol. 347–357’.
Memorandum zu den Dezember-Propositionen. Verteidigung der französischen Proposition.
Raisons pour monstrer que la proposition des Ambassadeurs de France est
plus raisonnable, plus effective et plus nécessaire pour la paix que celles du
party contraire.
Premièrement. Le forme estant la plus noble partie et celle qui donne l’estre
à toutes choses, ilz ont esté obligéz de demander qu’on réglast celle de
l’assemblée et de préférer cette demande à celle qui n’eust compris que les
matières particulières.
2. La fin pour laquelle les hommes travaillent estant tousjours la première
dans l’intention, ilz ont eu aussy raison de parler avant toutes choses de
celle que l’on cherche en traictant la paix qui est la seureté, laquelle par
conséquent doibt estre la première résolue, quoyque peult estre lorsqu’il
fauldra venir à l’exécution, il y aura d’aultres poinctz qui devront marcher
devant.
3. Que la paix, quoyque le mot en soit spécieux en la bouche de tout le
monde, ressemble à l’aurore de laquelle les poètes ont tant parlé, qui n’est
rien en effect que le retour du soleil. Que de mesme la paix n’est rien en
soy que le retour de la seureté publicque soubz la foy de laquelle la société,
le commerce et l’amitié sont restabliz comme auparavant entre les Princes
et leurs subjetz qui ont esté quelque temps ennemis.
4. Que pour cet effect ayant demandé qu’on pourveust avant toutes choses
aux moyens d’establir cette seureté, ilz ont passé plus avant que les autres
et demandé une chose plus nécessaire.
5. Qu’ilz ne sont pas les premiers qui ont dict pacem non esse in positis
armis sed in abiecto armorum et servitutis metu.
6. Que quand les propositions faictes par les parties seroient raisonnables
et qu’on seroit disposé de les accorder, de quoy on est bien esloigné, il
resteroit tousjours à pourveoir à la seureté de l’exécution et durée du traicté
qui seroit faict, à quoy la France a plus d’intérest qu’à tout le reste.
7. Que la France par les soings particuliers qu’elle prend de cette seureté
faict veoir évidemment l’intention véritable qu’elle a d’observer sincèrement
ce qui sera accordé.
8. Que les parties ont bien tesmoigné de ne s’en soucier pas beaucoup, n’en
ayans point parlé dans leur escript, quoyque ce soit le poinct le plus consi-
dérable de toute la négotiation.
9. Que cela pourroit faire croire avec quelque raison qu’ilz n’ont aultre
intention que de sortir maintenant d’affaires, affin d’essayer après le traicté
qui pouroit estre faict de séparer la France de ses alliéz et faire pendant la
paix ce qui ne leur a peu réussir pendant la guerre, affin de recommencer
la guerre dans un an ou deux contre les uns ou les autres et en avoir meilleur
marché de cette sorte.
10. Que les moyens qu’ilz ont proposéz pour establir cette seureté ne sont
point nouveaux, mais ont tousjours esté praticquéz dans l’Empire, en sorte
que le prétendu traicté de Prague en l’article pénultiesme du consentement
mesme de l’Empereur appelle attentat tout ce qui est faict par une autre
voye, le prétendu traicté de Ratisbonne que l’on allègue (quoyqu’il soit nul
comme ayant esté faict par des ministres sans charge et qui ont esté désavouéz)
a esté faict dans une assemblée des Princes de l’Empire, et l’exemple de 1555
duquel on s’est voulu servir faict contre les parties, parce que sy les Princes
et Estatz de l’Empire déclarèrent lors aux ministres du Roy Henry Second
qu’ilz n’avoient plus besoin de l’assistance qu’ilz luy avoient demandée pour
déffendre leurs libertéz et privilèges, cela monstre qu’une semblable délibé-
ration et déclaration doibt estre faicte aujourd’huy par lesdictz Princes et
Estatz et non pas par les ministres de l’Empereur tous seulz qui n’ont pas
droict de parler pour les autres ny de disposer de leur intérest.
11. Qu’ayant esté accordé par le traicté préliminaire des passeportz pour tous
les Eslecteurs, pour plusieurs autres Princes en particulier et pour tous ceux
en général qui sont alliéz ou adhérans tant du Roy que de l’Empereur, du
Roy d’Espagne et de la Suède, ce qui comprend toute l’Allemagne, n’y
ayant aulcun Prince, Estat ny ville qui ne soit ou d’un party ou de l’autre,
on a entendu que le traicté de paix devoit estre faict en leur présence et avec
eux, parce que sans cela il n’eust point esté nécessaire de leur donner des
passeportz pour se treuver à l’assemblée.
12. Que sy on se fust voulu arrester aux apparences et à l’ostentation comme
ont faict ceux du party contraire, il eust esté facile de faire des propositions
vagues et inutiles comme les leurs et ne faire que demander sans rien offrir,
la France estant beaucoup mieux fondée à demander le restablissement de
l’ancien ordre dans l’Empire duquel dépend principallement la seureté des
Estatz voisins et la restitution de tout ce que l’Espagne luy retient injuste-
ment , que les ministres impériaux et espagnolz n’ont esté à demander seule-
ment qu’on leur rende ce qui a esté repris sur eux par une juste guerre pour
se rescompenser des tortz qui avoient esté faictz aultres fois à la France,
principallement faisant cette demande en un temps où leurs affaires ne sont
pas en estat selon les apparences et le jugement de tout le monde qu’ilz puis-
sent contraindre leurs ennemis par la force de faire cette restitution.
13. Que ce seroit tout ce qu’ilz pourroient prétendre avec quelque bien-
scéance sy l’Empereur estant maistre absolu de toute l’Allemagne et le Roy
Catholique paisible Monarque de toutes les provinces d’Espagne comme il
l’a esté aultres fois, ilz estoient oultre cela l’un et l’aultre en estat d’attacquer
la France et la Suède avec de puissantes armées et de porter leurs armes dans
le cœur de ces deux Royaumes dont ilz sont grâces à Dieu bien esloignéz,
puisqu’au lieu de cela les armes de France et de Suède sont dans le millieu
de l’Allemagne avec une partie des Princes et des forces de l’Empire qui
tiennent leur party, touts les autres qui n’ont esté jusqu’icy que spectateurs
commenceans à cognoistre que ces deux Couronnes alliées ne combattent
en effect que pour les droictz, libertéz et privilèges des Princes et Estatz de
l’Empire.
Qu’après la déclaration que les Ambassadeurs de France ont tousjours faicte
de ne pouvoir traicter la paix que dans une assemblée de tous les Princes
et Estatz intéresséz dans la présente guerre et conjoinctement avec tous leurs
alliéz, ilz ne pouvoient donner une preuve plus évidente de la sincérité avec
laquelle ilz désirent contribuer de leur part à l’avancement de la négotiation
qu’en proposant comme ilz ont faict le poinct le plus général, essenciel et
nécessaire de tout le traicté qui est celuy de la seureté, duquel tous les autres
déppendent et auquel les absens aussy bien que les présens ont un esgal
intérest, et cela pour ne perdre pas inutilement le temps en attendant que les
Princes et Estatz d’Allemagne soient arivéz dont la pluspart sont desjà en
chemin, et cependant que les Plénipotentiaires de Messieurs les Estatz des
Provinces Unies se rendront icy ausquelz lesdictz Plénipotentiaires ont
dépesché un courrier exprès pour haster leur départ.
Que sy les ministres du party contraire avoient bonne intention et au lieu
de viser tousjours à des traictéz particuliers ausquelz on n’entendra jamais
qu’ilz voulussent sincèrement contribuer à l’avancement d’une paix géné-
ralle pour establir de bonne foy et sans aulcune réserve un durable repos
dans la Chrestienté, ilz devroient estre bien aises de ne perdre point le temps
et de proffiter celuy que l’on ne peult pas employer à la décision des poinctz
particuliers de la négotiation à cause de l’absence des principaux intéresséz,
à résouldre les articles plus généraux comme celuy de la seureté du traicté,
parce qu’ilz serviroient beaucoup à faciliter tous les autres, les Plénipoten-
tiaires de France ayans tousjours déclaré qu’il ne se rencontrera pas tant de
difficulté dans les autres conditions de la paix, pourveu qu’on treuve des
moyens d’empescher à l’avenir qu’elle ne puisse estre facilement rompue
quand elle aura esté une fois establie, sans quoy il seroit inutile de quitter
les armes présentement sy on demeuroit dans les appréhentions de veoir
dans quelque temps recommencer la guerre.
Que si tous ceux qui ont droict d’assister dans cette assemblée ausquelz
pour cet effect on a accordé des passeportz dans le traicté préliminaire et
sans lesquelz par conséquent on n’y peult rien résouldre seurement et légiti-
mement , ont différé jusqu’à présent de s’y rendre, ce n’est pas la faulte des
Plénipotentiaires de France qui les en ont conviéz diverses fois par des lettres
qui ont esté veues de tout le monde et qui n’ont rien obmis de leur part
pour les faire venir. Chacun sçait assez qu’ilz en ont esté empeschéz par
l’artiffice de ceux qui n’ayans pas ozé ouvertement s’opposer à leur venue,
l’ont traversée secrèttement, tantost en publiant qu’il ne se feroit rien dans
cette assemblée, tantost en déclarant qu’ilz ne pouvoient entrer en conférence
sans le Roy de Dannemarck, tantost subtilisant sur les pouvoirs des Ambas-
sadeurs de France quoyqu’il n’en ayt jamais esté donné de plus amples, affin
de faire croire qu’ilz n’estoient pas suffisamment authoriséz pour entrer en
négotiation et divertir par cette créance tous ceux qui sans cela estoient
disposéz de se rendre icy.
Qu’il paroist bien clairement que le dessein du party contraire n’est que de
porter les Ambassadeurs de France à faire quelque action qui puisse donner
du desgoust à leurs amis et alliéz, puisqu’après avoir retardé la négotiation
huict mois entiers par l’intérest du Roy de Dannemarck qui n’estoit point
compris dans le traicté préliminaire en qualité de leur allié et après avoir
faict des difficultéz puérilles sur les pouvoirs desdictz Ambassadeurs, quoy-
qu ’ilz eussent offert par un escript donné à Messieurs les Médiateurs dès
la naissance des contestations qui ont esté faictes pour ce regard de faire
venir d’autres pouvoirs dans le temps et en la forme qu’on désireroit aussy-
tost que les ministres du party contraire ont esté résoluz de n’attendre plus
le Roy de Dannemarck et qu’en suite de cette résolution la forme des nou-
veaux pouvoirs qu’on a promis de part et d’autre de faire venir dans la fin
de janvier a esté ajustée, ilz pressent lesdictz Ambassadeurs d’entrer en
matière sans l’intervention de leurs alliéz avant mesme qu’on ayt eu le loisir
de leur faire sçavoir l’ajustement qui a esté faict, lequel sans doubte les con-
viera lorsqu’ilz verront un si bon commencement de haster leur venue qu’ilz
n’avoient différée que sur la créance qu’on leur avoit industrieusement donnée
qu’il ne se feroit rien icy.
Que ce dessein paroist encor bien clairement en ce que ayant faict semblant
de s’offencer de la proposition faicte par les Ambassadeurs de France en
l’appellant un article préliminaire quoyqu’elle soit plus effective que la leur,
ilz ont faict entendre qu’ilz eussent esté contents sy lesdictz Sieurs Ambassa-
deurs eussent faict quelque autre proposition quand mesme c’eust esté une
demande vague et extravagante comme la leur, ce qui monstre que ce n’est
pas tant pour l’avancement des affaires qu’ilz auroient eu cette envie que
pour engager lesdictz Ambassadeurs à donner quelque subjet de plainte à
leurs alliéz.
Que sans faire une action directement contraire audict traicté préliminaire
et le destruire au lieu de l’exécuter, on ne peult refuser de faire venir icy
tous lesdictz Princes et Estatz, ny les assembler en un autre lieu qu’à Munster
et Oznabrug pour délibérer de la paix sans faire veoir qu’on la veult alonger
au lieu de l’avancer et la conclurre.
Que lesdictz Ambassadeurs n’ont intention de faire préjudice à la dignité
ny à l’authorité de personne, mais qu’ilz ne croyent pas que le droict de faire
la paix dans l’Empire appartienne à l’Empereur tout seul, qu’ilz ne croyent
mesme pas que les ministres impériaux en voulussent donner une déclara-
tion et qu’en tout cas elle debvroit estre faicte aussy par les Princes et Estatz
de l’Empire qui y ont intérest, sans quoy il n’y auroit aucune seureté dans
le traicté qui pourroit estre faict.
Que cette seureté, comme il a esté dict, estant le poinct le plus nécessaire
de la négotiation pour les raisons alléguées, lesdictz Ambassadeurs ont eu
raison de le mettre le premier sur le tappis, estant un ordre nécessaire dans
les grandes négotiations de commencer par celles où se peuvent rencontrer
les plus grandes difficultéz et desquelles toutes les autres déppendent, parce
que lorsque celles là sont ajustées, les autres moins importantes suivent
facilement.
Qu’après que l’on aura convenu de cette seureté pour l’avenir qui ne peult
estre treuvée que dans une assemblée des Princes et Estatz de l’Empire, il
ne sera peult estre pas malaisé de s’accorder avec les commissaires impériaux
pourveu que l’on remonte à l’origine des troubles présens, qu’on en face
cesser la cause puisqu’elles ont engagé les Princes voisins à prendre les
armes et qu’ilz n’ont aultre but que la liberté des Princes et Estatz de l’Empire
et le bien de l’Allemagne mesme, et pourveu qu’on ne prétende pas d’alléguer
le prétendu traicté de Ratisbonne qui n’est point un traicté et dans lequel les
ministres du Roy n’avoient ordre que de terminer les différens des Duchéz
de Mantoue et de Montferrat, comme depuis ilz ont esté décidéz par un autre
traicté faict à Quérasque où celuy de Ratisbonne n’a esté ny ratiffié ny
approuvé.
Que pour ceux d’Espagne, après que ladicte seureté aura esté establie, on
leur donnera de bon cœur le choix ou de traicter en laissant toutes les choses
en l’estat qu’elles se treuvent présentement, c’est à dire en quittant les armes
de part et d’aultre et en restablissant l’amitié pour le repos de la Chrestienté
sans parler des prétentions respectives des parties, sur lesquelles il fauldroit
trop de temps et où l’on auroit trop de peine de s’accorder.
Ou bien l’on entrera de bon cœur nouvellement en compte avec eux en
remettant sur le tappis et examinant tous les anciens droictz et prétentions
des deux Couronnes pour restituer de part ou d’autre ce qui aura esté occupé
par force, nonobstant le laps des temps ou les préscriptions qui ne sont pas
considérées quand il s’agist des souverainetéz, soit que ladicte force ayt esté
dans les armes ou qu’elle ayt esté exercée dans des traictéz injustes où l’on
a extorqué par violence des renonciations à des droictz légitimes parmy
lesquelz on a compris non seulement ceux pour lesquelz il y pouvoit avoir
quelque différend, mais ceux mesmes qui n’avoient jamais esté contestéz
auparavant et qui n’estoient point entréz dans les subjetz des guerres
précédentes.
Que sy en ce temps là les Espagnolz ont proffité du temps et de leurs
avantages, il est d’aultant plus juste que la France suive aujourd’huy leur
exemple qu’il ne s’agist que de ravoir ce qui luy a esté injustement ravy, au
lieu qu’alors les Espagnolz ont envahy des Estatz qui ne leur avoient jamais
appartenu.
Que sy aussy ilz veullent prétendre que l’on abbandonne toutes les con-
questes qu’il a pleu à Dieu de donner à la France pendant cette guerre pour
luy faire quelque raison des tortz qu’elle avoit receuz auparavant, il est très
juste qu’ilz viennent à nouveau compte de leur costé et qu’ilz restituent
aussy ce qu’ilz ont injustement retenu sans avoir esgard aux traictéz exigéz
aultres fois par crainte et violence d’un Roy que le sort des armes et sa trop
grande valleur avoient rendu leur prisonnier .
Qu’ilz ont bien allégué les traictéz de Cambray , de Crespy et autres suivans
affin de persuader qu’il fault se régler sur l’exemple desdictz traictéz pour
faire la paix présentement, mais qu’ilz ont obmis artifficieusement celuy de
Madrit
Vgl. [ S. 554 Anm. 1. ]
pas examiner ce qui fut faict en celuy là, soit pour demander raison des
injustices et violences qui furent faictes à la France, soit pour faire aujour-
d’huy le mesme qu’eux s’ilz estiment de l’avoir peu faire lors avec raison.
Que nonobstant les renonciations extorquées par lesdictz traictéz de Madrit
et de Cambray, l’Empereur Charles Quint recognoissant le tort qu’il avoit
faict au Roy François Premier promist par le traicté de Crespy de luy rendre
soubz prétexte de mariage ou les Estatz du Pays Bas ou le Duché de Milan,
ce qui n’a point esté exécuté.
Que sy la proposition desdictz Ambassadeurs d’Espagne estoit exécutée de
bonne foy de part et d’autre comme elle devroit estre par raison en restituant
tout ce qui a esté occupé sur aultruy sans limiter le temps du comencement
de la guerre présente, l’effect n’en seroit pas avantageux pour la Monarchie
d’Espagne qui seroit obligée de restituer à la France et à beaucoup d’aultres
Princes la pluspart des Estatz qu’elle possède.
Que quand il fauldroit suivre la disposition des derniers traictéz, le Roy
Catholicque seroit obligé de restituer le Royaume de Navarre que ses prédé-
cesseurs et luy ont occupé injustement sur noz Roys et sur lequel les droictz
de la Couronne de France ont esté spéciallement réservéz par le traicté de
Vervins
Vgl. [ S. 80 Anm. 2. ]
Que lesdictz Plénipotentiaires d’Espagne ont bien tesmoigné par leur pro-
position qu’ilz n’ont point d’inclination à la paix, n’ayant point proposé de
restituer au Roy le Royaume de Navarre quoyque les droictz de la Couronne
de France sur ledict Royaume soient indubitables, recognuz telz par tout le
monde et que comme telz ilz ayent esté nommément réservéz par le traicté
de Vervins.
Que les Plénipotentiaires de France ne s’estonneroient pas tant de cette
obmission et n’auroient pas tant de subjet de s’en plaindre, sy lesdictz Pléni-
potentiaires d’Espagne dans leur proposition n’avoient faict demande que
d’un article ou de deux, mais qu’ayans faict un project général de tous les
poinctz qu’ilz ont estimé nécessaires pour la conclusion de la paix, on a très
grand subjet de s’offencer qu’ilz ayent obmis celuy de la Navarre, sans la
décision duquel ilz doivent estre asseuréz qu’on ne peult jamais traicter
avec eux s’il faut venir aux restitutions ou à l’examen des anciens droitz
et prétentions
Pour conclusion, les Plénipotentiaires de France espèrent que les susdictes
raisons et le temps feront veoir à toutes les personnes qui en jugeront sans
passion, qu’on sera enfin obligé sy on veult la paix tout de bon d’accorder
la proposition qu’ilz ont faicte pour la durée et seureté de ladicte paix comme
très raisonnable et que celles du party contraire ne peuvent estre admises
comme destituées de toute apparence de raison, estant juste qu’ilz renoncent
aujourd’huy à leur tour comme ilz ont forcé aultres fois la France de renoncer
lorsqu’elle n’avoit pas tant de triomphe qu’elle en a maintenant, parce que
s’il estoit permis aux Espagnolz de proffiter dans les traictéz lorsqu’ilz ont
de l’advantage, et qu’il ne fust pas permis aux autres Princes d’en faire de
mesme, il n’y auroit jamais de paix asseurée dans la Chrestienté, et les
Espagnolz seroient conviéz par là de la troubler de temps en temps et de
tenter de nouveau la fortune de la guerre dans l’espérance que s’ilz avoient
du malheur on leur rendroit ce qu’ilz auroient perdu, et que sy le sort leur
estoit favorable ilz ne feroient aulcune restitution.
Quant à la liberté de Monsieur l’Eslecteur de Trèves, premièrement tous
ceux qui ont parlé de la part de l’Empereur ont tousjours déclaré qu’il n’estoit
point prisonnier, et par conséquent la demande n’est pas injuste puisqu’on
n’oze pas mesme avouer qu’il soit détenu.
Tous les Princes non seulement de l’Allemagne mais de la Chrestienté sont
intéresséz en la violence qui luy est faicte.
Le Pape ne peult souffrir qu’elle soit continuée sans blesser son authorité,
tant à cause de la dignité d’Archevesque qui est foulée aux piedz qu’à cause
qu’il y a eu sentence donné par le Pape déffunct du consentement mesme
de l’Empereur par laquelle il a esté ordonné que ledict Sieur Archevesque
seroit remis en liberté.
S’il avoit faict la guerre à l’Empereur ou à l’Empire et qu’il eust esté faict
prisonnier de guerre, on pourroit dire que le poinct de sa liberté sera décidé
avec les autres qui seront traictéz pour la paix, mais il fault remarquer qu’il
n’a jamais faict hostilité ny entreprise quelconque contre l’Empereur ny
contre l’Empire, que nonobstant cela par une surprise violente qui n’a point
d’exemple il a esté pris dans sa ville capitalle par les armes d’Espagne avant
mesme qu’il y eust rupture entre le Roy et l’Empereur ny entre le Roy et le
Roy Catholicque, qu’il a esté mené comme en triomphe dans les Pays Bas
où il a esté détenu quelque temps et de là conduict à Vienne où il est pri-
sonnier depuis dix ans, sans qu’on ayt voulu considérer qu’on ne peult sans
scandalle destituer sy longtemps une Eglise de son pasteur et traicter sy
injurieusement un Prince Eslecteur de l’Empire.
Que par les constitutions impérialles il a peu faire la confédération qu’il a
eue avec la France et qu’il l’a deu faire au temps qu’il l’a faicte, tant pour
conserver ses Estatz que pour y empescher la ruyne de la Religion catho-
licque lorsque les forces de la Maison d’Austriche n’estoient pas en estat de
la déffendre contre les armes victorieuses du Roy de Suède et que ledict
Sieur Eslecteur ne pouvoit avoir autre recours ny treuver aultre seureté
que dans la protection du feu Roy, laquelle par l’amitié qui estoit entre
Sa Majesté et le feu Roy de Suède conserva pour le bien mesme de l’Empire
la personne dudict Sieur Electeur, ses Estatz et la Religion catholicque.
Que lesdictz Plénipotentiaires de France ont droict de demander sa liberté
avant toutes choses, non seulement parce que l’honneur de leur maistre y
est engagé auquel on veult faire une injure par cette détention dont l’ Em-
pereur reçoit plus de blasme que d’advantage, mais parce qu’on ne la peult
refuser sans contrevenir au traicté préliminaire.
Sy par ledict traicté on a accordé un passeport particulier pour les députéz
dudict Eslecteur, il est juste qu’il soit mis en estat et en lieu où il leur puisse
donner sans violence et sans contrainte toutes les instructions qu’il jugera
nécessaires, tant pour représenter ses intérestz en cette assemblée que pour
y faire sçavoir ses advis sur le faict de la paix et affin qu’il y ayt une libre
correspondance entre luy et sesdictz députéz comme aussy entre luy et les-
dictz Plénipotentiaires, ce qui ne pourroit estre tant qu’il demeurera en l’estat
qu’il est présentement.
Sy par ledict traicté préliminaire on a accordé un passeport pour tous les
Estatz de l’Empire en général alliéz et adhérens de la France, ledict Sieur
Electeur qui faict une si noble partie des Estatz de l’Empire et qui est un
des premiers confédéréz de la France n’en peult estre exclus sans violer
ledict passeport, et par conséquent on ne peult empescher qu’il ne vienne
en personne dans l’assemblée sy bon luy semble.
C’est pourquoy lesdictz Plénipotentiaires ont esté fondéz en très grande
raison de déclarer qu’ilz ne peuvent passer oultre sy on refuse la liberté
dudict Sieur Eslecteur, parce que c’est une contravention au traicté prélimi-
naire par lequel ilz prétendent qu’elle a esté tacitement et expressément
accordée et qu’ilz n’auroient pas subjet de bien espérer de la conduicte des
parties dans le traicté général qui doibt estre faict s’ilz révocquoient en doubte
l’exécution des choses qui ont esté accordées par le traicté préliminaire
Vgl. hierzu eine an Chigi und Contarini gerichtete Stellungnahme der kaiserlichen Gesandten
Nassau und Volmar vom 19. Dezember 1644, Kopie: AE , CP ALL. 38 fol. 367–369’. Nach
einem Kopfvermerk Lionnes wurde diese von einem d’Avaux-Kopisten geschriebene Kopie mit
Schreiben vom 31. Dezember 1644 übersandt, der entsprechende Brief d’Avaux’ an Mazarin
– Ausfertigung: AE , CP ALL. 38 fol. 387–388’ –, eine erneute Beschwerde über Servien, enthält
aber keinen Hinweis darauf.