Acta Pacis Westphalicae II B 5,1 : Die französischen Korrespondenzen, Band 5, 1. Teil: 1646 - 1647 / Guido Braun unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy und Achim Tröster, unter Mithilfe von Antje Oschmann am Register
On me veult persuader que la disposition des espritz est fort changée en
ce païs, dont je veoy quelque preuve en leur manière d’agir et aux dis-
cours qu’ilz me font, qui sont très différens de ceux qu’ilz me tenoient à
mon arrivée. Je n’ay jamais cru que le mal fût sy grand qu’on me l’a voulu
représenter, ny qu’on ayt pu doutter dans l’assemblée de Messieurs les
Estatz, quand je suis venu, sy on me devoit recevoir et donner audience.
Il y en a pourtant qui soustiennent encor que les choses sont allées jus-
ques à ce point-là et que sy Brun fust venu droict icy de Munster, suivant
les conseilz qui luy avoient esté donnez, et que le Roy n’y eust point
envoyé, il eust esté à craindre qu’en présentant la ratiffication des articles
qui ont esté signez , il n’eust extrêmement esbranslé tout ce monde, et ne
l’eust porté à quelque résolution précipitée où l’honneur ny la justice
n’eussent pas eu beaucoup de part.
A présent l’on me veut assurer qu’on n’a point eu de telles pensées, et
qu’on n’y a jamais eu dessein de se séparer de la France. Quand vous
sçaurez que plusieurs provinces délibèrent sy elles doivent consentir à la
paix; que toutes excepté la Hollande blasment le procéder de leurs pléni-
potentiaires; que celuy de monsieur de Niderost est extrêmement loué par
tous les gens de bien; qu’on a failli en Zélande, depuis quelques jours, à
saccager la maison de Knut en cryant par les rues que c’est un homme à
pendre; que les ministres qui avoient esté jusques icy le seul appuy de
Paw déclament publiquement contre ce qu’il a fait; que Philippe Le Roy,
pour avoir permission de faire encor quelque séjour à La Haye, a esté
contraint de faire le malade, et de fournir une attestation de médecins; et
que samedy dernier on refusa de nouveau la liberté de venir icy à mon-
sieur Brun qui, ne s’estant pas tenu pour bien condemné par le refuz
qu’on luy avoit fait cy-devant d’un passeport, s’estoit avancé jusques à
trois lieues d’icy, en vertu de celuy que cet Estat luy donnast il y a trois
ans comme plénipotentiaire, vous jugerez, je m’assure, comme je vous
marquois par une de mes précédentes , que dans un gouvernement popu-
laire comme celuy-cy, on ne doit pas espérer tout le bien qu’on a sujet de
désirer, ny craindre tout le mal dont on est menacé. Je fais dessein seule-
ment de vous représenter naifvement les choses en l’estat qu’elles se treu-
vent, |:sans estre garend qu’elles y demeurent longuement, puisque la
mesme légèreté qui les a changées depuis peu y peut encore apporter de
l’altération:|. Néantmoins, le |:plus grand péril semble estre passé, et:| l’on
pourra traitter désormais ce qui reste à faire |:avec un peu moins d’inquié-
tude:|.
J’use de toute la diligence qui m’est possible et suis extrêmement bien
assisté de monsieur Brasset, mais nous avons à faire à des espritz très dif-
ficiles à conduire, et qui se portent malaysément aux choses qu’ilz ne sou-
haittent pas quoyqu’elles soient justes, se laissant en toutes rencontres
plustost guider par leur intérest que par la raison. Je ne vous rendray pas
compte par le menu des divers moyens dont je me suis servy pour com-
battre la partialité des uns, pour guérir l’irrésolution des autres, et pour
effacer les fauces impressions dont tous générallement estoient préocupez.
Sy je n’ay pas tousjours rencontré les bons advertissemens qu’il vous a plu
de me donner, ç’a esté pour ne les avoir pas receus à tems et pour avoir
esté |:porté par nos amys du pays à des résolutions contraires:|. Sy je ne
me fusse plainct fortement des plénipotentiaires de Munster, j’eusse osté
les armes à ceux qui sont pour nous, et je vous supplie de croyre, Mon-
sieur, que le mal estoit tel qu’il ne pouvoit pas |:estre guéry par des remè-
des palliatifz, et que si nous paroissons tant soit peu d’humeur à nous
payer de cette monoye, ces messieurs s’accoustumeront fort facilement à
ne nous en donner point d’autres:|.
Il a fallu nécessairement employer |:tantost le doux, tantost l’aigre, et si:|
aprez estre demeuré dans la modération, et ne m’estre servy que de la
patience pendant trois sepmaines, je |: n’eusse parlé hautement, et menacé
de me retirer lorsque Brun s’est présenté:|, il seroit peut-estre |:icy à con-
troller toute ma négotiation, les bons seigneurs n’eussent pas esté faschez
de voir un ambassadeur de France et un d’Espagne près d’eux à mesme
temps, pour se faire rechercher de l’un et de l’autre:|. Mais j’ay cru que
pour |:leur oster cette vanité qui eust pu avoir de mauvaises suites, il les
falloit réduire à choisir lequel des deux ilz vouloient retenir:|, ayant esté
assuré auparavant par |:les plus sages de l’Estat qu’on ne souffriroit jamais
qu’un ministre espagnol chassast de ce pays un ministre de France, et que
le congé de Brun:| seroit certainement la condition soubz laquelle on |:me
parlera de demeurer:|. Ayans esté adverty de sa venue trois jours aupara-
vant, j’avois donné ordre aux officiers françois qui sont dans les garnisons
voysines, de m’informer du lieu où il abordera, et il s’est heureusement
rencontré que le magistrat de Gorkom
rieurs, sur quoy ayant envoyé demander aux estatz de Hollande ce qu’il
auroit à faire, on n’a pu désavouer son procéder et on a fait sçavoir à
monsieur Brun qu’il reprist le chemin de Munster sans passer par icy.
Cette résolution fera grand esclat et monstrera bien clairement que les
Estatz n’ont pas encor de sy bonnes intelligences avec les Espagnolz que
ceux-cy l’ont voulu faire croyre.
Sy Leurs Majestez estoient aussy portées à la guerre que leurs ennemis le
publient faulcement, |:il n’eust pas esté peut-estre malaisé d’y engager la
pluspart de ces provinces, qui commencent à cognoistre que le repos sera
leur ruine:|. Il n’y a que la Hollande, comme la plus chargée des imposi-
tions extraordinaires, |:qui le souhaicte ardemment; toutes les autres ont
une inclination contraire et ne seroient pas extrêmement faschées que
quelque difficulté nouvelle interrompist le traicté:|. Cela m’a souvent
donné beaucoup de peine, car ayant à |:combattre la trop grande propen-
sion que les espritz de ce pays avoient à la paix, que la pluspart opinoient
de conclurre sans nous, il a fallu souvent user de puissans antidotes contre
un poison si dangereux et si pressant, qui ont quelquesfois plus faict
d’opération que je n’eusse désiré, puisque:| l’intention de Leurs Majestez
n’est pas de rompre la paix ny de la différer, mais seulement d’empescher
qu’on ne prenne pas de mauvaises voyes pour y parvenir que l’expérience
a fait veoir jusques icy plus propres à la reculer qu’à l’avancer, et à pro-
curer l’avantage de l’ennemy commun que celuy de la France ny de cet
Estat, comme je pense l’avoir fait comprendre de deçà.
Ce qui est de fascheux est que |:les provinces mieux disposées sont les plus
foibles. Elles peuvent bien empescher les résolutions précipitées en n’y
adhérant pas, mais elles ne sçauroient faire exécuter les bonnes quand la
Holande, qui est la plus puissante, n’y donne pas son consentement. C’est
pourquoy il sera très difficile et comme impossible d’obtenir que Mes-
sieurs les Estatz mectent leur armée en campagne cette année s’il n’arrive
quelque notable changement. Outre l’espargne que plusieurs considèrent
beaucoup et l’aversion qu’ilz ont à ne rien faire qui favorise nos progrès
qui ne leur plaisent pas, ilz considèrent le pitoyable estat où est monsieur
le prince d’Orange, qui est tout à faict incapable d’agir, et encore plus de
permettre que son filz agisse. Peut-estre que si ses maux estoient finis, ce
qui ne sçauroit plus arriver que par la fin de sa vie, le crédit du filz et
l’envie qu’il a de s’establir dans le gouvernement par quelque action glo-
rieuse feroient faire encore un dernier effort qui:| produiroit certainement
une paix avantageuse aussy bien pour la France que pour cet Estat.
Mais comme on n’y peut pas faire de fondement, il importe extrêmement
de mettre cette année les forces du Roy en bon estat, et de commencer, s’il
est possible, la campagne de bonne heure. Cette résolution rompra toutes
les mesures des ennemis, et les empeschera de tirer aucun proffit du
|:manquement de nos amys, lesquelz, voyans qu’un puissant roy:| n’est
pas pour recevoir la loy d’eux et peut continuer la guerre sans leur assis-
tance, |:auront une esgale appréhension d’irriter Sa Majesté et de luy lais-
ser faire des conquestes en Flandres sans y prendre part:|. C’est l’opinion
des plus sensez de ce païs, qui croyent qu’on ne leur doit pas donner |:la
créance de pouvoir faire suivre leurs résolutions et que:| Sa Majesté doit
conserver la gloire de donner la paix et la faire plustost par inclination que
par contraincte.
Il y a de quoy s’estonner de la dureté de messieurs les Suédois qui refu-
sent les choses qu’eux-mesmes ont demandées. Je pensois d’avoir terminé,
en arrivant icy, les différendz qui se sont rencontrez sur le poinct de leur
satisfaction, en disposant monsieur l’électeur de Brandebourg de faire ce
qu’il avoit refusé du voyage de monsieur de Saint-Romain. Il avoit différé
son départ jusques à ma venue pour sçavoir sy j’avois quelque nouvelle
proposition à luy faire. Je luy fis déclarer nettement qu’il ruyneroit ses
affaires, s’il ne donnoit promptement la main à ce qui luy avoit esté cy-
devant proposé de nostre part, en quoy monsieur de Crosik me servit
extrêmement pour le persuader. Aussytost qu’il fut arrivé à Clèves, il des-
pescha monsieur le comte de Witgenstein, avec plein pouvoir de consen-
tir à ce que les Suédois avoient demandé. Depuis ce tems-là, il a fallu
quinze jours pour disposer ces messieurs à s’en contenter. A la vérité, ilz
sont un peu trop difficiles. Mais on ne peut pas nier qu’ilz sont merveil-
leusement adroitz pour parvenir à leurs fins, et qu’ilz ne servent merveil-
leusement bien leur maistresse pour tirer tous les avantages possibles dans
le traitté. Ilz ont si bien joué leur personnage pendant quelque temps qu’il
n’y a eu personne qui n’ayt cru qu’ilz inclinoient beaucoup plus à retenir
tout sans le gré de l’électeur qu’à obtenir son consentement pour la moy-
tié, ce qu’il leur a sy bien réussy qu’on a esté obligé de leur offrir tout ce
qu’ilz avoient envye d’avoir.
Je vous envoye la résolution qui a esté prise dans les estatz de Hollande,
qui a esté délivrée par eux dans l’assemblée de Messieurs les Estatz Géné-
raux. |:Il n’est pas malaisé de cognoistre l’esprit de ceux qui l’ont dressée
par les deffaictes et les termes captieux dont elle est remplye, bien qu’en
apparence on pust avoir sujet de s’en contenter, et qu’en effect on le pust
faire:| sy on avoit à traitter avec des gens qui eussent bonne intention et
qui jusques icy eussent procédé avec nous de bonne foy.
Aussytost que j’en ay esté adverty, j’ay demandé une conférence aux
commissaires qui traittent avec moy pour combattre cette résolution par
les raisons que vous verrez par un escript qu’ilz m’ont prié de leur don-
ner, ne s’estans pas contentez de ce que je leur en avois dit de vive voix.
J’ay sceu depuis que la Hollande a fait sçavoir aux députez des autres
provinces qui ne sont pas de son advis, que sy on treuvoit dans sa délibé-
ration quelque chose de trop rude, et qui ne fust pas assez accommodant,
elle estoit preste d’y apporter les tempéramens qu’on jugeroit rayson-
nables. Les autres députez ont respondu que comme sa délibération avoit
esté faite dans l’assemblée des estatz généraux de la province, toutes les
autres qui composent le corps de l’Estat en vouloient faire de mesme.
Cette response a esté faitte à bonne fin, et dans la suitte pourra produire
de meilleurs effetz que sy l’on eust pris une autre voye pour en délibérer,
où la Hollande, la moins bien disposée, se fust peut-estre rendue mais-
tresse de la délibération.
Il faut considérer que ce n’est pas ny la plainte que nous faisons des arti-
cles signez à Munster ny les propositions de la garentie qui tiennent les
affaires en suspens; quand nous n’y prendrions pas d’intérest, elles n’y-
roient pas plus vistes parce que plusieurs provinces douttent encor de ce
qu’elles doivent faire et qu’il y en a, comme j’ay dit, qui vont non seule-
ment à désavouer les plénipotentiaires mais à continuer la guerre sy les
Espagnolz n’accordent les nouvelles conditions qu’on leur veut deman-
der. Cette diversité d’avis et d’inclinations nous donne le loysir de faire
entendre la rayson pour ce qui nous touche. Et quand mesme nous se-
rions d’accord de tous les poinctz du traitté avec les Espagnolz, nous ne
pourrions pas passer outre avant qu’on eust priz icy une dernière résolu-
tion. On peut bien croyre qu’enfin la province de Hollande ramènera les
autres dans son advis et qu’il ne luy sera pas malaysé d’en venir à bout
quand nous serons favorables à son dessein. Mais sans nostre consente-
ment, elle aura peine de devenir la maistresse, y en ayant plusieurs des
autres qui sont fort animées et qui ont grande jalousie de l’authorité
qu’elle veut prendre. Il seroit impossible de faire encor aucun jugement
certain de ce qui arrivera, à cause du changement fréquent de ces peuples,
et qu’il faut veoir ce que produira l’arrivée des plénipotentiaires qui vien-
nent de Munster pour se justiffier, qui sera un nouveau combat qu’il fau-
dra donner. On peut cependant faire veoir aux premiers médiateurs et à
tous les princes estrangers que le retardement ne vient pas de la France et
qu’il le faut imputer à ceux qui ont pris des voyes obliques dans la négo-
ciation qui ne sçauroient pas conduire droict où l’on veut arriver.
J’avois bien tousjours cru qu’on ne feroit pas difficulté sur le point des
|:Indes:|, et qu’il seroit malaysé, voulant obliger Messieurs les Estatz à
garentir tout nostre traitté, de n’en faire de mesme de tout le leur. Il ne
seroit pas peut-estre difficile de demeurer sur les termes généraux, comme
il vous plaist de me marquer; mais ayant grand intérest de faire expliquer
nettement noz alliez, nous ne devons pas chercher des ambiguïtez, puis-
que voyant toute la hayne des Espagnolz aujourd’huy tournée contre la
France, nous devons prendre soing de nous bien assurer de l’assistance de
noz amis quand le besoing arrivera.