Acta Pacis Westphalicae II B 3,1 : Die französischen Korrespondenzen, Band 3, 1. Teil: 1645 - 1646 / Elke Jarnut und Rita Bohlen unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy, mit einer Einleitung und einem Anhang von Franz Bosbach
Depuis nos despêches toutes achevées le courrier de Holande est arrivé qui
m’a rendu une lettre du sieur d’Estrades du 26 e de febvrier laquelle m’infor-
mant de ce qui s’estoit passé en la première conférence qu’il a eue avec mon-
sieur le prince d’Orange fait voir que je ne m’estois pas trompé quand je
jugeay que ledit sieur prince souhaitteroit pour le moins avec autant de pas-
sion que nous l’eschange de la Catalogne avec les Pays-Bas. Je vous envoye
Messieurs la copie de la lettre mesme dudit d’Estrades qui vous fera toucher
au doigt cette vérité; et comme en des affaires de cette nature avoir gaigné
l’esprit de ce prince c’est en quelque sorte tenir la volonté des Estatz puis-
qu’outre le crédit qu’il a près d’eux il a tant d’autres moiens de parvenir par
adresse aux fins qu’il veut, j’ose dire que le point qui me paroissoit quasi le
plus difficile en cette affaire est desjà surmonté puisque vous remarquerés
bien par laditte lettre que les seules choses où il a formé des obstacles en ce
qui regarde les Estatz ont esté touchant Anvers, et la cession des droitz des
Espagnolz ratifiée par la France. De façon que comme l’on avoit desjà préveu
et remédié à l’un et à l’autre il semble qu’il ne nous reste qu’à bien espérer de
ce costé-là.
Pour les Espagnolz qui y ont le principal intérest, outre qu’il y a grande ap-
parence que le nonce et Contareni n’en auroient pas si souvent parlé en l’air
et sans avoir pénétré quelque chose de leur intention, je ne fais nulle doute
que quant ilz n’y auroient jamais eu de disposition, l’estat de leurs affaires ne
leur conseillast d’embrasser plustost que de n’avoir pas la paix des conditions
qu’ils creussent encores bien plus désavantageuses.
Vous verrez par laditte lettre comme monsieur le prince d’Orange a exigé
dudit d’Estrades que l’on ne sceust point à Munster qu’il eust aucune
connoissance de cette affaire, il ne couste rien de le contenter en cella et de ne
tesmoigner à qui que ce soit que vous autres Messieurs sachiés qu’il en soit
informé. Mais je tiens qu’au mesme temps que ledit d’Estrades s’y est engagé
envers luy il n’aura pas manqué de vous escrire en toute confidence à son
insceu suivant l’ordre qu’il en eut à son départ d’icy et la recharge que je luy
en ay faitte depuis .
Il me semble Messieurs que la lettre dudit sieur d’Estrades nous doit resjouir
extrêmement dans la matière qu’elle nous fournit d’augmenter noz espérances
pour la bonne issue du parti de l’eschange; pour le moins nous aurons bien-
tost un libre pouvoir de traitter cette affaire sans crainte que les Estatz s’en
formalisent, qui estoit ce qui nous gehennoit le plus, quoyqu’à la vérité l’es-
gard des Catalans nous obligera tousjours de nous y conduire avec grande
circonspection et grand secret.
Si j’apprens quelque chose sur cecy du costé de La Haie, ou si j’ay quelque
nouvelle connoissance que je juge importante à l’acheminement de l’affaire, je
ne manqueray pas de vous despêcher courrier sur courrier pour vous en ad-
vertir et vous donner lieu de vous en prévaloir.
Après avoir escrit jusques icy monsieur le comte de Brienne m’envoie une
lettre du sieur d’Estrades dont je vous adresse aussy la copie. L’artifice des
Espagnolz y paroist bien clair, puisqu’ils n’ont pas de honte d’avoir fait dire à
Messieurs les Estatz qu’ils ont remis absolument à la Reine la décision de
toutes les affaires et mesmes des différens qu’ils ont avec lesditz Sieurs Estatz
quoyqu’ils n’aient fait ny l’un ny l’autre; mais le disant il faut qu’ils aient eu la
visée de faire appréhender aux Estatz que la Reine décidant sur tout ils seront
contraintz à passer par ce que la France voudra, laquelle ne songera qu’à se
procurer des avantages à leurs despens de concert avec l’Espagne. Cependant
cella alarme toute la Holande et je suis bien en peine de la résolution que le
prince d’Orange a faitte là-dessus de renvoier ledit sieur d’Estrades, bien qu’a-
près tout je croy qu’estant bien asseuré de nostre franchise il ne permettra pas
que de pareilles malices produisent aucun mauvais effet, lequel après tout se-
roit préjudiciable aux uns et aux autres et seulement avantageux aux enne-
mis.