Acta Pacis Westphalicae II B 4 : Die französischen Korrespondenzen, Band 4: 1646 / Clivia Kelch-Rade und Anuschka Tischer unter Benutzung der Vroarbeiten von Kriemhild Goronzy und unter Mithilfe von Michael Rohrschneider
Nous nous pressons de faire partir un courrier, affin qu’il vous porte touttes
les résolutions qui ont esté prises sur le subject de la mort du prince d’Espa-
gne , et ce que nous pensons qui seroit à faire pour en tirer de l’utilité. Avant
qu’il arrive vous aurez sans doubte pénétré si elle servira d’obstacle à la
conclusion de la paix, parce que les ministres d’Espagne ont asseurément re-
ceu les ordres de leur maistre et se seront ouverts aux plénipotentiaires de
Messieurs les Estatz, non pas de leur secret, mais la manière dont ilz auront
agy aura donné lieu d’en descouvrir quelque chose, et les affaires estoient si
advancées qu’il faut qu’ilz en consentent et pres[s]ent la conclusion, ou que
les délayant soubz des prétextes foibles, ilz descouvrent ce qu’ilz voudroient
celer.
Pour moy j’ay tousjours apréhendé que cette mort reculast le bien général, et
il vous poura souvenir que vous escrivant dernièrement et peu aprez que nous
en sceusmes la nouvelle, concluant contre ce que je dis maintenant, ce fust sur
une supposition que les Espagnolz auxquelz la paix estoit absolument néces-
saire, s’y porteroient, et que s’ilz en estoient esloignez, cet accident leur auroit
fourny des armes pour assujettir en leur entière dépendance l’Empereur, le-
quel considéra bien plus l’advantage qu’il peut receuillir de leur affection fai-
sant espouser l’Infante à son filz, qu’il ne s’en devoit promettre du mariage de
sa fille au prince, et néantmoins la résolution qui en avoit esté prise, l’avoit
obligé à la déclaration qu’il fist qu’il ne pouvoit rien conclurre avec nous, que
l’Espagne ne fist partie du traitté, bien que les princes de l’Empire se soient
tousjours persuadez que les guerres n’avoient rien de commun, et partant
qu’un traitté n’avoit nulle dépendance à l’aultre. J’admire la protection que
Dieu donne aux affaires de Sa Majesté, et qu’ayant borné les jours de ce
prince, il ayt disposé les choses en telle sorte que les Espagnolz ayent remis la
conduitte de leurs intérestz aux députez de Messieurs les Estatz; ilz ne leur
pourront plus celer ce qui sera de leurs sentimens, et ceux-cy seront tesmoins
de leur changement s’ilz en sont coulpables, d’où ilz aprendront que leur foy
est peu asseurée, qu’ilz espèrent du temps et s’en prévalent, et qu’ainsy ce
qu’ilz leurs [!] promettent ne peut pas avoir lieu, qu’aultant qu’ilz ne treuve-
ront pas l’occasion de relever leurs affaires et que la seureté des leurs les en-
gage à se lier très estroitement avec la France.
Militärische Lage in Deutschland nach der Aufhebung der Belagerung von Augs-
burg.
On est en apréhention de ce qui pourroit succéder en Allemagne, et comme
vous l’avez très prudemment remarqué, de quelque costé que tumbe le mau-
vais succez, la France y fera perte; si les armes des confœdérez avoient du
plus, il seroit à craindre que l’Empereur chang〈eant〉 ses premières craintes
en des espérances qui ne seroient pas sans fondement, voudroit diminuer les
conditions qu’il a consenties; et si Dieu nous donnoit de la fortune, que les
Suédois s’en attribuans la gloire, fussent pour en désirer de plus grandes, et
que recherchez, comme est pour l’ordinaire le vainqueur, ilz fussent pour se
laisser emporter aux offres qui leur seroient faites, sans avoir pour nous la
fidélité que nous avons eue pour eux, et enflez de leur prosperité, seroient
pour en faire sentir la force à Bavière, qui est l’object de leur hayne par les
raisons que vous avez touchées.
De ce discours vous remarquerez deux choses, l’une que cette lettre estoit
commencée plustost que la vostre du 24 e du passé eust esté leue à Sa Majesté,
l’aultre qu’elle s’est donné la patience de l’escoutter, ores mesme qu’elle se
souvenoit très bien que vous faisiez response à la sienne du 4 e du mesme
mois . Sur quatre des pointz de vostre despesche Sa Majesté a fait diverses
réflexions, et elle a voulu que vous en fussiez informez, mesme de ce qu’elle
avoit résolu. L’un regarde le roy de Portugal, auquel n’ayans pas sceu moyen-
ner les advantages qu’elle avoit désirez, affin de luy lever tout subject de se
plaindre de ce que l’on ne se résould pas de continuer la guerre s’il n’est com-
pris dans la paix, et pour luy donner temps de se préparer à se défendre, ne
pouvant estre mis en doubte qu’il sera attaqué, Sa Majesté a désiré que vous
de vostre costé et quelqu’un de ses ministres de deçà fissent sçavoir à ceux de
ce roy, et monsieur Lannier à sa personne, ce qui s’est passé depuis l’ouver-
ture de la négotiation, et avec combien d’instance vous avez demandé qu’il y
fust receu, et que les Espagnolz s’en sont treuvez si esloignez qu’ilz ont dé-
clarré que la continuation de telles instances portoit quand et soy la sépara-
tion de l’assemblée, dont tous les princes chrestiens et particulièrement les
médiateurs avoient pris tant d’apréhention qu’ilz n’avoient cessé de nous sol-
liciter d’abandonner la protection des affaires de ce roy, nous faisans claire-
ment entendre que nous n’y estions engagez ny de justice ny d’honneur,
d’aultant que nous ne sommes pas establiz pour la rendre à ceux qui se plei-
gnent que le roy d’Espagne a uzurpé leur bien, ny à deffendre ceux qui se
souslèvent contre luy, ou qui reprennent ce qu’il leur a envahy, et que n’ayans
point fait de traitté d’association avecque luy qui nous engage à continuer la
guerre, et à ne pouvoir faire la paix que d’un commun consentement, c’estoit
dire que nous voulions la durée de la guerre, si aprez ces remonstrances nous
persistions à appuyer ses intérestz. Ceux du publiq si fortement soustenuz ont
emporté sur la Reyne ce qu’on désiroit d’elle, soubz la liberté qu’elle entend
luy demeurer d’assister le roy de Portugal, lequel estant informé de l’estat où
sont ses affaires songera à ce qui luy conviendra de faire pour se maintenir, et
la Reyne selon ses premiers sentimens et les advis que vous luy donnez, ne
fera point de difficulté de l’assister d’hommes et d’argent, et d’en passer un
traitté avecque luy, lequel ne sçauroit estre blasmé par les plus critiques, puis-
que vous avez tousjours déclarré au nom de Sa Majesté, ou qu’il failloit[!] le
comprendre dans la paix, ou luy laisser la liberté de l’assister. La scituation de
son pays y apporte de la difficulté, comme elle en facilitte le moyen, et la mer
dont il est baigné, et les bons ports qui y sont peuvent faciliter ce qui sera de
faire pour luy, mais les flottes qui y seront envoyées, ayans à costoyer tous les
pays du roy d’Espagne qui se treuvent scituez sur l’une et l’aultre mer, seront
exposées à divers périlz et nommément à celuy du vent de mer qui les pous-
sant à terre, les forcera d’eschouer, et le mieux qui puisse arriver aux hommes,
ce sera de demeurer prisonniers, et de ressentir un cruel traittement qu’on
sera très ayse de leur faire souffrir, affin que la crainte d’un pareil rende le
voyage plus difficile.
Ce que vous proposez pour s’asseurer de monsieur de Mantoue, et que les
excessives despenses qu’on a faittes pour luy conserver ses Estatz, n’ayent pas
esté inutillement employées, et que tant de sang qui a esté versé pour sa gran-
deur a semblé si bien fondé, qu’on s’est résolu de le mettre en pratique, et de
vous donner la charge d’en faire les ouvertures au sieur Contariny, lequel s’en
chargera volontiers et par la gloire particulière qui luy en reviendra d’avoir
esté l’un des instrumens pour empescher que l’Italie ne tombe soubs la puis-
sance d’Espagne, que pour estre ministre d’une république qui n’a d’aultre
occupation que de faire le contrepoids à qui est pour s’eslever au préjudice de
la liberté publique, ce que vous aurez à faire, sera de luy en faire les ouvertu-
res affin qu’il en escrive au sénat, qui sans doubte embrassera volontiers cette
occasion de rendre service à cette couronne, et de s’asseurer leur propre liber-
té, et qui fera en sorte les ouvertures qui sont à faire au duc de Mantoue pour
le disposer de donner ordre à ses ministres qui sont à Munster de passer un
traitté avec ceux de France par lequel il s’obligera que la citadelle de Cazal luy
ayant esté remise par Sa Majesté, de n’eschanger, vandre ou aliéner le pays de
Montferat, ny de donner nulle entrée dans la citadelle de Cazal aux Espa-
gnolz, au contraire de prendre un soing tout particulier de la faire garder en
sorte qu’elle ne puisse tomber soubz leur puissance, et dans le corps du traitté
on ne doubte point qu’il ne consente qu’il y soit inséré des termes qui mar-
quent sa gratitude envers cette couronne, qui se prive de divers advantages
qu’elle pouroit prendre pour conserver la bonne foy et faire voir son équani-
mité, sans vouloir imiter les Espagnolz, lesquelz soubz le tiltre de protection
sont demeurez les maistres de divers Estatz. La différence de ce procéder
vient de la différente pensée de ses[!] couronnes, parce que l’une s’est long-
temps occupée de celle du désir de la monarchie universelle , au lieu que celle
de France n’a eu de visée que le maintien de la liberté des potentats chrestiens,
la conservation de leur authorité, et à diminuer la trop grande affectée des
Espagnolz qui enfin ont espreuvé que Dieu assiste ceux dont les pensées sont
enfermées dans la justice. Jusques à présent la mère de ce duc a paru si espa-
gnolle, qu’il fauldroit mesnager avec beaucoup d’adresse son esprist, si la cita-
delle de Casal n’estoit en la main de Sa Majesté qui désireroit qu’on essayast
de la disposer à s’engager de ne marier son filz ny sa fille que de son consen-
tement, et qui désire que vous appliquiez la dernière force de voz espritz et de
voz prudences à convenir de quelque expédient seur qui empesche pendant le
bas aage de ce duc, et jusques à ce qu’il ayt pris l’authorité, que ladite citadelle
de Casal ne puisse courre fortune, et comme sur ce subject on s’est beaucoup
estendu envers vous, soit en diverses despesches et dans vostre instruction, il
est remis à vostre prudence de mesnager les parties auxquelles on s’est déclar-
ré de pouvoir consentir de faire choix s’il se peut, de celuy qui seroit le plus
asseuré, mais y treuvans trop de résistance, vous en relascher, et de l’un venir
à l’aultre, mais celuy dont vous conviendrez, le si bien establir, et si bien pren-
dre touttes les précautions nécessaires, que bien qu’il soit le moindre, faire en
sorte qu’il establisse la seureté de ladite place, comme on se le pourroit pro-
mettre des aultres. Au suject des mariages du duc de Mantoue et de sa sœur, il
y a plus à s’apliquer à celuy de la fille, car pour luy estant désormais en aage
de prendre de luy-mesme ses résolutions, il y a lieu d’espérer qu’il ne s’aliera
pas avec les ennemis de la France et de sa maison, mais comme la durée de
la vie des princes est incertaine comme celle des aultres hommes, et qu’il
n’y a point de certitude qu’ilz laissent lignée, la prudence exige de Sa Majesté
qu’elle s’applique à prévenir les inconvéniens qui pourroient ariver si avec la
princesse le Montferat passoit en une maison ennemie, et qui peust se préva-
loir de la scituation de ce duché et de la forteresse de Casalle, pour assujettir
le demeurant de l’Italie, ou y exciter de nouveaux troubles, et l’on ne doubte
point que la circonspection avec laquelle la république de Venize considère
les choses de l’advenir, ne porte le sénat à faire force sur l’esprist de la du-
chesse, affin qu’elle consente à ce qui est désiré d’elle, bien plus pour l’advan-
tage de son pays et de sa propre maison que par les intérestz de la France,
puisque celle-cy subsistera tousjours par sa propre puisance, et que ce seroit
ensevelir celle de Mantoue, si l’héritière du Montferat passoit en une si pui-
sante, qu’en la seconde génération il ne restât nulle mémoire de ce qu’elle y
auroit aporté. Peult-estre aurez-vous sceu comme la duchesse fait rechercher
l’Empereur de luy proroger le temps de sa régence et de son administration,
d’où l’on infère que la passion qu’elle a de commander est excessive en elle, et
que pour y parvenir contre les loix du pays et la disposition de son beau-
père , elle est cappable d’entrer en divers engagemens avec cette majesté, et
c’est une raison solide pour l’engager aux choses qu’on a à désirer d’elle, qui
doivent estre bien considérées par le sénat, car si cette duchesse portoit sa fille
dans la maison d’Austriche, les deux unies ne manqueroient ny de prétexte ny
de moyens pour conserver le Mantouan à l’exclusion de ceux qui y sont ap-
pelez au défaut de la postérité de son filz auxquels on songe, bien que leur
atachement au party ennemy les ayt justement privez des bonnes grâces de Sa
Majesté, qui se conduisant selon les règles de la bonne politique ne hayt ny
n’aime que selon qu’il est utile au Roy son filz et à l’Estat.
L’escript
Beilage 1 zu nr. 218. Das folgende Zitat ist in der Beilagenkopie ( AE , CP All. 62 fol.
124–125) unterstrichen. Der vollständige Absatz lautet: Le 8 touchant la ligue d’Italie, les
ministres d’Espagne en parleront avec ceux des princes d’Italie qui sont icy affin d’avancer
ladite ligue pour maintenir le présent traicté sans retardement de la conclusion
d’icelluy.
résolution sur ce qu’elle vous a cy-devant escript au suject de la ligue d’Italie.
Elle l’a consentie, pourveu qu’elle porte le terme précis dudit mémoire que je
vais répéter, „pour maintenir le présent traitté“, et l’engagement de tous ceux
qui y interviendront aydant à la manutention du traitté qui se passera entre les
couronnes, les inconvéniens qu’on y avoit remarquez cesseront. Et puisque
ledit mémoire vous a esté deslivré par les ambassadeurs de Messieurs les Estatz,
il est pour asseuré qu’il a esté rédigé par les Espagnolz, ou de leur consente-
ment, et eux-mesmes ayans fait cette ouverture il n’y a pas lieu de craindre
qu’ilz s’en voulussent rétracter, mais sans cette obligation formelle de tous les
princes d’Italie, Sa Majesté par les raisons qui vous ont esté mandées, se pri-
veroit de divers advantages, et en donneroit à l’Espagne, si comme on le craint,
il venoit à rompre la paix, quand elle aura esté conclue, et qu’elle treuvera jour
de se promettre quelque heureux succez à ses armes. Et pour faire voir aux
princes d’Italie combien Sa Majesté affectionne leur repos, et qu’elle désire de
faciliter les moyens de l’establir en conformité de ce qui vous a esté mandé, Sa
Majesté consentira l’arbitrage que les différens qui resteroient à vuider, soit
entre Sa Majesté et les Espagnolz, ou entre quelques princes italiens, soient
décidez par le Pape et la république de Venize, et le Grand-Duc. C’est à vous à
mesnager et le compromis et les juges, et à ne vous point ouvrir nommément
du dernier que vous n’ayez présenty qu’on n’en seroit pas esloigné de crainte
que les Espagnolz ne préjugent ou que nous en ayons desjà conféré avec luy ou
que nous cherchons tous les moyens imaginables pour l’attirer au service de
cette couronne; mais si l’on treuve en ceux-là de la disposition à y consentir,
vous et nous et les ministres de Sa Majesté qui sont en Italie, luy feront bien
cognoistre que cette pensée vient de Sa Majesté qui ne met point en doubte
qu’on ne convienne des deux aultres, et pour exercer desjà la médiation entre
les couronnes, et pour estre les plus intéressez au repos de l’Italie.
Wir haben Nachricht über die militärische Lage in Italien erhalten, et il paroist
quelque disposition de division entre le Pape et les Espagnolz, parce que les
ministres de ce roy
Span. Botschafter in Rom war seit Juli 1646 ( Coville S. 126 Anm. 1) Iñigo Vélez de Gue-
vara y Tassis, VIII. conde de Oñate, II. conde de Villamediana, marqués de Guevara
(1597–1658), 1632 Botschafter in England, 1646 in Rom, 1648–1653 Vizekg. von Neapel,
1651 consejero de Estado ( Barrios S. 378f.).
auxquelz il a sagement respondu qu’il ne prenoit point de part aux divisions qui
estoient entre les princes chrestiens, et les aultres s’estans advancez à luy dire
qu’ilz prenoient cela pour une déclaration de partialité, et qu’ilz entreroient
dans ses Estatz à main armée, pour venir secourrir ce qui estoit attaqué par les
François, il leur a fait sentir qu’il ne seroit pas pour l’endurer. S’il estoit en cette
bonne disposition avant mesme qu’avoir receu les lettres que Sa Majesté luy a
escrites pour le remercier des grâces qu’il a concédées aux Barberins, jugez
ce qu’il fera aprez les avoir eues, puisqu’elles sont pleines de tesmoignages
d’affection, de respect et de recognoisance de ce à quoy il s’est porté.
Le grand temps qu’il a faillu [!] employer pour faire chiffrer le mémoire et la
letre que je vous escris a emporté tout celuy qui s’est passé depuis que la
résolution a esté formée de faire partir ce courrier, et il n’y a pas eu moyen de
faire travailler au deschiffrement de vostre dernière despesche du 29 e octo-
bre arrivée hyer à la nuit en cette ville dont aussy je ne me suis pas trop
hasté, n’en pouvant donner part à Sa Majesté que demain qui est le jour ordi-
naire du conseil, ayant imaginé que puisque vous ne nous aviez pas despesché
le courrier qui est encores auprez de vous, il n’y avoit rien d’extraordinaire-
ment pressé.