Acta Pacis Westphalicae II B 3,2 : Die französischen Korrespondenzen, Band 3, 2. Teil: 1646 / Elke Jarnut und Rita Bohlen unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy mit einer Einleitung und einem Anhang von Franz Bosbach
Les Espagnolz ont si bien congneu par la conduitte du duc de Bavières qu’il
porte noz intérestz avec affection que ce prince est aujourd’huy considéré en
Espagne comme le plus grand ennemy qu’ilz ayent jamais eu. L’on peut tenir
aussy pour asseuré que la haine que nous portent les ministres d’Espagne et
spécialement Pennaranda n’est pas comparable à celle qu’ilz ont conceue
contre ledit duc. Ilz s’en plaignent dans la cour de Madrid aussy bien qu’à
Munster et ne font pas difficulté de dire qu’il est seul la cause des avantages
que la France a remportez en Allemagne. La mauvaise impression qu’ilz ont
de luy les porte mesmes à soupçonner que sa visée dans ses continuelles sol-
licitations près de l’Empereur pour l’obliger à nous accorder noz demandes
est de séparer la maison d’Austriche d’Allemagne de celle d’Espagne, et
de mettre par ce moyen les choses en estat de ruiner entièrement l’une et
l’autre.
On ne sçait pas icy quelle est l’intention du duc de Bavières là-dessus; mais
Messieurs les Plénipotentiaires sçauront qu’encores que j’aye tousjours eu
opinion qu’on devoit considérer ce prince dans le cours de cette négotiation
comme l’instrument le plus efficace pour nous faire obtenir de l’Empereur
noz satisfactions avantageusement, j’avoue que je ne me fusse jamais imaginé
qu’il s’y fust conduit avec tant de résolution. Il est certain qu’il a fait parler
hardiement à l’Empereur et que tant s’en faut qu’il veueille [!] se cacher des
Espagnolz pour nous faire plaisir, il parle d’eux en des termes qui donnent à
cognoistre qu’il ne les appréhende pas et qu’il les regarde comme des gens à la
haine desquelz il se doit attendre aussy bien que ses enfans et sa postérité.
Les derniers avis que l’on a de Vienne de la personne qui en a desjà donné de
fort bons portent précisément que les instances continuelles des Espagnolz
vers l’Empereur pour luy faire tenir ferme l’ont empesché de prendre les ré-
solutions auxquelles l’obligeoit le mauvais estat de ses affaires; mais que
parmy les incertitudes et les doutes où cela l’engageoit le ministre du duc de
Bavières l’a pressé de sorte qu’il l’a obligé à despêcher un courrier à Traut-
mansdorff pour luy porter ordre de satisfaire les couronnes, et pour ce qui
regarde celle de France de mesnager avec Messieurs les Plénipotentiaires ce
qu’il pourra des choses que nous prétendons, sinon de s’en accommoder de
gré à gré; sçavoir d’essayer de nous faire contenter de l’une des deux Alsaces
ou au plus de nous accorder l’une et l’autre et de retenir le Zuntgau et le
Brisgau ou au moins le dernier, et si cela n’est pas receu d’obtenir s’il est
possible le razement de Brisack; sinon de faire la paix à quelque prix que ce
soit.
Entre toutes les choses que le duc de Bavières a fait dire à l’Empereur pour le
presser de faire la paix avec nous il luy a fait entendre que si Sa Majesté Im-
périalle y apportoit plus de longueur, qu’il seroit obligé de songer à son ac-
commodement particulier avec le Roy, et qu’après cela il luy donneroit son
armée pour la faire agir dans l’Empire de concert avec celle de Sa Majesté.
Quant au restablissement du Palatin, l’on ne souhaitte pas qu’il se fasse au
préjudice de ce qui peut contenter le duc de Bavières.
L’affaire doit estre maniée très adroittement, car il est bien à propos d’esviter
que le Palatin puisse imputer à la France le refus des choses qu’il n’aura pu
obtenir, et le tort qu’il prétendra luy estre fait dans ce traitté, mais au
contraire il faut faire en sorte qu’après que ses affaires seront résolues de quel-
que manière que ce soit il recognoisse qu’il en a une partie de l’obligation à Sa
Majesté par le soin de Messieurs ses Ministres et Plénipotentiaires.
Si les Suédois et protestans entreprennent tout de bon son restablissement
dans tous ses Estatz en sorte qu’il paroisse que ce soit une chose inévitable,
alors il sera de la prudence de Messieurs les Plénipotentiaires de tesmoigner
qu’ilz se joignent à eux pour y obliger l’Empereur et le duc de Bavières, et de
faire cognoistre aux députez du prince palatin par des termes obligeans que
l’on ne se conduit pas foiblement pour maintenir ses intérestz dans l’assem-
blée et luy faire donner satisfaction toute entière.
Ce qui pourroit faire relascher en cela les Suédois seroit qu’ilz tirassent avan-
tage de leur facilité et que ne faisant pas tant pour le Palatin ilz fissent davan-
tage pour eux-mesmes. S’il pouvoit arriver qu’ilz prissent cette conduitte il
faudroit essayer de faire contenter le Palatin de ce qui luy est offert ou y
adjouster quelque chose de plus selon que les Suédois et protestans l’appuye-
ront, luy faisant entendre que le Roy est bien marry que la nécessité des affai-
res publiques ne permette pas que l’on fasse davantage pour luy, et prenant
tousjours garde qu’il soit persuadé qu’il n’a pas moins d’obligation à la France
qu’à d’autre.
L’on souffrira bien plus volontiers le duc de Bavières en possession de l’élec-
torat que non pas d’en voir créer un huitiesme en faveur du Palatin, et c’est à
quoy il ne faut point contribuer. Il n’a que trop fait congnoistre qu’il n’y a
aucun avantage ny mesmes aucun service à espérer de luy, et sans parler icy
de ses qualitez qui sont assez cogneues, sa conduitte à l’endroit de Sa Majesté
en plusieurs rencontres monstre suffisamment de quelle fasson l’on doit
considérer cette maison-là. Quant au duc de Bavières, nous avons sujet de luy
procurer l’avantage que nous pourrons dans ce traitté pour avoir tesmoigné
particulièrement dans le cours de cette négotiation qu’il porte noz intérestz,
et que la paix se faisant il n’a d’autre pensée que de se lier pour tousjours
estroittement avec la France.
Si en toute extrémité l’on est obligé pour se conformer aux Suédois et aux
protestans de remettre le Palatin dans tous ses Estatz, il faudroit pour rescom-
penser le duc de Bavières de ce qui luy est deu et des païs qu’il quitteroit luy
faire donner outre l’argent qu’il toucheroit les villes forestières, et tout ce qui
appartient à la maison d’Austriche delà le Rhin en sorte qu’il esquivalust à
peu près les prétentions qu’il peut avoir; estant beaucoup plus avantageux que
ledit duc en soit le maistre qu’un prince de la maison d’Austriche, lequel
croyant avoir sujet d’estre mal content, et ne pouvant oublier si aizément ce
qu’on nous aura donné de l’Alsace, attendra avec impatience les occasions de
faire naistre quelque brouillerie et quelque division qui rallumera la guerre.
Messieurs les Plénipotentiaires peuvent facilement juger comme cette affaire
est délicate puisqu’il s’agit de ne pas choquer en cela noz alliez ny donner au
Palatin de mauvaise satisfaction de nostre conduitte.
Le Roy sera bien aise qu’en restablissant le Palatin dans ses Estatz ou partie
d’iceux on essaye de mesnager quelque demeure au prince palatin qui est icy.
C’est une prétention digne de Sa Majesté.
L’on a receu des avis de plusieurs endroitz d’où l’on est d’ordinaire assez bien
informé, desquelz il a esté jugé à propos de donner part à Messieurs les Plé-
nipotentiaires.
L’on escrit que c’est par l’intrigue de Brun que Saavedra a esté tiré de Munster
et que le mesmes [!] Brun l’avoit mis mal auprès de Pennaranda dans les
bonnes grâces duquel il s’est insinué en sorte qu’il est son confident parti-
culier.
Pennaranda n’estime pas Trautmansdorff habille, et ce qui est encores meil-
leur, il n’est pas content de luy. Il a enfin recogneu ce qu’il avoit tousjours
appréhendé, qui est que Trautmansdorff n’a point d’autre règle pour sa
conduitte que celle qu’il reçoit des conseilz de Bavières.
Il a plus de confiance en Volmar auprès duquel il négotie par l’entremise de
Brun; mais c’est assez inutilement, car il esprouve en mesme temps que la
bonne vollonté de Volmar n’est d’aucun effet veu que tout le pouvoir est ré-
servé à Trautmansdorff lequel a l’estime, l’affection et la confiance toute en-
tière de son maistre.
Quelque instance qu’on ayt faitte aux Impériaux de la part des Espagnolz et à
Vienne et à Munster pour tirer parolle qu’ilz ne conclueront rien avec la
France que l’accommodement d’Espagne ne se fasse en mesme temps, on n’y
a jamais voulu consentir, et seulement on a respondu que les Espagnolz de-
voient songer sérieusement et sans aucun délay à contenter la France, l’Empe-
reur estant résolu de le faire de son costé et de contenter aussy la couronne de
Suède, la paix luy estant absolument nécesaire.
On mande aussy qu’ayant esté dit à l’Empereur que le roy d’Espagne le feroit
arbitre de la satisfaction qu’il auroit à donner à la France pour avoir la paix,
pourveu que Sa Majesté Impérialle ayant jugé la chose et les François ne s’en
contentans pas s’oblige à ne passer pas plus avant dans son accommodement à
ne conclurre la paix que conjointement avec les Espagnolz, l’Empereur et ses
ministres s’en sont adroittement excusez; ce qui ne donne plus lieu aux minis-
tres d’Espagne de douter de son intention, et croyent qu’après que les Impé-
riaux nous auront fait instance de nous contenter de l’offre que les Espagnolz
nous feront, ne la recevant pas, ilz ne laisseront pas de passer outre.
Tout ce qui reste à présent d’espérance aux Espagnolz est qu’il ne sera pas aisé
d’ajuster en peu de jours tant de différens intérestz qui regardent les couron-
nes, les protestans, les catholiques, le Palatin et la Landgrave, et qu’en gaignant
temps il pourra arriver des accidens qui retarderont l’accommodement, et que
les armées estans sur le point d’agir il faudra peut-estre peu de chose pour
apporter beaucoup de changement à la face des affaires.
Les Espagnolz pour toute resourse font négotier auprès du marquis de Bran-
debourg et ses ministres affin de l’obliger à prendre des résolutions hardies
sur le fait de la Poméranie d’autant plus qu’ilz asseurent que s’il en vient là,
les roy[s] de Polongne et de Dannemarch seront de son party et qu’il n’y a
assistance qu’il désire du roy d’Espagne qui ne luy soit accordée.
Les Espagnolz prétendent que l’Empereur ne peut pas disposer de l’Alsace,
mesme avec le consentement de l’archiduchesse et de l’archiduc son filz, et
qu’il est nécessaire pour en faire une cession valable que le roy d’Espagne y
donne son consentement, soustenans qu’il y a plus de droit que tout autre.
C’est à Messieurs les Plénipotentiaires à s’informer sur ce point des préten-
tions que peut avoir le roy d’Espagne sur l’Alsace affin de se précautionner
contre ce qu’ilz pourroient faire pour nous troubler.
Le sieur Isola, résident de l’Empereur à Munster, a grande correspondance
avec les ministres d’Espagne à Bruxelles. On mande de là qu’il a escrit que
Trautmansdorff luy a demandé s’il seroit bien aise de venir résider à Paris de
la part de l’Empereur ainsy qu’il sçavoit que monsieur d’Avaux le seroit d’al-
ler jurer la paix à Vienne, ce qui a achevé de mettre les ministres d’Espagne
hors d’espérance d’estre attendus par les Impériaux, congnoissant par là que
ceux-cy tiennent desjà toutes choses pour arrestées et résolues.
Messieurs les Plénipotentiaires observeront s’il leur plaist que ledit Isola ayant
grande familiarité et entrée auprès des Espagnolz l’on s’en pourroit servir
adroittement pour leur faire dire ce qui nous est avantageux qu’ilz sçachent.
Le marquis de Castel Rodrigo et le comte de Pennaranda se sont envoyez et
renvoyez l’un à l’autre depuis peu plusieurs courriers. Les ministres d’Espa-
gne prennent de là grand sujet de tristesse et d’appréhension de se voir
contrains de demeurer seulz engagez à la guerre ou d’accorder tout ce qu’on
leur demande.
Parmy d’autres particularitez qui ne sont pas nécessaires icy il est à remarquer
qu’on mande que Pennaranda se plaint fort de ce que dans la response faitte à la
proposition par laquelle il nous a offert quatre places on leur oste à la fin toute
sorte d’espérance de nous relascher de ce que nous avons demandé , et que
Castel Rodrigo raportant ce que luy mande Pennaranda sur ce propos, il avoit
dit: «Por lo menos Franceses ouviessen facilitado lo que tocca a Portugal.»
Les ministres d’Espagne ont fait tous leurs effortz, mais en vain, pour persua-
der [Trautmansdorff] de demeurer ferme avec nous et accorder aux Suédois
tout ce qu’ilz sçauroient désirer pour les obliger à conclurre la paix sans la
France.
La plus forte raison que les Espagnolz employent auprès de Trautmansdorff
est que les facilitez qu’il apporte à donner satisfaction à la France sont très
préjudiciables à la paix; que les médiateurs qui n’ont autre passion que de la
conclurre improuvent tout à fait cette conduitte; qu’ilz en font de continuelles
plaintes aux Espagnolz représentans que ces offres ne serviront qu’à augmen-
ter l’orgueil des François et les mettront dans de nouvelles difficultez de
consentir à la paix. Et comme les ministres d’Espagne croyent que le plus
grand motif qui oblige le principal ministre de l’Empereur à vouloir la paix
est la considération du duc de Bavières et ses menaces, ilz font tout leur pos-
sible pour luy persuader qu’il n’y a aucun sujet d’appréhension; veu que si le
duc de Bavières s’accommodoit (comme il dit) avec la France ilz sont asseurez
que les Suédois s’accommoderoient le lendemain avec l’Empereur, et que
Oxenstiern et Salvius l’ont dit en plusieurs occasions.
Celuy qui escrit de Vienne mande que l’archiduc Léopold n’avoit pas seulement
esté d’avis qu’on donnast satisfaction à la France pour avoir la paix, mais a fait
instance qu’on en envoyast les ordres à Trautmansdorff sans qu’il fust besoin
qu’il réplicast; qu’il avoit représenté en ce rencontre que tout le monde estant
rebuté du service, que l’argent et les moyens de faire subsister les officiers des
troupes ainsy que le reste de l’armée manquans absolument, il estoit à craindre
qu’il n’arrivast quelque mutinerie dans le camp; qu’il y a desjà de grandz com-
mencemens de rébellion dans les deux Austriches et dans la Bohême; et enfin
que le Turc paroissoit desjà bien puissant auprès de la Carintie et sembloit se
voulloir joindre au Ragocy pour entrer dans [la] Hongrie.
A ce propos Messieurs les Plénipotentiaires pourront remarquer que les avis
que nous recevons des préparatifs du Turc pour la guerre portent que ceux
qu’il fait pour son armée de terre sont bien plus grands que ceux de son armée
navalle, quoyque chacun sçache qu’ilz sont très considérables; et ayant receu
sur ce sujet des avis d’un maronnitte de Damasque en langue caldéene l’on en
a fait la traduction en italien, de laquelle on envoye copie à Messieurs les
Plénipotentiaires.
Sur ce que les Espagnolz disent à tout le monde et particulièrement aux Im-
périaux que quelque avantageuse proposition qu’ilz puissent faire aux
François pour avancer la paix ilz sont asseurez que ceux-cy n’y consentiront
pas, les Impériaux ont répliqué que le vray moyen de rendre la couronne de
France odieuse à toute la chrestienté, c’est de faire une offre qui dans les
conjonctures présentes des affaires soit jugée raisonnable de tout le monde,
laquelle estant refusée de la France il en arrivera ce que dessus, et mesmes cela
pourroit causer des révolutions dans le royaume, tesmoignant par le refus
d’une offre avantageuse qu’on ne veut point la paix.
Les affaires de Portugal venans à se traitter, il n’y a pas d’apparence que les
Espagnolz en qualiffient le roy autrement que duc de Bragance, ce qu’il sem-
ble que nous pourrions souffrir, ne laissans pas quant à nous de le qualiffier
roy de Portugal comme feront aussy noz alliez. Ainsy chacun demeureroit
dans sa prétention et cela ne feroit pas de préjudice audit roy dans l’estat
présent de ses affaires. Cela est néantmoins remis à la prudence de Messieurs
les Plénipotentiaires, et à ce qu’ilz estimeront qui doit estre fait pour cela.
Outre le désir que l’Empereur a de faire la paix, l’on escrit de Vienne que
l’affection qu’il a pour Trautmansdorff le luy fait désirer auprès de luy. Il luy
mande de revenir le plus tost qu’il pourra, dont il n’a pas moins d’envie que
son maistre, ce qui ne contribuera pas peu à nous faire donner la satisfaction
que nous désirons.
L’on estime que lorsque les ministres d’Espagne qui sont à Munster auront
recogneu que les soubsmissions, prières et toutes les diligences qu’ilz em-
ployent pour empescher que les Impériaux ne concluent sans eux seront inu-
tiles, qu’ilz auront recours aux protestations et aux menaces.
C’est une occasion de laquelle on ne doute pas que Messieurs les Plénipoten-
tiaires ne sçachent profiter utilement.
Messieurs les Plénipotentiaires ne sçauroient croire l’avantage qu’a produit la
demande que monsieur le duc de Longueville a faitte d’un passeport pour
madame sa femme affin de l’aller trouver à Munster. On a congneu par là que
les François n’ont pas à présent le deffaut de patience dont ilz sont accusez en
toutes occurrences, et que n’ayans pas envie de se relascher de leurs préten-
tions ilz attendront plustost jusques au bout que de laisser rien perdre de ce
que le bon estat de leurs affaires leur peut faire obtenir.
Les demandes que les Hollandois ont faittes en dernier lieu ont bien despleu
aux Espagnolz; mais ayans depuis esté visitez par un des ministres d’Espagne
ilz l’ont renvoyé assez satisfait de vive voix, l’asseurans que les choses s’ac-
commoderont en sorte que le roy d’Espagne aura sujet d’estre content. Mes-
sieurs les Plénipotentiaires pourront apprendre ce que c’est que l’espérance
que les Hollandois ont ainsy donnée aux Espagnolz.
Quand à ce qui regarde le point de la religion en Allemagne, monsieur de
Trautmansdorff en accommodera les différens; et l’on mande de Vienne que
les protestans jouiront encores pour soixante ans des biens ecclésiastiques
dont ilz sont à présent en possession.
L’on sçait que comme les Espagnolz ne doutent point que les Impériaux
n’abandonnent le duc de Lorraine et tous ses intérestz, aussy espèrent-ilz que
ledit duc se trouvant armé il ne se pourra passer d’entreprendre quelque chose
qui engagera à des troubles nouveaux; à quoy il ne faut pas douter que les
Espagnolz ne travaillent de tout leur pouvoir. Mais comme l’on a desjà mandé
à Messieurs les Plénipotentiaires les précautions qui se peuvent prendre là-
dessus
S. [nrs. 127] , [164] , [182] , ferner [nrs. 187] und [201] ; zuletzt vor allem [nr. 232] .
duc de Lorraine nous voudroit faire.
L’on a escrit si amplement à Messieurs les Plénipotentiaires touchant le ma-
riage du Roy avec l’infante que l’on n’y peut rien adjouster. Ilz ont particuliè-
rement à observer en la conduitte de cette affaire de n’y rien avancer et moins
encores conclurre sans la participation et en estre auparavant demeurez d’ac-
cord avec les Hollandois. Leurs Majestez leur accorderoient vollontiers (en
cas que ledit mariage se fist) une partie du marquisat d’Anvers et encores
d’autres villes qui seroient jugées estre à leur bienséance et qui feroient aussy
la meilleure partie du partage qui leur escheroit, la Flandre estant conquise
par les armes de France et de Messieurs les Estatz, et cela sans qu’il en cous-
tast rien auxdits Sieurs Estatz.
Les Espagnolz pourroient peut-estre faire difficulté de sortir de Flandres à
cause de la peine qu’ilz auroient de nous en voir les maistres absolus. Mais
pour lever cette difficulté l’on a pensé s’il ne seroit pas à propos de faire don-
ner au duc de Lorraine le Brabant et mesmes le duché de Gueldres pour le
rescompenser de ce qu’il perd en cette guerre; bien entendu que moyennant
cela il renonceroit à tous ses droitz sur la Lorraine, et à condition aussy que
cela seroit compté par les Espagnolz pour un eschange de ce que le Roy leur
rendroit en Espagne.
L’on consentiroit de faire le mariage du Roy à ces conditions-là. Car si l’on
peut une fois chasser les Espagnolz de la Flandre, il est très évident que c’est
le plus grand avantage que la France puisse jamais recevoir.
L’establissement du duc de Lorraine dans les duchez de Brabant et de Guel-
dres mettroit une séparation entre nous et les Estatz qui ne seroit pas inutile
pour empescher beaucoup de sujetz de jalousie entre les deux puissances.
Se précautionner le mieux qu’il sera possible pour faire que la paix se
concluant avec l’Empereur séparément d’avec l’Espagne ledit Empereur ne
puisse assister les Espagnolz directement ny indirectement.
Que pour la liberté de don Edouard, et toutes les autres affaires de Portugal,
ilz facent tout ce qui se pourra sans néantmoins rien retarder ny gaster en noz
affaires.
La raison pour laquelle à propos de Pignerol l’on parle des intérestz de Man-
toue
aucun sujet à la maison de Savoye de l’espérer. Monsieur Servien sçait bien ce
qui s’est passé là-dessus à Quérasque, et chacun sçait que si la maison de
Savoye ne parle point de Pignerol, c’est que l’estat de ses affaires ne [le] luy
permet pas; et que la maison de Mantoue seroit bien aise de voir quelque
accroche en ce qui regarde l’accomplissement du traitté de Pignerol (!), parti-
culièrement si cela provenoit de l’Empereur, affin de rentrer plus que jamais
dans les espérances de la restitution de Trin
traitté à Quérasque là-dessus.
On ne voudroit pas venir à une rupture avec le pape. Le[s] Espagnolz qui sont
les principaux et les seulz qui ont crédit sur Sa Sainteté ne songent à autre
chose et à porter Sa Sainteté à nous faire tous les jours de plus mauvais trait-
temens affin de nous engager insensiblement.
Quand à ce qui a esté remis à moy touchant la guerre du Turc, Son Eminence
s’est depuis souvenue qu’elle ne m’en avoit rien dit, mais qu’elle en a escrit
cy-devant à Messieurs les Plénipotentiaires .
Si le prince palatin cède au duc de Bavières le Haut-Palatinat on pourroit
procurer quelque establissement au prince Edouard son frère qui est catholi-
que et auquel il doit quelque partage de son bien, dans le Brisgau.