Acta Pacis Westphalicae II B 3,2 : Die französischen Korrespondenzen, Band 3, 2. Teil: 1646 / Elke Jarnut und Rita Bohlen unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy mit einer Einleitung und einem Anhang von Franz Bosbach
On a respondu amplement la semaine passée à la despêche desdits Sieurs Plé-
nipotentiaires qu’apporta Saladin du 7 e du courant . Depuis on a receu par
l’ordinaire celle du 8 e qui rend compte de ce qui s’estoit passé en plusieurs
conférences qu’ils avoient eues avec les médiateurs touchant la satisfaction
que la France prétend dans l’Empire.
Lesdits Sieurs Plénipotentiaires recevront cy-jointe la copie d’une nouvelle
lettre du duc de Bavières qui confirme tousjours l’avis qu’il nous avoit fait
donner de la résolution qu’a prise l’Empereur de l’accorder pourveu que la
paix s’en ensuive.
On y adjouste l’extrait de l’article d’une lettre escritte de Venize du 24 e mars
qui contient ce que l’ambassadeur de Venise qui est à Vienne
Giustiniani, s. [nr. 95 Anm. 3] .
sénat sur le point de cette satisfaction.
Il semble donc qu’il ne reste plus qu’à tenir bon et à continuer dans la mesme
fermeté de nostre costé affin de faire venir Trautmansdorff au point où nous
avons résolu de consentir suivant le pouvoir et l’ordre exprez qu’il est à sup-
poser qu’il en a receu de l’Empereur.
Cependant comme il y a beaucoup de divisions et de subdivisions dans l’Al-
sace et des villes et des pais entiers comme le Suntgau qu’il semble que l’on
puisse contester d’y estre ou de n’y estre pas compris, dont on a envoié aus-
dits Sieurs Plénipotentiaires tous les mémoires que l’on a pu recouvrer
(Fehlende) Beilagen zu [nrs. 152] und [213] .
surtout prendre garde que nous nous entendions bien et venir dans le destail
avec les Impériaux affin que quelque équivoque ne nous fasse pas préjudice,
ou que les choses paroissans ajustées dans le monde et ne l’estans pas en effet,
on ne rejettast après sur nous ce qui pourroit retarder la conclusion de la
paix.
Il semble que pour les éviter tous on peut quand on jugera à propos de se
relascher de Philipsbourg, s’il le faut aussy faire du Brisgau, demander de re-
tenir avec Brisach tout ce que nous possédons deça le Rhin dans l’estendue
des Alsaces supérieure et inférieure.
Le Sungau de cette sorte y sera compris et les autres postes qu’ilz nous pour-
roient contester, Sa Majesté se remettant tousjours sur lesdits Sieurs Plénipo-
tentiaires ainsy qu’elle leur a mandé de se relascher comme ils l’estimeront à
propos ou de tenir bon et quitter en un endroit pour retenir en un autre [ce]
qu’ils croiront plus avantageux comme pourroit estre la ville de Neubourg
qui est delà le Rhin entre Brisack et Basle et qui nous paroist fort nécessaire;
enfin se reposant entièrement en cella sur leur suffisance et sur leur affection,
sachant bien qu’ilz en useront pour le mieux et qu’ils ne lascheront rien que
lorsqu’ils reconnoistront ne pouvoir mieux faire.
Lesdits Sieurs Plénipotentiaires examineront ensemble s’il est à propos de se
déclarer dez à cette heure de la modération que nous consentons d’apporter à
nostre prétention touchant Philisbourg affin de gaigner par cette facilité l’ap-
plaudissement dans l’Empire et particulièrement auprès des princes et estatz
qui avoient voulu demander la démolition de cette forteresse, ou bien s’il sera
plus expédient d’attendre encores quelque temps pour faire venir les Impé-
riaux à nostre point avant que de leur laisser gaigner celuy-là.
On présuppose que lesdits Sieurs Plénipotentiaires ne manqueront pas de se
souvenir de ce qui leur a esté mandé touchant la cession que nous désirons en
bonne forme de tous les droitz des archiducz, laquelle l’Empereur et tous les
estatz de l’Empire devront après ratifier, autrement on auroit sujet de craindre
de voir allumer à toute heure un nouveau feu dans l’Allemagne sous prétexte
de ces droitz des archiducz que la maison d’Austriche chercheroit peut-estre
occasion de faire valoir dez qu’elle croiroit de pouvoir bien espérer d’une rup-
ture, soit par les mouvemens intestins qui pourroient estre quelque jour en
France, soit en la conjoncture de quelqu’autre guerre qu’elle auroit à souste-
nir. C’est pourquoy il est absolument nécessaire d’y pourveoir si bien dez à
cette heure qu’il n’y ait rien à appréhender de semblable pour l’avenir.
Lesdits Sieurs Plénipotentiaires ne pouvoient mieux parler aux médiateurs ny
se conduire plus adroittement qu’ils ont fait quand ceux-cy les ont voulu son-
der de ce que la France feroit pour l’Empereur dans la guerre du Turc au cas
qu’on consentist à la satisfaction qu’elle prétend en Allemagne, et de ce qu’el-
le feroit envers les protestans et les Suédois pour les porter à la raison, de ses
intentions sur l’affaire qui est entre monsieur de Bavières et le Palatin, et tou-
chant les deux baronies et la comté que l’Empereur a repris sur le duc de
Wirtemberg.
On a considéré extrêmement icy que l’Empereur aime mieux recevoir de la
France pour la guerre du Turc un secours d’argent que des trouppes et que les
médiateurs aient tant insisté comme ils ont fait sur ce point-là, quoyqu’il n’y
ait personne qui ne voie, et particulièrement Contareni qui y a grand intérest
pour celuy de sa patrie, que l’on pourroit bien faire plus de mal au Turc se
formant un bon corps d’armée de celles que le Roy a que par une assistance
d’argent que l’on fournisse à l’Empereur. Cella nous doit faire d’autant plus
persister à deux choses, l’une que cette assistance soit en gens de guerre quoy-
qu’il en doive couster davantage à Sa Majesté parce que, comme il a esté man-
dé, cella sera compensé par l’utilité qu’elle en retirera de décharger son
roiaume des soldatz oisifz qui pourroient s’occupper à mal, et parce aussi que
de cette sorte l’Empereur venant à faire sa paix avec le Turc nous nous trou-
verions en quelque fasson armez aussi bien que luy, et cella luy osteroit toutes
les pensées que les Espagnolz pourroient autrement luy suggérer de troubler
de nouveau la tranquillité publique et se prévaloir des forces qu’il auroit sus
pied pour tascher de rentrer en ce que la pure nécessité les obligera de quitter
à présent.
La seconde est que les trouppes que nous baillerons, que l’on dira pouvoir
aller jusques à vingt mil hommes si la paix d’Espagne se fait, seront envoiées
au roy de Poulogne en la forme qu’il a esté cy-devant mandé , et mesme avec
les précautions que l’Empereur pourra désirer, ainsy les Espagnolz auront
moins de moien de nous jetter les armes du Turc sur les bras sous prétexte de
ce secours, si jamais leur rage contre nous se portoit à ce point-là au préjudice
du bien de la chrestienté; et en tout cas nous aurions tousjours engagé dans
nostre cause le roy de Poulogne qui feroit une puissante diversion, et en cas
de bon[s] succez contre le Turc il les partageroit avec l’Empereur et ainsy les
avantages que remporteroit la maison d’Austriche nous seroient d’autant
moins suspectz.
On avoit mesme pensé que l’on pourroit consentir que cette armée se joignist
à celle de monsieur le duc de Bavières, convenant d’un chef qui les comman-
dast sous le nom de la ligue catholique d’Allemagne, prenant les mesmes pré-
cautions marquées sur le sujet du roy de Poulogne, et en tout cas l’offre feroit
tousjours voir à Bavières l’affection que la France a pour luy et pour la gloire
de toute sa maison. Cella pourroit mesmes servir à nous donner moien d’oc-
cupper l’esprit inquiet de monsieur de Lorraine que l’on pourroit piquer de
gloire et l’engager à aller commander ces armées-là ausquelles il joindroit les
trouppes qu’il a, choisissant de nostre part un bon chef comme feroit aussy
monsieur de Bavières un autre, lesquelz il ne pust gaigner pour emploier les
armées qu’il commanderoit à d’autres usages que contre le Turc. Ainsi l’aiant
asseuré que nous entretiendrions bien nostre armée jusques à ce qu’il eust eu
moien de faire des progrez et s’establir en quelque endroit de l’Europe, il se
pourroit plus facilement disposer à ne songer plus à la Lorraine laquelle on
apprend qu’il n’estime plus tant qu’il faisoit depuis qu’il voit que l’Alsace
demeurera à la France et que cet Estat sera enclavé entre les deux.
Ce sont pensées indigestes que l’on marque en gros pour donner des lumières.
Il peut y avoir plusieurs inconvéniens, mais venant dans le destail, il ne seroit
pas malaisé d’y remédier. Cependant lesdits Sieurs Plénipotentiaires s’en ser-
viront autant et si peu qu’ils estimeront le devoir faire.
En cas que les Impériaux persistent constamment à rejetter l’offre des troup-
pes, lesdits Sieurs Plénipotentiaires pourront consentir à donner de l’argent à
l’Empereur jusques à trois cens mil risdales par an avec deux précautions,
l’une que le temps de cette subvention sera limité à quelques années,
l’autre que la France en sera deschargée si elle venoit elle-mesme à rompre
ouvertement avec le Turc.
Il faut se souvenir de parler tousjours de risdales ou leur valeur paiable dans
Paris, ainsi cella passera sans affectation ny sans qu’on remarque la différence
des risdalles aux escus
avantage.
Quand en parlant des sentimens de la France sur l’affaire palatine lesdits
Sieurs Plénipotentiaires ont proposé la création d’un huitième électorat, il
faut qu’ils aient jugé que l’affaire ne se peut accommoder autrement, ou qu’ils
aient sceu que c’estoit une chose résolue de la sorte. Car du reste, le zèle que
le Roy a pour la religion catholique est si désintéressé que Sa Majesté ne sou-
haiteroit pas de voir augmenter le nombre des électeurs pour honorer de cette
prérogative une famille protestante. Et plusieurs tiennent comme l’on a man-
dé que le prince palatin s’estimeroit assés heureux de rentrer dans ses Estatz
sans cette dignité. On dit cella en passant, Sa Majesté approuvant tout ce à
quoy ils consentiront là-dessus.
Il a esté merveilleusement à propos de ne pas laisser passer aux médiateurs sans
sentiment la mauvaise volonté qu’ils nous ont tesmoignée en ne nous propo-
sant que conditionnellement et avec [des] doutes une offre sur nostre satisfac-
tion que les parties mesmes avouoient leur avoir donné charge de nous faire, et
dont monsieur de Trautmandorff avoit parlé librement à monsieur Salvius.
Cella nous doit faire voir de plus en plus quel avantage ce seroit ausdits Sieurs
Plénipotentiaires de traitter immédiatement avec noz parties sans dépendre si
absolument de la médiation de personnes qui font paroistre presque autant de
contrariété à noz avantages que si nous devions les avoir aux despens de leurs
maistres.
On reçoit des avis de toutes partz que nous avons extrêmement à nous garder
d’eux et que les ennemis font grand fondement et espèrent beaucoup dans la
suitte de la négotiation de cette partialité, et mesmes les dernières nouvelles
que nous avons de Bruxelles de fort bon lieu portent que Penneranda escri-
voit à Castel Rodrigue que les médiateurs travailloient à mettre les plénipo-
tentiaires de France en mauvaise intelligence ensemble. On a jugé cella si ri-
dicule que l’on croiroit leur faire tort de leur en donner avis
motif que celuy de leur faire connoistre l’application continuelle des ennemis
à nous causer du préjudice par toutes sortes de voyes et que les médiateurs
voudroient bien pouvoir les y servir.
On a receu la copie de la minutte du pouvoir que les députez de Messieurs les
Estatz demandent que le roy d’Espagne donne à ses ministres pour traitter
avec eux: les remarques que Messieurs les Plénipotentiaires y ont faittes ne
peuvent estre plus judicieuses ny la conduitte qu’ils ont tenue pour en faire de
douces plaintes auxdits députez.
Il sera bon qu’on leur face sçavoir ce que Noirmont a dit en passant à La
Haie, qu’il s’en retournoit en Brabant parce qu’il n’y avoit plus rien à faire à
Munster après les impertinences qu’avoient demandées aux Espagnolz les dé-
putez de Holande, voillà de quels éloges ils sont traitez par un homme qui est
en de continuelles négotiations avec eux et qu’ils escouttent encores aujour-
d’huy à La Haie, bien qu’ilz voient la circonspection avec laquelle nous usons
tous les jours envers ceux qui voudroient venir faire icy des propositions de la
part des Espagnolz et depuis peu avec le marquis Mattei.
On met en considération ausdits Sieurs Plénipotentiaires si, attendu le peu de
cas qu’ont tousjours fait les Espagnolz de la Franche-Comté, il n’y auroit
point moien de la faire tomber à Bavières pour sa récompense du Haut-Pala-
tinat. On sçait bien que cella seroit malaisé pour plusieurs respectz quand
mesme il n’y en auroit d’autre que l’aversion qu’ont les Espagnolz pour ce
prince et la jalousie que donneroit à l’Empereur son agrandissement si prez de
la France avec qui il faudroit quasi par nécessité qu’il vescust en estroitte
union. Mais il semble du moins que l’on pourroit jettant quelque propos là-
dessus tesmoigner à Bavières la bonne volonté que la France a pour luy et le
désir qu’elle a de luy procurer tous les avantages qu’elle peut.
Lesdits Sieurs Plénipotentiaires remarqueront dans la lettre de Bavières avec
quelle ardeur il désire qu’on trouve moien d’empescher les hostilitez que la
saison qui est si avancée luy fait appréhender et particulièrement entre nous et
luy.
Il est bon d’un costé qu’il craigne parce que cella luy fait d’autant plus presser
l’Empereur sur le sujet de nostre satisfaction.
Mais à la vérité, agissant comme il fait dans noz intérestz quoyque ce soit par
le motif des siens, il seroit fascheux d’avoir à emploier noz armes contre un
prince que par beaucoup de respectz nous devons plustost soustenir que rui-
ner.
Il semble icy que dès que nostre satisfaction et quelques autres pointz princi-
paux seront ajustez, on pourroit convenir d’une suspension d’armes en la
forme et avec les précautions qui ont esté mandées cy-devant ou d’autres qui
seroient jugées nécessaires par lesdits Sieurs Plénipotentiaires lesquelz seule-
ment sçauront qu’il faudroit que l’armée de monsieur de Turenne passast
tousjours le Rhin pour vivre en quelque endroit ainsi qu’il seroit convenu,
estant absolument impossible qu’elle puisse plus longtemps subsister de
deçà.
Sa Majesté se remet donc ausdits Sieurs Plénipotentiaires d’arrester tout ce
qu’ilz estimeront à propos en cette affaire, faisant tousjours connoistre aux
ambassadeurs de Bavières la bonne disposition où l’on est icy pour tous les
intérestz de leur maistre et le désir que l’on a que les choses se mettent au plus
tost en estat que l’on puisse faire cesser toutes hostilitez avec luy et qu’il ne
reste plus que des marques d’affection à se donner réciproquement.