Acta Pacis Westphalicae II B 2 : Die französischen Korrespondenzen, Band 2: 1645 / Franz Bosbach unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy und unter Mithilfe von Rita Bohlen
Nous avons receu vostre dépesche du vingt-neufiesme du mois passé,
laquelle estant en partie emploiée à respondre à la nostre du quinziesme du
mesme mois , nous ne vous importunerons point d’une réplique, d’autant
moins que par celle que nous vous avons addressé le vingt-deuxiesme , nous
avons amplement expliqué nos sentimens sur les poincts principaux de
vostredicte dépesche.
Nous commencerons donc par |:le différend qui est prest de naistre entre
l’eslecteur de Brandebourg et le duc de Neubourg:|. Les députés du
|:premier:| nous ont appris qu’il a ceste affaire fort à coeur, croyant y avoir
esté cy-devant |:trompé par les ministres de son père
Angeblich war der Düsseldorfer Provisionalvergleich von 1629 (S. 70 Anm. 7) durch
Bestechung Schwarzenbergs, des leitenden Ministers des Kf. Georg Wilhelm (1595–1640, Kf.
seit 1619), für Pfalz-Neuburg zu günstig ausgefallen ( Opgenoorth S. 140); zu Adam von
Schwarzenberg (1584–1641) vgl. ADB XXXIII S. 779–794 .
moins s’il en viendra |:aux extrémitez et en quel temps:| c’est ce que nous
n’avons peu encores bien certainement pénétrer. Cela nous faict croire qu’il
n’i a rien qui |:vous engage des faire si tost des offices envers l’un ny envers
l’autre:| et qu’au contraire il sera advantageux |:de profitter de l’espérance
que chacun d’eulx peut avoir d’estre assisté de la France:| en sa prétention,
ce qui peut avoir lieu principalement à l’esgard des |:ministres de Brande-
bourg pour les conserver en la bonne disposition où nous les voyons pour
les affaires publiques et les porter à ce que nous voulons pour noz intérestz
particulliers:|. Si |:l’un d’eulx nous faisoit presser:| en sorte que nous
fussions obligés de parler, nous dirions qu’il nous en faut escrire à la cour et
si on s’addresse premièrement à vous nous jugeons bien que vostre
prudence treuverra assés de moiens |:pour parer et gaigner temps:|.
Si la délibération qui a esté faicte en la conférence de Lengerich, eust esté
faicte avec tous les princes et estats de l’Empire aussi bien qu’entre les seuls
électeurs, les affaires seroient en meilleurs termes et l’on seroit desjà entré
en matière avec nous pour respondre aux propositions que nous avons
données. Mais les princes et villes n’i aians pas esté appellées et se treuvans
d’advis différent de celuy des électeurs, il est nay entr’eux une grande
contestation qui ne sera pas si aisée à terminer, que nous désirerions
quoyque nous facions tous offices possibles pour l’appaiser. Vous verrés par
la responce desdicts princes et estats qui sera cy-joincte, quel est leur
sentiment, auquel nous pouvons dire que celuy des ambassadeurs de Suède
est tout conforme sans quoy nous aurions pu appuier ce qui va à tenir en
ceste ville l’assemblée des députés qui représentent le corps de l’Empire.
Car pour ce qui est de la députation de Francfort nous sommes pleinement
dans le sentiment des Suédois, des princes et des villes de l’Empire qu’elle
ne doit pas subsister en forme de députation, non pas mesme en attendant
la résolution de l’Empereur.
Nous ne dirions rien pour ce qui regarde |:le Ragoski:| parce que nous vous
avons desjà marqué que nous avons renvoié |:à monsieur de Croissy son
courrier:| avec toutes les dépesches que vous nous avés addressées pour
luy. Mais voiant que vous présupposés que |:la couronne de Suède tiendroit
pour receu ce que la France pourroit faire payer à ce prince en la descharge
des Suédois sur le subside:| nous sommes obligés de vous tenir adverti, que
ce n’est pas du tout leur intention et que nous appréhendons bien qu’ils
n’aient la pensée |:de se descharger entièrement de cette despence:|,
néantmoins pourveu qu’ils |:contentent d’ailleurs ce prince et qu’ilz contri-
buent de leur part à le conserver dans la confédération où il est, il ne nous
importe pas beaucoup par quelz moyens ilz le feront:|. Die Abmachungen
mit Bönninghausen müssen genau und pünktlich eingehalten werden. Künftige
Aushebungen werden noch teurer werden. Der Landgräfin von Hesssen-Kassel
sind wenigstens die gleichen Gelder zu gewähren wie im letzten Jahr. Vor allem
muß für die Sicherstellung ihrer Quartiere gesorgt werden.
Celuy de nous qui a esté à Osnabruk
Le premier de résoudre avec messieurs les ambassadeurs de Suède |:ce qu’il
faut demander pour la satisfaction des deux couronnes et en quel temps:|.
2. De leur communiquer l’instance qui nous a esté réitérée par les
médiateurs de nous expliquer sur |:cette satisfaction:| comme aussi sur la
réserve que nous avons incérée en la préface de nostre proposition et sur la
seureté du traicté dont nous n’avons aussi faict mention qu’en termes
généraux. 3. De leur parler confidemment de la négociation de Danne-
march et les presser de la conclurre. 4. De les consulter touchant la forme
de l’assemblée des estats de l’Empire et les convier civilement à y apporter
facilité de leur part.
Sur le premier poinct ils ont respondu qu’il |:sera temps de parler de la
satisfaction quand on aura veu:| la responce des Impériaux à noz proposi-
tions. Il leur fut dict que c’estoit bien nostre intention, mais qu’après ce
temps-là nous estimerions à propos de ne retarder pas davantage, d’autant
que |:les affaires d’Allemagne estans terminées nous ne serions à charge à
ceux-mesme que nous aurions assistez si nous en prétendions une grande
récompense:|. Que d’autres en nostre place mettroient |:premièrement
leurs intérestz à couvert et ensuitte appuyeroient ceux du public:|. Mais
qu’au moins il nous importe que le tout se traicte en mesme temps et qu’on
ne donne point |:loisir à l’Empereur de s’accomoder auparavant avec les
estatz:| comme desjà il y travaille aiant résolu de leur accorder sans nous
une amnistie généralle et non limitée. Monsieur Oxenstiern ne gousta pas
ces raisons, dist que |:la principalle satisfaction des couronnes consiste au
restablissement de la liberté germanique:| et la restitution de tous les exilés.
Il n’acheva pas, mais certainement il vouloit adjouster |:en la paisible
possession des biens d’Eglise par les protestans, en la propagation de leur
foy |:et autres advantages qu’ils se promettent de ce traicté. Car dans une
autre visite particulière monsieur Salvius demanda si l’intérest de l’Estat
n’estoit pas |:de ruiner en France la religion prétendue réformée et la faire
pulluler en Allemagne:|, et ainsi en les expliquant l’un par l’autre il est aisé
de voir où ils vont. Néantmoins en la mesme visite ledict sieur Salvius
approuva nostre sentiment et tomba d’accord qu’après la première responce
à nos propositions |:il sera bon de venir au destail de ce que les couronnes
peuvent prétendre:|. Mais pour revenir au récit de la conférence où ilz
estoient tous deux ils tesmoignèrent |:ne savoir pas eux-mesmes entière-
ment à quoy la Suède se porteroit et n’avoir pas receu les derniers ordres:|
sur ce subject. Celuy de nous qui traictoit avec eux reconnoissant qu’ilz
désiroient le faire parler le premier, il leur dist qu’il ne falloit pas faire un
secret d’une chose qui est en la bouche de tout le monde |:que le bruict
public donne l’Alsace à la France et la Poméranie à la Suède:|. Monsieur
Salvius repartit aussitost avec un visage gay que la voix du peuple est la voix
de Dieu, monsieur Oxenstiern adjouta |:‘et pourquoy non aussy l’archeve-
sché de Brêmen’:|? Il fut respondu pour descouvrir davantage leur inten-
tion que |:cest archevesché seroit aussy bien entre les mains d’un seigneur
suédois que d’un danois, quoyqu’il soit filz de roy:| mais que la couronne
de Suède ne pouvoit pas |:tenir ce bénéfice:|. Les ambassadeurs dirent que
monsieur le chancelier Oxenstiern ne |:l’a pas voulu comprendre dans le
traicté de Dannemark et que l’archevesque de Brêmen s’en plainct haute-
ment du roy son père comme s’il l’avoit abandonné
Schon Anfang April 1645 hatte Oxenstierna einen Beschluß des schwedischen Reichsrates
herbeigeführt, Bremen nicht an den Administrator Friedrich zu restituieren, sondern in die
Satisfaktionsforderung einzubringen, und der Kg. von Dänemark hatte seine Gesandten am
2. April ermächtigt, notfalls auf die Restitution zu verzichten, wenn man in dieser Frage
nicht weiterkommen könne ( Lorenz S. 59).
Sur le 2 e poinct ils se plaignirent de ce qu’on négocie avec nous, et que
depuis huict sepmaines qu’ils ont donné leur proposition on ne leur a dict
un seul mot de la part des Impériaux ni demandé aucun esclaircissement. Il
leur fut représenté que cela arrive faute d’avoir un médiateur au traicté
d’Osnabruk, que nous ne pouvions pas fermer la bouche à ceux qui sont
establis à Munster, mais qu’ils n’avoient eue autre responce, sinon que nous
en communiquerions avec nos alliez comme en effet l’un de nous estoit
venu exprès pour en demander leur advis. Que ceste plainte estoit juste à
l’esgard des Impériaux ausquels on feroit sçavoir une fois pour toutes que
c’est perdre leur peine s’ils ne proposent les mesmes choses et en mesme
temps aux plénipotentiaires de France et à ceux de Suède. Cela les contenta
et ils ne cédèrent pas qu’ils treuvoient fort bon que nous eussions escouté
les médiateurs principalement quand ils nous ont dict |:que les plénipoten-
tiaires de l’Empereur demandent en quoy consiste nostre satisfaction:|,
mais il leur fasche qu’on ne leur en ait pas demandé autant, |:jugeans que
cette question est avantageuse à ceux à qui on l’a faict et présupposé qu’il
les fault satisfaire:|. Nous n’avons pas manqué de faire la plainte et
déclaration cy-dessus à monsieur Contarini qui y a acquiescé sans contre-
dict, n’aiant point mis en doute qu’il ne rende les Impériaux capables de
nos raisons et qu’à l’advenir ils ne facent agir auprès des Suédois comme
auprès de nous. Au fonds ils ne sont point d’advis de se départir de la
faculté que nous et eux avons réservée d’adjouter à nos propositions sinon
lorsque nous signerons le traicté de paix, et que jusques-là il faut estre en
liberté. Et quant à la seureté du mesme traicté qu’ils ont assés faict
connoistre leur intention par la proposition qu’ils ont donnée, on respondit
que la seureté sera plus grande et aussi plus honneste à demander si l’union
se formeroit entre tous les princes et estats de l’Empire pour la manuten-
tion de la paix contre ceux qui en violeroient les conditions. Ils répliquè-
rent que c’est à l’Empereur à demander si bon luy semble que l’obligation
soit réciproque et que pour nous il suffit d’obliger tous ceux de nostre parti
à reprendre les armes en cas de contravention au traicté. Mais nous
persistons à nostre sentiment parce qu’il est conforme aux instructions que
nous avons eues |:et parce que celluy des Suédois tend tousjours à une ligue
particulière avec les protestans, laquelle ne seroit ni si convenable au Roy ni
si utille pour l’effect qu’on s’en propose.
Sur le troisiesme poinct l’on fut bientost d’accord puisqu’auparavant
l’audience les ambassadeurs de Suède eurent nouvelles asseurées que
l’accomodement de leurs différents avec le Dannemarc estoit fort proche de
la conclusion. Il leur fut dict seulement dans la considération des grands
advantages qu’ils y reçoivent, que les voilà bien esclaircis de l’affection de
l’entremetteur, et qu’ils ne devoient pas s’estonner si pour s’acquiter du
devoir de sa charge il avoit quelquefois contesté leurs droicts et leurs
prétentions comme il a faict aussi de l’autre costé.
Sur le dernier poinct qui estoit le plus délicat à cause de l’intérest d’honneur
que les Suèdois y prennent, ils tesmoignèrent beaucoup d’agrément de
nostre conduicte et de ce que monsieur le duc de Longueville avoit déclaré
sur ceste affaire aux députez de Brandebourg que nous parlions par une
mesme bouche les Suèdois et nous, et que si en proposant d’assembler tout
l’Empire à Munster l’on avoit espéré de jetter quelque semence de jalousie
entre les plénipotentiaires des deux couronnes, il pouvoit bien asseurer que
cet artifice ne réussiroit pas. Le secrétaire de Brandebourg
seigneur le duc avoit tenu ce discours le rapporta fidèlement et cela nous a
esté à compte tant auprès des Suédois que des députés des princes et villes
qui ont le mesme intérest pour la dignité de l’assemblée d’Osnabruk. Il fut
néantmoins remonstré ausdicts sieurs ambassadeurs de Suède que nous
avons esté un peu plus faciles aiant cru fort longtemps que la plus grande
partie des estats seroit à Osnabruk sans nous y estre opposés et qu’aujour-
d’huy les ennemis ont voulu essaier si le plus grand nombre estant à
Munster nos alliés n’en seroient point mescontents. Qu’il falloit voir par
quel moien l’on pourroit terminer ceste difficulté qui arreste toutte la
négociation de la paix et seroit capable enfin de faire un schisme parmi les
estats de l’Empire. Qu’en tout cas |:il faut esviter s’il est possible que
l’Empereur n’en prenne subject d’assembler une diette en un lieu tiers
estant certain que son aucthorité y seroit plus respectée et que les deux
couronnes y auroient bien moins de part:| en ce que nous n’aurions presque
plus de communication avec les députés qui composent |:cette diette:|.
Le lendemain comme on estoit sur le mesme propos et qu’on exhortoit
encor lesdicts ambassadeurs à considérer aussi l’intérest commun l’on leur
fit sçavoir que le comte de Peñaranda monstre une grande disposition à
sortir bientost d’affaires et que dans peu de temps nous serons pressés d’y
entendre |:si le traicté de l’Empire va tant en longueur. Monsieur le baron
Oxenstern dict entre les dents que cella se pourroit faire, monsieur Salvius
répliqua qu’il vaudroit mieux conduire les deux traictez et les conclurre
ensemble:|. Celuy de nous qui estoit présent en tomba d’accord, mais
aussitost ils répétèrent tous deux (en pliant touttesfois les espaules) que
|:nous pouvons séparer le traicté d’Espagne:|. L’on a pris ceste occasion de
le faire déclarer à ces messieurs sur ce que la cour nous à tesmoigné
cy-devant de le désirer et qu’en effect l’on en peust tirer quelque fruit, mais
par là il est facile de connoistre quoyqu’ils n’en aient rien dict que leur
intention est |:de pouvoir aussy terminer avec nous la guerre d’Allemagne
quand ilz y trouveront leur compte sans se mettre en peine de celle qui
nous pourroit demeurer sur les bras contre les Espagnolz:|. Monsieur
Oxenstiern donna part d’une lettre qu’il avoit receue de monsieur le
chancelier de Suède par laquelle il lui mande avoir veu les propositions
données par les plénipotentiaires des deux couronnes et qu’il y a bien des
noeuds qui se peuvent deslier si l’espée ne les tranche. L’on se servit de ce
jugement et de ceste auctorité pour préparer lesdicts ambassadeurs à
modérer leurs prétentions quand il sera temps, car outre ce qui en est dict
cy-dessus l’on a remarqué qu’ils portent leurs pensées |:bien hault en faveur
de l’une et l’autre religion des protestans:|.
L’on apprit en ce voiage que les députés des estats qui sont à Osnabruk
avoient résolu de mipartir le collège des électeurs, celuy des princes et celuy
des villes avec liberté à un chacun de demeurer où il voudroit, mais que les
députés des villes avoient opiné à se séparer par collèges entiers, ce faisant
que ceux des électeurs et des villes fussent à Munster et les princes à
Osnabruk. Leur raison estoit que si l’on en use autrement et s’il est permis
aux députés de rester en l’un des deux lieux à leur volonté tous les
catholiques seroient à Munster et les protestans à Osnabruk, d’où il
naistroit plutost une division qu’une paix dans l’Empire, qu’ils doivent estre
meslés en l’une et l’autre assemblée si l’on ne veut eslever autel contre autel
et donner subject de mésintelligence entre les couronnes mesmes. Sur ceste
difficulté la délibération fut remise deux ou trois fois. Le sieur Scheffer
député de Hesse soustenant l’advis des princes en une visite qu’il fist à
l’ambassadeur de France et se sentant combattu par raisons et par l’exemple
des villes qui avoient opiné bien sagement il se couvrit de l’intérest des
ambassadeurs de Suède. On luy en représenta les inconvéniens et longueurs
dont il ne disconvenoit pas, mais son affection estoit tousjours de l’autre
costé. Enfin on luy conseilla de se contenter que la députation de Francfort
fust cassée tant pour tousjours que pour l’intérim, que les estats de l’Empire
eussent l’autorité d’intervenir au traicté de paix avec droict de suffrage, et
qu’on y délibérast par collèges selon qu’il se practique aux diètes généralles.
Que ce n’est pas peu d’avoir porté les choses à ce poinct-là et que ne
s’agissant plus que du lieu où la délibération se feroit, s’ilz ne veulent que ce
soit entièrement à Munster, ilz devroient laisser aux électeurs à choisir
quelle manière leur semblera plus propre pour consulter en deux lieux. Il
approuva cet expédient, mais soit qu’il n’y a pas insisté, soit que la pluralité
des voix avoit passé à l’autre advis ils ont pris résolution de partager chaque
collège et qui pis est que chaque moitié ait l’autorité entière. Nostre soing
est de ne paroistre guères et ne prendre pas de parti en ces contestations
mais bien d’y mesnager le mieux qu’il sera possible les intérests publics et
particuliers, et afin d’estre bien informés de temps en temps des mouve-
ments des uns et des autres, nous envoions à Osnabruk monsieur de Sainct
Romain avec charge de travailler à la réunion des esprits et nous rendre
compte de tout ce qui se passera en ceste affaire. Ce qui nous faict plus
facilement relascher des avantages que nous aurions receu si le corps de
l’Empire eust esté establi à Munster est que nous voions que touttes les
prétentions de ceux qui sont d’opinion contraire ne vont qu’à partager
esgalement les trois collèges dans ceste ville et Osnabruk, mais la principale
appréhension qui nous reste maintenant est que |:l’Empereur ne se serve de
cette division pour convoquer une diette généralle dans un troisiesme lieu
et ainsy esloigner de nous et de la couronne de Suède les députez de
l’Empire:|.
L’autre jour monsieur Contarini m’estant venu visiter moy d’Avaux, tomba
exprès des propos communs sur le discours des affaires |:et appuya fort une
longue trefve:|. Il se mist à desduire |:les avantages que nous en recevrions:|
et comme en parlant il s’apperceut à mon geste qu’il ne me persuadoit pas il
dist en eslevant sa voix que jamais, jamais nous ne ferions la paix |:en y
comprenant la Catalogne et le Portugal et que par la trêve cella se pouvoit
espérer:|. Que ce n’estoit pas peu de chose que la France et ses amis |:et
particulièrement un Roy nouvellement establi pussent s’i affermir par une
paisible possession de dix ou douze ans:|. A ce mot je lui demanday en riant
s’il appelloit cela |:une longue trefve:|. ‘S’il la faut |:plus longue’, dict-il:|,‘ce
sera à vous autres de déclarer |:quand elle vous sera proposée que douze ans
ne suffisent pas’:|. ‘Non pas vingt-cinq, Monsieur, et hier encores entre
nous il fut dict d’un consentement commun (sur ce que vous autres
messieurs les médiateurs vous en estes déjà laissé entendre) que la trêve ne
nous est aucunement utile en l’estat présent des affaires et que nous en
rejetterions mesme une d’aussi longue durée que celle d’entre la Suède et la
Pologne’. Ce discours ne pleut pas à monsieur Contarini et |:il me parut que
toutes ses espérances estoient à une trêve, ce qui nous faict juger que
l’intention des Espagnolz ne va que là:|. Il parla |:ensuitte de la paix mais
avec peu d’ouverture:| sinon ce qui en est porté cy-dessus, sur quoy je lui
tesmoignay fermement qu’à moins de faire raison à la France pour ce qui
lui appartient, elle est résolue de garder tout ce qu’elle a conquis par une si
juste guerre. ‘Je voy bien’ dict-il, ‘qu’il en faudra |:sortir par un mariage’,
protestant néantmoing qu’il:| n’en avoit rien entendu de la part des
Espagnols mais que n’aiant autre pensée que de terminer la guerre il
estimoit que le meilleur moien seroit que |:le Roy espousât l’infante et
receût en dot la comté de Flandres moyennant quoy l’on rendroit la
Catalogne et quelques places:|. Il ne s’expliqua pas bien là-dessus m’aiant
trouvé froid sur ceste proposition comme sur les deux autres. Je luy
respondis seulement que je n’estois pas bastant pour respondre, et lors il me
dist que ce n’estoit qu’une sienne pensée dont il s’estoit voulu ouvrir
confidemment avec moy. |:Cependant il nous semble que c’est quelque
chose de plus et que un médiateur ne s’avance pas tant sans en avoir un
tacite consentement ou du moins quelque lumière des intéressez:|. La
conclusion de son entretien fut que nous estions trop difficiles, que
monsieur le duc de Longueville ne s’estoit rendu à chose quelconque de ce
qu’il luy avoit proposé, ni ne s’estoit ouvert de rien, que monsieur de
Servien et moy en usions de la mesme sorte et qu’il voudroit autant
renvoier les médiateurs chés eux, ‘pace no, se non colla retentione di tuto
l’occupato, tregua no, parentado no’, c’est ainsi qu’il exaggéroit la difficulté
de traicter avec nous, mais je luy répliquay que nous n’excluons que la
trêve, que nous sommes prests de faire la paix aux mesmes conditions que
les Espagnols l’ont faicte plusieurs fois avec nous et que pour le mariage je
ne savois pas l’intention du Roy et de la Reyne sa mère. Enfin il s’appaisa
un peu et dit avec sentiment que le plus grand obstacle vient des affaires
d’Allemagne, dont la discussion consomme tant de temps et |:que si nous
voulions traicter avec Espagne sans nous attacher si fort à traicter en mesme
temps avec l’Empereur il feroit l’accomodement dans deux mois à la
satisfaction de la France:|.
Après avoir examiné entre nous tout ce que dessus et conféré ce qui a esté
dict séparément à chacun de nous, nous estimons que |:les Espagnolz ne
craignent rien tant ainsy qu’il nous a esté mandé que de nous voir faire la
paix avec l’Empereur sans eulx:| et qu’ils n’oublient rien pour l’engager
tous les jours de plus en plus à ne la point faire, mais qu’ils auroient bien
dessein de |:la prévenir et de conclurre un traicté avec nous pendant que
nous serions encores en guerre avec l’Empereur:|.
Après avoir longtemps pressé les médiateurs d’obliger le comte de Peñaran-
da à représenter son pouvoir avec offre de faire voir au mesme temps celuy
de moy duc de Longueville, il s’est voulu servir d’abord de la mesme ruse
que ses collègues avoient cy-devant practiquée en représentant un pouvoir
pour luy très défectueux. Lorsque nous l’avons rejetté et que messieurs les
médiateurs ont esté contraints d’approuver les raisons que nous avions eues
de ne l’accepter pas, il nous en a faict donner un second qui n’estoit pas en
beaucoup meilleure forme. Quand on luy a faict voir qu’une des principales
clauses et des plus essentielles de la minutte ci-devant concertée et déposée
entre les mains des médiateurs manquoit en celui-cy, il est demeuré fort
confus et a receu favorablement la déclaration que nous avons faicte que
pour ne retarder pas la négociation de la paix, nous ne lairrions pas pour
cela de traicter avec lui, en attendant qu’il fist venir un autre pouvoir. Il a
pris deux mois de terme pour y satisfaire et pour n’avoir pas la honte de
refformer seul le sien, il a voulu chicaner sur quelques paroles qui se sont
treuvées adjoutées au mien quoyqu’elles servent comme il a esté reconneu
par les médiateurs à estendre plutost le pouvoir qu’à le restraindre, et que
d’ailleurs celui qui avoit esté desjà présenté par nous d’ Avaux et de Servien
eust esté accepté par nos parties et que moy duc de Longueville y estant
nommé il n’y a pas lieu de prendre garde de si près à un pouvoir surabon-
dant qui m’avoit esté donné et qu’à la rigueur je n’eusse pas esté obligé de
représenter, le premier estant suffisant et le second estant entièrement
conforme à l’autre dans touttes les clauses essentielles, néantmoins pour
contenter les Espagnols et leur oster tout prétexte de retardement nous
avons bien voulu promettre d’en faire venir un autre dans le mesme délay
qu’eux. Vous jugerés bien que nous eussions eu beaucoup de moiens pour
nous en exempter, puisque les seuls termes qui se sont trouvés de plus dans
mon pouvoir que dans le précédent et dans la minutte n’ont esté que de
pouvoir traicter conjoinctement ou séparément.
Outre la facilité que nous avons voulu apporter à la négociation en nous
relaschant sur ce subject deux raisons nous ont convié de ne résister pas à
leurs instances, l’une que les termes ci-dessus exprimés ne se trouvent pas
dans la minutte cy-devant concertée, l’autre que c’est une faculté ou un
ordre, qui dépend plutost de l’instruction que du pouvoir et qui pour
n’estre pas incéré dans le pouvoir, ne nous oste pas la liberté d’en user en
traictant comme nous jugerons à propos. La clause qui manquoit en celuy
du comte de Peñaranda est bien d’une autre importance puisqu’elle
contient la promesse que faict le roy catholique d’accomplir tout ce qui sera
par luy faict, laquelle aiant esté obmise quoyqu’elle fust incérée dans la
minutte, donnoit un juste subject de deffiance et afin que vous en puissiés
faire le mesme jugement que nous, voici les paroles qui estoient obmises: ‘Y
me obligo a estar y passar por ello como cosa hecha en mi real nombre y
por mis voluntad y [aut]oridad real y lo cumplire punctualmente sin falta
alguna’. Bien que ce pouvoir doive estre refformé nous ne laissons pas de
vous en envoier une copie parce qu’il doit servir jusqu’à ce que l’autre
vienne. Il vous fera voir que le jugement qu’on en avoit ci-devant faict des
plénipotentiaires envoiez devant Peñaranda n’estoit pas mal fondé puisque
l’intention du roy catholique a tousjours esté que sans lui ou sans le duc de
Medina de las Torres les autres ne puissent rien faire, en quoy vous
remarquerez l’artifice des Espagnols qui n’ont voulu donner que des
pouvoirs défectueux à ceux qui seuls ont eu l’autorité de traicter et qu’ils
n’ont pas faict de scrupules d’estendre les pouvoirs de ceux qui en effect
n’ont eu aucune auctorité. Ce que vous reconnoistrés encor mieux par la
comparaison de celui de Penaranda avec ceux des autres et mesmement
avec ceux de l’archevesque de Cambray qui est venu au mesme tems que
luy. Vous trouverrés aussi joincté à ceste lettre la copie de la promesse de
Peñaranda et moy duc de Longueville en ay donné une semblable en suite
de laquelle nous nous promettons qu’il vous plaira nous envoier au premier
jour un pouvoir où la clause barrée dans la copie que nous vous envoions
soit retranchée et le reste conforme de mot à mot.
La contestation qui est arrivée sur ces pouvoirs a donné lieu à messieurs les
médiateurs de nous voir diverses fois. En la dernière conférence que nous
avons eue avec eux ils se sont expliqués ouvertement sur le discours que
Contarini avoit faict à moy Servient seulement en passant. Ils nous ont
déclaré formellement ceste fois de la part des ambassadeurs d’Hespagne
que lesdicts ambassadeurs sont prests de traicter avec nous de paix ou de
trêve, ou de suspension d’armes et que c’est à nous à choisir ce que nous
voudrons faire prétendants néantmoins que les conditions de chacun de ces
traictés doivent estre différentes. Monsieur Contarini a répété diverses fois
ces mots ‘mesme d’une longue trêve, mesme d’une longue trêve’ |:comme
croyant en quelque façon donner dans noz sentimens:|. Il a adiousté au
mesme temps que les Espagnols estoient en appréhension des longueurs de
l’Empire, eux ne voulans rien conclurre sans l’Empereur et que les longs
délais que Messieurs des Estats apportoient pour faire partir leurs députés
pour se rendre icy, ne leur donnoient pas moins de peine à cause de la
déclaration que nous avions faict plusieurs fois de ne pouvoir et ne vouloir
traiter sans eux. Nous avons respondu sur la première proposition que ce ne
seroit pas travailler utilement pour le repos de la chrestienté si nous
pensions à aucun autre traicté que celuy de la paix. Outre les diverses
raisons que nous avons alléguées pour faire voir que nos intérests particu-
liers nous y portent, nous avons adjouté celle-ci que nous avons estimé
|:capable de toucher les médiateurs:|, que tous les traictés ne finissans pas
définitivement les différents qui sont entre les princes, ne leur laisseroient
pas la liberté de prendre si avantageusement les résolutions qui seroient
nécessaires pour le bien public en cas que le Turc continue d’attaquer la
chrestienté. Que sur le second poinct l’intention de Leurs Majestés n’estoit
pas de séparer le traicté de l’Empire d’avec celui d’Espagne et qu’au
contraire elles avoient tousjours eu résolution de faire une paix universelle,
si ce n’est que l’injustice des uns ou des autres nous forçast de prendre de
nouveaux conseils. Et que pour le troisiesme poinct qui |:regarde Messieurs
les Estats nous avions apris que leurs députés estoient sur le poinct de
partir. Qu’à la vérité nous estions obligez de ne rien conclure sans eux, que
nous ne donnerions pas seullement parolle de rien traicter en leur absence
et que estans tousjours en liberté d’escouter ce qui nous sera proposé, le
meilleur moyen de les haster seroit de nous faire quelque ouverture
raisonnable laquelle leur estant communiquée de nostre part feroit sans
doutte finir leur irrésolution:|.