Acta Pacis Westphlicae II B 1 : Die französischen Korrespondenzen, Band 1: 1644 / Ursula Irsigler unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy
Il y avoit dix ou douze jours que nous estions rejointz lorsque la lettre de la
Reyne du 9. de ce mois nous a esté rendue. Vous aurez veu par les nostres
précédentes que nous avons respondu à plusieurs des pointz qu’elle con-
tient, ce qui nous empeschera d’importuner Sa Majesté ny vous sur les
mesmes choses.
Dès le landemain nous fismes sçavoir nous mesmes à Monsieur Contarini
l’ordre que nous avions receu de Sa Majesté de le traitter selon son désir
dont il tesmoingna beaucoup de satisfaction. En effect il la doit avoir bien
grande d’avoir sçeu si bien prendre le temps et l’occasion d’acquérir cet
advantage nouveau à sa République. Il a fort bien recogneu que nous
n’avions peu luy donner ce contentement sans un commandement exprès
et que nous avions eu raison de nous régler par le stile de Rome suivant
mesme les résolutions qui en avoyent esté prises du temps du feu Roy,
lorsque Monsieur de Chavigny devoit estre de cette ambassade, qui s’en
pourra ressouvenir. La chose a beaucoup mieux réussy de cette sorte que
si elle luy eust esté accordée d’abord sans aucune contestation. Il eust peu
croire que nous l’eussions faict comme quelques autres ou par ignorance ou par
bassesse, au lieu que maintenant il a plus de gloire d’estre demeuré vainqueur
après un combat. Nous luy avons faict cognoistre le plus doucement qui nous a
esté possible que ce n’est pas un petit tesmoignage de l’affection de la Reyne
envers sa République d’avoir voulu accorder des honneurs nouveaux à ses
ministres dans un lieu si célèbre que celuy cy. Vous pouvez estre asseuré
qu’il est très content, puisqu’avant la réception de la despesche de Sa Majesté,
nous luy avions si bien faict cognoistre que la raison estoit de nostre costé
et qu’il n’estoit pas bien fondé en sa prétention, qu’il nous avoit faict pro-
poser des expédients d’accommodement. Ce que nous appréhendons mainte-
nant est que cet exemple ne nous donne de nouvelles peines avec les Hollan-
dois, qui sans doutte porteront leurs plaintes bien avant de ce qu’on accorde
aux autres des honneurs nouveaux en mesme temps qu’on leur refuse ceux
dont ilz croyent avoir esté en possession. Lorsqu’ilz verront que par une
grâce nouvelle on donnera aux Ambassadeurs de Savoye de l’Excellence et
qu’on traittera ceux de Venise tout à faict comme ceux des premières Cou-
ronnes, il y aura peut estre suject d’appréhender l’effect de leur ressentiment,
car comme nous vous avons desjà cy devant marqué, ilz ne sont pas raison-
nables toutes les fois qu’on veut mettre quelque différence entre leur Répu-
blique et celle de Venise et ne manquent jamais de faire remarquer combien
la leur est aujourd’huy plus puissante et combien elle est plus utile et plus
affectionnée à la France.
Le landemain que nous eusmes faict sçavoir à Monsieur Contarini les ordres
de la Reyne, il envoya demander audience à moy Servien, et dans la visite
toutes choses se passèrent dans une civilité réciproque sans faire mention
de la contestation passée qu’en termes généraux et pour excuser le retarde-
ment de l’entreveue. Quoyque les duretéz qu’il avoit tesmoignées dans une
prétention nouvelle et les pointilles un peu esloignées de la courtoisie dont
il s’estoit servy pour parvenir à ses fins m’eussent donné peu d’inclination
à luy faire des honneurs nouveaux, néantmoins j’ay exécuté ponctuellement
et sans regret les commandemens de Sa Majesté, luy ayant faict à l’entrée et à
la sortie comme il nous est ordonné tous les mesmes complimentz que nous
avons faict[s] aux Ambassadeurs de l’Empereur et du Roy Catholique.
Il nous reste maintenant à sçavoir comme nous aurons à vivre avec les
Ambassadeurs de Savoye et de Hollande. Nous vous supplions, Monsieur,
de nous informer bien ponctuellement des intentions de la Reyne sur ce
suject. Nous vous avons cy devant représenté quelques difficultéz sur les-
quelles vous nous obligerez extrêmement s’il vous plaist de nous y donner
un entier esclaircissement. Comme nous craindrions de faillir en nous
esloignant des antiennes formes et en nous relaschant le moins du monde
des advantages qui sont deus au Roy, nous serons délivréz de cette crainte
lorsque nous n’aurons qu’à obéir. Pour la prétention de Savoye, il dépend
purement de Sa Majesté d’y faire ce qu’il luy plaira, sans qu’il y aye sujet
d’en craindre la suitte. Mais il n’en est pas de mesme des Hollandois qui
sont résolus de ne nous point voir si on ne les traitte comme ilz prétendent,
ce qui peut produire divers inconvéniens. L’on nous a permis de leur donner
de l’Excellence et non pas la main, cependant ilz s’attachent plus à la main
qu’à ce tiltre qui ne les contentera pas, quoyque selon nostre foible avis il
soit plus obligeant et plus approchant de l’égalité que la main droitte. Nous
eussions estimé qu’en donnant la main au premier d’entre eux et la prenant
sur les six autres, nous eussions moins relasché de la dignité du Roy qu’en
leur donnant à tous de l’Excellence, et avant cette dernière grâce faitte à
Venise et à Savoye, nous eussions espéré de les en faire contenter. Ne croyez
pourtant pas, Monsieur, que nous leur ayons donné aucune espérance.
Le traittement que nous avons receu d’eux à nostre départ dont nous faisons
noz plaintes à la Reyne par une lettre séparée ne nous oblige pas de leur
estre favorables dans leurs intérestz particuliers. Nous ne sçavons pas mainte-
nant en quelle humeur ilz seront, leur conduitte n’estant pas tousjours égale
ny trop bien réglée. Et de faict, nous n’entendons point de leurs nouvelles
et n’apprenons pas qu’ilz se disposent de venir icy, se douttans peut estre
bien que les affaires ne sont pas si advancées qu’encores qu’ilz partent tard
ilz n’y arrivent assez à temps. |:Monsieur Contarini nous a confessé que ce
que nous avons faict avec eux pendant nostre séjour à La Haye a extrême-
ment piqué les Espagnolz. Il appelle ce traicté
Vgl. [S. 6 Anm. 2.]
destruict toutes les espérances qu’on pouvoit avoir de faire un traicté
particullier avec eulx, Dom Diego de Sahavedra luy ayant dit un jour
qu’en une après soupé[e] il pouvoit commencer et conclure le traicté des
Hollandois.
Nous avons escrit au secrétaire de l’Eslecteur de Mayence suivant l’addresse
qu’il vous y pleu nous donner pour establir une correspondance avec luy
et tirer les lumières qu’il nous pourra donner sans nous ouvrir que de ce
qui ne pourra nuire. Quand nous aurons apris par quelle voye nous pourrons
escrire au neveu dudit Electeur de Mayence , nous le ferons aussy fort
soigneusement. Quand il n’y aura qu’un peu d’argent à hazarder de ce costé
là pendant quelque temps, la perte mesme n’en sera pas beaucoup consi-
dérable:|.
Il faudroit que les ministres de Suède fussent bien desraisonnables pour
trouver à dire sur la prière qui a esté faitte à la Reyne de tenir l’enfant qu’il
plaira à Dieu donner au Roy de Polongne. Quand la Reyne de Suède
esté priée de la mesme chose, il n’y a pas apparence que la bienséance luy
eust permis de la refuser. C’est pourquoy nous nous contenterons de leur
en donner part et de leur faire considérer la circonsepction de Sa Majesté
qui ne veut pas faire mesme les choses de civilité dans leur voisinage sans
les en advertir.
Voilà, Monsieur, ce que nous pouvons vous dire sur les principaux pointz
de la lettre de la Reyne. Il nous reste à vous faire sçavoir qu’en suitte de ce
que nous vous avons desjà marqué par nostre dernière despêche, nous avons
déclaré à Messieurs noz Médiateurs (lesquelz nous avions priéz de s’assem-
bler pour nous donner audience) les difficultéz qui se rencontrent dans les
pouvoirs des Plénipotentiaires d’Espagne. Celle qui ne regarde que les
qualitéz que le Roy Catholique a prises de Roy de Navarre et de Portugal
et de Seigneur de Barcelonne se pourra aisément accommoder, comme nous
avons mandé, par un acte de protestation que les qualitéz prises ou obmises
de part et d’autre ne pourront préjudicier au droict des parties. A la vérité,
cette précaution est nécessaire, puisque le Roy ne s’est point intitulé dans
ses lettres patentes Seigneur de Barcelonne comme a faict le Roy Catholique
dans les siennes. Encores que nous puissions dire que tout est compris soubz
le tiltre de Roy de France à cause que par les loys du Royaume, tous les
Estatz et Seigneuries qui arrivent à noz Roys par armes, succession ou
autrement sont unies inséparablement à la Couronne, néantmoins peut estre
ne seroit [il] pas hors de propos après les qualitéz de Roy de France et de
Navarre d’adjouster un etc. comme font plusieurs Roys et Princes et entre
autres le Duc de Venise qui met Dux Venetiarum etc. soubz lequel le
Royaume de Candie et les autres Estatz que possède cette République sont
compris.
Quand à la seconde difficulté, elle est si juste et si considérable que les deux
Médiateurs ont esté contraictz de l’avouer, l’un d’eux nous ayant confessé
qu’il l’avoit remarquée dès que les pouvoirs desdictz Ambassadeurs luy
avoyent esté mis entre les mains et qu’avant nostre arrivée il en avoit eu
quelques discours avec Monsieur Saavedra. Vous verrez par les coppies de
leurs pouvoirs que nous vous avons envoyées que le Roy Catholique par
une forme nouvelle donne à chacun de ses Plénipotentiaires un pouvoir
particulier pour intervenir au traitté de paix avec ses autres Plénipotentiaires
sans déterminer le nombre. Si bien qu’en ayant nommé plusieurs dont les
uns sont mortz, les autres ne sont pas encores venus et les deux qui sont
icy n’ayans pas pouvoir de travailler et condurre en l’absence des autres
c’est autant que s’il n’y avoit personne de la part dudict Roy et semble que
ce n’a esté que pour amuser le monde ou nous tromper qu’on les y a faict
venir avec des pouvoirs dans une forme si déffectueuse, les nostres estans
si amples qu’ilz sont et toutes les clauses y estant si fidèllement exprimées.
Vous apprendrez par les lettres de Monsieur de La Thuillerie qu’il est icy
parmy nous depuis quatre jours
portz que nous luy avions envoyéz et d’une puissante escorte qui l’a conduit
jusques aux portes de cette ville. Nous n’obmettons rien pour faciliter et
haster son voyage autant qu’il nous est possible, mais outre que nous
n’avons pas estimé à propos de demander des passeportz aux Ambassadeurs
des Impériaux qui sont icy sur quelques avis qu’on nous a donnéz qu’ilz
feroient difficulté de les accorder, il ne sçauroit passer plus avant qu’après
que nous aurons conféré avec les Ambassadeurs de Suède. Et sur les diffi-
cultéz qui se sont jusques icy rencontrées pour l’entreveue que nous devons
faire avec eux, nous avions pour gagner temps chargé Monsieur le Baron
de Rorté de leur en communiquer, mais il n’a peu avoir jusques icy autre
response d’eux si non qu’il ne doutoit point que la médiation du Roy ne
fust plus agréable à la Couronne de Suède que celle de tout autre Prince,
que toutes fois ilz n’en pouvoyent pas encores parler avec certitude n’ayant
point receu d’ordre de leur Reyne sur ce sujet .
Cette affaire nous oblige de presser doublement nostre entreveue avec eux
laquelle plusieurs autres considérations rendent nécessaire, mais quelque
soin que nous ayons apporté nous n’avons encores peu surmonter les diffi-
cultéz que s’y sont presentées, |:Monsieur le Baron Oxenstiern qui est le
premier de l’ambassade estant si altier et si poinctilleux qu’il est malaisé de
le faire convenir d’aucun expédient raisonnable:|. Nous avons proposé de
nous rendre dans un lieu à my chemin et de nous contenter que toutes
choses soyent égalles entre nous, quoyqu’avec raison nous pussions pré-
tendre pour l’intérest du Roy quelque prérogative. Les choses en sont
demeurées à qui fera la première visite lorsque nous serons dans un mesme
lieu. Monsieur Salvius dit dernièrement à Monsieur de Rorté luy parlant
de cette affaire ces mesmes motz: Voz Messieurs ne voudroyent pas mettre
l’affaire au sort, jugeant assez luy mesme le sujet que nous avions de rejetter
cette proposition. Nous travaillons à chercher quelques autres moyens pour
terminer cette contestation sans relascher de la dignité du Roy, et devons
pour cella nous assembler cette après disnée avec un gentilhomme qui est
icy de leur part . Ilz ont encores plus de sujet que nous de désirer et faciliter
la conférence, l’Ambassadeur de l’Empereur qui est à Osnaburg ayant refusé
de faire avec eux la mesme communication des pouvoirs qui a esté faitte
icy entre nous. Il s’est excusé sur l’absence des Médiateurs, ce qui faict
croire qu’il attend avant que voulloir entrer dans ce traitté ce qui réussira
de celuy qui est sur le tapis entre le Roy de Dannemarch et son maistre.
Cependant s’il persiste à ne voulloir point entrer en négotiation avec les
Suédois, nous ne voyons pas bien comment nous pourrons entrer plus avant
en matière de nostre costé, puisque sans doutte les Suédois nous prieront
de ne nous avancer pas davantage et que les traittéz ne nous permettent pas
de le faire sans eux.
PS: La despesche pour la Reyne dont nous vous parlons dans cette lettre
ne sera pas envoyée par cette occasion, nous avons remis à la [envoyer]
par la prochaine , et nous avons adjousté ces lignes pour vous en donner
advis.