Acta Pacis Westphalicae II B 6 : Die französischen Korrespondenzen, Band 6: 1647 / Michael Rohrschneider unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy und unter MIthilfe von Rita Bohlen
253. Memorandum Serviens für Lionne [Münster] 1647 November 12
[Münster] 1647 November 12
Kopie: AE , CP All. 103 fol. 151–163’ = Druckvorlage. Konzept, größtenteils eigenhändig:
AE , CP All. 103 fol. 134–142’, 144, 143.
Kardinalspromotion Michel Mazarins. Chigi.
Lothringenfrage: Unnachgiebigkeit erforderlich; Klärung dieser Frage nicht in den Friedens-
verhandlungen mit dem Kaiser und Spanien, sondern am französischen Hof; Schiedsspruch;
Truppenabdankung Herzog Karls von Lothringen als Voraussetzung für Verhandlungen mit
ihm; Assistenz für Herzog Karl nach einem Friedensschluß unwahrscheinlich; Verhandlungs-
taktik.
Neapel; kein spanischer Friedenswille. Schiedsspruch Wilhelms II. von Oranien in den fran-
zösisch-spanischen Verhandlungen. Zahlungen an Duodo; Contarini.
Vorgehensweise gegenüber Kurbayern: Drängen Salvius’ auf ein militärisches Vorgehen
Frankreichs; Rechtfertigung des Aufschubs eines Bruchs und Entgegenkommen in der Sub-
sidienfrage gegenüber Schweden; Differenzen innerhalb der französischen Gesandtschaft;
Bruch mit Kurbayern langfristig gesehen unausweichlich; militärische Vorkehrungen erfor-
derlich. Schlechter Zustand der französischen Truppen im Reich unverständlich.
Protest Chigis gegen die Zessionsbestimmungen für die Drei Bistümer. Ridolfi; italienische
Liga; Restitution italienischer Plätze. Abwerbung französischer Truppen durch Venedig.
Aufklärungsbemühungen hinsichtlich der in spanische Hände gelangten französischen Ge-
sandtschaftskorrespondenz; Auswirkungen des Erhalts dieser Korrespondenzen auf die Ver-
handlungstaktik der Spanier. Lothringenfrage. Umfang der an Frankreich abzutretenden
Eroberungen. Schiedsspruch Wilhelms II. von Oranien. Mailand; Projekt eines Tauschs fran-
zösisch besetzter italienischer Plätze und Kortrijks gegen die Grafschaft Artois. Pauw und
Knuyt.
Zu den Satisfaktionsverhandlungen mit den Kaiserlichen Verweis auf nr. 250. Kaiserliche
Assistenz für Spanien. Abfassung einer Erwiderung auf die Pamphlete Bruns aus Zeitgrün-
den nicht möglich. Militärische Anstrengungen Spaniens im Hinblick auf Katalonien und
Kortrijk. Festigkeit in der Lothringenfrage erforderlich. Saint-Maurice. Lob Nederhorsts
und seines Bruders; Nachrichten über die Stimmung in den niederländischen Provinzen. Ge-
klärte Punkte der französisch-spanischen Verhandlungen; baldiger Frieden möglich.
Neue Schwierigkeiten in den französisch-kaiserlichen Verhandlungen; Beilage.
Freude Chigis über die Kardinalspromotion Michel Mazarins. Je ne sçay si
Son Eminence ne jugera point à propos d’en témoigner quelque ressenti-
ment à monsieur de Bagny pour luy en écrire. Cela l’engagera toujours
davantage, car il témoigne grande envie d’estre aux bonnes grâces de Son
Eminence. A la vérité il est homme à qui le moindre prétexte de religion
fait prendre de grands écarts.
Il m’a paru discourant avec luy des affaires de Lorraine, qu’elles n’empê-
cheront pas la conclusion du traitté, et qu’on n’a qu’à tenir ferme par delà
aussy bien qu’icy. Ces discours m’ont fait connoître que ceux qui traittent
à Paris de la part dudit duc y sont avec participation des Espagnols.
Quand il aura esté exclus du traitté, vous en aurez beaucoup meilleur
marché de luy et obligerez plus monsieur le duc d’Orléans en faisant
quelque chose en sa faveur, mais à vous dire le vray l〈a〉 plus importan-
t[e] de toutes les conquestes du Roy est la Lorraine qu’il faut tâcher de
conserver à quelque prix que ce soit.
Quand les Espagnols ont tant dit dans leur[s] libelles imprimez que nous
gagnions en ce traitté autant de pays que contient la moitié, il faut bien
qu’ils aient entendu que la Lorraine nous demeureroit sans quoy les com-
tez d’Artois et de Roussillon ne pouroient pas servir de fondement à cette
hyperbolle.
Il me semble donc que notre premier intérest en cette affaire est de la tirer
hors des traittez qui se doivent faire présentement, affin que l’Empereur,
le roy d’Espagne ny les estats de l’Empire n’y puissent point prendre part
à l’avenir.
En second lieu qu’elle soit renvoyée à la cour de France pour y estre dé-
cidé en exécution des traittez précédents
S. [nr. 170 Anm. 54] .
En troisiesme lieu je croirois que pour ouvrir à nos partyes un moyen
honeste d’abandonner cette affaire, on pouroit convenir par les deux trait-
tez qu’en cas qu’on ne puisse pas s’accomoder avec ledit duc, on convien-
droit d’arbitres, ce qui laissera toujours l’affaire en la disposition de Sa
Majesté, pourveu que l’on convienne en mesme tems que jamais on ne
poura reprendre les armes pour ce sujet, et c’est la mesme voye que les
Espagnols ont prise autrefois pour demeurer en possession de la Navarre
Vgl. [nr. 228 Anm. 5] .
En quatriesme lieu avant qu’entrer en traitté avec luy lorsque ses députez
seront à Paris, on l’obligera de licentier ses troupes, et s’il le refuse, ce sera
un prétexte raisonnable pour ne rien faire en sa faveur. Cependant on
tâchera de pourvoir icy par d’autres clauses généralles qu’on fera insérer
dans les deux traittez qu’il ne puisse être receu avec ses troupes ny dans
l’Empire ny dans les Pays-Bas.
En cinquiesme lieu si une fois la paix est rétablye partout et que l’Empe-
reur ait désarmé, il ne sera pas facille audit duc d’attirer aucun prince dans
une nouvelle guerre pour son assistance, et tel qui parle aujourd’huy pour
luy sera le premier à ne le vouloir pas écouter cy-après, pour ne s’engager
pas dans de nouveaux troubles.
En sixiesme lieu quand nous entrerons en conférence avec luy sur l’exé-
cution des traittez précédents et que touttes choses seront examinées par
justice, que nous nous servirons du serment qu’il a fait auquel il ne peut
estre contrevenu sans parjure, et que nous mettrons en avance les dépen-
ses que nous avons supportez et les grands préjudices que nous avons
receus par son manquement dont nous demanderons le remboursement,
il n’y aura personne qui puisse juger en sa faveur qu’il n’ait payé tous les
dépens comme il se pratique dans l’Empire, et comme l’Empereur les fait
payer au prince palatin par la perte du Haut-Palatinat.
Les Espagnols ne pouvoient jamais donner une preuve plus évidente de la
haine implacable qu’ils ont contre nous, et de leur grande aversion à faire
la paix avec la France que par la résolution qu’ils ont prise et exécutée en
l’affaire de Nasples. Il est certain qu’en achevant icy le traitté généralle, ce
différent se fust accomodé de soy-mesme, et que le seul nom de la paix
avec la France eust fait tomber les armes des mains de ces peuples. Ils ont
mieux aimé porter les affaires dans la dernière extrémité et hazarder la
perte de tout ce royaume en y employant la force hors de saison que de
conclurre le traitté avec nous et différer leur ressentiment jusqu’après la
conclusion de la paix. Les Médiateurs ont esté contraints d’aprouver ce
raisonnement, mais monsieur Contariny pour l’affoiblir a répondu que
c’estoit une pure imprudence, la plus grande toutefois que les Espagnols
pouvoient jamais faire en cette conjoncture.
Son Eminence ne pouvoit prendre une plus prudente résolution que de
renvoyer par deçà celle qui doit estre prise sur l’arbitrage de monsieur le
prince d’Orange. Nous tâcherons de n’y rien faire mal à propos, et la
conduitte de ce prince nous oblige de marcher avec grande circonspec-
tion, y ayant autant de raison de se deffier de luy que d’y prendre confiance
et la chose à mon sens estant tout à fait problématique ou douteuse.
Nous nous écrivons monsieur de La Tuillerie et moy toutes les semaines
sur ce sujet et je luy ay déjà mandé il y a longtems
résolu icy monsieur de Niderost et moy que nous essayerons de terminer
en ce lieu les plus grandes difficultez avec l’Espagne, et ne renvoyerons de
delà que celles où nous serons disposez de souffrir qu’on y prenne quel-
que tempérament ou que nous aurons intention de céder tout à fait, affin
d’obliger Messieurs les Estats et ledit sieur prince. Encore avons-nous ré-
solu que sur les points de quelque importance nos amys de ce pays-là
feront expliquer monsieur le prince d’Orange auparavant tant sur le choix
de pers〈onnes〉 de l’Estat qu’il prendra pour l’assister à donner ce juge-
ment que pour former par avance et nous communiquer l’avis qu’il devra
prendre et publier; cela estant bien exécuté, nous ne courons point de
fortune.
Zusicherung der Zahlung von 300 Reichstalern an Duodo; il en reste sept
cent qui sont deus à monsieur Contariny ou à ceux de sa maison. Comme
c’est une humeur avare et intéressée, peut-estre qu’en ne recevant pas sa-
tisfaction sur une demande qu’il croit de justice, il deviendroit offensé et
nous pouroit nuire dans la fonction qui est entre ses mains. D’espérer que
cette faveur l’engage à faire de grandes choses pour nous, je n’en voudrois
pas répondre, car c’est un homme de boutade qui va facilement du blanc
au noir; mais comme cette libéralité n’est pas grande pour un homme de
sa sorte, j’estime qu’il est à propos de le faire de bonne grâce, et qu’elle ne
peut produire qu’un bon effet. Si Son Eminence me l’ordonne, je payeray
encore cette somme avec un compliment de sa part, et envoyeray les quit-
tances par delà.
Vous pouvez assurer Son Eminence que j’aimerois mieux mourir que de
luy avoir déguisé la moindre chose, ny usé d’exagérations en luy rendant
compte des affaires. Il est très certain que monsieur Salvius nous sollicita
fort estant icy de faire agir les garnisons du Roy contre monsieur de Ba-
vière et nous dit qu’il avoit ordre exprès de monsieur Wrangel de nous
faire cette instance. Il est vray aussy que nous essayasmes par toutte sorte
de raisons de luy persuader que la conjoncture et l’estat de nos places
nous forçoit d’user encore pour quelque tems de dissimulation sans nous
déclarer ouvertement, et comme en mesme tems nous luy donnasmes
contentement sur le subside qui estoit le point où en son particulier il
estoit plus intéressé, il donna les mains pour le reste, au moins il n’y insis-
ta plus, mais je ne sçay si son collègue eust esté de mesme avis ny si la
cour de Suède approuvera nos excuses. Nous faisons pourtant nostre pos-
sible tant par le moyen de monsieur Chanut que par monsieur de La
Cour pour le[s] rendre tous capables de raison, et les termes auxquels on
nous en a écrit de la cour ne pouvoient estre accompagnez de plus de
prudence et de précaution. Aussy quand j’ay écrit par delà les raisons
qui doivent faire craindre que les Suédois n’aprouvent pas une conduitte
que nous n’aprouverions peut-estre pas en eux, ç’a esté plustost pour
combattre l’opinion de messieurs mes collègues que je sçay bien qui écri-
voient sur ce sujet en des termes qui pouvoient faire prendre des résolu-
tions préjudiciables, comme on peut voir par la dernière dépêche de mon-
sieur Chanut
S. [nr. 250 Anm. 24] ; vgl. ferner Chanut an Longueville, d’Avaux und Servien, Stockholm
1647 Oktober 12 (Kopie: AE , CP Suède 11 fol. 256–256’).
22 e octobre ayant esté traversé par l’opinion de monsieur de Longueville
et de monsieur d’Avaux, je ne voulus pas faire insérer la mienne pour
n’estre pas accusé d’opiniastreté. Monsieur de Longueville pourtant qui
est fort bon et contre lequel j’avois disputé fortement sans luy déplaire,
m’avoit proposé d’ajouter mon opinion particulière à la dépêche, mais
monsieur d’Avaux qui avoit esté d’abord de mon avis, et qui pour soute-
nir le discours que son neveu avoit tenu à Munic, avoit opiné qu’il estoit
dangereux pour nous de demeurer amys ny mesme neutres avec un prince
qui rompoit contre nos alliez un traitté fait conjointement
Gemeint ist der Ulmer Waffenstillstand vom 14. März 1647 (s. [nr. 7 Anm. 14] ).
blanc au noir et passa par complaisance et par foiblesse de l’avis de mon-
sieur de Longueville, ce qui m’obligea de demeurer sur la retenue, et de
vous faire sçavoir en particulier mon sentiment et la vérité de la chose. Je
ne désavoue pas qu’il ne soit avantageux et commode pour nous de diffé-
rer encore pour quelque tems la rupture avec Bavière si nous pouvons
toujours conserver les Suédois en la bonne humeur où ils sont encore,
mais comme il nous a esté très prudemment ordonné de la cour, nous
serons enfin contraints de faire ce qu’ils voudront. Cependant je ne croy
pas qu’il se faille tant fier en Bavière que l’on ne munisse les places du
Roy principallement Lawinguen, en sorte qu’ils ne puissent pas facille-
ment y entreprendre, car il est bien à craindre si elles demeurent au mau-
vais estat où elles sont, que Bavière se doutant de nostre dessein et voyant
avancer monsieur de Turenne, ne nous prévienne, particulièrement s’il
connoist que sa prévention luy puisse faire gagner aisément une des places
du Roy.
Je vous diray à propos que je ne puis comprendre comment touttes nos
forces d’Allemagne sont en sy mauvais estat, veu que nous avons à pré-
sent une grande estendue de pays, et des places d’armes pour faire des
levées, estant une chose pitoyable qu’avec de l’argent, de bons quartiers
et les soins incroyables que Son Eminence y apporte les officiers subalter-
nes y répondent sy mal que nous ne puissions faire ce que font les enne-
mys, qui n’ont ny argent ny place dont ils puissent disposer absolument.
Il ne tient pas à moy que l’on ne résiste comme il faut aux Médiateurs.
Je n’oze pas vous dire la pluspart du tems ce qui se passe de peur de me
faire de feste, et qu’on ne croye que je veux empiéter estant le dernier de
l’ambassade, mais je vous puis bien dire avec vérité qu’il faut le plus
souvent que je prenne la parolle pour ne leur laisser rien passer à notre
préjudice, et qu’encore en dernier lieu les Impériaux ayant ajouté (à l’in-
stance comme je croy du Nonce) une clause
Vgl. IPM/T-II (s. nr. 3 Beilage 1) (Text: Meiern V, hier 134 , erster Absatz, beginnend:
Reservato tamen jure ).
tembre 1646
Gemeint sind die ksl.-frz. Satisfaktionsartikel vom 13. September 1646 (s. [nr. 1 Anm. 17] ).
que l’Empereur nous cède, je fus contraint de répondre, voyant que
messieurs mes collègues ne disoient mot à la protestation que fit Mon-
sieur le Nonce
aux droits de Sa Sainteté, et de faire une protestation contraire que celle
de Monsieur le Nonce ne pouvoit faire préjudice aux antiens droits de la
couronne de France sur lesdits évêchez.
Il me semble que le petit Rudolphi revient un peu à nous. Je luy ay fait
remarquer depuis peu l’avantage que son maistre retire de la clause que
nous avons inséré pour l’amour de luy à la fin de l’article qui parle de la
ligue des princes d’Italie , et avec combien de secret et de dextérité nous
l’avons fait passer aux Espagnols pour servir en cette occasion à monsieur
le Grand-Duc. Elle nous sert aussy beaucoup pour estre déchargé de la
guerre de Gennes dont l’on poura encore traitter plus particulièrement
avec monsieur de Savoye après la conclusion du traitté pendant le cours
de l’année qui nous reste pour restituer les places.
C’est avec beaucoup de raisons que Son Eminence juge la rétention de ces
places pour estre importante. Aussy est-ce un point des plus importants
de tout le traitté, et ç’a esté un grand bonheur non seulement d’y avoir
porté les Espagnols, mais d’avoir mesnagé que la proposition en soit ve-
nue d’eux. Cela nous donnera moyen de voir avec quelle sincérité ils em-
brasseront la paix et de rentrer en guerre contre l’Espagne au mesme estat
que nous sommes présentement et sans avoir rien rendu, si par sa mau-
vaise foy elle nous force de reprendre les armes.
Je persiste toujours à croire que nous sommes bien fondez à demander les
soldats que les Vénitiens nous ont débauchez et nous plaindre hautement
que ce n’est pas le procédé d’un prince amy, leur faisant mesme sentir
qu’on retirera l’assistance qu’on leur donne contre le Turc, s’ils ne don-
nent satisfaction à Sa Majesté sur ce sujet.
Encore que la pluspart des dépêches que les Espagnols ont eu[es], ayent
esté faittes pendant mon absence, je ne laisse pas de faire une exacte per-
quisition dans ma maison, et d’empêcher par touttes les précautions dont
je puis user, que rien de semblable ne puisse arriver par le moyen des
miens, car je vous prie d’assurer Son Eminence que si un de mes frères
Von Serviens Brüdern lebten noch zwei: François (s. [nr. 115 Anm. 8] ) und Ennemond. –
Ennemond Servien (1596–1679), seigneur de Cossai et de La Balme; er wirkte seit 1623 im
frz. Staatsdienst und war mit verschiedenen Ämtern im Finanz-, Militär- und Justizwesen
betraut, u.a. 1623 trésorier de France en Dauphiné, 1633 commissaire général des guerres,
1635 conseiller d’Etat, garde des sceaux, président au conseil souverain de Pignerol, späte-
stens 1642 président de la chambre des comptes de Grenoble, 1645 intendant de justice au-
delà des monts; zudem wurde er mehrfach mit diplomatischen Missionen betraut und war
1648–1676 frz. Botschafter in Savoyen ( ABF I 955, 256f; Beaucaire, Recueil, XLIV, 3
Anm. 1; Enaux-Moret, 45 Anm. 3; Cras, 48).
avoit esté capable de tomber dans une semblable faute par malice (quoy-
que je sois bien assuré du contraire), je le ferois moy-mesme arrester pour
le mettre entre les mains de la justice.
Je crains bien que s’ils ont eu connoissance de nos desseins, ce ne soit ce
qui les a engagé à tenir plus ferme pour la Lorraine et à laisser ce point
pour le dernier, de crainte que s’il estoit ajusté, et qu’il ne restast plus de
différent que pour l’Italie et la Catalogne, nous ne puissions pratiquer
l’expédient que Son Eminence a autrefois proposé de faire la paix en
ces quartiers de deçà demeurant en guerre en Espagne et en Italie, ce qui
donneroit entièrement dans le sens des Hollandois, mais le point de Lor-
raine l’empêche tout à fait et les
le moyen de pratiquer cet expédient, ne voulant point s’expliquer sur le
point de Lorraine que tout le reste ne soit ajusté. Ils n’ont pas aussy
parlé franchement sur celuy des conquestes au moins sur les dépendan-
ces. Il est vray que si ces deux points estoient ajustez comme il faut, je
croirois bien que le reste pouroit estre remis au jugement de monsieur le
prince d’Orange et de ceux de l’Estat qu’il prendroit avec luy en usant
de précautions dont il est parlé cy-dessus. Encore crains-je qu’il ne se
rencontrast une difficulté insurmontable sur la rétention de ce que nous
occupons aujourd’huy dans le Milanois. Selon mon sentiment ce sera la
pierre d’achopement à la conclusion du traitté, car nous aprenons de
divers lieux que les Espagnols n’y consentiront point, et pour en parler
en fidèl[e] serviteur de Son Eminence, la pluspart du monde nous con-
damnera, si nous rompons pour ce seul sujet, à quoy monsieur Conta-
riny n’a pas mal préparé les esprits, ayant hautement dit et même écrit
en Hollande que nous n’avons fait cette entreprise à la fin de la campa-
gne que pour reculer la paix.
Cela m’a fait penser s’il ne seroit point à propos pour mettre en quelque
sorte la raison de notre costé et guérir les Espagnols de leur grande jalou-
sie pour le Milanois, qui ne leur permet pas de nous y rien laisser, d’offrir
un échange des postes que nous occupons dans le Crémonois, et en les
restituant avec Courtray avoir tout le comté d’Artois compris la place
d’Avène qui en dépend. Cette ouverture, s’il n’y a rien du costé de mon-
sieur de Modène qui empêche de le faire, montreroit bien quelque facilité
de nostre part, et quoyque peut-estre elle ne soit pas accepté par nos par-
tyes, qui font grand cas de trois places qui leur restent dans l’Artois, elle
feroit voir que nous voulons nous accommoder autant qu’il nous est pos-
sible, pourveu qu’au moins on ne nous fasse point sortir de notre pre-
mière maxime de ne rien rendre de part ny d’autre qui est le fondement
de toutte cette négociation, ce qui a esté approuvé de toutte l’assemblée,
laquelle a fort bien recogneu que nous ne sçaurions rien rendre à ceux qui
nous retiennent des Estats et des royaumes entiers sans faire préjudice aux
droits et prétentions de Sa Majesté sur lesdits royaumes et Estats.
Si lorsque Pau et Knut ont assuré en leur province que les Espagnols
sont fort prests de s’accomoder avec nous, et qu’il reste fort peu de dif-
férend, ils avoient parlé sincèrement et sans dessein particulier de parve-
nir à leurs fins, il y auroit sujet de bien espérer et de croire que les Es-
pagnols se sont expliquez confidemment à eux de ce qu’ils veullent faire,
puisque lesdits Pau et Knut ajoutent qu’ils se sont obligez par serment
de n’en rien révéler. Néantmoins tout ce qui vient de ce costé-là nous
doit estre sy suspect que nous n’y pouvons faire aucun fondement et
devoir [!] plutost croire qu’ils n’ont avancé de semblables discours que
pour faire prendre résolution à leur province d’achever leur traitté sur
une présupposition (peut-estre entièrement fausse) que le nôtre est fort
proche de sa conclusion.
Son Eminence voit pourtant dans la dépêche commune que le point de
la satisfaction du Roy dans l’Empire est ajusté et signé, que les Impériaux
commencent à parler plus douteusement du point de la Lorraine, et que si
le traitté d’Espagne s’achève en mesme tems, la difficulté touchant l’assis-
tance que l’Empereur veut luy pouvoir donner comme archiduc cessera
tout à fait. En cas toutefois que les deux traittez ne se concluent pas en-
semble, nous croyons que les estats de l’Empire ne souffriront pas bien
aisément que cet obstacle empêche leur repos. Déjà nous sçavons qu’ils
sont offensez que les Impériaux veullent mettre cette dépendance néces-
saire entre les deux traittez, et vous pourez assurer Son Eminence sur ma
parolle que les affaires ont bien changé de face en notre faveur depuis
quelque tems dans les deux assemblées de Munster et d’Osnabruk où elles
n’avoient esté ruiné[e]z que par un peu de mauvaise conduitte et de né-
gligence, car il y en a qui croyent de faire de grands services au Roy
quand ils s’enferment dans leur cabinet et qu’ils attendent que les affaires
les y viennent chercher. Nous sommes dans un lieu où il faut plus agir
qu’en aucun autre, où il importe extrêmement de justiffier souvent son
procédé et de lever les mauvaises impressions que nos ennemys vont
sans cesse donnant contre nous.
Je n’aurois pas manqué de répondre selon ma petite portée aux libelles de
Brun si nous n’estions dans un accablement continuel depuis quelque
tems, ayant à avancer les deux traittés, nous ne sortons presque tous les
jours de〈s〉 conférences qu’à neuf heures du soir et certainement il ne
nous reste aucun tems après avoir travaillé aux affaires plus pressans.
Brun ne s’est occupé en telle exercice que pendant l’oisiveté où l’on a
demeuré pendant deux ou trois mois que j’estois encore à La Haye. De-
puis mon retour vous aurez vu par
jours esté en action et que grâce à Dieu nous n’avons point perdu le
tems puisque si nous pouvons prendre quelque assurance de la bonne
foy des Espagnols, il y auroit sujet de croire que nous serions bientost
d’accord. Les postures où ils se mettent partout en donnent quelque in-
dice puisque les efforts qu’ils font pour tenir la campagne tant en Catalo-
gne qu’aux environs de Courtray dans une saison sy incommode que cel-
le-cy fait voir qu’ils se veullent trouver en possession de divers lieux
quand la paix se conclura que nous pourions justement prétendre sans
cela et c’est la principalle raison qui m’avoit obligé d’écrire à Son Emi-
nence au commencement de cette campagne
ment de nous trouver en bon estat quand elle finiroit. Son Eminence avoit
bien donné ordre, mais pour trop harasser les troupes, on les a ruiné sans
rien faire de bon.
Revenant à l’affaire de Lorraine, je persiste toujours à croire que nos par-
tyes tant Impériaux qu’Espagnols feront touttes sortes d’efforts pour
nous ravoir jusqu’à faire semblant de rompre, mais je croy aussy que
nous trouvant fermes et invincibles, cela n’empêche pas la paix en leur
donnant le moyen honneste de sortir de cette affaire dont il a esté parlé
cy-dessus.
Vous aurez déjà vu par mes précédentes dépêches que j’avois remarqué
un grand changement au marquis de Saint-Maurice. Il s’estoit imaginé que
pour le remettre en crédit auprès de madame, nous devions abandonner la
pluspart des intérêts du Roy. La rétention des places est ce qui l’a piqué,
mais son mécontentement ne doit pas emporter dans la balance l’avantage
que nous en retirons d’ailleurs. Il m’a luy-mesme confessé que madame
avoit donné lieu par sa conduitte à user de cette précaution contre elle, et
que sans doute Son Eminence ne se fiera pas à madame ny aux ministres
qu’elle a près d’elle , et avoit voulu différer cette restitution jusqu’après
la majorité de monsieur le duc de Savoye. Je n’ay pas travaillé à luy oster
cette croyance puisqu’elle tend à prouver ou justiffier ce que Leurs Majes-
tez ont envie et intérest de faire et déjà la chose estant résolue, il ne sera
plus besoin d’y changer.
Il ne se peut rien ajouter aux diligences que font monsieur de Niderost et
monsieur de Rins〈vau〉de son frère icy, à La Haye, dans leur province,
et auprès de monsieur le prince d’Orange. Ils parlent plus asseurément
l’un et l’autre de la bonne disposition de ce prince que monsieur de La
Tuillerie et témoignent avoir meilleure espérance de nos affaires que luy.
Ledit sieur de Rinsenaude écrivit hier à son frère que Zélande, Utrect et
Frise se sont déjà déclarez de ne vouloir pas traitter sans la France, qu’on
espère qu’Overissel en fera autant et que la Hollande mesme de laquelle
monsieur de La Tuillerie nous écrit fort douteusement
de franchir le saut sans nous. Je ne sçay toutefois que croire, monsieur de
La Tuillerie estant sur les lieux pour voir les affaires de plus près. Si ces
deux frères disent vray et qu’il n’y arrive point de changement, j’oserois
bien répondre que les Espagnols viendront à la raison, mais comme il ne
faut rien pour changer ces peuples et qu’on a eu beaucoup de peine de les
ramener des mauvaises résolutions qu’ils avoient prises cy-devant, au nom
de Dieu représentez à Son Eminence combien il importe de se bien con-
duire touchant les postes du Crémonois et de faire des propositions sur ce
sujet qui puissent estre bien receues. Il me semble que les affaires s’ache-
minent bien et que nous pourions avoir la paix dans cette année pourveu
que vous continuiez par delà à ne vous y attendre pas et que vous n’inter-
rompiez pas vos sages préparatifs. Desjà le point de Casale, de Queras-
que, de Monaco, des Grisons, et de la ligue d’Italie avec celuy de la réten-
tion des places sont ajustez. Tous les points de Catalogne le sont aussy
sans celuy des fortiffications et des limites. Je viens d’aprendre tout pré-
sentement que Brun dans une visitte qu’il a rendu aux Hollandois leur a
représenté tout ce que dessus ajusté, et les a assuré de la bonne disposition
du roy son maistre après la conclusion de la paix avec la France, ce qui me
fait croire qu’ils ont receu avis que les choses ne passent pas à La Haye
comme ils l’avoient espéré.
Nous croyons hier que la convention avec les Impériaux fust entièrement
ajustée et nous nous estions assemblez pour la faire signer par notre se-
crétaire , mais il y est survenu de nouveaux embarras par la seulle vio-
lence et imprudence des Médiateurs qui veullent nous obliger de signer
séparément la promesse de l’assistance contre le Turc, quoyqu’on fust cy-
devant demeuré d’accord qu’elles [!] demeureront toujours secrettes, et si
je ne me trompe qu’elle ne seroit consignée qu’aux Médiateurs pour éviter
que nos partyes ne s’en puissent servir pour nous faire quelque pièce à
Constantinople. On pouroit voir les dépêches qui furent faittes sur ce
sujet dans le mois de septembre de l’année passée . Cependant je vous
envoye une copie de cette convention qui vous fera voir combien il seroit
périlleux que nos partyes l’eussent entre les mains signée de nous.
1 Geheimartikel zu den französisch-kaiserlichen Satisfaktionsartikeln betreffend die franzö-
sische Türkenhilfe, Münster 1646 September 13 . – Kopien (lat.): AE , CP All. 86 fol. 357
(datiert 1647); AE , CP All. 90 fol. 376 (s.l. s.d.); AE , CP All. 102 fol. 172 (datiert 1647
September). Druck (lat.): Repgen, Satisfaktionsartikel, Anhang II, 214.