Acta Pacis Westphalicae II B 4 : Die französischen Korrespondenzen, Band 4: 1646 / Clivia Kelch-Rade und Anuschka Tischer unter Benutzung der Vroarbeiten von Kriemhild Goronzy und unter Mithilfe von Michael Rohrschneider
242. Memorandum Serviens für Lionne [Münster] 1646 November 6
[Münster] 1646 November 6
Konzept, teilweise eigenhändig: AE , CP All. 78 fol. 307–322’, 326, 325 = Druckvorlage.
Überlegungen zur Behandlung Karls von Lothringen; Bitte um Darlegung der königlichen Ab-
sichten. Drängen der niederländischen Gesandten auf Vertragsabschluß. Französisches Bemühen
um Vertragsgarantie. 9. Artikel. Verpflichtungen der Generalstaaten nach Ablauf des Waffen-
stillstands in Katalonien. Verpflichtung Savoyens und Mantuas bei Vertragsbruch durch Spanien;
savoyisch-mantuanische Heiratsverbindungen wünschenswert; keine Änderung des Friedens von
Cherasco. Unterredung mit Ridolfi. Ablehnung der von d’Avaux und den Mediatoren befürwor-
teten Zugeständnisse an Herzog Karl. Zurückhaltung bei Handelsbestimmungen für Dünkirchen.
Keine geheimen Anweisungen Mazarins an Servien. Klärendes Gespräch mit d’Avaux. Bedenken
gegen Gewährung des von Longueville gewünschten Amtes. Einverständnis des Großherzogs von
Toskana mit den französischen Vorschlägen. Gerüchte über Zerwürfnis zwischen Erzherzog Leo-
pold Wilhelm und dem Kaiser. Positive Auswirkung der Gewährung von Subsidien für Schwe-
den, aber Vorsicht vor langfristigen Bindungen angeraten. Unterstützung Portugals. Gespräch
mit Saint-Maurice. Unvernunft der portugiesischen Gesandten. Projekt einer Heirat Mademoi-
selles mit dem Kaiser. Porträts. Ungewißheit über Haltung Mazarins in der Lothringenfrage;
gesonderte Stellungnahme der französischen Bevollmächtigten. Beilage.
Quand nous avons désiré de renvoyer en France l’affaire de Lorraine, ce n’a
pas esté dans le dessein de nous en décharger ny pour donner la peyne à Sa
Majesté ny à messieurs ses ministres de la traiter et conclurre à la cour. Nous
avons tousjours esté très éloigné d’une semblable pensée, sçachant bien que
les commissions importantes et fascheuses doivent estre laissés aux ministres
subalternes pour en soulager le maistre mais nous avons choisi cette voye
comme un moyen plus honeste pour obliger l’Empereur et le roy catholique
de l’abandonner, comm’il a esté fait autrefois par eux-mesmes en l’affaire de
Navarre, et qu’en effet on se conduiroit avec ledit duc comm’on a fait à l’en-
droit de noz roys sur le subjet de ce royaume. Nostre opinion n’a jamais esté
qu’on deust restablir le duc Charles dans ses Estatz, doutant mesme qu’on le
puisse dans une 〈…〉 estans fundez contre luy sur divers traités et sur tant
de puissantes raisons. Pour retenir et réunir à la couronne ce qui a esté
conquis sur luy par une juste guerre, nostre intention a tousjours esté non
d’introduire par le renvoy de ses intérestz une véritable négotiation en France,
mais de le remettre entièrement à la discrétion de Leurs Majestés, sans que
cy-après l’Empereur ny le roy catholique y pussent prendre part ny luy don-
ner aucune assistance, comme nous sommes bien fundez tant en vertu des
traités praeliminaires qu’en plusieurs autres grandes considérations de l’ex-
clure tout à fait de ce traité, nous avons apréhendé de sortir de nostre force et
d’affoyblir nostre droit en luy faisant icy quelque ouverture autre que pour un
entretènement.
Outre que cela porteroit la négotiation dans une plus grande longueur, cette
affaire estant seulement entamée lorsqu’on est sur le point de conclurre, nous
avons apréhendé que ledit duc ne se voulant pas contenter de ce qu’on luy
offriroit, comm’il n’y a pas apareu qu’il fasse, les Impériaux qui jusqu’icy
nous avoient presque donné asseurance de l’abandonner, ne s’y rendent plus
difficiles après nous avoir veu haesiter en cette affaire, que rien n’avoit jusqu’à
présent mis en bon estat que la fermeté en la résolution que nous avons fait
paroistre; desjà nous voyons que Contarini en ayant fait parler à la cour par
l’ambassadeur Nani pour obliger Trautmensdorf duquel il est intyme, et
ayant peut-estre aperceu quelque jour aux propositions qu’il y a fait faire,
comence à changer icy de langage et de révoquer en doute les parolles qu’il
nous a cy-devant portées de la part des Impériaux.
Il nous importe donc infiniment de sçavoir promptement pour 〈reigler〉
nostre conduite selon la volunté de Leurs Majestés si nous ne devons pas,
comme ce seroit mon advis, persister à exclure le duc Charles de ce traité en
le faisant abandonner par les Impériaux et Espagnolz qui nous ont formelle-
ment donné parolle de ne retarder pas la conclusion de la paix pour ses inté-
r〈êtz〉, et si on n’entend pas que l’expédient dont il est parlé dans un mé-
moire dressé sur ce subjet du *** et dans les observations du 19 du mois
passé soit seulement proposé en cas qu’il y eust impossibilité d’obtenir da-
vantage et de faire mieux, nous avons estimé que c’estoit la véritable intention
de Leurs Majestés, ne faisant point de doute que quand on auroit dessein en
effet de faire quelque chose pour le duc Charles, il ne soit plus avantageux de
différer la résolution jusques au temps qu’il aura esté abandonné par les enne-
mis. Outre qu’on le détachera par ce moyen d’avec eux et qu’on le rendra
dépendant et comme à la mercy de la France, les conditions de ce qu’on vou-
dra traiter avec luy en deviendront sans comparaison plus faciles. D’ailleurs
on pourra mieux éviter de faire préjudice aux praetentions de madame sa
femme, estant très important au Roi pour plusieurs raisons de ne condemner
ny l’un ny l’autre. Et quand on ne se voudra résoudre à acorder autre chose
qu’un honeste entretènement pour luy et pour madame sa femme et pour
monsieur son frère, on pourroit tousjours se venter d’avoir beaucoup plus fait
que les Espagnolz n’ont jamais voulu faire en faveur du roy de Navarre,
quoyqu’il y ayt très grande différence entre l’usurpation in[j]uste qu’ils ont
faite de ce royaume et les justes raisons que la France a de retenir la Lorraine
tant par le droit de la guerre qu’en exéquution des traités faits avec le duc
Charles ausquelz il a tousjours contrevenu, quoyqu’il se fust soubmis à la
perte entière de ses Estatz s’il y contrevenoit.
Nous sommes obligez de représenter que les députez de Hollande ayant veu
que les Espagnolz consentent à laisser à la France tout ce qu’elle possède,
s’imaginent que la paix est desjà comme résolue avec l’Espagne et en escrivent
souvent en ces termes à leurs supérieurs
Vgl. die Schreiben der ndl. Ges. in Münster an die Generalstaaten vom 3. Oktober 1646
(Kopie: AE , CP All. 67 fol. 33–36’; Druck einer it. ÜS: Siri VIII S. 899f.), vom 16. Oktober
1646 (Kopie: AE , CP All. 67 fol. 105–106; Druck einer it. ÜS: Siri VIII S. 902–904) und
vom 19. Oktober 1646 (Kopie: AE , CP All. 67 fol. 118–118’).
tement toutes les choses qui sont nécessaires pour la conclusion du traicté. Ilz
représentent par toutes leurs dépesches qu’il n’y a plus rien qui puisse retar-
der celuy de la France, toutes les choses essencielles estans accordées, soit
qu’en effect ilz ayent cette opinion, soit que pour demeurer dans les pre-
mières maximes de quelques-uns d’entre eulx ilz estiment que les intérestz
des Pays-Bas estans démeslez, ilz ne doibvent pas arester leur traicté sur les
difficultez qui peuvent rester sur les autres poinctz, soit que les plénipoten-
tiaires d’icy, qui souhaitent ardemment l’accommodement de leurs provinces
avec l’Espagne, veuillent industrieusement donner appréhention de la conclu-
sion de nostre traicté à Messieurs les Estatz pour les obliger à prendre plus
promptement leurs résolutions et à venir plus promptement leurs résolutions
et à venir plus viste dans celles que ceux-cy désirent. Cela nous fait croire que
peut-estre nous serons entrainez par eux et que pour ne les laisser pas aller
sans nous il faudra peut-estre se contenter de convenir présentement avec
l’Espagne des principales difficultez du traité et remettre sur certains poinctz
(comme celluy de Casal et de la ligue d’Italie), ce qui regarde seulement leur
exéquution, à un autre temps ce que néantmoins nous ne fairons qu’à l’extré-
mité et par contrainte.
La partie du Roy estoit sy bien faicte dans cette guerre, et il estoit sy malaisé
qu’elle n’eust tousjours esté accompagnée d’heureux succès, en cas qu’on eust
esté contrainct de la continuer que tout ce à quoy on doibt le plus songer en
faisant la paix, est que sy elle est violée cy-après de la part des Espagnolz, la
France rentre en guerre au mesme estat qu’elle y est à présent et avec les
mesmes alliez.
Pour cet effect, il fault obtenir la garentie expresse et nullement limitée de
Messieurs les Estatz, par laquelle ilz doivent demeurer obligez en termes ex-
près et sans ambiguïté à reprendre les armes conjoinctement avec le Roy
contre les Espagnolz en cas qu’ilz contreviennent au présent traicté de paix
ou de trêve, en quelque lieu et en quelque manière que ce soit, dont à cause
des doubtes et diverses questions qui ont esté parmy eux il importe extrême-
ment de se bien esclaircir avant la signature du traicté, n’y ayant pas aparence
de raison que la France leur doive donner toute son assistence et tout son
amitié et qu’elle se doibve contenter d’une partie de la leur.
Je vous suplie de dire à Son Eminence que sy on ne faict bien explicquer
Messieurs les Estatz sur cette obligation pour la garentie de tout le traicté
ou qu’on désire de les en presser jusqu’à ce qu’ilz ayent achevé toutes leurs
affaires, nous n’en aurons jamais l’effect, dans lequel néantmoins doibt con-
sister la principale et presque unique seureté de nostre traicté, la pluspart
de Messieurs les Estatz ayant une intention secrette de nous tenir bien liés
s’ilz peuvent dans tous leurs intérestz, mais de conserver quelque prétexte de
n’estre engagez dans les nostres qu’autant qu’il leur plaira.
Cela est sy juste et ilz ont tant besoin (aujourd’huy qu’ilz font la paix) de la
garentie de la France pour asse[z] bien asseurer ce que l’Espagne leur accorde
qu’on leur peult déclarer nettement qu’on n’entend pas demeurer obligez en-
vers eux pour tout ce qui les touche, s’ilz entendoient n’estre obligez envers la
France que pour une partie de ses intérestz.
Il me semble que pour introduire adroictement cette négotiation, sans qu’il
paroisse ouvertement que nous vouloir[!] révocquer en doubte ce qui est por-
té par les traictez d’alliance, on leur pourroit proposer le neuvième article
Vgl. [nr. 2 Anm. 3] .
dont ilz nous ont cy-devant parlé non pas comme une chose nouvelle, mais
comme respondant à l’instance qu’ilz nous en ont cy-devant faicte, sur la-
quelle nous avons seulement différé de leur donner nostre résolution jusqu’à
ce que les principales difficultez du traicté général fussent vuidées. Ilz ne
pourront pas refuser avec raison une chose qu’ilz ont sy souvent demandée.
Ilz ne peuvent pas nous objetter aussy que nous l’ayons absolument refusée,
comme en effect nous n’avons jamais faict que la renvoyer jusqu’à la fin du
traicté, et quand nous y avons faict deffaut, ç’a esté seulement en leur repré-
sentant les obstacles qu’ilz avoient eux-mesmes aportez à leur intention par
certaines conventions qu’ilz avoient faictes avec les Espagnolz; d’ailleurs c’es-
toit eux qui préféroient volontairement pour la commodité de leur Estat la
trêve à la paix, au lieu que nous sommes forcés pour leur complaire et pour
avancer le traicté de condescendre à une trêve pour la Catalogne qui ne nous
est pas sy avantageuse qu’eust esté de comprendre cette principauté dans la
paix. Oultre cela on s’est tousjours laissé entendre qu’on ne refuseroit pas ce
neuvième article, pourveu qu’il ne nous ostast pas la liberté de faire la paix, et
puis, on leur a tousjours respondu qu’en tout cas la France s’obligeroit envers
eux, s’ilz estoient attacquez par l’Espagne après leur trêve finie, à une assis-
tance d’hommes, d’argent et d’autres choses sy considérable qu’elle ne leur
seroit pas beaucoup moins utile qu’une nouvelle rupture avec l’Espagne.
Par toutes ces raisons, nous avons droict de demander aujourd’huy à Mes-
sieurs les Estatz s’ilz font la paix que ce neuvième article soit accordé en nos-
tre faveur en cas que les Espagnolz à la fin de la trêve qui sera faicte pour la
Cathalogne, refusent de la renouveller aux mesmes conditions qu’elle sera
présentement accordée.
Sy en faisant vivement cette instance, on peult obtenir ledit article, il sera très
utile pour affirmer tousjours davantage l’union de Messieurs les Estatz avec la
France et tenir par ce moyen en devoir les Espagnolz, qui ne se porteront pas
sytost à entreprendre des nouveautez ny en Catalogne ny ailleurs quand ilz
verront cette estroitte liaison entre la France et les Provinces-Unies. Cette
considération servira mesmes beaucoup à nous faire proposer par les Espa-
gnols des conditions plus avantageuse en cas que pour ravoir la Cathalogne
ilz voulussent cy-après venir à quelque eschange.
Ce poinct est de très grande importance et nous est très nécessaire, non pas
tant pour obtenir en effect ledit neuvième article comme pour nous asseurer
de l’intention de Messieurs les Estatz pour la garentie de la trêve de Catalogne
pendant le temps qu’elle durera, y ayant apparence que pour s’exempter de
rompre leur paix et rentrer en guerre après que ladite trêve sera finie, ilz of-
friront eux-mesmes de la garentir pour le temps qu’elle doit durer, qui est le
principal but que nous avons. Oultre cela sy nous ne pouvons pas tout à faict
obtenir qu’ilz rompent leur paix après la trêve de Catalogne finie, sy l’Espa-
gne refuse de la continuer, nous pourrons peult-estre obtenir deux choses très
raisonnables (qui peuvent estre nostre seconde visée), l’une qu’ilz promettent
à la France de luy donner en ce cas une assistance considérable d’hommes et
de vaisseaux, entretenuz à leurs despens au service du Roy jusqu’à ce que
l’Espagne se dispose à renouveller la trêve ou à faire la paix, l’autre qu’ilz
s’obligent, tandis que les hostilitez dureront entre la France et l’Espagne, de
ne donner directement ny indirectement aulcune assistance quelle qu’elle soit
au roy catholique et de ne permettre point, soubz quelque prétexte que ce
soit, que leurs subjetz, soldatz, matelotz ou autres luy rendent aulcune sorte
de service. En chef, en cas que nous soyons contrainctz de venir aux deux
dernières conditions, nous pouvons bien faire valoir à Messieurs les Estatz le
tempérament que nous apportons en cela pour nous accommoder à leur hu-
meur, puisque estans obligez sans contredict de garentir nostre paix et ne
pouvant ariver de rupture entre les deux couronnes pour raison de la Catalo-
gne qu’elles ne rentrent aussy en guerre partout ailleurs, Messieurs les Estatz
ne peuvent pas sans manquer directement aux traictez d’alliance, refuser de
reprendre les armes en ce temps-là contre les Espagnolz.
C’est une des principales raisons qui m’a tousjours faict croire que Messieurs
les Estatz par la ligue qu’ilz vouldroient faire entre la France, l’Espagne et
eulx pour maintenir les Pays-Bas en l’estat où ilz seront laissez par le présent
traicté, ont intention entre autres choses de se tirer de tous les autres engage-
mens hors ceux qui regardent les Pays-Bas, parce que sy nous avions consenty
à cette ligue, et qu’après il arivast quelque rupture entre les deux couronnes
ou en Italie ou en Espagne, et peult-estre mesme pour raison de la Lorraine,
ilz respondroient quand nous les vouldrions presser de rentrer en guerre
qu’ilz n’auroient point de moyen de le faire, n’ayant rien dans le voysinage du
roy catholique et ayant les mains liées par la ligue pour tout ce qui regarde ses
Estatz des Pays-Bas. Ilz nous ont souvent allégué cette mesme response pour
s’excuser de n’avoir pas rompu avec l’Empereur lorsqu’il attacqua la France et
de ne le pouvoir pas faire présentement à cause, disent-ilz, qu’il n’a point
d’Estatz ny de places en propre dans leur voysinage qu’ilz puissent attacquer,
et qu’il fauldroit qu’ilz traversassent quantité de pays neutres et amis pour
l’aller chercher dans ses Estatz héréditaires, ce qui leur est impossible, et cela
nous faict croire qu’ilz ne manqueroient pas de se servir de la mesme excuse à
l’esgard de l’Espagne.
C’est pourquoy, en cas qu’on jugeast se devoir réduire au tempérament cy-
dessus proposé de se contenter de l’assistance de Messieurs les Estatz et de la
promesse de n’assister point les Espagnolz en la guerre de Catalogne, il faul-
droit y adjouster cette condition expresse que cela s’entendroit seulement en
cas qu’on ne vînt point en rupture partout ailleurs, mais qu’au cas que la
rupture se fist aussy aux Pays-Bas et en Italie, ilz seroient obligez de rentrer
en guerre conjoinctement avec la France contre l’Espagne suivant ce qui est
porté par les traictez, et je souhaitterois qu’en telle occasion le choix de faire
la rupture partout ailleurs ou de ne la faire pas dépendist absolument du Roy,
et non pas qu’on se liast par un traicté de ligue de ne vouloir jamais faire
aulcune hostilité dans les Pays-Bas qui est le lieu le plus commode à la France
pour faire la guerre, et où elle peult avec plus de facilité faire de grandz
progrès.
En chef, il y a un autre point qui selon mon foible sentiment n’est pas moins
important et qui est une suite de l’exelente pensée que Son Eminence a eue
sur les affaires d’Italie, laquelle nous a dessillé les yeux et ouvert l’esprit en
cette matière, c’est que par les traictez particuliers qui doibvent estre faictz de
nostre part avec les maisons de Savoye et de Mantoue nous les devons obliger
en termes bien exprès non seulement de se déclarer contre l’Espagne et de
joindre leurs forces à celles du Roy, en cas qu’elle contrevienne cy-après en
quelque lieu et soubz quelque prétexte que ce soit aux conditions de la paix
ou de la trêve accordées par le présent traicté, mais en ce cas de remettre entre
les mains du Roy Casal et les principalles places de Piedmont qu’on leur
doibt aujourd’huy rendre, à sçavoir la citadelle de Turin , Chivas, Verrue et
Trin , pour y demeurer en la mesme forme qu’elles y sont aujourd’huy, jus-
qu’à ce que les nouveautez et contraventions faictes par les Espagnolz soient
entièrement réparées et que toutes choses ayent esté restablies et remises en
l’estat qu’elles doibvent estre par le présent traicté.
Cela paroistra un peu rigoureux à l’esgard desdites maisons de Savoye et de
Mantoue, mais il semble que la France, ayant garenty en divers temps les
Estatz de l’une et de l’autre de l’invasion des Espagnolz, et ayant tant faict de
despenses pour reprendre les places qu’ilz avoient occupées et pour conserver
celles qu’ilz ont sy aouvent voulu attacquer, puisqu’elle donne sy libéralle-
ment pour le bien de la paix tant de millions et d’hommes qu’elle a consom-
mez pour ce subjet, et qu’aujourd’huy elle restitue sy volontairement tout ce
qu’elle tient, qui luy peult beaucoup servir dans la continuation de la guerre
pour incommoder son ennemy, le moins qu’on puisse faire en sa faveur est de
promettre que lesdites places qu’elle rendra présentement seront cy-après re-
mises en son pouvoir, en l’estat et aux conditions qu’elles y sont aujourd’huy,
en cas que la paix ou la trêve pour lesquelles seules l’on faict toutes lesdites
restitutions, soient violées cy-après par les Espagnolz.
L’intention de Sa Majesté estant ou de faire un traité ferme et durable, par
lequel elle asseure bien tous les avantages qu’ell’y reçoit, ou que toutes choses
reviennent au mesme estat où elles sont à présent à fonds de quoy la paix ne
seroit qu’un piège qu’on auroit tendu à la France pour avoir moyen de reco-
mencer cy-après la guer[r]e contre elle, lorsqu’elle se seroit mise par la resti-
tution de tout ce quie [!] est entre ses mains dans une posture sans comparai-
son plus désavantageuse qu’elle n’est aujourd’huy.
Cette condition est d’aultant plus raisonnable qu’elle ne peult jamais avoir
d’effect qu’en cas que les Espagnolz recommencent eux-mesmes la guerre, et
que sçachant eux-mesmes cette obligation, la crainte qu’ilz auront en contre-
venant au présent traicté de faire retumber tant de places entre les mains du
Roy les empeschera certainement de former le dessein, et les fera demeurer de
bonne foy dans l’observation de ce qui sera maintenant accordé. Cette consi-
dération est avantageuse tant pour bien asseurer le repos général de l’Italie
que pour celuy des maisons de Savoye et de Mantoue en particulier.
Il faut encor considérer qu’en effect on ne convient à présent que d’une trêve
de trente ans entre les deux couronnes, car encor qu’on fasse la paix partout
ailleurs qu’en Cataloigne, cela ne doit avoir effet que pour les renunciations
qui y sont stipulées, car pour ce qui regarde les hostilitez, il est certain que
toutes les fois qu’elles recomenceront en Cataloigne, soit pendant la trêve ou
après qu’elle sera finie, elles recomenceront aussy partout ailleurs. C’est pour-
quoy on pourroit avec quelque sorte de raison prétendre de la part de la
France de demeurer en possession de tout ce qu’elle tient dans l’Italie pendant
la durée de la trêve comme c’est l’ordinaire, mais d’autant que par les traitez
faitz avec la maison de Savoye on luy doit rendre ses places si on fait une
trêve plus longue que d’une année, on y veut bien satisfaire tant pour obliger
ladite maison que pour avancer le repos public, dont la crestienté a tant de
besoin, mais il ne seroit pas juste que cette bonne volunté de la France tour-
nast à son praejudice par la mauvaise foy de ceux qui voudroient troubler ce
repos, et par conséquent s’il arrive quelque contravention de la part des enne-
mis, il est très raisonable que toutes choses soient remises en l’estat qu’elles
sont aujourd’huy, puisqu’on ne les change qu’en faveur de la paix qui ne du-
reroit plus.
Mon advis seroit aussy qu’on ne se contestat pas que les princes d’Italie s’obli-
gent en cas que la paix ou la trêve soit rompue par les Espagnolz en Catalo-
gne ou aux Pays-Bas, de ne se mesler point de la guerre que cette rupture
causera dans l’Italie qui seroit proprement y demeurer en neutralité, car oul-
tre que nous nous osterions le moyen d’en avoir quelques-uns de nostre parti,
que l’espérance de prendre part et de proffiter à nostre progrès y pourroit
attirer, il semble qu’on peult raisonnablement prétendre quelque chose de
plus et les engager non pas à venir faire la guerre hors de leur pays au roy
d’Espagne dans les lieux où il auroit rompu la paix ou la trêve, mais de se
joindre à nous pour la luy faire dans l’Italie comme par une diversion néces-
saire pour le forcer à cesser les hostilitez qu’il auroit commencées ailleurs, et à
réparer les contraventions qu’il auroit faictes à la paix. Je ne voy pas qu’ilz
puissent refuser avec raison cette condition si on leur fait bien cognoistre
qu’ell’est absoluement nécessaire pour establir le repoz public dans lequel le
leur particulier est enclos.
En chef, pour conclusion, je croy que sy nous faisons nos affaires en gros et
toutes à la fois, nous y treuverons nostre compte, mais sy nous les faisons en
détail, nous y recevrons du préjudice, et pour m’explicquer mieux, la garentie
de Messieurs les Estatz pour la seureté des seulz Pays-Bas ne nous est pas
advantageuse, non plus que celle des princes d’Italie réduicte aux seulz inté-
restz de cette province, mais l’une et l’autre joinctes ensemble, s’il se peut, et
ayant rapport à tout ce qui sera contenu dans le traicté, nous feront posséder
avec une entière seureté les advantages qu’il nous doibt acquérir. Je croy donc
que ce qu’il y a de plus pressé pour la seureté de la paix est qu’en mesme
temps qu’on nous ordonnera de nous bien asseurer de l’intention de Mes-
sieurs les Estatz pour la garentie de tout le traicté, soit par l’expédient cy-
dessus proposé ou par quelque autre, soit qu’il en faille traicter icy ou à La
Haye, on envoye en dilligence quelque personne intelligente à Turin et à
Mantoue pour faire avec les deux princesses qui y gouvernent les traictez par-
ticuliers qui sont nécessaires pour la seureté du général, et dont il fauldroit
nécessairement estre d’accord avec elles, avant que celuy-cy fust conclud, sy
toutefois on a loysir d’en différer la conclusion et qu’on ne soit pas trop pres-
sé par des alliez qui désirent avec tant d’impatience et de précipitation le re-
pos, lesquelz il seroit aussy très périlleux de laisser avancer sans nous.
Mais en cas que Messieurs les Estatz nous pressent comme leur conduicte
nous donne subjet de le craindre, j’estime que nous devons nous contenter
présentement que l’article qui a esté minuté pour la seureté de Casal soit
passé dans le traicté que nous signerons en la forme que vous le verrez, et que
nous devons estre bien aises qu’il se rencontre des longueurs et des difficultez
qui empeschent de convenir maintenant de la ligue d’Italie, affin que nous
ayons ce prétexte de sursceoir pour six mois ou un an et mesme pour plus
longtemps non seulement ce qui aura esté convenu pour Casal, mais la resti-
tution entière des places qui doivent estre rendues de part et d’autre. Ce n’est
pas que je propose ce délay avec aucune intention qu’on doive manquer à ce
qui aura esté promis, mais pour avoir assez de temps pour prendre noz pré-
cautions et faire noz traictez particuliers avec madame la duchesse de Savoye
et madame la duchesse de Mantoue et pour avoir loysir de leur faire compren-
dre raison en leur représentant que sans cela il n’y aura point de paix, et
qu’elles ne doivent pas espérer de rentrer dans les places que nous tenons,
puisque sans les précautions que nous demandons avant que les pouvoir ren-
dre et que nous avons très grand intérest d’y apporter, nous courrions fortune
en les rendant de ne faire aultre chose que de fournir aux Espagnolz le moyen
de s’en servir contre nous dans quelque temps, ce que lesdites princesses ne
doivent pas treuver mauvais qu’on veuille prévenir.
La mesme personne qui seroit envoyée vers lesdites princesses pourroit traic-
ter un double mariage entre ces deux maisons, à sçavoir de monsieur de Sa-
voye avec la princesse de Mantoue et du duc de Mantoue avec une des prin-
cesses de Savoye
ces deux princesses en leur en parlant avec un peu d’authorité et leur remons-
trant la nécessité qu’il y a de s’y résoudre de part et d’autre pour prévenir
plusieurs inconvéniens et guérir diverses meffiances, pourroit donner moyen
d’assoupir divers différens qui restent encor entre ces deux maisons, en exécu-
tant et affermissant le traicté qui a esté faict à Quérasque, et remédieroit à
l’apréhension que nous devons avoir que la princesse de Mantoue qui n’a
qu’une seule fille venant à se marier dans quelque maison dépendante de l’Es-
pagne, le Monferrat ne tumbe par ce moyen en la disposition du roy catholi-
que en cas que ledit sieur duc de Mantoue vînt à mourir. Les ministres de
Mantoue demeurent un peu picquez de ce qu’on n’a voulu aporter aucun
changement au traité de Quérasque et que nous leur avons franchement dé-
claré qu’ilz ne devoient pas s’y attendre, n’estant pas possible que la France
fasse perdre à la maison de Savoye, tandis qu’ell’est alliée avec le Roy, 〈les〉
avantages qu’on a esté contraint de luy acorder lorsqu’ell’estoit unie avec les
ennemies et qu’ilz luy ont eux-mesmes procurés, la bienséance ny la raison ne
permettant pas que pour obliger les Impériaux et Espagnolz ny pour quel-
qu’autre considération que ce soit, on répare au préjudice de la maison de
Savoye celluy que l’Empereur et le roy catholique ont fait autrefois à la mai-
son de Mantoue. Enfin nous leur avons fait comprendre que pour réstablir
feu monsieur le duc de Mantoue
le remettre dans ses deux villes capitales, dont l’une estoit réduite aux abois
par les armées d’Espagne
reur
alors se deffendre et qu’on ne peut pas aujourd’huy changer, mais on peut
mettre en considération aux ministres et à madame la duchesse de Mantoue
que si on vouloit suivre l’exemple du roy catholique et de plusieurs autres
princes qui possèdent des places importantes et des Estatz très considérables
où ilz n’ont eu autre droit au comencement que les dépenses qu’ilz ont faites
pour les deffendre et les sommes qu’ilz ont prestées ou avancées pour cela aux
propriétaires qu’〈en〉 entier ilz en ont dépouillez, Leurs Majestés ne man-
queroient pas de raison pour demander la restitution des frais incroyables
qu’elles ont faits pour conserver Casal et pour deffendre le Montferat qu’es-
tans aussy obligez de payer cinc centz mille escuz à monsieur le duc de Man-
toue à l’occasion de la maison de Savoye, elles légitimement praetendent de
faire compensation de cette somme avec tant d’autres qui ont esté avancées
pour ledit sieur duc en divers temps du costez du Roy qu’au lieu d’avoir cette
prétention. Elles sont portées non seulement de faire don libéralement audit
sieur duc de toutes leurs avances et fournitures qu’elles ont fait pour luy et de
luy payer ladite somme de cinc centz mille escus, mais qu’outre cela elles
veullent de bon cœur se charger du payement de la plus grande partie de la
garnison de Cassal et imposer pour longtemps cette nouvelle charge à la
France pour soulager d’autant les finances dudit sieur duc, luy donner moyen
de les restablir et le dédomager en quelque sorte aux dépens du royaume de la
diminution qu’a aportée dans ses revenus le démembrement qui a esté fait au
Montferat pour le traité de Quérasque, qui n’esgale pas la somme que le Roy
est obligé de fournir pour l’entretènement de ladite garnison, que tout cela
méritera tousjours devant les personnes désintéressées plustôt des remerci-
mentz et des sentimens de gratitude que du mescontentement ny des plaintes
de la part dudit sieur duc, et que par conséquent il ne doit pas refuser ce que
Sa Majesté a intérest de luy demander pour la seureté de la paix, sans laquelle
il ne sçauroit jouir paisiblement de ses Estatz et courroit fortune de les voir
tumber entre les mains de ceux qui ne luy en fairont pas si facilement 〈…〉
si libéralement la restitution que veut faire aujourd’huy la France, pourveu
qu’elle soit seurement asseurée que jamais ses ennemis ne s’en pourront pré-
valoir contre elle.
Les[!] ministre du Grand-Duc, ayant apris de Monsieur le Nunce que nous
avons intention d’obliger par la ligue les princes d’Italie de garentir tous les
pointz du traité qui sera présentement fait, m’en est venu parler fort scanda-
lisé, croyant que lesdits princes ne voudront pas s’obliger si avant ny s’inté-
resser dans les guerres qui pourroient ariver entre les deux couronnes dans
l’Espagne ny aux Pays-Bas. Je luy ay dit amplement et fait comprendre noz
raisons en sorte que quand il est party d’auprès de moy, il m’a avoué et dit
plusieurs fois que nous avons raison de pra[e]tendre ce que nous demandons,
quoyque je luy aye souvent répété que nous entendions que les princes d’Ita-
lie se déclarassent contre l’Espagne pour luy faire la guerre conjointement
avec nous dans l’Italie, en cas que le roy catholique començast la guerre ail-
leurs contre nous, qu’à la vérité en ce cas nous n’entendions pas que les prin-
ces d’Italie fussent obligez de porter leurs armes hors de leur pays, quoyque la
guerre y eust esté comencée, mais d’autant qu’elle ne pourroit estre faite en un
lieu sans causer une rupture ouverte et générale entre les deux couronnes
qu’ilz ne pourroient pas refuser de se déclarer contre celle qui auroit la pre-
mière violé le traité de paix ou de trêve, pourveu qu’ilz ne fussent pas obligez
d’envoyer leurs forces au loin, mais seulement de les employer dans leur voy-
sinage contre l’agresseur, parce que cette seule obligation seroit capable d’em-
pescher l’un ou l’autre des deux roys de contrevenir le premier au présent
traité de crainte d’avoir tous les princes d’Italie contre luy.
Sy monsieur d’Avaux a proposé cy-devant de donner l’Alsace au duc Charles,
je vous puis asseurer qu’il n’a pas ozé soustenir son opinion contre monsieur
de Longueville et contre moy. Vous verrez par la dépesche commune que
nous luy avons faict chanter la palinodie comme il fault, mais je crains bien
que comme il s’est mis dans l’esprit depuis quelque temps qu’on ne peut pas
retenir en conscience le bien du duc de Lorraine, et qu’il veult faire l’homme
de bien aux despens de l’Estat, qu’il ne se soit explicqué de ses sentimens à
Contarini, et en quelqu’autre endroit dont nous recevons maintenant très
grand préjudice comme nous fismes l’autre jour de sa conversation secrette
avec Trautmansdorff dont je vous envoyay la copie .
Je suis obligé d’admettre à Son Eminence que cette affaire de Lorraine empire
tous les jours au lieu de s’avancer et que les médiateurs, ayans relevé depuis
peu leurs espérances sur ce subjet peult-estre dans le jour qu’ilz ont veu aux
discours particuliers de quelqu’un de nous ou du costé de la cour d’obtenir
pour le duc Charles des choses que nous leur avions jusqu’icy faict croire
impossibles, changèrent hyer de langage avec nous et non seulement ne nous
voulurent pas confirmer les parolles qu’ilz nous avoient cy-devant données
que cette difficulté n’empescheroit pas la paix, et que l’Empereur ne refuse-
roit pas de promettre, quand on seroit à la conclusion du traicté, qu’il n’assis-
teroit point le duc Charles, mais ilz voulurent entrer en de nouvelles condi-
tions et de nouveaux traictés sur ce subjet avec nous, dont nous fusmes
contrainctz de leur faire de grandes plaintes et de nous piquer. La crainte d’un
semblable procédé m’a tousjours faict croire qu’il estoit périlleux de traicter
icy de cette affaire, de laquelle il est beaucoup plus aisé de sortir en soustenant
tousjours qu’elle n’est point de ce traicté que de l’y laisser entamer le moins
du monde comme nous avons fait en l’affaire d’Espagne, dont nous ne fus-
sions jamais sortis si promptement et si heureusement que nous avons fait si
nous eussions offert la moindre restitution.
Oultre les raisons qui ont esté sy souvent escriptes et celles que nous avons
répétées aujourd’huy dans nostre dépesche commune sur les intérests de Lor-
raine, il seroit très dangereux de laisser prendre part aux estatz de l’Empire
dans ce différend et très malaisé s’ilz l’y avoient une fois prise de les en faire
retirer ny peult-estre de les faire aprouver les conditions que nous vouldrions.
Il est bien plus facile pour eux et peut-estre aussy plus honorable de s’en laver
tout à fait les mains comme d’une affaire entièrement séparée de celles de
l’Allemagne que d’y entrer pour n’obtenir que des expédientz telz que nous
les pouvons accorder. Je demande pardon à Son Eminence sy je me rends
importun sur un poinct sy important et qui doibt affermir ou laisser en péril
toutes les autres conquestes du Roy, car oultre que les princes de cette maison
s’ilz sont jamais restabliz dans leurs anciens Estatz ne perdront point d’occa-
sion de troubler la France dans sa nouvelle acquisition de l’Alsace et des trois
éveschez pour peu qu’ilz en voyent la conjuncture favorable, et qu’ilz se ren-
dront tousjours facilement les instrumens de toutes les nouveautez que la
maison d’Austriche vouldra exciter de ce costé-là, il seroit très fascheux
qu’ayant peu exclure entièrement le duc Charles de ce traité et le mettre à la
discrétion du Roy sur tout ce qu’il peut pra[e]tendre par le différant jusqu’à ce
qu’il ayt esté abandonné par les Impériaux et les Espagnolz, nous l’allions
aujourd’huy restablir pour l’amour d’eux dans un pays duquel il se servira un
jour pour nous faire du mal, et ainsi ce que nous avions pensé faire pour
faciliter la paix et l’affermir, servira de moyen pour la rompre, parce que
〈…〉 qu’il arrivera la moindre difficulté sur ce que nous avons promis au
duc Charles, qu’il interprétera à ses périls quand il voudra troubler, l’Empe-
reur et le roy d’Espagne que nous y aurons intéressez en traitent l’affaire de
Lorraine avec eux, seront obligez d’y prendre part et de l’assister.
Il est certain que sy le roy d’Espagne avoit cy-après dessein de faire quelque
eschange avec le Roy du Luxembourg et de la Franche-Comté pour raveoir la
Cathalogne, il en seroit puissamment destourné par les ducz de Lorraine, s’ilz
estoient restablis dans une partie de leur Estat, et mesmes tiendroit à plus haut
prix lesdites provinces de Luxembourg et de Bourgogne, quand il y auroit un
prince au millieu qui luy seroit favorable, comme il ne pourroit jamais man-
quer d’estre après avoir esté restably par la protection de la maison d’Aus-
triche.
Je ne vous ay pas cy-devant escript sans beaucoup de raison qu’il falloit bien
prendre garde aux résolutions que l’on prendroit touchant le commerce de
Donkerque pour ne s’engager point à ce que pourroient prétendre les Hollan-
dois sur ce subjet. J’estime qu’on doibt tenir en suspens ce qu’on vouldra faire
pour cette ville jusqu’après la conclusion de la paix, et différer soubz ce pré-
texte jusques-là les responses qu’on donnera aux propositions qui pourroient
estre faictes de divers endroictz, car comme il seroit nuysible de s’assubjetir à
la mesme chose qui avoit esté accordée par les Espagnolz touchant le com-
merce de Donkerque, c’est-à-dire s’obliger d’y establir les mesmes imposi-
tions qui sont sur la rivière de l’Escaut, ce qui ruyneroit entièrement Donker-
que et feroit passer tout le commerce des Pays-Bas par la Zélande, aussy se-
roit-il périlleux de faire maintenant cognoistre le dessein qu’on a d’affranchir
ou descharger les marchandises qui entreront par Donkerque dans les Pays-
Bas, de crainte que les Hollandois qui sont sensibles sur le commerce plus
que sur toute autre chose n’en fassent des plaintes, que pour y remédier ilz
n’exigent par le traicté quelque précaution de nous qui nous seroit préjudi-
ciable. Vous verrez par ce qui ensuit que la gasette de Cologne du dernier
d’octobre
Mittwoch, 31. Oktober 1646. Das Zitat stammt wahrscheinlich aus der Ordinari Relationis
historicae hebdomadaria Continuatio, die seit 1639 in Köln unter wechselndem Titel mitt-
wochs und freitags erschien und nur in Einzelexemplaren erhalten ist ( Blunck ). In Köln
erschienen darüber hinaus die Ordinari Wochentliche Dinstags Postzeit(t)ungen bzw. die
Extraordinari Freytags Postzeit(t)ungen bei Arnold Kempen ( Bogel/ Blühm I S. 41f.).
Diese enthielten aber nur in Ausnahmefällen lateinische Beiträge.
„Rantzovius
pacta conventa Galli cives onerare incipiunt. Dicitur (de veritate non plane
constat), Gallos libera commercia publicasse, solutis tantum tertia assis parte
in singula centena; quae sont[!] initia dolorum contra Hollandos, quibus in
singula centana danda sunt sex vel septem, hoc modo Galli sensim commer-
cia ab Hollandis avocabunt et ad se allicient.“
Je n’ay pas bien compris ce que vous m’avez escript qu’on pourroit croire
que j’ay des ordres secretz. Je vous puis asseurer qu’aulcune de mes parolles
ny de mes actions n’a jamais donné subjet de croire que Son Eminence me
pust donner des ordres secretz. Les autres monstrent souvent les lettres qu’ilz
reçoivent d’elle, mais jamais personne n’a rien veu de ce que vous m’escrivez,
ny mesme sceu que vous m’escriviez d’affaires. J’ay bien dict à monsieur de
Longueville que je vous entretenois de fois à autres de mes raisonnemens sur
les questions qui se présentoient, mais que c’estoit plustost par forme de
conversation et pour former nostre esprit de l’un et de l’autre que pour faire
séparément aulcune nouvelle proposition, et que je ne croyois pas que la plus-
part des choses dont nous discourons ensemble vînt à la cognoissance de Son
Eminence, et je suis persuadé qu’il est dans cette créance.
Mon but a tousjours esté de faire sçavoir par avance à Son Eminence ce qui
m’est venu dans la pensée sur les affaires, tant pour en repraesenter l’estat
véritable que pour en praevoir les inconvénientz pour y remédier à temps,
sans quelques fois avoir beaucoup examiné ce que j’ay mandé pour le laisser
seulement à la censure de Son Eminence. J’ay estimé ou que nous en rece-
vrons les ordres avant qu’il en eust esté parlé de deça ou que du moins sy nous
estions pressez d’en escripre[!] ensemble, il se treuveroit que les résolutions et
les ordres auroient esté envoyez avant qu’avoir receu ce que nous en escri-
vions en commun et qu’on pourroit tousjours répondre: C’est une affaire
faite. A la vérité, quand nous avons esté pressez et qu’il a fallu nécessairement
agiter les quaestions dont j’avois escrit, je n’ay pas peu éviter d’en dire mon
advis conforme à ce que j’avois mandé. Si Son Eminence a agréable de me
faire sçavoir par vous comm’il faut que j’en use, je fairay punctuellement ce
qui me sera ordonné.
D’Avaux ist mit dem Wunsch nach besserem Einvernehmen an mich herangetre-
ten . Wir hatten daraufhin zwei klärende Gespräche. Er ist der Ansicht, daß einige
am Hof uns beiden nicht wohlgesonnen sind. – Longueville erhofft sich die
Charge eines colonel général des Suisses et Grisons
Vgl. [nr. 215 Anm. 4] .
erneut zu übergehen
Amt ist.
L’agent du Grand-Duc mande que son maistre estoit satisfait de l’offre que
nous luy avons faite et qu’il apreuve extrêmement l’expédient que nous avons
proposé pour le dégager de son obligation envers les Espagnolz en mettant
dans la ligue qui sera présentement faite une clause dérogatoire à tous les
traitez praecédentz dont l’effect pourroit estre contraire à celluy de ladite
ligue.
Il m’a dit aussi qu’il y a mauvaise intelligence entre l’Empereur et l’Archiduc
son frère
Leopold Wilhelm (vgl. [nr. 23 Anm. 18] ).
coli
Raimondo Reichsgf. Montecuccoli (1609–1680), später Hg. von Melfi, gebürtig aus Modena,
Militär und Schriftsteller, befand sich im militär. Dienst des Kaisers, mit dessen Auftrag zeit-
weilig auch in dem des Hg.s von Modena. Montecuccoli wurde 1644 Feldmarschalleutnant
und Hofkriegsrat, 1647 General der Kavallerie, 1658 Oberbefehlshaber der ksl. Armee, 1659
GR und 1668 Präsident des Hofkriegsrats ( Schwarz S. 309–311; Barker ; Stöller) .
l’Empereur venoit comender son armée en personne.
L’argent qui a esté avancé à l’ambassadeur de Suède sur le subside a fait un
très bon effect; les Espagnolz jugent de là qu’on ne veut pas la paix en France,
puisqu’on comence de donner de l’argent aux Suédois pour la campagne pro-
chaîne. Il n’y a rien qui nous puisse tant favoriser que des démonstrations de
cette nature, et en effect je n’estime pas qu’il faille tant s’asseurer sur la
conclusion de la paix quoyque bien avancée, qu’on ne fasse tousjours des
praeparatifz de guerre, encore mesme que monsieur Salvius asseure icy que la
paix sera faite à la fin de cette année. Monsieur d’Avaux l’est allé voir en
particulier depuis 〈…〉. Je m’asseure que c’est pour pouvoir escrire quelque
nouvelle par cet ordinaire avant qu’il nous en rende compte.
Je vous suplie d’advertir Son Eminence que tout le monde abboye après l’ar-
gent de France pour en tirer encore si l’on peut après la paix, comme si nous
estions les trésoriers des autres nations et comme si nous estions obligez d’a-
chepter l’amitié de ceux qui se doivent tenir trop heureux d’avoir la nostre.
Son Eminence a répondu sur la proposition du comte Magnus avec très
grande prudence affin de voir si ce que la Suède peut faire pour nous est esgal
à ce qu’elle praetend, sans quoy il seroit désavantageux de s’obliger de nou-
veau après la paix dont le principal effet doit estre de nous décharger du paye-
ment de tant de diverses sommes que la guerre nous contraint d’envoyer horz
du royaume. Ce qui sera donné aux autres parts par forme de pension ou de
gratification sera honorable, mais ce pourroit estre de dangereuse conséquen-
ce ou introduction de s’y engager par traité, n’y ayant point de praetexte ho-
norable que la guerre pour s’y engager autrement. Ceux qui le recevoient le
pourroient apeller une espèce de tribut comme fist le roy d’Angleterre du
temps de Louis XI.
Gemäß den am 29. August 1475 zwischen Kg. Ludwig XI. von Frk. und Kg. Eduard IV. von
England in Amiens getroffenen Vereinbarungen (Druck: DuMont III,1 S. 499–505) zogen
sich die engl. Invasionstruppen gegen eine Zahlung von 75 000 écus und eine jährliche Ver-
pflichtung über 50 000 écus vom frz. Boden zurück.
conserver des gentz de guerre dans l’Allemagne après la paix, si ce n’est pour
les garnisons de leurs places sans donner prétexte à l’Empereur d’en faire au-
tant, d’où nous recevrions beaucoup plus de praejudice que d’avantage du
dessein des Suédois.
Meines Erachtens sollte die Unterstützung, die wir Portugal zukommen lassen
wollen, in Form von Darlehen erfolgen, so wie wir es zwanzig Jahre lang in
bezug auf die Generalstaaten praktiziert haben.
Il sera bon à mon advis de ne s’obliger pas par traité à l’assistance de Portugal
et de prendre des promesses du Roy et du royaume pour ce qu’on leur four-
nira ou pour une partie. Elles serviront tousjours non pas pour en demander
le payement, mais pour pra[e]tendre faveur et assistance de ceux de cette na-
tion pour le commerce du midi au cas qu’on y veuille penser un jour ou pour
quelque autre ocasion ou pour les rendre plus dépendants de la France en cas
que les affaires de leur roy prospèrent dans la guerre, ou bien à toute extrémi-
té pour demander aux Espagnolz la restitution de noz avances en cas qu’ilz
fussent sur le point de se rendre maistre de ce royaume et qu’ilz n’eussent plus
besoin pour y restablir leur domination que de faire cesser cette opposition.
Nous pourrions mesme pour mieux funder cette pra[e]tention, lorsqu’on te-
noit les affaires de Portugal en quelque grande décadence, demander quelques
places dans les costez de ce royaume pour gage et seurté de noz avances. Je
demande pardon à Son Eminence si la passion que j’ay pour sa gloire me fait
parler trop librement affin que la postérité voye qu’il ne s’est rien fait pendant
son administration qui ne soit glorieux et avantageux pour le royaume.
Le marquis de Saint Maurice m’est venu voir en particulier pour me témoi-
gner la peyne où il est de ce que pour l’affaire de Cahours et de la Pérouse on
s’adresse à luy qui n’a point de charge pour cela et qui n’est pas en estat
auprès de Madame pour y faire réussir des desseins de cette nature. Il m’a
fort pressé d’en escrire à Son Eminence en protestation qu’il est son serviteur
très 〈humble〉 et sa créature, mais qu’il ne pouroit se charger de cette affaire
sans achever de se ruyner et donner peut-estre lieu de croire qu’il en auroit
esté l’autheur. Il tesmoigne d’en estre en grande inquiétude, disant entre les
dentz que ces propositions sont bien esloignées de ce qu’il avoit espéré en
venant icy par la favorable protection de Son Eminence. Je luy ay répondu
qu’〈après〉 le bien et le service de son maistre qui consistent à estre bien avec
la France, il doit contribuer comme fidelle ministre à tout ce qui peut affermir
cette union, que les choses demandées quoyque de peu d’importance tendent
à cela, qu’il cognoist la mauvaise inclination du marquis de Pianesse
meur changeante et violente de Madame qui n’est pas tousjours dans les sen-
timents de gratitude et de modération qu’elle devoit pour l’avantage de son
filz et que c’est en effet luy rendre service que de ne luy laisser pas une entière
liberté de ruyner les Estatz de son filz en prenant un conseil praecipité que
Pianesse est capable de luy donner. Icy j’ay adjousté plusieurs autres considé-
rations qu’il a escoutées avec douceur, mais il m’a paru qu’il n’en estoit pas
touché et que si on veut faire réussir cette affaire, il la faudra traiter ailleurs
qu’icy.
Les pauvres Portugais sont sy peu raisonnables qu’ilz ne comptent pour rien
et semblent presque s’offenser quand on veult mettre les intérestz de Lorraine
en paralelle [!] avec les leurs. Ilz disent qu’ilz sçavent bien que le duc Charles
n’est pas en sy grande considération auprès du roy d’Espagne que pour le
favoriser il veuille abbandonner les prétentions sur un royaume. Ilz ne préten-
dent pas moins sinon que nous abbandonnions les Hollandois pour nous
joindre à eux, disant que ceux-là sont hérétiques et ne nous ayment point et
que leur maistre est catholique et sera tousjours très asseuré de la France.
Jugez ce qu’on peult traicter avec des gens qui ont de semblables prétentions.
Je ne laisse pas de les adoucir aultant qu’il m’est possible pour leur faire en-
tendre raison, voyant que l’intention de la cour est de les traicter en toutes
choses le plus favorablement qui se pourra. Aussy m’asseurai-je qu’ilz ne se
plaignent pas de moy, et tout ce que je puis pour leur accommodement avec
Messieurs les Estatz je l’y employe de bon cœur auprès des députez qui sont
icy, et continueray puisque Son Eminence me l’ordonne en toutes les occa-
sions où mon entremise et ma peine leur pourra estre utile.
Je ne vous fis point de response par ma despesche que le dernier ordinaire
vous a portée sur l’article de vostre mémoire du 19 e du mois passé qui parle
du mariage de Mademoiselle avec l’Empereur, lors de la conclusion du traicté.
Sy dans les conférences que nous pourrons avoir avec le comte de Trautmans-
dorff, nous recognoissons qu’il ayt disposition à se réunir avec la France, on
pourra jetter quelques propos de ce mariage sans nous engager à rien ny faire
préjudice à la dignité du Roy en cas que l’affaire ne réussist pas. C’ettoit pour
en avoir le subjet que je vous avois cy-devant demandé le portraict de Made-
moiselle en le mettant dans mes salles avec les autres que j’ay desjà de la
maison royalle. Je vous remercie derechef de tout mon cœur de celuy de Son
Eminence que vous m’avez envoyé, qui est le plus bel ornement de ma salle
d’audience et certainement le plus cher objet que je puisse avoir devant les
yeux.
Je vous confesse que je ne comprens bien l’intention de Son Eminence en
l’affaire de Lorraine et vous conjure de me la faire sçavoir affin que je m’y
conforme aveuglément. Monsieur d’Avaux se pique de la sçavoir et de la sui-
vre et je sçay bien qu’il n’y a personne au monde qui ayt tant de déférance et
de submission que moy pour toutes les voluntez de Son Eminence lorsqu’elles
me seront cognues. J’avois creu jusqu’icy qu’elle désiroit d’estre secourue
pour résister à ceux qui voudroient favoriser les intérestz du duc Charles dans
le conseil et que nous fairions plaisir à Son Eminence d’escrire fortement
contre toutes ses praetentions, affin qu’elle pust mieux faire valoir à Son Al-
tesse Royale ce qu’elle faira en sa considération contre l’advis des autres mi-
nistres. S’il faut agir autrement et changer de style, je vous prie de me le faire
sçavoir; je ne manqueray pas d’exéquuter ce qui me sera prescrit.
Comme on nous a apporté la despesche à signer, on m’a dict que monsieur
d’Avaux vouloit escripre[!] à la cour son advis en particulier sur l’affaire de
Lorraine , monsieur de Longueville et moy nous treuvons de mesme senti-
ment, dont j’escripray les raisons à monsieur de Brienne au premier jour.
Je ne sçay sy vous aurez veu une 〈réglementation〉 qui a esté présentée par
les Estatz de Flandre. Je vous en envoye à tous hazardz une copie.