Acta Pacis Westphalicae II B 4 : Die französischen Korrespondenzen, Band 4: 1646 / Clivia Kelch-Rade und Anuschka Tischer unter Benutzung der Vroarbeiten von Kriemhild Goronzy und unter Mithilfe von Michael Rohrschneider
161. Memorandum Serviens für Lionne [Münster] 1646 September 17
[147] / 161/–
[Münster] 1646 September 17
Konzept, größtenteils eigenhändig: AE , CP All. 77 fol. 368–374, 375 = Druckvorlage; datiert
auf den 16. September, nur der Schluß, fol. 375, auf den 17. September 1646. Die Depesche ging
laut Dorsal fol. 375’ am 17. September ab.
Beschleunigung des Friedensschlusses angestrebt. Keine Zurschaustellung von Ungeduld angera-
ten. Schweigen auch gegenüber Longueville geboten. Zuversicht Trauttmansdorffs in bezug auf
französisch-spanische Verhandlungen. Empfehlung Serviens, auf dem Ausschluß Lothringens aus
den Friedensverhandlungen zu beharren. Überlegungen zur Ernennung von Gouverneuren für
das Elsaß und für Breisach. Verhalten Contarinis. Notwendigkeit, gegenüber den Generalstaaten
Unnachgiebigkeit und Unabhängigkeit zu demonstrieren. Klagen über d’Avaux. Zuversicht be-
züglich baldigen Friedens mit dem Reich und mit Spanien. Schreiben an Mazarin auf Wunsch
Herbignys.
Je vous suplie d’asseurer Son Eminence que nous n’avons pas perdu un mo-
ment pour avancer la conclusion de la paix, mais c’est une machine compo-
sée de tant de différentes pièces qu’on ne peut pas la mouvoir comme l’on
souhaiteroit. Si je considère mon intérest particulier (ce que je ne fais pas), il
n’y a point d’homme dans le royaume qui doive tant désirer la fin de cette
négotiation, ny qui soit en plus mauvais estat que je me treuve tant pour la
fortune que pour le contentement. Néantmoins je serois bien marry que la
pensée d’y remédier eust donné la moindre peyne à Son Eminence que je
serviray tousjours avec plus de passion et de fidélité que qui ce soit sans rien
praetendre.
Pour parvenir à la fin que Son Eminence désire et achever promptement les
affaires il faut bien se garder d’en témoigner la moindre impatience ny à la
cour ny par deçà. Rien ne nous a tant favorisé jusqu’icy que l’opinion qu’on a
eue que Son Eminence ne veut pas la paix, à quoi on m’a fait l’honeur de me
mesler, et rien ne nous porte tant de praejudice notemment du costé d’Espa-
gne que lorsque nous aportons quelque facilité, ils ne manquent pas d’abord
de se reculer. Nous l’avons éprouvé après le consentement que nous avons
donné de ne point parler de Portugal. Pignerande qui avoit cy-devant offert
aux Hollandois de nous laisser tout ce que le Roy possède dans les Pays-Bas a
bien eu la discrétion de nous y faire offrir deux places de plus, s’estant peut-
estre imaginé que quelque secrète incommodité dans la France nous obligeoit
de nous relascher. Les affaires sont pourtant en très bon chemin; nous som-
mes à la veille de condurre toutes choses avantageusement, pourveu qu’on
ayt encor de tous costés un peu de patience et de fermeté. Il importe extrême-
ment de n’escrire point à monsieur de Longueville aux termes que vous m’avez
escrits sur ce subjet pour des raisons que je vous diray quelque jour.
Trautmensdorf reprend authorité sur les Espagnols et depuis quelques jours
ne paroist pas tant déférer à leurs passions. Il a dit au secrétaire de Hollande
que tout s’accomoderoit bientôt entre la France et l’Espagne, et que l’on dis-
poseroit bien les Espagnols de se mettre à la raison. Ces termes monstrent
qu’il ne croid pas raisonable l’offre qu’ils ont faite et qu’il incline à faire ac-
cepter la nostre, puisqu’on n’y parle point de Portugal. Les médiateurs sont
dans le mesme sentiment, mais pour y persister il faut nécessairement qu’ils
cognoissent que nous n’en relascherons jamais. Cette affaire sera dans sa crise
lorsque nous reviendrons d’Osnabruc. Si celles d’Allemagne s’achèvent, les
Espagnols seront cotraints de faire tout ce qu’on voudra pour ne demeurer
pas seuls en guerre, pourveu que nous tenions bon de nostre costé. Il faudroit
estre près de Son Eminence pour luy dire les raisons qui nous obligent à cette
conduite et le praejudice que nous recevrions d’une contraire tant 〈envers〉
les ennemys que les Hollandois avec lesquels il importe extrêmement que
nous demeurions sur quelques maximes générales où nous sommes bien fun-
dés par les traités. Quand il y auroit quelque mouvement à craindre dans
l’Estat il faudroit tousjours se conduire de cette sorte pour n’en donner pas
cognoissance et monstrer qu’on n’apréhende rien.
Je voudrois bien que vous ne m’eussiez pas envoyé les sentiments de Son Emi-
nence sur l’affaire de Lorraine. J’ay une si profunde vénération pour ses opi-
nions et les ay tousjours veu réussir si heureusement que j’abandonne aveu-
glement les miennes quand elles se treuvent contraires. S’il falloit dire son
advis dans le conseil sur cette quaestion je souscrirois à celluy de Son Emi-
nence, mais puisqu’elle m’ordonne de luy expliquer en particulier ma pensée,
je le fairay avec la liberté qu’il luy plaist de me donner. Je me promets que si
elle se rencontre différente des siennes, Son Eminence ne croira pas que ce
soit par défaut de respect en son endroit ny par affection envers monsieur
d’Avaux qui a esté longtemps fort irrésolu sur cette matière, et qui n’a escrit
que ce que nous avons diverses fois agité entre nous, dont en mon particulier
je vous ay escrit diverses fois il y a longtemps et n’ay pas osé continuer de me
rendre importun. Il me semble mesme que Son Eminence me fist sçavoir par
vous une fois qu’elle aprouvoit mon advis pour l’affaire de Lorraine, et que la
voye que j’avois proposée estoit celle par où l’on en pouvoit sortir qui est ce
que monsieur d’Avaux met aujourd’huy en avant.
J’apréhenderois que nous ne fissions perdre au Roy un très grand avantage si
nous consentions à traiter icy cette affaire. Quand elle sera remise à Sa Majes-
té après la conclusion de la paix, il sera en sa disposition d’y prendre la réso-
lution qu’il luy plairra. Et pour moy j’ay tousjours estimé qu’on ne doit rien
rendre au duc Charles de ses anciens Estats, qu’il se faut absolument tenir au
traité de Paris qui l’en prive et les acquiert au Roy en cas qu’il y contrevienne
Art. 19 des Panser Vertrags (vgl. [nr. 11 Anm. 2] und [nr. 132 Anm. 8] ).
comm’il a fait depuis. Autrement ce que la France acquiert en Allemagne ne
luy sera jamais bien asseuré. Nous avons desjà dit nettement icy que le Roy ne
luy veut rien restituer et en avons fait apreuver les raisons à plusieurs députés
de l’Empyre. C’est un ennemy irréconciliable qui ne seroit pas moins ofensé
si on ne retenoit qu’une partie de ses Estats dans le Barrois ou dans les trois
éveschés que quand on conservera tout. Desjà tout le monde compte icy la
Lorraine entre les grandes acquisitions que fait la France dans cette paix.
Quand les Espagnols et les Impériaux l’auront abandonné comm’ils sont à la
veille de faire, ceux-cy ayant souffert sans réplique ce que nous avons inséré
dans nostre escrit, et les médiateurs nous ayant laissé entendre que cet article
ne rompra pas la paix, il demeurera entièrement à la discrétion du Roy et sera
obligé de prendre ce qu’alors on luy voudra acorder par grâce. On pourra luy
donner récompense dans des provinces du royaume et n’ayant plus de re-
source ni d’appuy de ceux qui l’auront désobligé, il sera contraint de recevoir
la loy que l’on voudra imposer, outre qu’il sera très glorieux à 〈Sa Majesté〉
de sortir si hautement de cette affaire, il sera esgalement utile de l’avoir déta-
ché du parti contraire par l’offense qu’il en aura receue.
Si l’on renvoyoit l’affaire icy, elle tiendroit la conclusion de la paix en suspens
encore plus de six mois et nous ne sçaurions pas si bien fundés à luy retenir
une partie de ses Estats que nous sommes à l’exclurre tout à fait du traité. Si
nous l’avions recogneu pour membre de l’Empiyre nous intéresserons tous les
princes d’Allemagne à sa deffense et avouerons tacitement la transaction qui
fust faite par l’empereur Charles-Quint
Am 26. August 1542 war der Nürnberger Vertrag (die sog. Transactio Lotharingica; Druck:
DuMont IV, 2 S. 235–238) von Kg. Ferdinand I. (1503–1564; 1531 Kg., 1558 Ks.) im
Namen Ks. Karls V. und von Hg. Anton II. von Lothringen (1489–1544; 1508 Hg.) geschlos-
sen worden ( Duvernoy; Derichsweiler I S. 133–135; Fitte S. 12–30).
cette maison dans la dépendance perpétuelle de celle d’Autriche. Nous avons
jusqu’icy soutenu que cette transaction est nulle et n’a jamais esté exéquutée,
à quoy les estats ont acquiescé tacitement, du moins les protestants qui ont
encor en horreur tout ce qui a esté fait par Charles-Quint. Si c’estoit un
prince puissant comme la maison d’Autriche nous aurions intérest que les
estats de l’Empyre demeurassent garends de ce qui sera traité avec luy, mais
estant foyble comm’il est, la France aura beaucoup plus d’avantage que per-
sonne ne s’intéresse dans ce qui le touche, et de fait par tous les traités faits
avec luy feu monsieur le cardinal de Richelieu l’a fait renoncer aux alliances
de la maison d’Autriche
In einem Separatartikel des Vertrages von Vic vom 6. Januar 1632 (Druck: DuMont VI, 1
S. 28f.; d’Haussonville I S. 370–374) verzichtete Lothringen ausdrücklich auf jegliches
Bündnis mit dem Haus Habsburg ( ebd. S. 232f.). Diese Verzichtserklärung wurde am 6. Sep-
tember 1633 im Vertrag von Nancy (Druck: DuMont VI, 1 S. 54f.; d’Haussonville I
S. 406–409) und am 29. März 1641 im Vertrag von Paris (vgl. Anm. 2) bestätigt.
nostre propre consentement, si nous traitions icy avec les Impériaux de ce qui
le concerne, et puis il faudroit changer les maximes que nous avons tenues et
soutenues jusqu’à présent qu’il est exclus de ce traité et qu’il n’est point mem-
bre de l’Empyre si ce n’est à toute extrémité par le marquisat de Nomeny
Vgl. [nr. 132 Anm. 5] .
Je croy qu’encor que nous sommes obligés de parler de la sorte pour l’avanta-
ge du Roy et que mesme l’on ne doit point l’escouter qu’après le traité signé
et qu’il aura désarmé, on a autrefois usé de mesme pour la Navarre et si nous
voulons bien profiter de l’ocasion présente, il faut faire pour la Lorraine ce
que les Espagnols ont fait pour ce royaume. Car nous ne devons pas conser-
ver cest esprit inquiet au milieu des nouvelles acquisitions que le Roy fait
jusqu’au Rhin, autrement on les exposera toutes à de nouvelles brouilleries et
à de continuelles contestations. Il praetendra de nous disputer tous les droits
que l’Empereur cède au Roy dans les trois éveschez, sur lesquels il avoit des
pra[e]tentions et demeurera désespéré si on les luy oste. On ne pourra pas
empescher qu’il n’entretienne intelligence avec la maison d’Autriche princi-
palement si elle contribue tant soit peu à son restablissement. A toute extré-
mité si on avoit à faire quelque acomodement avec luy, il vaudroit bien mieux
que ce fust secrètement à Paris, sans que les Espagnols ni les Impériaux s’en
meslent que d’en traiter icy par leur entremise.
Ce n’est pas que je ne croye plus avantageux tandis que la guerre durera de
l’avoir pour ennemy, que d’acquérir aux despens de l’Estat une amitié si peu
seure et si dangereuse, à moins qu’il voulust se déclarer contre l’Espagne et
prendre ses quartiers d’hyver dans la Flandre, auquel cas on luy pourroit ay-
der à se mettre en possession d’une de ses 〈provinces〉 et à l’y conserver,
aussy bien les Espagnols parlent hautement de luy comme d’un traistre et il
en est très bien adverty.
Quand au prince François je ne doute point que Son Eminence ne cognoisse
son humeur extrême, 〈…〉 et legère. Après qu’un député de sa part a fait et
dit icy des insolences contre Leurs Majestés qui mériteroient chastiment,
après avoir présenté aux estats de l’Empyre des libelles séditieux contre la
France dont je vous envoye le dernier, voyant que cette voye ne luy a pas
réussy et estant privé de toute resource, je ne doute point qu’il ne voulust
acquérir l’amitié de Son Eminence comme la meilleure protection qu’il puisse
avoir, mais comme avant le traité de paix elle ne pourroit qu’estre à charge à
Son Eminence et que c’est sans doute l’intention qu’il a eu la recherchant,
j’estimerois qu’il seroit plus seur de luy donner de bonnes parolles et différer
jusqu’après le traité de rien résoudre avec luy. Alors il sera obligé d’en deman-
der l’exéquution, et Son Eminence luy pourra procurer la grâce de Leurs Ma-
jestés comm’elle le jugera à propos, mais il me semble qu’avant cela on en
recevroit plus d’incommodité que de profit.
Il y a beaucoup plus de raisons de douter sur l’offre de madame de Lorraine
dont nous aurions intérest de faire valoir le droit, puisqu’elle veut traiter avec
le Roy, si nous n’avions celluy qui nous est acquis par le dernier traité de
Paris fait avec le duc Charles. Néantmoins comme l’on peut souvent sortir
d’une affaire iura iuribus cumulando, j’estimerois à propos de tenir en bonne
espérance madame de Lorraine jusqu’à ce que le traité général sera conclud. Il
semble mesme que c’est une des considérations qu’on doit avoir pour ne trai-
ter pas icy avec le duc Charles, parce qu’on prononceroit contre les pra[e]ten-
tions de madame de Lorraine que néantmoins Leurs Majestés ont pris soubs
leur protection. Quand le duc Charles ou ses députés après la paix faite seront
à Paris, on se servira du droit de madame de Lorraine pour obliger ledit duc
de se mettre à la raison, et quand on aura convenu avec luy de sa récompense,
on pourra traiter avec les deux en mesme temps affin de sortir d’affaires par
ce bout et bien asseurer cette conqueste qui est 〈…〉 la plus importante de
toutes celles que la France 〈faira〉 en cette guerre, tant parce qu’on la joint
au royaume que parce qu’on chasse de son voysinage un ennemy très dange-
reux.
Sy Son Eminence ne prend pour elle le gouvernement de l’Alsace, je vous
suplie de luy dire qu’il n’y a point d’occasion où il me semble qu’on doive
apporter tant de circonspection qu’au choix qu’on faira du gouverneur de
cette province; il fault nécessairement qu’il aye la condition, l’authorité, l’ha-
bileté, et une très grande prudence pour establir comme il fault en ce 〈com-
mencement〉 l’authorité du Roy selon les formes du pays et la rendre consi-
dérable à tous les voysins. Quand nous avons quelques fois discouru entre
nous qui seroit propre pour cette charge, nous n’en avons guères treuvé que
monsieur le maréchal de Bassompierre
François de Bassompierre (1579–1646 Oktober 12); mit zeitweiliger Unterbrechung colonel
général des Suisses (vgl. [nr. 215 Anm. 4] ), 1622 maréchal de France, 1622–1626 ao. Ges. bei
der Eidgenossenschaft, 1631–1643 auf Veranlassung Richelieus in Haft ( DBF V Sp. 762–764;
NBG IV Sp. 708–710).
nence je croirois qu’il seroit périlleux pour le service du Roy de donner Brisac
à celuy qui aura le gouvernement de la province.
La suite a faict veoir que monsieur Contarini avoit grand tort de me quereller
pour avoir deffendu les droictz du Roy sur un point de très grande impor-
tance où nous estions si bien fondez que noz parties ont esté contrainctes de
s’en relascher. Il s’agissoit de plus de trente lieues d’Allemagne de souveraine-
té qui estant au delà du Rhin enclavées dans les autres Estatz du Roy méri-
toient bien d’estre disputées et emportées. Je vous diray en passant qu’avant
que vaincre les ennemis sur ce subjet il a fallu combattre longuement mes
collègues. Je vous puis bien asseurer que sy nous eussions voulu nous eussions
emporté de mesme les dix villes de la Basse-Alsace
plus de regret sy je ne croyois qu’en usant prudemment et habilement du
droict de protection qui nous y est acquis, on pourra establir avec le temps
l’authorité du Roy dans lesdites villes tout de mesme que s’il en estoit le sou-
verain absolu, car il me semble qu’il fault avoir pour but d’empescher que
l’authorité de l’Empereur ne soit plus recognue à l’avenir dans tous les pays
qui nous ont esté laissez au delà du Rhin.
La familiarité qui est entre Contarini et Trautmandorff nous a beaucoup servy
dans l’accord qui vient d’estre faict, parce que dans la nécessité où sont les
affaires de l’Empereur Contarini pour suivre les sentimens dudit Trautmen-
dorf, qui veut faire les affaires de l’Empyre, n’a pas beaucoup considéré les
oppositions des Espagnolz ny les plaintz qu’ils font de ce qu’on travaille à
séparer l’Empereur du roy d’Espagne.
Il me semble très nécessaire parlant avec les Hollandois de leur faire cognois-
tre qu’on ne peut croire la paix asseurée tandis que les Espagnols demeure-
ront dans les Pays-Bas, et qu’il faut nécessairement pour l’entière seurté de la
France et des Provinces-Unies obtenir par le traité de paix qu’il s’en retirent
ou continuer en exéquution du traite d’alliance de les en chasser par les ar-
mes. Car encor que nous ne soyons pas résolus d’obtenir ce point, comme
nous sommes fundés sur le traité pour le demander, Messieurs les Estats se-
ront contraints pour nous en faire départir de s’intéresser dans l’affaire de la
Cataloigne qui est une seconde seurté que nous avons besoin de conserver en
cas qu’il faille se départir de la première, en disant que tandis que les Espa-
gnols voudront demeurer en estat de donner jalousie à la France du costé des
Pays-Bas, nous ne pouvons pas nous priver des moyens que nous avons par la
Cataloigne de leur donner jalousie du costé d’Espagne.
Il est encor absolument nécessaire selon mon advis de témoigner aux Hollan-
dois en sorte qu’en effet ils le croyent que nous nous résoudrons plustost de
demeurer seuls en guerre que de rien relascher des dernières propositions que
nous avons faites aux Espagnols. Cela faira que Messieurs les Estats, se voyant,
réduits ou à nous abandonner ouvertement ou à nous faire obtenir ce que
nous désirons, choisiront sans doute le dernier plustost que l’autre. D’ailleurs
on leur faira cognoistre par cette démonstration qu’on n’a pas tant besoin
d’eux qu’ils se l’imaginent, et qu’on n’a point de crainte quoy qui arrive, es-
tant à remarquer qu’ils se servent souvent utilement des apréhensions qu’ils
nous donnent pour parvenir à leurs fins. Mais le plus considérable avantage
que nous recevrons de cette conduite sera de leur faire comprendre que si
nous continuons la guerre dans leur voysinage, ils ne gaigneront rien de trai-
ter sans nous, puisque d’un costé ils n’épargneront point la dépense, la raison
d’Estat les obligeant en ce cas de demeurer puissamment armés, et qu’ils au-
ront tousjours subjet de craindre que la France et l’Espagne venant à s’acomo-
der ne conviennent ensemble de quelques conditions qui seroient praejudicia-
bles aux Provinces-Unies et mesme pourroient tendre à leur ruyne, principa-
lement s’ils avoient désobligé la France en faisant un traité particulier. Il est
bien nécessaire de remédier à tous les maux qui peuvent arriver de ce costé-là,
mais il ne faut pas craindre tous ceux qui paroissent.
Monsieur d’Avaux a fort affecté de faire porter cette dépesche par son nepveu
et de faire escrire à la Reyne, affin que le peuple de Paris croye que tout le
bien du royaume vienne de luy, et qu’il est l’âme de cette négotiation, ce qui
n’a pas trop paru par deça depuis qu’il y est. Je n’ay pas peu m’empescher de
faire remarquer cela en passant à monsieur de Longueville. Il fait semblant de
s’en moquer, mais il le favorise. Il faut souffrir toutes ces mortifications, puis-
qu’il plaît à Son Eminence, mais à dire le vray il y [a] bien longtemps que cela
dure, et il est très fascheux de se voir en la posture que je suis icy parmy les
vanités insuportables d’un homme qui ne se repaît d’une chose et qui s’em-
presse pour chercher tout le gré des choses où il n’a du tout rien contribué.
Dieu me faira la grâce de me délivrer bientost de toutes ces peynes.
Il me semble de veoir plus d’apparence à la conclusion de la paix qu’il n’en
avoit encor paru. Je tiens celle de l’Empire faicte sy les Suédois ne la rompent
ou ne la diffèrent, et celle d’Espagne ne demeurera pas longtemps après de
suivre; plusieurs indices obligent d’en avoir cette oppinion. Son Eminence me
permettra de luy dire que pour nous donner moyen de l’achever il ne fault
faire paroistre de delà aulcune facilité ny escouter aucune nouvelle proposi-
tion, n’y ayant rien jusqu’icy qui aye tant ruyné nostre négotiation que les
diverses espérances que les ennemis ont prises. Il ne fault pas doubter que
tant qu’ilz se pourront promettre quelques plus favorables conditions, ilz ne
viendront jamais à celles que nous leur avons proposées.
Monsieur d’Erbigny a désiré que j’escrivisse à Son Eminence et à vous. Je ne
sçay s’il l’a faict sans le sceu de monsieur d’Avaux ou s’il y a quelque mistère
caché là-dessoubz. Quoy qu’il en soit, j’ay faict ce qu’il a voulu , et vous me
ferez la faveur de dire à Son Eminence que ce n’est pas par présomption. J’ay
faict ce que j’ay peu pour m’en excuser en luy disant que depuis que je suis en
ce pays je n’ay pas escript trois fois à Son Eminence.