Acta Pacis Westphalicae II B 3,2 : Die französischen Korrespondenzen, Band 3, 2. Teil: 1646 / Elke Jarnut und Rita Bohlen unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy mit einer Einleitung und einem Anhang von Franz Bosbach
Anhang 2 [Jeremias Jakob Stenglin]: Elsaßmemorandum [1646 März]

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Anhang 2

[Jeremias Jakob Stenglin]: Elsaßmemorandum

[1646 März]
Ausfertigung: AE , MD Alsace 10 fol. 122–127 = Druckvorlage. Vgl. Einleitung S. LIff.
[1. Herrschaftsverhältnisse] La Hautte- et Basse-Alsace, le Brisgau, le Suntgau et les villes forestières font ensemble une province qui prend sa longueur depuis Waldshuet, une des vil- les forestières, jusques à une lieue au-dessus de la ville de Weissenbourg, et qui s’estend en sa largeur depuis les montagnes de Voge jusqu’aux montagnes de la Forest-Noire. Auparavant ces guerres la maison d’Austriche outre les droits et les titres qu’elle a de prince et de landgrave de la Haute- et Basse-Alsace a possédé une bonne partie de cette province et ce qu’il y a de plus important pour sa seurté, le reste est à divers princes, estats ou villes de l’Empire. Premièrement se treuve hors de l’obéissance de la maison d’Austriche dans la Haute- et Basse-Alsace l’évesché de Strasbourg dont les terres principales sont les baillages du Coqusberg et Wanzenau, les villes et seigneuries de Saverne, Dachstein, Molsheim, Bersch, Geispizen, Benfelden, Erstein, Rinau, Markels- heim , Danbach, Hestenholz, Epffich, Rouffach et Sulz. 2° Le comté de Ha- nau où il y a de plus considérable les villes et seigneuries de Liechtenberg, Boussweiler, Ingweiler, Neuweiler, Hochfelt, Pfaffenhoven, Reichshoven et Werdt. 3° La noblesse de la Basse-Alsace qui est libre et immédiatement su- jecte à l’Empire. 4° La ville de Strasbourg et ses appartenances, sçavoir les terres de Barr, de Wassler, de Marlen, etc. 5° Les villes impériales de Colmar, Schlettstatt, Haguenau, Oberné, Keisersberg, Türckeim, Rosheim et Munster avec leurs appartenances. 6° Les abbayes de Murbach et de Lurre, Andlau, Aprimoustier, Münster et Marmoustier. 7° La terre de Saint-Hippolite qui est au duc de Lorraine. 8° La ville de Mulhousen qui est alliée avec les Suisses. 9° Le comté de Horbourg et la seigneurie de Richenwihr qui appartiennent aux princes de Montbéliard. Dans le Brisgau il y a hors de son obéissance: 1° Les marquisats de Hochberg et de Rottelin, le landgraviat de Sausenbourg et les seigneuries de Badenwei- ler , Lohr et Mahlberg appartenantes les unes et les autres au marquis de Bade. 2° Divers villages de l’évesché ou chapitre de Basle. 3° Quelques-uns de l’ab- baye de Saint-Blaise. 4° La commanderie de Bücken. 5° La commanderie de Heittersheim dont le commandeur est prince de l’Empire. 6° Les abbayes de Dennenbach, Ettenmunster et Schuttern, et 7° la seigneurie de Liechtenegg appartenante aux comtes de Tubinguen.

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Outre lesdits Estats et villes non dépendantes de la maison d’Austriche il y a dans la Haute-Alsace et dans le Suntgau les comtes de Ribaupierre, les barons de Pollweil, de Montjoye et de Morimont, les seigneurs de Kiensheim et gé- néralement la noblesse de laditte Haute-Alsace, Suntgau et Brisgau; tous les- quels quoyque soubmis à la maison d’Austriche ne laissent pas de jouyr d’une liberté fort entière pour s’estre la pluspart donnez volontairement et par af- fection à ladite maison et détachez de l’Empire soubs lequel ils estoient autre- fois tout de mesme que la noblesse de la Basse-Alsace l’est encor présente- ment . Les comtes de Ribaupierrre ont esté les derniers à prendre cette résolu- tion -là et estants en grande considération près des archiducs se sont finale- ment ou de bonne volonté ou par intérest laissez disposer à quitter leur estat immédiat de l’Empire dans lequel ils avoient eu séance, voix et suffrage parmy les comtes d’iceluy po〈ur〉 estre chef et président de laditte noblesse, laquelle a jouy soubs l’obéissance de la maison d’Austriche de ses privilèges et de ses biens avec autant de liberté que si elle eût estée [!] soubs l’Empire, n’esta〈nt〉 obligée à autre charge sinon qu’en cas de guerre il faut qu’un gentilh〈omme〉 fournisse à la demande du prince et entretienne pour un certain temp〈s〉 un homme à cheval quy deux quy trois selon qu’il est riche et puissant.
Quant au propre et le domaine de la maison d’Austriche, elle a possédé devant cette guerre dans la Haute-Alsace le comté de Tannes, la vill〈e〉 de Sennen, les baillages de Haut- et Bas-Lannseren, la ville de Ensishe〈im〉, le comté d’Egisheim et la ville de Berckem. En la Basse-Alsace, les archiducs d’Austriche ont eu dans leur maison la grande provosté de Haguenau qui est un gouvernement de l’Empire duquel dépendent soubs certaines conditions et en certaines choses les villes impéria- les de Haguenau, Colmar, Schlettstatt, Weissenbourg, Landau, Oberné, Kei- sersberg , Türckeim, Rosheim et Munster, et environ soixante-et-dix villages de la Basse-Alsace desquels villages le grand prévost jouyt. Les empereurs y mettoie〈nt〉 anciennement les grands provosts à mesure qu’il en venoit à manq〈uer〉 jusqu’à ce que la moitié de cette provosté fust engagée par l’Em- pire à un évesque de Strasbourg pour environ trente mil escus. Lequel évesque en après ayant aussi à faire d’argent en l’an 1406 et ensemble d’assistance en une guerre qu’il avoit vendit sa prétention à la maison palatine, laquelle fist en sorte que moyennant cinquante mil florins d’or qu’elle presta de plus à l’Empereur sur l’autre moitié de la provosté, sa jouyssance entière luy fust confirmée par l’Empereur en sorte que cette grand-provosté de Haguenau a estée [!] dans la maison palatine jusqu’à l’an 1558 que l’empereur Ferdinand, premier archiduc d’Austriche la rachepta de la maison palatine pour la mettre dans la sienne où elle a demeuré depuis. Dans le Brisgau la maison d’Austriche possédoit les villes de Brisach, Frei- bourg , Neubourg, Kenzinguen, Endinguen et les seigneuries de Burcken et de Waldkirch. Il y a maintenant garnison bavarroise dans la ville de Freibourg,

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et c’est aujourd’huy la seule pièce de toutes celles qui ont esté à la maison d’Austriche qui est hors de l’obéissance du Roy.
Dans le Suntgau elle a eu le comté de Ferrette, le comté de Béfort et la sei- gneurie d’Altkirch. Les archiducs mettent particulièrement parmy leurs tittres celuy de comtes de Ferrette quoyque ledit comté soye du Suntgau. Elle a possédé les quattre villes forestières toutes entières, sçavoir les villes et seigneuries de Rinfelden, de Seckinguen, de Lauffembourg et de Waldshuet avec le val de Frick. Il n’y a que Seckinguen où l’abbesse du lieu a bonne part aux revenus et Lauffembourg dont le domaine a esté engagé depuis quinze ou vingt ans à un gentilhomme du Suntgau nommé de Schönau pour une somme d’argent qu’il a presté à feu l’archiduc Léopold. Finalement il y a au-delà du Rin du costé d’Allemagne quattre baillages et quelques autres petites terres ou villages appartenants à la maison d’Austri- che , qui ne sont pas du Brisgau mais tout joignant situez dans l’Ortenau au- tour de la ville impériale d’Offenbourg assez près du Rin. Lesdits baillages s’appellent Otterwihr, Appenwihr, Ortenbourg et Acheren. Dans tous les Estats du domaine ou de l’obéissance de la maison d’Austriche a esté exercé la religion catholique à l’exclusion de la protestante, toutesfois on a souffert tacitement à quelques gentilshommes protestants l’exercice de la leur dans leurs maisons sans bruit. Et depuis que le Roy a conquis la province Sa Majesté le permet dans les garnisons où il y a des Allemands en vertu du traitté de Brisach. [2. Verwaltung] Lesdits Estats du domaine et de l’obéissance de la maison d’Austriche ont esté gouvernez par un conseil appellé en ce pays-là „la régence des pays antérieurs de la maison d’Austriche“. Ce conseil administroit aussi la justice, de laquelle toutesfois estoit permis d’appeller à la cour des archiducs en certaines choses. Sa résidence ordinaire estoit à Ensisheim. Il estoit composé du gouverneur général, lequel estant la pluspart du temps de maison de prince et bien sou- vent de celle d’Austriche mesme avoit grand pouvoir luy seul dans les choses d’authorité et qui regardent directement le souverain. Après luy entroit au conseil le lieutenant qui a tousjours esté de qualité de comte ou de baron et qui lorsque le gouverneur général estoit dans la province se tenoit attaché à la résidence d’Ensisheim. Un chancelier tenoit le troisiesme lieu et après luy huict ou dix gentilshommes et deux ou trois docteurs qui tous ensemble com- posants cette régence gouvernoient tout, et leurs ordres, mandements et sen- tences estoient expédiées soubs le nom de régence. Après ce conseil il y avoit une chambre des comptes composée d’un prési- dent , de cinq ou six gentilshommes, de deux ou trois autres personnes enten- dues et d’un trésorier ou caissier. Là tous les comptables rendoient leurs comptes et y portoient les revenus du prince, desquels revenus les appointe- ments et gages des officiers de la province estoient payez et le reste employé selon les ordres des archiducs ou de la régence.

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Il y avoit aussi un capitaine de la province qui estoit gentilhomme et qui avoit la direction des arsenaux des munitions de guerre et de bouche et des fortiffi- cations , qui prenoit cognoissance du besoing des places, qui faisoit faire les reveues des gens de guerre quand il y en avoit, qui les conduisoit dans leur[s] démarches et sur leurs routtes et qui avoit le soing des chasses et autres sem- blables droits du prince.
L’on voit par les vieux comptes généraux de la chambre des comptes que le revenu de cette province n’a vallu en temps de paix à la maison d’Austriche qu’environ deux cent ou deux cent trente mil livres tournois par an, et qu’a- près que les officiers en estoient payez de leurs gages et appointements il n’en est resté qu’environ cinquan〈te〉 mil escus pour les coffres du prince. Ses droits sont petits et quoyqu〈e〉 la bonté du pays eût permis de les augmenter il ne l’a pas voulu faire pour se conserver l’affection de son peuple, et pour s’acquérir celle des subjects de quelques-uns de ses plus proches voisins moin 〈s〉 puissants que luy et qui estoient plus fouillez que les siens sur qui i〈l〉 pouvoit avoir desseing. Mais lorsque la nécessité de ses affaires et la venue des armées de Suède en l’an 1632 l’obligèrent à faire des provisions extraordinaires pour la deffense du pays il fist demander au peuple une assis- tance d’argent extraordinaire de cent mil florins qui font près de soixante mil escus, laquelle il eut aussitost de bon gré et quelque temps après une autre semblable qui toutesfois n’estoit plus si volontaire et si prompte que la pre- mière , puisqu’en mesme temps il fist commencer à lever la neufiesme gerbe de tous les bleds pour en munir en partie les places et pour en fournir le reste aux armées impériales qui venoient à la défense du pays. Depuis que le Roy a conquis cette province par ses armes on a cessé entière- ment de lever les revenus ordinaires que la maison d’Austriche en tiroit tant à cause des désordres de la guerre, que parce que quantité d’habitants s’estants retirez en Suisse pour les éviter et les labourages n’allants qu’en confusion ce qu’on lèveroit de revenu n’iroit qu’à fort peu de chose, au lieu que par le moyen des contributions et des dixmes de bled et de vin extraordinaires qui sont maintenant en usage par toute l’Allemagne, l’on en peut tirer en argent ou en valleur le triple ou le quadruple des revenus ordinaires pour la subsis- tance nécessaire des trouppes. Cependant la maison d’Austriche ayant traitté fort doucement ce peuple aussi bien que la noblesse envers laquelle elle a tousjours estée [!] libérale tant à donner des biens de terre de son domaine en fief à quelques-uns et à faire d’autres grâces à d’autres, que particulièrement à leur laisser l’entrée libre aux charges mesme au conseil de la régence et de la chambre des comptes où les estrangers et ceux du pays estoient receus indifféremment selon qu’ils estoient treuvez capables. Il n’y a point de doubte qu’il ne reste à la noblesse et au peuple beaucoup de bonne volonté et d’inclination pour elle, et l’on voit bien qu’en ce temps-cy ils sont autant contraints dans leur esprit de la façon de vivre différente à la leur qu’incommodez en leurs biens par la subsistance qu’ils donnent aux armées et aux garnisons.

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Ce n’est pas que la maison d’Austriche y aye au commencement de son règne eu l’applaudissement qu’elle s’est acquis en la suitte par sa bonté et douceur. Les villes de Brisach et de Rinfelden ont esté longtemps à souspirer après leurs privilèges, session, voix et suffrage qu’ils avoient eu dans l’Empire comme villes impériales n’estants venues à la maison d’Austriche que par engagement d’un empereur pour une assez médiocre somme d’argent. Elles eussent bien voulu s’en rachepter si cela se fust pu faire par argent, et qu’elles se fussent veu en des mains moins fortes que celles des archiducs. Le Brisgau eût esté bien satisfait de demeurer aux marquis de Bade qui le prétendoient sur les archiducs par droit de succession des ducs de Zeeringuen et comtes de Freibourg qui en avoyent esté légitimes seigneurs. Mais le bon traittement qu’ils receurent ensuitte les uns et les autres leurs [!] a fait aggréer cette révolution et ç’a esté plustost la bonté du prince que ses forces qui les a fait demeurer dans leur debvoir.
[3. Befestigungen] Et de fait les places que la maison d’Austriche a eu dans cette province es- toient assez mal fortiffiées devant ces dernières guerres car les archiducs se tenoient asseurez de la fidélité de leurs subje〈ts〉, ils n’appréhendoient aucun de leurs voisins, des princes ou estats d’Allemagne tous moins puissants qu’eux, ils vivoient bien avec le duc de Lorraine, et les Suisses avoyent fait un traitté héréditaire et perpétuel come ils l’appellent avec eux de ne plus rien entrepren〈dre〉 sur leurs Estats. Mais lorsque ces derniers troubles d’Allema- gne ont commencé lesdits archiducs commencèrent aussi à mettre leurs places en meilleur estat. Brisach et Rinfelden furent fortiffiez et l’archiduc Léopold come évesque de Strasbourg fist parachever les fortiffications de Benfelden commencées longtemps auparavant. La couronne de Suède depuis qu’elle tient ladite place de Benfelden y a fait mettre quelques dehors et raccommoder et garder le fort de Rinau qui est sur une petite isle dans le Rin, où cette garnison fait aborder tous les batteaux qui montent ou qui descendent la rivière. Le Roy a fait employer pour les fortiffications des places de son obéissance quattre à cinq cent mil livres depuis que Sa Majesté les a conquises par ses armes. Brisach en a eu les trois cent mil et le reste a esté mis aux fortiffications des villes de Saverne, de Rinfelden, de Lauffembourg et de Neubourg. Ces deux dernières en ont esté mises en assez bonne deffense, mais Rinfelden les surpasse de beaucoup et Brisach en a esté rendu très bon en ce que ses bas- tions ont esté rehaussez et parachevez, des demy-lunes mises partout où il en estoit besoing, la montagne d’Eckersberg fortiffié〈e〉 et ses ouvrages atta- chez aux fortiffications de la ville et revestus de pierre du costé du Rin, telle- ment que cette place est en perfection. Il y a de plus les chasteaux de Tannes, de Béfort et de Freibourg du domaine de la maison d’Austriche qui sont assez bons et qu’on a laissé en estat aussi bien que deux autres de la noblesse dépendante des archiducs, l’un appelle Hohenack appartenant aux comtes de Ribaupierre et l’autre Landseron qui

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est aux sieurs Reich de Reichenstein, dans tous lesquels le Roy a ses garnisons si ce n’est dans celuy de Freibourg où il en a du duc de Bavière. Le chasteau de Hohentwiel qui est à trois lieues de la ville de Schaffhousen proche du lac de Constance appartient au duc de Wirtemberg. Le Roy en entretient présen- tement la garnison et elle obéit aux ordres du gouverneur de Brisach aussi bien que le chasteau de Joux au comté de Bourgogne.
Entre les autres places fortes de la province et qui n’appartiennent ny ne dé- pendent de la maison d’Austriche tient le premier rang la ville de Strasbourg qui est très bien fortiffiée. Elle a un bon chasteau dans ses terres nommé Her- renstein . Dans l’évesché de Strasbourg il y a la ville de Saverne dont les for- tiffications coustent bien quarante ou cinquante mille livres au Roy, celle de Benfelden et les chasteaux de Hautbarr et de Dachstein. Le marquis de Bade a le chasteau de Rottelin et le comte de Hanau celuy de Wilstett proche des quattre baillages appartenants à la maison d’Austriche dans l’Ortenau. Les villes de Colmar, de Schlettstatt et de Haguenau ne sont pas mauvaises. Di- vers chasteaux ont esté ruinez pendant cette guerre qui estoient des meilleurs, ceux de Ferrette et d’Altkirch appartenants à la maison d’Austriche le sont aussi bien que ceux de Hochberg et de Mahlberg appartenants au marquis de Bade et ceux du Coqusberg et de Rouffach dans l’évesché de Strasbourg avec quelques autres. La ville de Brisach est située sur une petite montagne, d’un costé le Rin bai- gne ses bords et de l’autre il n’y a que deux advenues pour y monter lesquelles sont aisées à garder. L’on peut voir par là que la ville de Brisach quoyque l’on voulust raser ses fortiffications seroit tousjours forte de nature et de sa situa- tion . Elle est du costé d’Allemagne dans le Brisgau qui par cette rivière est séparé des deux Alsaces et du Suntgau, en sorte toutesfois que si le Brisgau estoit à un prince et l’Alsace à un autre de puissance esgalle l’on ne seroit pas exempt de matière de contestes à cause de quelques petits droits et des reve- nus que le prince du Brisgau ou sa noblesse ont sur quelques lieux de l’Alsace et que ceux-cy en eschange ont chez les autres. Qui auroit Brisach avec le Brisgau sans l’Alsace et sans le Suntgau pourroit nonobstant cela maintenir ledit Brisach en temps de guerre mais il y auroit peine à le faire avec l’Alsace et le Suntgau sans le Brisgau, du moins il faudroit que Brisach eût pour soy la ville de Neubourg à trois lieues au-dessus de luy qui est ville du Brisgau sur le bord du Rin du costé d’Allemagne fortiffiée par les ordres du Roy depuis deux ou trois ans; cette place pourroit empescher entièrement à la ville de Brisach le commerce par eau avec la Suisse et avec les villes forestières sans quoy Brisach ne pourroit subsister à la longue, si en mesme temps le pays de Brisgau luy estoit contraire, puisqu’il tire des uns et des autres toutes ses nécess〈ités〉 ordinaires car l’Alsace estant pleine de vil- les ses paysants y vende〈nt〉 leur[s] denrées sur le lieu sans venir à Brisach. La Hautte-Alsace et le Suntgau sont contigus et leurs intérests, droits et revenus si fort meslés par ensemble qu’il seroit impossible de les séparer et parta- ger entre deux princes sans laisser lieu de discorde continuelle.

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La Basse-Alsace ou la grande provosté de Haguenau est tout à fai〈ct〉 à la bienséance de la Haute-Alsace, et quoyque ses revenus ne soye〈nt〉 pas grands, elle ne laisse pas d’estre fort considérable en ce que celuy qui la pos- sède a authorité dans dix villes impériales dont quelques-unes sont situées dans la Haute-Alsace. La maison d’Austriche s’en est si bien servy que par cette authorité il y a longtemps qu’elle a chassé la religion protestante de la ville de Haguenau et qu’elle a entrepris la mesme chose dans celle de Colmar d’où les ministres estoient desjà dehors et les bourgeois de cette religion-là prests à estre forcés dans leurs consciences lorsque les armées de Suède y ar- rivèrent .
Les quattre baillages de la maison d’Austriche dans l’Ortenau du costé d’Al- lemagne c’est ce qu’il y a de plus indifférent, car outre qu’ils ne sont pas importants pour leur revenu ils ne sont pas considérables pour leur situation ne pouvants ny servir ny nuire à la forteresse de Brisach. Il n’y a qu’un chas- teau appelle Ortenbourg qui est assez bon. Il pourroit bien estre que quel-ques-unes des autres terres ou villages là proches fussen〈t〉 des appartenan- ces de la grand-provosté de Haguenau. Les quattre villes forestières sont bien utiles pour la communicatio〈n〉 de Brisach mais non pas si absolument nécessaires quant à elles mesmes que Bri- sach ne s’en pût passer, si elles estoient situéez autre part que sur le Rin et dans une vallée fort estroitte à l’entrée de la Suisse. Elles sont très considéra- bles en ce que qui les tient avec Brisach garde par ce moyen tous les ponts sur le Rin à la réserve de ceux qui sont en Suisse et à Strasbourg, dont les sei- gneurs ne donnants passage à aucunes trouppes il faut que celles qui veulent passer cette rivière le fassent par le moyen de leur propre invention en quoy le pays et la rapidité du Rin donnent beaucoup de facilité de les empescher. Ce qui vient d’estre dit de la contiguïté et de la communication et seurté du pays et des places en tant qu’elles se peuvent servir ou nuire les unes aux autres se doibt entendre de ce que la maison d’Austriche a possédé dans la province. Parmy les autres princes, estats et villes impériales qui sont situé [!] dans la mesme province et dont a esté parlé cy-dessus il n’en a que trois de considé- rables pour ce qui est de leur force et pouvoir. Le premier est la ville de Stras- bourg qui outre ce qu’elle est bien fortifiée est riche et assez peuplée et a un pont sur le Rin, mais ne songeant qu’à sa conservation il y a bon moyen de bien vivre avec elle. Le second est le marquis de Bade dont les terres qu’il a dans la province sont toutes au-delà du Rin du costé d’Allemagne, et quoy-qu’elles soyent de bon revenu, toutefois il n’y a aucune ville capable d’y faire des provisions pour une guerre, ny de place forte horsmis le seul chasteau de Rottelin qui est petit. Le pays principal de ce marquis est du costé de Phi- lippsbourg , et si cette maison de Bade a pris les armes quelquefois ce n’a pas esté pour conquérir les Estats d’autruy mais pour défendre les siens et ses droits de succession. Le troisiesme est l’évesché de Strasbourg dont l’évesque ne seroit pas peu puissant s’il se rencontroit estre de la maison d’Austriche

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come fait celuy d’à présent, qu’il possédast la forteresse de Benfelden et la ville de Saverne dans l’estat où elles sont maintenant avec les chasteaux de Hautbarr et de Dachstein qui sont fort bons, et qu’il jouyst de l’évesché de Strasbourg et de l’abbaye de Strasbourg dans la Hautte-Alsace qui est très riche, ainsy que feroit l’évesque d’aujourd’huy qui en est abbé, surtout si outre cela la grand-provosté de Haguenau estoit dans sa maison. Si un évesque avec tous ces advantages se rencontroit d’humeur remuante, la place de Benfelden accommodée come elle est à présent et advancée come elle est vers la Haute-Alsace luy pourroit donner volonté et commodité d’entreprendre autant qu’elle serviroit de bride à ses desseings si elle estoit en d’autres mains que les siennes.
Il resteroit à parler de la forteresse de Philippsbourg, mais faute de cognois- sance solide il sera assez de dire qu’il semble que la communicat〈ion〉 la plus commode et la plus seure qu’elle pourroit avoir avec la France c’est par Lan- dau , Weissenbourg, Haguenau et Saverne dont les d〈eux〉 premières quoy-que villes impériales et situées hors de l’Alsace sont toutefois de la grand- provosté de Haguenau. [4. Donationen] Pour conclusion il ne sera pas hors de propos de faire mention des terres qui depuis que le Roy a conquis cette province par ses armes ont esté données à des officiers de l’armée de Sa Majesté ou à d’autres, partie par le duc de Wei- mar en son vivant, et dont les donations ont esté depuis sa mort confirmées par le Roy, partie aussi par Sa Majesté mesme. Il y en a si la mémoire ne trompe qui ont esté données pour tousjours et d’autres dont Saditte Majesté permet la jouyssance tant qu’il sera de son plaisir. Quant aux terres du domaine de la maison d’Austriche le sieur Taupad〈el〉 est en possession du comté de Ferrette et de la seigneurie de Burcken, le sieur de Schönbeck de la ville de Sennen, le colonel Betz de la seigneurie d’Alt- kirch , le comte de La Suse du comté de Béfort, le sieu〈r〉 Chausier comman- dant à Colmar du comté d’Egisheim, le marquis de Montausier de la ville de Berckem, les sieurs Hervart banquiers de Lion du baillage de Haut- et Bas-Lannseren, et le colonel Canoffski de la seigneurie de Waltkirch; ce dernier est mort depuis peu. Des terres dépendantes de l’obéissance de la maison d’Austriche et dont les seigneurs ou gentilshommes portent les armes pour son service ou n’ont pas voulu se venir mettre à la protection du Roy a esté donné la baronie de Poll- weil appartenante aux comtes Fouggre au général major Rosen, la terre d’Isenheim desdits Fouggres au lieutenant colonel Rosen son frère gouver- neur de Tannes, le val de Weiler desdits Fouggres au commissaire général Schavalizki et à son fils depuis sa mort, une partie de la baronie de Montjoye au colonel Eckard et au lieutenant colonel Hildebrand, la baronie de Mori- mont au sieu〈r〉 Stella résident du Roy à Strasbourg qui est mort, et la sei- gneurie de Kiensheim au colonel Hattstein et à son fils depuis sa mort.

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Des terres hors de l’obéissance et hors du domaine de la maison d’Austri- ch〈e〉 a esté donné celle de Markeltsheim à l’auditeur général Volquer, la- quelle est de l’évesché de Strasbourg, celle de Saint-Hippolitte du duché de Lorraine au feu sieur de Lisle résident pour le Roy à Strasbourg, la comman- derie de Bücken de l’ordre Teutonique et la baronie de Stauffen appartenante à des gentilshommes de la Haute-Alsace nommez de Schaumbourg au colonel Ehem, lesquelles deux terres le sieur de Rellinguen luy dispute pour en avoir un brevet de plus ancienne datte. La commanderie de Heittersheim avoit esté donnée mais le commandeur y a esté restably par ordre du Roy. La terre d’Ettenheim de l’abbaye d’Ettenmunster au colonel Streiff et la seigneurie de Liechtenegg au susdit sieur de Schönbeck.
Outre ces donations la couronne de Suède en a fait quelques-unes dont les terres sont aujourd’huy soubs le gouvernement de Benfelden, sçavoir Ichters- heim appartenant à un gentilhomme nommé Ascani au lieutenant colonel de Landenberg, Wertt appartenant à un gentilhomme nommé de Seebach au co- lonel Quernheim et à ses enfants, les terres d’Erstein, de Molsheim et de Dachstein de l’évesché de Strasbourg aux comtes Ringraves, et quoyque les deux dernières soyent du gouvernement de Brisach l’on les en a laissé jouyr pour estre des seigneurs considérables. La couronne de Suède a donné aussi à la ville de Strasbourg le baillage de la Wantzenau appartenant à l’évesché de Strasbourg dont laditte ville jouyt encor présentement. Ce sont les donations considérables qui ont esté faittes, outre lesquelles il y en a quelques autres de moindre importance, come de quelque village ou de la moitié d’un village selon la condition de la personne que le Roy a voulu gra- tifier , de quoy la mémoire ne fournit pas le destail et dont le récit seroit ennuyant.

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