Acta Pacis Westphalicae II B 3,2 : Die französischen Korrespondenzen, Band 3, 2. Teil: 1646 / Elke Jarnut und Rita Bohlen unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy mit einer Einleitung und einem Anhang von Franz Bosbach
259. Memorandum Serviens Münster 1646 Mai 7
Münster 1646 Mai 7
Ausfertigung: Ass. Nat. 275 fol. 313–326A = Druckvorlage; unterzeichnet von allen drei Ge-
sandten ; Eingang in Compiègne nach Dorsal fol. 327’: 1646 Mai 15. Duplikat für Mazarin: AE ,
CP All. 60 fol. 240–250. Kopien: AE , CP All. 65 fol. 33–41’: AE , CP All. 76 fol. 327–332.
Druck: Mém. et Nég. II S. 249–265; Nég. secr. III S. 172–176; Gärtner IX S. 617–634,
nennt als Ort: Osnabrück.
Abneigung der Schweden gegen einen Waffenstillstand. Ihre Forderungen nach eigener Aussage
und nach Darstellung Trauttmansdorffs. Ihre Haltung in der Breisach-Frage. Absprache der
nächsten Verhandlungsschritte. Einlenken Oxenstiernas bez. der Pfarrei Wallenhorst. Annähe-
rung in der Frage der Kirchengüter und der pfälzisch-bayerischen Angelegenheit. Form der Inve-
stitur für Pommern. Kommentar Oxenstiernas zu den kaiserlichen Offerten an Frankreich. Re-
serviertheit der Schweden. Ihre Maximen. Ungeduld Trauttmansdorffs. Diskussion mit Trautt-
mansdorff über die schwedische Forderung nach Bremen und Verden; über die Form der Investi-
tur für das Elsaß. Entschädigung Brandenburgs. Unterredungen mit den katholischen und den
protestantischen Ständen. Antwort Serviens auf ihre Anliegen. Gespräche mit einzelnen Ständen:
Bayern; Würzburg; dessen Erklärung für Frankreich; Basel. Neuerliches Gesuch bei Trauttmans-
dorff um Pässe für die Gesandten Portugals; Kompromiß. Ansprüche Hessens.
Je n’ay pas treuvé les plénipotentiaires de Suède dans la résolution de consen-
tir à la suspension générale quelque raison dont je me sois servy pour les y
disposer. Ils disent pour leur excuse qu’ils n’ont pas le mesme pouvoir que
nous en ceste affaire, et qu’elle dépend plus de monsieur Torstenson que
d’eux; que s’il s’agissoit de conclurre la paix ou une longue trefve, ce seroit à
eux de la faire, mais qu’une suspension de peu de durée doit estre résolue
selon l’estat où se treuvent les armées, et par conséquent doit estre remise à
ceux qui les commandent. Ilz ont promis d’en escrire à monsieur Torstenson
et de faire sçavoir sa response dans douze jours. Il paroist bien pourtant à leur
discours qu’elle ne sera pas telle qu’on la désire, sy ce n’est qu’on soit entiè-
rement d’accord, en ce temps-là, sur les principaux poincts du traicté et par-
ticulièrement sur celuy de la satisfaction des couronnes. Ils ont quelquefois
dict entr’eux (à ce que m’a rapporté une personne confidente) qu’ilz |:feroient
scrupulle d’accorder cette suspention d’armes entre la résolution du traicté et
la signature, tant ilz ont peur d’estre trompez et tant ilz sont persuadez de ne
pouvoir obtenir ce qu’ilz prétendent que par les armes:|.
Lorsque je leur ay parlé de leur satisfaction, ils m’ont tesmoigné tous deux
ensemble et chacun d’eux en particulier, qu’ils n’avoient encor point ordre de
Suède de rien retrancher de leur première demande. Néantmoins le comte de
Trautmansdorff m’a dict, qu’on l’avoit assuré de bon lieu qu’ils se contente-
roient ou de toutte la Poméranie et de Wismar, ou de la moitié de la Poméra-
nie , de Wismar, de l’archevesché de Bremen, et de l’évesché de Werden. Je ne
sçay pas sy l’un des deux se trompe dans son opinion, ou sy l’un a parlé plus
franchement que l’autre. Il y a plus d’apparence que les Suédois ont demeuré
sur la retenue, |:leur dessein ayant tousjours esté de ne faire point cognoistre
leurs dernières intentions qu’à la conclusion du traicté et après qu’on sera
d’accord sur tout le reste:|. Quoy qu’ils disent, j’estime que le comte de
Trautmansdorff sçait desjà pour combien en estre quitte envers eux.
Monsieur Oxenstiern m’a dict en confidence que ledict comte luy donnant
part de l’offre qu’il nous avoit faict faire l’avoit |:voulu engager à ne souffrir
pas que Brisac nous demeurât:| et luy avoit aussy voulu persuader que ce
n’est pas |:l’advantage des protestans:|, mais que par sa response il luy avoit
faict connoistre que ny les uns ny les autres n’estoient pas d’humeur d’envier
le bonheur de leurs amys, et qu’ilz seroient tous bien aises qu’on nous don-
nast plus par le traicté de paix que nous n’avons demandé.
La résolution que nous avons prise ensemble sur ce suject et sur tout ce qui
est présentement à faire dans ceste négotiation, a esté qu’il faut attendre la
duplique des Impériaux, et après cela nous assembler en quelque lieu à my-
chemin de Munster et d’Osnabrug pour résoudre la dernière response que
nous y debvrons faire, qui contiendra ou la conclusion de la paix ou la conti-
nuation de la guerre, et que pour cet effect il faudra donner aux Impériaux le
traicté tout dressé en la forme qu’il doit demeurer. J’ay faict entendre douce-
ment à monsieur Salvius que dans ceste entreveue ils ne doivent pas faire
difficulté de se treuver sur le lieu avant nous pour nous visiter les premiers
lorsque nous y arriverons, dont il est demeuré d’accord.
Monsieur Oxenstiern s’est enfin laissé vaincre à la raison touchant la cure de
Valenhorst, et a promis d’y faire restablir un curé ou un vicaire catholique
pourveu que les habitans de la paroisse le luy demandent par une requeste.
J’ay fait sçavoir à ceux-cy et à quelques ecclésiastiques d’Osnabrug avant mon
départ la voye qu’il y faudra tenir afin qu’il ne s’y rencontre plus de difficulté.
Monsieur de La Barde s’est aussy chargé d’en prendre soing.
Le plus considérable différend qui se rencontre aujourd’huy entre les catholi-
ques et les protestans, est pour raison des biens ecclésiastiques. J’ay faict re-
marquer en passant à monsieur Oxenstiern que nous avions bien volontiers
consenti pour l’amour de luy et de son collègue qu’il fust traicté à Osnabrug,
et que les catholiques assemblez à Munster y envoiassent leurs députez,
croyans qu’il seroit terminé raisonnablement, mais que sy on prétend que les
catholiques consentent à une aliénation perpétuelle des biens d’Eglise, ils
nous ont tous protesté diverses fois de ne le pouvoir faire, et que leur hon-
neur , leur conscience, les droicts du pape et ceux de Dieu mesme auquel la
propriété desdicts biens appartient, leur en oste tout moyen. Comme je l’ay
pressé par diverses raisons d’y treuver du tempérament, il m’a prié d’en parler
moy-mesme aux députez des protestans, et qu’il prendroit soing de les faire
venir chez moy; ce que j’ay accepté et pris à bon augure.
Nous sommes après cela tombez sur l’affaire palatine. J’ay représenté que le
duc de Bavières mérite d’estre considéré; que c’est un prince puissant et dans
la guerre et dans la négotiation; qu’il s’est le mieux conduict de tous à l’ en-
droict des couronnes, ses députez ayans soustenu le plus hardiment en l’ as-
semblée qu’il leur faut donner satisfaction; que monsieur le chancelier Oxen-
stiern a tousjours esté d’advis qu’il fault accommoder ce différend; qu’il est
comme impossible de faire restablir le Palatin en tous ses Estatz et dignitez, et
que ce poinct ne doit pas empescher qu’on ne face la paix. Monsieur Oxen-
stiern s’est plus ouvert sur ce suject qu’il n’avoit encores faict et |:m’a advoué
que les ordres de Suède portent qu’il ne faut pas demeurer sur les extrêmes et
qu’il fault y chercher quelque accomodement:|. Le voyant en sy bonne dis-
position j’ay tasché de le sonder plus avant pour descouvrir son sentiment, et
luy ay dict que le duc de Bavières tesmoigne de se vouloir porter aux derniè-
res extrémitez plutost que de rendre la dignité électorale qu’il possède; que sy
l’on en peut créer un huictiesme pour le Palatin en luy rendant le Bas- Palati-
nat comme l’Empereur et les électeurs semblent y estre disposez, ce prince
aura suject d’estre content, et ne sera pas mal sorty du pitoyable estat où il a
esté réduict depuis vingt-sept ans; que ceste augmentation du nombre des
électeurs sera remarquable à la postérité, et fera mieux souvenir de ce que les
couronnes font aujourd’huy pour le restablissement des princes de l’Empire.
Ceste dernière considération l’a plus touché que les autres. Il n’a pourtant pas
donné un consentement formel à toutte la proposition, mais il ne l’a point
aussy rejettée ny contredicte; il y a mesme suject de croire qu’il y a tacitement
acquiescé.
Quant à |:l’investiture que nous devrons prendre, ilz sont résoluz d’avoir
celle de la Poméranie pour la couronne de Suède et non point seullement
pour la reyne et pour ses successeurs:|. Ils prétendent mesme que sy la forme
|:du gouvernement de Suède vient un jour à estre changé[e]:|, on demeurera
obligé de |:la part de l’Empire à la continuer:| et qu’elle sera seulement
|:prise à chaque mutation d’Empereur:|. J’ay esté bien aise de les voir dans
une sy ferme résolution croyant que |:l’exemple de ce qui sera faict pour la
Poméranie servira pour l’Alsace:|.
Je luy ay donné part de l’estat où nous sommes avec les Espagnols, dont il a
faict de grands remerciementz, et lorsque je luy ay communiqué la dernière
offre des Impériaux dont il a pris une copie par escript il m’a dict en riant que
nous avions esté servis les premiers, mais qu’il n’auroit pas suject d’estre
content sy on adjoustoit tant de conditions et de restrictions à celle qui leur
doit estre faicte. Je n’ay pas esté fasché qu’il ayt faict ce jugement de la nostre,
j’ay mesme pris soing de luy faire connoistre que nous y sommes maltraictez,
affin que |:quand nous nous relascherons sellon les ordres qui en arriveront
de la cour:| ils nous ayent obligation de la facilité que nous apporterons et
qu’en |:la leur faisant valloir nous puissions les presser d’en faire autant de
leur costé sur quelque point important:|.
Ces deux ministres affectent sy fort de |:tenir tous leurs desseins cachez:|
qu’en traictant avec nous ilz ne nous considèrent pas la pluspart du temps
comme |:leurs alliez et qu’il faut le plus souvent ou arracher leurs parolles
ou deviner leurs pensées:|. On diroit à les ouïr parler qu’ilz |:songent plus à
la continuation de la guerre qu’aux conditions de la paix:|. La fermeté qu’ils
tesmoignent encores tant dans les intérestz publics que dans les leurs particu-
liers donneroit subject de prendre ceste croyance sy l’on ne connoissoit leur
humeur |:naturellement meffiante et réservée:|. A la vérité ilz sont dans un
lieu où touttes leurs paroles et leurs actions sont esclairées |:des protestans
ausquelz:| ils appréhendent de |:donner le moindre soupçon:|, ce qui redou-
ble leur retenue naturelle, outre qu’ils croyent de parvenir mieux à leurs fins
par ceste conduicte, leurs maximes estans qu’il faut prétendre beaucoup pour
obtenir ce qui est juste, demander hardiment pour n’estre pas refusé, faire les
mauvais pour ramener les autres dans la raison, et poursuivre sans interrup-
tion la guerre pour avoir une paix avantageuse.
Dans les deux conférences que j’ay eues avec le comte de Trautmansdorff en
recevant sa visite et luy rendant la mienne, j’ay cognu qu’il a très grande im-
patience que les affaires s’avancent. Il m’a demandé quand reviendra le cour-
rier que nous avons dépesché à la cour
Die Sendung vom 19. April mit Montigny, s. [ nr. 218 Anm. 3 ] ; Eingang der Antwort des Hofs
in Münster mit Préfontaine ( [ nrs. 240 ] –246) am 3. Mai 1646.
sion de la maladie de monsieur Salvius, à cause qu’elle peut retarder le traicté.
Ces inquiétudes ne m’ont pas desplu. Il m’a fort prié de disposer les Suédois
et les protestans (sur qui nous devions avoir quelque crédit) de se mettre à la
raison. Il m’a voulu engager à faire désister les Suédois de la demande de
Bresmen et de Werden, mais ayant ajousté qui’il ne pouvoit pas s’en mesler
pour ne faire pas tomber leur récompense sur l’électeur de Brandebourg plu-
tost que sur le filz du roy de Dannemarch j’ay respondu que la mesme consi-
dération ne me le permettoit pas, et que je ne voyois pas les Suédois encor
disposez à se contenter d’une partie de leur demande. Nous avons un peu
contesté sur la forme de l’investiture qui doibt estre donnée. J’ay allégué quel-
ques raisons, et divers exemples pour monstrer qu’elle doit estre accordée au
Roy et à ses successeurs à la couronne, son opinion est qu’elle ne peut estre
délivrée que pour les personnes, et non pas pour les couronnes; qu’il ne fut
jamais faict autrement dans l’Empire; que le roy d’Espagne mesme qui est de
la maison n’a celle de Milan que de ceste sorte, et que les exemples que je luy
avois alléguez de Naples et de quelques autres Estats ne peuvent pas estre
tirez en conséquence dans l’Alemagne. Enfin après une assez longue contesta-
tion il m’a dict qu’on pourra bien donner celle de la Poméranie à la royne de
Suède et à ses enfans, ou en cas qu’elle n’en ayt point au roy qui sera esleu
après elle et à ses descendans; et que pour celle de l’Alsace on l’accordera
pour tous les princes du sang royal, mais que c’est tout ce qu’on peut faire.
Ledict comte estime que la récompense que l’on avoit cru de donner aux Sué-
dois en argent doit estre délivrée à l’électeur de Brandebourg pour son des-
dommagement , et imposée sur tous les estatz de l’Empire. Mais il me semble
qu’il y a quelques |:pratiques secrettes parmi les protestans dont les depput-
tez de Hesse sont les plus ardens solliciteurs:| pour luy faire donner plutost
|:quelques esveschez comme ceux d’Halberstat, d’Osnabruck et de Minden,
ce qui seroit très préjudiciable à la religion:|.
Les députez des estats m’ont presque tous visité ou en corps ou en particulier.
Ceux des catholiques ont esté les premiers, conduits par l’ambassadeur de
Mayence, leurs remonstrances ont abouty à trois poincts: que nous em-
ployons l’autorité du Roy pour faire désister les Suédois de la demande qu’ils
font des éveschez de Bremen et de Werden; que nous facions le mesme auprès
des Hessiens qui prétendent pour leur satisfaction divers Estatz appartenans à
l’Eglise, et que nous disposions tous les protestans à se contenter qu’on leur
laisse pour un temps limité les biens ecclésiastiques qu’ilz possèdent présente-
ment . J’ay respondu sur le premier que nous ne pouvions pas empescher avec
bienséance que noz alliez ne reçoivent ce que les Impériaux leur veulent don-
ner ; que pour les Hessiens nous n’appuions pas leurs demandes en ce qu’ils
prétendent au préjudice de l’Eglise qu’ils ont faictes sans nostre participation,
et y ont adjousté beaucoup de choses contre la parole qu’ils nous avoient
donnée de ne le faire pas; que nous employerons de bon cœur l’autorité du
Roy envers eux pour les en faire départir pourveu que l’on donne d’ailleurs
une satisfaction raisonnable à Madame la Landgrave. Quant aux biens ecclé-
siastiques prétendus par les protestans, que c’est une vieille querelle qui a esté
accommodée autrefois, et de laquelle on peut sortir aujourd’huy par les mes-
mes expédiens dont l’on a cy-devant convenu; que nous ne pouvions nous en
mesler que pour exhorter les uns et les autres à faire un accommodement
raisonnable; que nous n’avons garde de rien proposer qui puisse tant soit peu
blesser la conscience, mais que l’expérience ayant faict voir jusqu’icy que rien
ne favorise tant les progrez de l’hérésie que la licence des armes, chacun doit
avouer qu’il n’y a point de remède plus utile aux maux que souffre la religion,
que de faire promptement la paix générale, et que les catholiques gaigneront
beaucoup en relaschant quelque chose.
Les députez des estatz protestans m’ayans visité en plus grand nombre, m’ont
faict un long récit de tous leurs griefs, et y ont adjousté diverses plaintes de la
dureté des catholiques qui ne veulent pas, disent-ilz, sortir d’affaires deffiniti-
vement . Ilz ont principalement appuie sur trois poincts desquels tous les au-
tres dépendent: à obtenir la révocation du Reservatum ecclesiasticum
dans la paix de l’année 1555; à retenir pour tousjours le bien de l’Eglise dont
ils sont en possession, et à faire establir quatre chambres mi-parties dans
l’Empire, afin qu’à l’advenir la justice soit rendue plus promptement, et sans
faveur, aussy bien que sans haine.
Ilz disent sur le premier qu’il a esté autresfois adjousté à la paix religieuse au
préjudice des droictz et des protestations de ceux de leur créance que ne peu-
vent sans quelque espèce d’infamie estre privez de leurs dignitez quand ils
quittent la religion catholique pour se ranger à la leur. Sur le second, qu’au
lieu de faire une paix durable qui doit servir de loy à la postérité, l’on ne fera
qu’une simple trefve, sy on leur veut prescrire un temps limité pour la réten-
tion des biens d’Eglise qu’ils possèdent, après lequel ou il faudra revenir aux
armes ou qu’ilz demeurent exposez au jugement de leurs propres ennemis,
puisque l’Empereur prétend que c’est à luy seul qu’il appartient de juger ce
différend; que les catholiques s’excusent que l’honneur ny la conscience ne
leur permettent pas d’y consentir, mais qu’il n’est pas croyable qu’ils ayent
moins de pouvoir que leurs prédécesseurs au traicté de 1552
Vertrag von Passau, s. [ nr. 45 Anm. 7 ] .
consentirent à l’aliénation perpétuelle des biens ecclésiastiques possédez en ce
temps-là par les protestans, ny qu’alors ceux qui estoient chargez des inté-
restz des catholiques eussent moins d’honneur et de conscience que ceux
d’aujourd’huy. Sur le 3 e , qu’ils ont très grand intérest que la justice leur soit
administrée d’une autre sorte qu’elle n’a esté cy-devant; qu’en Alemagne il n’y
a jamais de fin aux procez; que la France se treuve bien d’avoir divers parle-
mens et que l’establissement des chambres mi-parties y a esté très utile pour
bannir les défiances de ceux de la nouvelle religion et réunir les espritz, sans
quoy la tranquillité publique ne peut jamais estre de durée.
J’ay reparty sur le premier, que ce seroit un mauvais présage pour la paix qui
doit estre faicte présentement sy on révoquoit en doute ce qui a esté accordé
en celle de l’année 1555; que je ne voyois pas comment les couronnes qui ont
pris les armes pour empescher les innovations dans l’Empire et faire observer
les anciens traictez, peuvent demander la révocation d’un ordre solemnelle-
ment estably depuis près de cent ans, et qui a esté exécuté sans aucun change-
ment depuis ce temps-là; que sy les protestations secrètes contre les traictez
publics estoient recevables, il n’y auroit jamais de seureté dans les affaires du
monde; que les catholiques font un très mauvais jugement des instances qu’on
leur faict sur cet article, et en prennent de grands ombrages, disant qu’on
cherche de temps en temps à leur faire quelque nouveau préjudice, et qu’on
rendroit leur condition trop mesprisable sy tout ce qui est résolu contre eux
demeuroit ferme et immuable, et ce qui est accordé en leur faveur estoit suject
à de perpétuelz changemens.
Je me suis un peu plus estendu sur le second comme le plus important, et
capable de retarder ou rompre le traicté. J’ay tasché de leur faire comprendre
que le raisonnement qu’on faict pour prouver que, sy les biens ecclésiastiques
ne sont laissez pour tousjours, on ne fera qu’un trefve, est plus subtil que
concluant, puisqu’il y a peu de traictez de paix, où il n’y ayt plusieurs articles
qui non seulement ne sont pas accordez pour tousjours, mais qui demeurent
tout à faict indécis; qu’il ne faut que voir celuy de Vervins, où les différens
pour la Navarre, et pour le marquisat de Saluces
Saluzzo, Stadt und Mgft. in Piemont südlich von Turin, nominell zum Reich gehörig; nach
dem Frieden von Cateau-Cambrésis 1559 blieb Saluzzo bei Frk, 1588 konnte Savoyen es
zurückerobern. Im Vertrag von Vervins blieb die Saluzzo-Frage ungelöst, erst im Vertrag von
Lyon 1601 verzichtete Frk im Austausch mit anderen Gebieten endgültig auf die Mgft.
( Zeller , Saluces).
importance, ne furent pas vuidez deffinitivement, et que la paix de l’Empire
n’en sera pas moins durable et moins ferme, quand on aura convenu par un
des articles que les protestans demeureront en possession soixante ou soixante
et dix ans des biens ecclésiastiques qui sont entre leurs mains; que le traicté de
1555 estoit relatif au concile qui devoit estre tenu pour composer les différens
des deux religions, et par conséquent n’avoit pas un terme indéfiny comme on
le demande aujourd’huy. Je les ay fort exhortez d’y treuver quelque tempéra-
ment et de profiter de l’exemple de leurs ennemis qui avoient changé le flo-
rissant estat de leurs affaires pour avoir formé des desseins injustes et violens;
que la guerre a esté entreprise pour garentir les princes protestans anciens
alliez de la France du mal qu’on leur vouloit faire, mais non pas pour ruiner
ny violenter les catholiques; qu’un chacun aura suject d’estre content de la
paix qui est sur le poinct d’estre conclue, pourveu qu’on suive la raison de
part et d’autre, et que ceux qui ont l’avantage demeurent dans la modération
que les vaincus n’ont pas sceu garder lorsque le sort leur a esté favorable; que
bien souvent on ruine les affaires pour y vouloir chercher trop de seuretez;
que c’est porter trop avant la prévoiance humaine de vouloir remédier au-
jourd ’huy à tout ce qui pourra arriver dans soixante et dix ans; qu’ils doivent
considérer les offices des plénipotentiaires de France qui leur parlent en fidè-
les amys, et qui sont intéressez dans leur conservation; qu’il nous semble que
les catholiques se mettent bien à la raison quand ilz consentent à la rétention
des biens de l’Eglise pour soixante et dix ans, et qu’on peut remédier au trou-
ble que les protestans appréhendent après ce délay expiré, en convenant pré-
sentement que les parties demeureront chacun dans leurs droicts et préten-
tions , [et] ne pourront jamais en faire poursuite par les armes ny par la justice,
mais seulement s’en accorder ensemble par une composition amiable avant
que les soixante-dix ans soient expirez. Ils se sont regardez l’un l’autre sur
ceste proposition sans me rien respondre, et leur contenance m’a donné quel-
que suject de croire qu’ilz y ont donné une tacite approbation. En effect j’ay
sceu que les députez de Saxe, et quelques autres des plus modérez d’entr’eux
la treuvent très raisonnable, et croyent qu’on en doit passer par là.
Plusieurs autres députez m’ont visité séparément, mais seulement pour me
recommander les intérestz particuliers de leurs maistres. Celuy de Bavières
m’a fort pressé pour sçavoir ce que j’avois avancé en l’affaire palatine. Je luy
ay dict en termes généraux qu’elle estoit en assez bon estat, |:que le duc de
Bavière cognoistroit bientost par effect le désir que Leurs Majestez ont de
procurer son contentement, mais qu’il falloit auparavant qu’il disposât les Im-
périaux à nous parler plus franchement sur la satiffaction de la France, et que
les affaires seroient desjà plus avancées de tous costez si on n’eust point laissé
de queue dans l’offre qui nous a esté faicte:|.
Le discours qui m’a esté faict par le député de Visbourg mérite d’estre remar-
qué particulièrement. Après m’avoir justifié sa conduite à l’endroict de la
France dont il avoit appris avec regret qu’on n’avoit pas eu entier contente-
ment , et m’avoir présenté la copie de ce qu’il avoit dict dans l’assemblée sur la
satisfaction du Roy pour démentir (a-il adjousté) ceux qui l’avoient voulu ca-
lomnier , il m’a déclaré nettement que son prince désire avec tant de passion la
bienveillance de Leurs Majestez qu’il |:offre tout ce qui est en son pouvoir
pour leur faire obtenir ce qu’elles désirent dans le traicté de paix, et en cas
qu’il ne réussisse pas qu’il est prest de se joindre et donner toute sorte d’ assis-
tance à Leurs Majestez dans la continuation de la guerre:|. Je l’ay fort remer-
cié d’une offre sy obligeante, et l’ay assuré que son maistre ne demeureroit pas
longtemps sans connoistre combien elle avoit esté agréable à Leurs Majes-
tez .
Le mesme m’a faict compliment de la part de l’évesque de Basle qui tesmoi-
gne aussy beaucoup de désir d’estre honoré de la bienveillance de Leurs Ma-
jestez , mais il n’a pas passé |:si avant qu’en parlant pour celluy de Virs-
bourg :|. Il a finy son discours en me disant que la comté de Ferrette et les
seigneuries de Tanne et d’Alkirken qui appartenoient cy-devant à la maison
d’Austriche relèvent de l’évesché de Basle; qu’il a cru nous en devoir infor-
mer , et nous dire en mesme temps que sy Leurs Majestez désirent de traicter
de ceste mouvance, son maistre s’y disposera très volontiers pour leur com-
plaire pourveu qu’on luy donne quelque récompense ailleurs.
Le jour avant mon départ l’indisposition de monsieur Salvius luy ayant per-
mis de traicter d’affaires, il m’a confirmé les mesmes choses qui m’avoient
esté dictes par monsieur Oxenstiern tant sur le public que sur les intérests
particuliers de la Suède. En la dernière conférence que nous avons eue tous
ensemble nous avons résolu d’envoyer de nouveau demander conjoinctement
au comte de Trautmansdorff le passeport des plénipotentiaires de Portugal; ce
qui a esté exécuté. Ledict comte a tesmoigné d’abord estre piqué de ceste
demande laquelle ayant esté faicte en mesme temps que celle des Hessiens a
paru, luy a faict dire qu’on cherchoit des obstacles nouveaux à la paix au lieu
de surmonter ceux qui l’ont retardée jusqu’icy; qu’il luy estoit impossible d’y
conduire seul les affaires sy on n’y concouroit de tous costez, quelque bonne
intention qu’il eust. On luy a respondu que la demande des Hessiens contient
beaucoup de choses qui y ont esté adjoustées sans nostre participation, mais
qu’elle n’empeschera pas la paix, présupposé qu’on donnera par quelque au-
tre voye une satisfaction raisonnable à Madame la Landgrave; que celle
qu’on faict pour les Portugais est très juste et n’est pas nouvelle; qu’il est sans
exemple que des plénipotentiaires de tout un royaume soient dans une assem-
blée comme celle-cy sans y avoir une entière seureté; qu’on ne cherche pas à
faire préjudice aux droicts de personne, et qu’il se peut treuver des expédiens
qui ne les blesseront point. Après un peu de contestation il est demeuré d’ ac-
cord que les plénipotentiaires des couronnes en vertu du passeport qu’ils ont,
peuvent prendre soubz leur protection ceux de Portugal et leur donner seure-
té comme à leurs confédérez, et que desjà de son costé il avoit donné les
ordres nécessaires pour empescher qu’on n’entreprist rien contre eux, dont ils
devoient se contenter; que pour les Hessiens on se disposera volontiers de
leur donner quelque somme d’argent, mais qu’ilz ne doivent pas prétendre
d’avoir rien en terres, et principalement aux despens de l’Eglise.
Lorsqu’on a faict sçavoir aux Portugais la response de Trautmansdorff tou-
chant leur passeport |:ilz n’ont pas tesmoigné répugnance à l’ouverture qu’il a
faicte, pourveu que ledict sauf-conduict leur soit délivré par nous:| en vertu
d’une convention précédente et plus expresse qui aura esté faicte pour ce su-
ject entre les commissaires impériaux et nous.