Acta Pacis Westphalicae II B 3,1 : Die französischen Korrespondenzen, Band 3, 1. Teil: 1645 - 1646 / Elke Jarnut und Rita Bohlen unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy, mit einer Einleitung und einem Anhang von Franz Bosbach
153. Königin Anna an Longueville, d’Avaux und Servien Paris 1646 März 8
Paris 1646 März 8
Kopien: AE , CP All. 75 fol. 363–365 = Druckvorlage; AE , CP All. 64 fol. 50–53. Reinkon-
zept : Ass. Nat. 272 fol. 147–152; nach Zusatz am Kopf und Dorsal fol. 152’
Coiffier. Konzept Lionnes: AE , CP All. 59 fol. 343–346; datiert: 1646 März 7. Druck: Mém.
et Nég. II S. 22–29; Nég. secr. III S. 109–111; Gärtner V III S. 443–451.
Antwort der Königin auf das spanische Angebot: Dank für die Vertrauensbezeugung. Zurückwei-
sung der Schiedsrichter- oder Vermittlerrolle. Zufriedenstellung der Alliierten und Verhandlung
in Münster unabdingbar. Gegenangebot: Friedensschluß auf Grund des gegenwärtigen Besitz-
stands oder Rückgabe Navarras an Frankreich gegen angemessene Entschädigung. Bereitschaft,
auf den Vorschlag einer Heirat zwischen König und Infantin – mit Wissen und Einwilligung der
Generalstaaten – einzugehen.
Comme je me persuade que la proposition qui vous a esté faicte par les mé-
diateurs de la part des ministres d’Espagne, qu’ilz sont prestz d’accepter les
conditions que je vouldray prescripre pour la paix présupposant que j’auray
esgard en cela à la maison dont je suis sortie, est accompagnée de toute sincé-
rité, et ne part que de la véritable envie qu’a le roy catholique monsieur mon
frère de veoir cesser les maux qui affligent la chrestienté, aussy ai-je receu
avec tendresse et grande estime ce tesmoignage qu’il a voulu me donner de
son affection et de sa confiance, ne faisant pas moins d’estat de quelque offre
et de quelque parolle qui vienne de luy que s’il avoit voulu s’y obliger par un
compromis solemnel dont tous les aultres princes qui luy adhèrent fussent
garends. J’ay donc rejetté ce que beaucoup de personnes ont dict sur la nature
de la proposition qu’ilz n’appellent qu’une pure civilité et qu’ilz disent estre
bien esloignée des offres effectives avec lesquelles ilz ont si souvent recherché
noz alliez de traicter. Je suis bien contente de la prendre pour un effect sincère
de la bonne disposition où est ledict roy monsieur mon frère de concourir
sans plus tarder à l’establissement du repos public, me promettant néant-
moins en mesme temps que quand je l’auray informé des raisons pour les-
quelles une pareille ouverture aux termes qu’elle est conceue ne peult jamais
produire la paix que je crois estre son but, comme elle est le mien, il prendra
aussytost les véritables voyes qui peuvent en peu de jours nous faire parvenir
à un sy grand bien.
Je désire doncques qu’aussytost que vous aurez receu cette lettre vous priez
les médiateurs de faire entendre aux ministres d’Espagne ce que j’ay désigné
cy-dessus de la façon dont j’ay receu l’honneur que le roy monsieur mon frère
leur a donné ordre de me déférer, et cela aux termes les plus civilz et qui
pourront le mieux exprimer mon ressentiment, mais qu’au mesme temps j’ay
grand desplaisir de veoir qu’il est malaisé que le chemin qu’ilz ont pris puisse
jamais produire rien de solide pour un bon accommodement.
Premièrement, je me tiens partie trop intéressée en tous les différens que la
France a avec l’Espagne pour pouvoir accepter la qualité de juge, ny celle de
médiatrice, estant malaisé que je puisse rien prononcer qu’avec tous les avan-
tages possibles pour le roy monsieur mon filz et pour ce royaume.
Les affaires dont il s’agist estans les plus chers et importans intérestz de deux
puissantes couronnes ne sont pas d’une nature où l’on puisse se relascher en
rien pour des considérations particulières, et on me feroit grand tort sy on
m’avoit jugée cappable, ou de payer aux despens de l’Estat un respect qu’on
m’eust rendu, ou de sacriffier le bien de cette couronne à l’affection que j’ay
pour la maison dont je suis venue.
Les obligations de mère, et beaucoup plus celles de régente en ce royaume ne
souffrent pas qu’en des intérestz d’une telle importance pour le roy monsieur
mon filz, j’aye l’esgard que j’aurois sans cela aux satisfactions d’un frère le-
quel en toute aultre rencontre auroit esprouvé en moy l’estime et l’amitié
d’une bonne sœur.
Et quand je ne me serois pas souvenue de ce que je doibs au roy monsieur
mon filz et à cet Estat, les ministres de mon frère me l’auroient assez faic 1
comprendre par la condition dont ilz ont limité le pouvoir qu’ilz me défèrent,
que j’aurois l’esgard qu’il convient à la maison dont je suis sortie, désignant
assez par là que ma volonté demeurant libre elle ne pouvoit que se porter
entièrement à tout ce qui estoit du bien de cette couronne.
Et à la vérité ne treuveroit-on pas beaucoup à redire dans le monde, et le roy
monsieur mon filz n’auroit-il pas quelque jour juste subjet de me le reprocher
sy tous les différens qu’il a avec le roy monsieur mon frère estans remis sans
réserve à mon jugement, je ne me fusse servie d’une occasion sy belle pour
prononcer tout à faict en sa faveur et luy faire faire raison de tant d’Estatz
qu’on luy occupe?
Ce n’est pas seulement mon frère le duc d’Orléans, mes cousins le prince de
Condé et cardinal Mazarini et les aultres ministres d’Estat, mais les plus
grands de la cour et de tout le royaume sont persuadez et recognoissent fort
bien que dans l’estat présent des choses, la France peult avec facilité faire tous
les jours de plus grands progrès, et croyent que c’est desjà faire beaucoup
pour achepter la paix que de sacriffier tant d’espérances bien fondées. Quel
blasme apprès cela n’encourrois-je point, si on pouvoit en quelque façon s’i-
maginer que la tendresse de sœur m’eust faict abbuser au préjudice de ce
royaume de l’authorité que j’y ay, me relaschant des choses où de l’advis de
tout le conseil j’ay tenu bon avec grande raison jusques icy. Tout cela est si
plainement cognu des François, qu’à moins de donner une juste occasion de
taxer ma conduicte de peu d’affection envers le roy monsieur mon filz je ne
puis parler aultrement, et il n’y a personne qui ne voye que quand mesmes
l’estat des affaires de ce royaume me conseilleroit de quitter quelque advan-
tage de ceux que nous avons remportez en cette guerre, bien que comme par-
tie et régente je le peusse légitimement faire, je ne le pourrois comme juge et
médiatrice, ny cedder en cette qualité un poulce de terre sans estre justement
blasmée.
Voylà une partie des raisons qui m’empeschent d’entendre plus avant à la
proposition qu’on vous a faicte, et je suis bien certaine que ny les plénipoten-
tiaires d’Espagne ny les médiateurs n’ont pas creu en leur âme que je peusse y
respondre aultre chose, qu’en tesmoignant de sçavoir gré de la civilité du roy
monsieur mon frère. C’est ce que je désire que vous ayez soing de dire aux
médiateurs de ma part, et d’y adjouster aussy deux choses très importantes
que vous mettrez peine de bien persuader à toute l’assemblée: l’une que quel-
ques advantages, et quelques conditions que l’on puisse me proposer ny à
présent ny en aulcun temps, la paix ne se peult jamais conclurre que les alliez
de cette couronne ne soient contens, et que leur satisfaction ne soit arrestée.
L’aultre que quelque sorte de négotiation que l’on puisse introduire icy, ja-
mais on n’y prestera l’oreille, et tout sera aussytost renvoyé à Munster qui est
le seul lieu où la paix peult estre conclue.
Cependant pour correspondre de mon costé aultant que l’intérest de l’Estat le
peult permettre aux bons sentimens du roy monsieur mon frère et estant
d’ailleurs touchée au dernier point des maux que la chrestienté souffre depuis
sy longtemps, et de ceux que luy peuvent encor causer les grands apprestz qui
se font à Constantinople, j’ay de nouveau faict délibérer dans le conseil sur les
moyens d’avancer la paix, où de l’advis de mon frère le duc d’Orléans, de mes
cousins le prince de Condé et cardinal Mazarini, et de tous les aultres minis-
tres unanimement il a esté jugé que comme le péril est imminent, il n’y a
point de remède ny meilleur, ny plus juste, ny plus prompt pour éviter les
longueurs et les difficultez qui se rencontreroient à discuter par le menu les
droictz et les prétentions de l’une et l’aultre couronne que celuy de restablir
l’amitié entre elles, laissant toutes les choses en l’estat où il a pleu à Dieu de
les mettre dans cette guerre.
Que sy les ministres d’Espagne ayment mieux se porter à faire raison au Roy
sur la Navarre qui est son ancien patrimoine, et qu’il prétend avec tant de
justice qu’à peine ozeroient-ilz eux-mesmes la désavouer, on demeurera d’ac-
cord de ne pas parler des aultres Estatz que l’Espagne possède aujourd’huy et
qui appartiennent légitimement à la France et rendant la Navarre on en fera
une telle compensation qu’un chacun sera obligé de confesser que ce que
nous donnerons excédera de beaucoup la valleur de leur restitution.
Je proteste devant Dieu et les hommes et vous le pourrez dire hardiement de
ma part aux médiateurs qu’encor que je propose l’un et l’aultre estant régente
en France, je le proposerois tout de mesme estant régente en Espagne sy j’a-
vois cognoissance de la constitution présente des affaires de ce royaume, que
je fusse informée que toutes les despences pour la campagne prochaine y sont
faictes, et les appareilz pour la guerre plus grands que jamais et que je sceusse
d’ailleurs en quel estat sont aujourd’huy les Pays-Bas et le royaume d’Espa-
gne, et je croirois en cela me bien souvenir de ma maison, et de m’acquitter
d’une bonne partie des obligations de ma naissance, mettant en seureté par ce
moyen ce qui aultrement court apparemment grande risque de se perdre.
Je désire la paix avec la passion que vous avez peu recognoistre par toutes mes
dépesches, et par tant d’ordres que je vous ay donnez d’en faciliter l’avance-
ment, mais je crois au mesme temps d’estre obligée et par conscience et par
honneur de n’y consentir jamais qu’a des conditions raisonnables et propor-
tionnées à l’estat présent des affaires de part et d’aultre, tout le monde me
disant qu’on ne peult pas comprendre que ceux qui doibvent, demandent, et
qu’occupant ce qui n’appartient pas moins au Roy que la France mesme, on
prétende de ravoir ce qu’on a perdu, sans offrir en mesme temps ce que l’on
détient.
Enfin j’adjousteray que sy vous recognoissiez que les ministres d’Espagne dé-
sirent bien véritablement et sincèrement sortir d’affaires, et que la résolution
qu’ilz ont prise de s’addresser directement à moy ne soit que pour en sorti 1
avec plus d’honneur comme vous tesmoignez en quelque endroict de vostre
dépesche en explicquant ce qu’ilz ont entendu par «la conveniencia etc.» et
demeurant d’accord de la substance des choses, bien entendu que la satisfac-
tion des alliez de la France y sera tousjours comprise, je ne refuseray point de
les satisfaire aultant qu’il se pourra dans la forme de prononcer en la manière
qu’il sera convenu.
Et comme je veux croire ainsy que vous faictes paroistre par les termes de
vostre lettre que dans l’intention des Espagnolz il y a eu quelque chose de
plus qu’un pur compliment, et que je me suis ressouvenue que dans plusieurs
de voz dépesches il est faict mention de quelques propos de mariage jettez par
les ministres d’Espagne et que mesme l’un d’eulx a dict qu’il n’estoit pas de la
bienséance que la recherche vînt de la part des filles
difficulté, toutes choses bien establies pour nostre satisfaction et pour celle de
noz alliez et particulièrement des Sieurs les Estatz, et l’exécution en estant
bien asseurée avec les précautions contenues dans les dépesches que l’on vous
a faictes sur ce poinct, je ne feray pas, dis-je, de difficulté de proposer le ma-
riage du roy monsieur mon filz avec ma niepce l’infante d’Espagne, ce qu’on
devra communicquer au préallable ausdicts Sieurs les Estatz.
Cependant, la conduicte que vous avez tenue avec leurs ministres tant en ce
que vous distes d’abord aux médiateurs, que dans les conférences que vous
avez eues depuis avec eux-mesmes, a esté très prudente et il sera bien à propos
de continuer à ne pas faire la moindre démarche en toute cette affaire
qu’après le leur avoir communicqué et de concert avec eux …