Acta Pacis Westphalicae II B 3,1 : Die französischen Korrespondenzen, Band 3, 1. Teil: 1645 - 1646 / Elke Jarnut und Rita Bohlen unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy, mit einer Einleitung und einem Anhang von Franz Bosbach
135. Memorandum Serviens für Mazarin Münster 1646 Februar 25
Münster 1646 Februar 25
Reinkonzept oder Kopie: AE , CP All. 75 fol. 311–318’ = Druckvorlage; überbracht durch
Coiffier. Unvollständiges Konzept: AE , CP All. 63 fol. 439–440’
Es enthält nur die ersten vier und die letzten zweieinhalb Absätze. Die Kopie war zum Vor-
zeigen für Longueville bestimmt, s. [ nr. 189 Anm. 7 ] .
Motive der Spanier für ihr Angebot an die Königin: a) extreme Schwäche, b) Absicht,
Uneinigkeit in Frankreich zu säen, c) die Alliierten zu Sonderverträgen zu veranlassen,
d) bessere Bedingungen herauszuschlagen oder einen ehrenvolleren Schein zu wahren. Empfehlun-
gen Serviens: Würdigung des Angebots in Paris; Demonstration der Einigkeit bei Hof; Unterrich-
tung und Beschwichtigung der Alliierten; Beharren auf der vorigen Proposition ohne weitere
Zugeständnisse; Form der Antwort der Königin; Berufung auf Frankreichs Ansprüche auf Na-
varra ; Ablehnung neuer französischer Angebote auch mit Rücksicht auf die Alliierten; im Fall der
Weigerung der Spanier, diese Antwort zu akzeptieren, geheime Ermächtigung der Gesandten zu
der in nr. 103 vorgeschlagenen Proposition. Beschluß separater Gutachten über das spanische
Angebot.
Il semble que plus la proposition des Espagnolz est spécieuse, plus on doibt
apporter de précautions pour ne tumber pas dans les pièges qui sont tenduz
soubz une déférance aparente.
La chose vient de la part des ennemis qui ne peuvent pas en un moment et
sans nouveau subjet avoir changé leur mauvaise volonté. Ilz n’ont travaillé
jusqu’icy qu’à la faire paroistre et à l’exagérer contre l’ordinaire de ce qui se
praticque pendant les pourparlers d’accommodement voulant faire servir de
prétexte à l’animosité qu’ilz tesmoignent, celle qu’ilz présuposent que nous
avons contre eux dont ilz ne sçauroient donner aucune preuve.
Quoyque cette assemblée ayt esté convocquée de leur consentement pour y
traicter une paix généralle, au lieu d’y conduire les affaires de bonne foy
comme nous avons faict de nostre costé, toutes leurs actions n’ont tendu jus-
qu ’icy qu’à faire des traictez particuliers, qui a esté la seule cause qu’on n’y a
encor rien peu avancer. Le pouvoir que Pigneranda a présenté pour les Hol-
landois le monstre clairement et les discours qu’il leur a faictz en toutes les
conférences qu’il a eues avec eux n’ont esté que des practicques pour leur
donner jalousie de la France tendant ouvertement à faire tumber tout le faix
de la guerre sur elle seule, et bien esloignée des propositions d’un sincère
accommodement que l’on devoit raisonnablement attendre de luy et de ses
collègues.
On ne peult pas donc croire avec raison que le compliment qu’ilz font main-
tenant à la Reyne procède de bonne volonté, mais qu’il part ou d’une extrême
foiblesse qui les force de se départir de leur gravité naturelle, ou de la veine
espérance qu’ilz peuvent avoir eue de jetter par ce moyen de la division dans
le conseil de France et la faire esclatter en cette occasion, ou de la croyance
qu’ilz ont qu’une ouverture si plausible qui semble faire espérer la conclusion
du traicté en six sepmaines donnera de l’appréhention et des jalousies aux
alliez, et les portera plustost à entendre aux recherches qu’on leur faict de
traicter séparément avec eux, affin de prévenir la France, de crainte d’en estre
prévenuz, ou bien enfin (qui est le plus favorable jugement qu’on en puisse
faire) pour veoir sy par cette dernière voye ilz pourront obliger la France à se
relascher de ses demandes et obtenir par civilité ce qu’ilz ne peuvent espérer
par la raison ny par la force, qui est en un mot hasarder encor un compliment
avant que se résouldre d’accepter un party qui leur a esté offert qu’un chacun
treuve très raisonnable, pour essayer s’il leur pourra produire quelque utilité,
ou à toute extrémité sy la nécessité de leurs affaires les contrainct d’en passer
par là, pour cedder plustost par le jugement d’une grande reyne, sœur de leur
roy, que par le leur propre, affin de mourir, comme dict le proverbe, d’une
belle espée, imitant ceux qui après la perte d’un combat ayment beaucoup
mieux se rendre au général de l’armée ennemie qu’à un simple capitaine.
Quand on seroit asseuré que cette offre n’eust esté faicte qu’avec mauvaise
intention, estant honneste et civile apparemment au poinct qu’elle est, il n’y a
pas lieu de doubter qu’on n’y doibve respondre avec toutes les courtoisies et
civilitez possibles pourveu qu’elles ne passent point le compliment, y ayant
mesme avantage pour la Reyne de faire semblant de croire qu’on la juge plus
solide et réelle qu’elle n’est en effect. Surtout il est nécessaire de s’abstenir
soigneusement de tout ce qui pourroit faire croire dans le public qu’on en
veult tirer quelque vanité au mespris et désadvantage de ceux qui l’ont faicte.
Il importe mesme de ne laisser pas divulguer cette ouverture par les gasettes
de peur que le vulgaire qui ne considère jamais que l’escorce des affaires ne
s’imagine qu’on a mis par ce moyen la paix en noz mains, et qu’il dépend
purement de ceux qui gouvernent de la conclurre.
Comme l’union qui a esté et paru jusqu’icy parmy ceux qui ont la principalle
part au gouvernement de l’Estat soubz l’authorité de Sa Majesté et la fermeté
qu’ilz ont tesmoigné à soustenir les droictz de la couronne aultant par la gé-
nérosité de leurs conseilz que par les armes, est ce qui a plus porté les ennemis
à se soubzmettre, il n’y a pas lieu de doubter qu’on veuille se départir en cette
occasion qui semble estre décisive d’une conduicte qui a produict un sy bon
effect, et qui en produira bientost un plus solide sy on la continue, et sy par la
responce qui sera faicte on oste à noz parties toute espérance d’y pouvoir
jamais apporter aucun changement.
Je croy pour cet effect que toutes les démonstrations qui pourront faire pa-
roistre cette bonne union, et la conformité des opinions en cette rencontre
seront très utiles, et que les discours qui seront faictz sur ce subjet au nonce et
à l’ambassadeur de Venize pour justiffier et soustenir fortement la résolution
que la Reyne aura agréable de prendre, seront très bien employées, peult-estre
mesme ne seroit-il pas hors de propos que Son Altesse Royale, Monseigneur
le Prince, Monseigneur le Cardinal et messieurs les autres ministres escrivis-
sent chacun séparément ou aux médiateurs ou à nous des lettres concertées
que nous puissions monstrer affin que personne ne puisse plus doubter que ce
ne soit le sentiment unanime de tous ceux qui ont authorité dans le
royaume.
L’espouvente que les députez de Messieurs les Estatz ont faict paroistre lors-
que nous leur avons communicqué la proposition des Espagnolz faict assez
remarquer les soins qu’on doibt apporter pour leur rasseurer l’esprit, en te-
nant avec leur ambassadeur qui est à la cour un procédé semblable à celuy que
nous avons tenu par deçà et en luy donnant les mesmes asseurances que nous
avons données que non seulement on n’a pas intention de tirer par ce moyen
la négotiation hors de Munster qui est le lieu destiné pour conclurre la paix,
mais que toutes les résolutions qui seront prises et qui nous seront envoyées
ne seront exécutées qu’après avoir esté concertées avec leurs plénipotentiaires
et de leur advis et consentement.
Encor que par une prévoyance assez heureuse selon les ordres qui nous en
avoient esté donnez nous ayons faict déclarer diverses fois aux plénipotentiai-
res de Suède que nous pouvions traicter avec l’Espagne sans eux, et que de
leur costé passant plus avant que nous n’avions concerté ensemble ilz ayent
un peu trop librement explicqué leurs sentimens par leur dernière réplicque
en disant qu’ilz tiennent les Espagnolz pour neutres dans cette guerre, néant-
moins ayant vraysemblablement faict cette déclaration sur la créance qu’ilz
avoient que les différens de la France avec l’Espagne seroient beaucoup plus
longs et difficiles à terminer que ceux de l’Empire, il n’y a point de doubte
qu’ilz seront surpris de veoir le contraire, que cela augmentera leur méfiance
naturelle, et qu’ilz voudroient peult-estre maintenant ne nous avoir jamais
faict cette déclaration. En effect, sy les Espagnolz estoient sortiz d’affaires
avec nous, et qu’ilz fussent en liberté d’assister l’Empereur, chacun juge bien
que les Suédois ne pouroient pas continuer longtemps, la paix ne se faisant
point dans l’Empyre, à ravager et dominer toute l’Allemagne avec une armée
de quinze à seize mil hommes. C’est pourquoy il est à craindre que pour peu
de disposition qu’ayent eu jusqu’icy les Suédois à faire un traicté particulier,
elle ne s’augmente beaucoup par ce nouveau changement d’affaires qui arive
contre leur attente et qui leur faict appréhender une de deux choses qu’ilz
taschent esgallement d’éviter, ou que l’Empereur n’augmente notablement ses
forces contre eux lorsque les Espagnolz seront en liberté de l’assister, ou que
la France estant desgagée de la guerre d’Espagne ne se rende trop puissante
dans l’Allemagne où ilz croyent avec quelque raison de tenir maintenant le
dessus.
Ces considérations font croire qu’il fault les mesnager aussy avec grand soin
en cette rencontre, car encor qu’ilz ne puissent pas légitimement se plaindre
de nous, sy après leur consentement nous traictons avec les Espagnolz qu’ilz
n’ont pas voulu recognoistre pour ennemis, néantmoins à cause qu’on ne
peult pas estre satisfaict de veoir faire ce qu’on croid préjudiciable, il sera très
utile de leur faire cognoistre que les affaires n’irront pas pour cela sy viste
qu’on s’imagine, puisqu’oultre l’intérest de Messieurs les Estatz qui est capa-
ble de les retarder, et sans lesquelz on est résolu de ne rien résouldre, on
taschera de faire marcher d’un mesme pas aultant qu’il se pourra les affaires
de l’Empyre et celles d’Espagne, affin de conclurre s’il est possible une paix
universelle, qui est l’unicque moyen de garentir la chrestienté des grands
maux dont elle est menacée. Cela sera dict toutesfois sans se lier ny s’engager
à rien de positif, mais seulement avec intention de diminuer un peu la jalousie
et l’appréhention.
La plus inocente et favorable intention que puissent avoir eu les Espagnolz
dans leur offre, est à mon foyble jugement la plus dangereuse et préjudiciable.
Car comme les desseins de jetter de la division dans la cour ou de nous sépa-
rer de noz alliez, ou du moins de donner à ceux-cy de grands soupçons sont
trop apparemment nuysibles et trop grossiers pour s’y laisser surprendre sans
y apporter les remèdes convenables, il n’en est pas de mesme quand on se
réduict à une déférence meslée de respect que l’on proteste n’estre accompa-
gnée que de bonne intention. C’est pourquoy, comme il ne seroit pas bien-
séant de l’estimer moins en apparence qu’elle ne vault, il seroit aussy extrême-
ment préjudiciable d’en faire plus de cas en effect qu’elle ne mérite. Nous
voyons par la réserve qu’ilz ont adjousté à leur compliment, «con la conve-
niencia de la casa etc.», qu’ilz ont voulu demeurer en liberté de n’exécuter pas
ce qui leur sera prononcé par la Reyne en disant qu’ilz n’y treuvent pas «la
conveniencia de la casa d’Austria». D’ailleurs dans la dernière interprétation
qu’ilz nous ont faict faire de leurs intentions par les médiateurs, jugeant bien
que la Reyne ne pourroit peult-estre respondre aultre chose que percister à la
proposition que Sa Majesté nous a commandé de faire de sa part il y a une
année entière de laisser toutes choses de part et d’aultre en l’estat où elles sont
comme estant le moyen le plus prompt et le plus juste qu’on puisse treuver
pour sortir bientost d’affaires, ilz ont eu l’artiffice d’aller au-devant en disant
que s’ilz n’eussent eu espérance que Sa Majesté feroit aujourd’huy quelque
nouvelle ouverture ilz n’eussent pas eu besoin de luy remettre la décision de
l’affaire, et qu’il n’auroit fallu pour gagner temps qu’accepter ce que nous leur
avons offert. Il paroist donc qu’ilz ont entendu que leur civilité leur seroit
proffitable, et que la Reyne payeroit aux despens de l’Estat un respect qu’ilz
ont faict semblant de luy rendre, sy bien que de cette sorte au lieu de donner à
Sa Majesté une authorité absolue de prescrire les conditions de la paix, ilz
l’engageroient artifficieusement à faire une proposition nouvelle moins ad-
vantageuse pour la France que la précédente qu’il seroit en leur choix d’ ac-
cepter ou de n’accepter pas.
C’est pourquoy puisqu’ilz ont eu intention de vendre leur compliment, on ne
doibt pas aussy faire scrupule de s’en prévalloir sy on peult à l’advantage de
l’Estat en s’attachant plustost à leurs parolles qu’à leurs pensées, et se servant
du pouvoir qu’ilz veullent faire semblant de donner et qu’ilz ne donnent pas
en effect pour les réduire au poinct ou de se desdire à la veue de tout le
monde, ou de recevoir effectivement les conditions de la paix en la forme
qu’elles ont desjà esté proposées. Aultrement, pour peu qu’on y change et
qu’on se relasche on se privera d’un grand advantage sans estre asseuré que
cela soit accepté des Espagnolz, lesquelz nous tenans engagez sans l’estre
prendront ce qu’on leur vouldra offrir comme une chose asseurée, et s’en ser-
viront comme d’un tiltre pour prétendre davantage. Cependant la paix ne se
concluant pas ou pour les intérestz des alliez qui ne seront pas encores ajus-
tez , ou pour quelque nouvelle difficulté que les Espagnolz mesmes y aporte-
ront , aussytost qu’ilz nous auront entamez par quelque promesse de restitu-
tion , ilz tireront les affaires en longueur pour nous engager à faire davantage,
et ne songeront plus ny à donner rescompence pour tout ce que nous tenons,
ny à l’eschange des Pays-Bas pour peu qu’ilz voyent de jour à ravoir la Cata-
logne sans cela, ny à aulcun autre des partiz advantageux que nous pouvons
maintenant prétendre, sy l’on perciste à déclarer nettement et avec fermeté
qu’on ne fera jamais rien pour rien, et que nous ne prendrons jamais résolu-
tion (les choses demeurans en l’estat auquel il a pleu à Dieu de les mettre) de
faire des restitutions à ceux qui nous doibvent.
Il semblé néantmoins que cela doibt estre faict le plus civilement qu’il sera
possible, et en des termes qui puissent en quelque façon corriger ce qu’on
treuvera de trop rude dans la chose, sans toutesfois se départir de la fermeté,
ny laisser aucune espérance qu’on puisse obtenir davantage. Après quoy je ne
doubte point que les Espagnolz ne nous prennent au mot sans plus prétendre
qu’on leur face des restitutions gratuites qu’ils n’ont pas tant espérées jus-
qu ’icy pour y estre bien fondez que pour s’estre imaginez qu’ilz y treuve-
roient facilité et qu’en France mesme il y en avoit beaucoup qui estoient d’ ad-
vis de leur rendre quelque chose. Aultrement, comme ilz ne sont pas assez
hardiz pour rien demander à Messieurs les Estatz dont la cause dans cette
guerre ne sçauroit estre sy juste que la nostre, estans appeliez par leurs enne-
mis des subjetz rebelles, et dont la puissance n’est pas esgalle à celle de la
France puisqu’ilz ne sçauroient pas mesmes se deffendre sans son assistance,
ilz n’ozeroient aussy rien prétendre de nous, et seroient bien aises de finir la
guerre aux conditions que nous leur avons proposées, ou du moins en retirant
par quelque eschange les pays qui les incommoderoient trop demeurant au
pouvoir du Roy, s’ilz estoient asseurez qu’il y eust en France une mesme
union et une résolution aussy ferme de ne leur rien rendre qu’elle est dans
toutes les Provinces-Unies.
Je ne parleray pas du compliment que la Reyne aura agréable de faire pour
respondre à celuy du roy son frère, ny des termes ausquelz Sa Majesté pourra
se servir du pouvoir qui luy a esté donné qui serviront de préambule à sa
responce en y faisant aussy mention de la guerre du Turc. Je me contenteray
de dire que pour la substance de l’affaire, Sa Majesté pourroit selon mon foi-
ble sentiment déclarer, que suivant l’instance et le désir du roy son frère ayant
de nouveau faict délibérer dans le conseil du roy son filz où estoient etc., sur
tous les moyens qui pourroient estre plus propres pour conclurre prompte-
ment une bonne paix entre Leurs Majestez, il a esté jugé tout d’une voix qu’il
n’y en a point de meilleur et de plus prompt pour éviter les longueurs et les
difficultez qui se rencontreroient sy on vouloit examiner par le menu les
droictz et prétentions de l’une et l’aultre couronne, que de restablir l’amitié
entra elles en laissant pour tout le reste les choses en l’estat où il a pleu à Dieu
de les mettre. Que Sa Majesté déclare que c’est l’unicque moyen qu’elle recog-
noist capable de faire cesser bientost toutes sortes de différens et de contes-
tations , et qu’elle proteste devant Dieu et devant les hommes, qu’encor qu’elle
le propose estant régente de France qu’elle le proposeroit aussy de mesme sy
elle estoit régente du royaume d’Espagne; que sy elle en sçavoit quelqu’un qui
pust estre accepté par les deux couronnes sans blesser les droictz de l’une ou
de l’aultre, qu’elle en feroit l’ouverture de très bon cœur; qu’elle a un extrême
desplaisir qu’ayant commandé aux plénipotentiaires du roy son filz de la faire
de sa part il y a plus d’une année, elle n’ayt pas esté goustée; que cela eust
espargné beaucoup de peynes, de despences et d’effusion de sang; que la paix
estant faicte et l’amitié restablie entre les deux roys de cette sorte en y com-
prenant les alliez de la France, et terminant en mesme temps les différens que
le roy catholicque peult avoir avec eulx, la Reyne se tiendra très heureuse de
contribuer tout ce qui sera en son pouvoir pour conserver et affermir la bonne
intelligence entre les deux couronnes, et de procurer la satisfaction et l’ advan-
tage de l’une et de l’aultre en toutes les choses qui ne seront point contraires
aux intérestz des princes et potentatz qui sont présentement alliez avec la
France. Je ne sçay s’il ne seroit point à propos pour se mettre mieux à la
raison de demander à la fin de l’expédient une trêve avec le Portugal pour
aultant de temps que durera cella des Provinces-Unies.
Je sçay bien que c’est une grande effronterie à moy de dire mon advis sur des
matières sy importantes, et d’en escrire à la haste sur le départ d’un courrier
qui ne me donne pas le loysir de reveoir ce que je metz sur le pappier; mais
dans une occasion que j’estime capable de produire une paix advantageuse en
peu de temps sy on veult se prévalloir avec addresse et fermeté de la conjonc-
ture présente, ou bien de causer un effect tout contraire sy nous nous privons
volontairement de nos avantages, je croirois défaillir au debvoir d’un fidelle
serviteur sy je n’explicquois toutes mes pensées avec liberté à Son Eminence
qui excusera par sa bonté tous mes manquemens puisqu’ilz ne procèdent que
de la passion que j’ay pour le service de Sa Majesté et pour le sien.
Je suplie très humblement Son Eminence de se souvenir que jusqu’à la
conclusion de la paix dans toutes les conférences il sera à propos de se plain-
dre du peu de devoir où se sont mis les Espagnolz de nous satisfaire pour la
Navarre, parce que certainement il n’y a point d’affaire où par le jugement de
tout le monde nous soyons sy bien fondez qu’en celle-là et que la dureté
qu’ilz y tesmoignent justiffie extrêmement celle que nous avons en tout le
reste.
Sy j’osois, je représenterois encor à Son Eminence qu’encor que nous nous
soyons serviz d’une raison qui n’est pas bien concluante en disant que nous ne
sçaurions rien rendre sans faire préjudice aux droictz du Roy quelque réserve
qu’on y pust adjouster parce qu’on n’a pas accoustumé de rendre à ceux qui
doivent, néantmoins nous l’avons utilement employée en diverses occasions.
Comme dans une affaire, toutes les raisons ne peuvent pas estre de mesme
force, il y en a qui sont rejettées avec justice par des personnes d’une haulte
intelligence qui ne laissent pas de faire le plus d’impression parmy des espritz
médiocres.
On peult encor considérer que quand on se vouldroit présentement relascher
de quelque chose, au lieu d’en tirer de l’utilité, on en recevroit du préjudice en
flattant par ce moyen les Espagnolz dans la prétention qu’ilz ont de nous faire
restituer une partie des conquestes du Roy et cependant cela ne produiroit pas
la paix à cause que les différends de nos alliez ne sont pas encor en estat
d’estre terminez. Il est donc bien plus seur de demeurer fermement dans les
premières résolutions pour veoir sy cela ne fera point venir nos parties où
nous désirons, puisque non seulement nous recevrions divers préjudices en
faisant quelque nouvelle proposition, mais que nous ne sommes pas en liberté
de la faire à cause que noz alliez nous ont expressément demandé depuis l’ of-
fre des Espagnolz de ne passer pas oultre, et sursceoir nostre négotiation à
cause que la leur n’est point avancée, ce que nous ne pouvons leur refuser
suivant les termes des traictez d’alliance. Dans la grande passion que l’ Espa-
gne a faict paroistre de traicter plustost avec eux qu’avec nous, il seroit péril-
leux de leur donner le moindre subjet de plaincte ny aulcun prétexte de faire
leurs affaires sans nous, parce que nous ferions ce que peult-estre ilz ne cher-
chent que trop, de sorte que quand la Reyne vouldroit faire une nouvelle
proposition pour faciliter la négotiation et qu’elle n’en seroit pas destournée
par les considérations touchées cy-dessus, nous n’ozerions pas en faire l’ ou-
verture par deçà au préjudice de l’opposition de Messieurs les Estatz, mais ce
ne sera pas y contrevenir directement sy on perciste seulement à la proposi-
tion qui a desjà esté faicte à laquelle ilz n’ont rien treuvé à dire quand elle leur
a esté communicquée.
En cas néantmoins que les Espagnolz contre leur parolle refusent de suivre et
exécuter ce qui sera résolu par la Reyne, comme il y a apparence qu’ilz ne se
disposeront jamais à laisser au Roy la Catalogne, je ne sçay s’il ne seroit point
à propos que nous eussions ordre secret de faire dans quelque temps après la
proposition pour laquelle nous avons cy-devant demandé le commandement
de la Reyne en y adjoustant aujourd’huy une offre de rendre au roy d’Espagne
pour Tarragone, Tortose et Lérida, trois ou quatre, voire cinq ou six des plus
considérables places que le Roy tient dans les Pays-Bas; quoyque nous ne
courrions pas fortune d’estre pris au mot, cela feroit plusieurs bons effectz qui
ont esté remarquez dans une de nos précédentes dépesches , et surtout servi-
roit à conduire plustost les Espagnolz dans la proposition de l’eschange que
nous souhaittons.
Nous avions délibéré entre nous s’il ne falloit point envoyer nostre advis en
commun à la Reyne sur ce subjet. Il a esté treuvé à propos pour plus grand
respect, de ne le faire pas sans commandement; et à la vérité il eust fallu re-
tarder encor d’un jour ou de deux le départ de ce courrier, néantmoins mon-
sieur de Longueville à qui j’en ay parlé en présence de monsieur d’Avaux
ayant treuvé bon que nous escrivissions chacun séparément noz sentimens à
Son Eminence sy nous le voulions faire, c’est ce qui me faict prendre la liberté
de luy addresser ce mémoire sans quoy je n’eusse pas ozé l’entreprendre. Il
fauldra bien se servir du crible avant qu’on en puisse tirer quelque chose de
bon.