Acta Pacis Westphalicae II B 3,1 : Die französischen Korrespondenzen, Band 3, 1. Teil: 1645 - 1646 / Elke Jarnut und Rita Bohlen unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy, mit einer Einleitung und einem Anhang von Franz Bosbach
115. Memorandum Mazarins für Longueville, d’Avaux und Servien Paris 1646 Februar 16
Paris 1646 Februar 16
Kopien: AE , CP All. 63 fol. 349–370 = Druckvorlage ; AE , CP All. 75 fol. 238–245. Konzept
Lionnes: AE , CP All. 59 fol. 214–226. Druck: Mém. et Nég. I S. 253–283; Nég. secr. III
S. 49–56, datiert jeweils: 1646 Februar 6; Gärtner VII S. 620–649, undatiert. Regest: Mazarin,
Lettres II S. 719–721.
Rechtfertigung des Tauschprojekts. Entkräftung der Einwände der Gesandten hinsichtlich Wider-
stands der Spanier, Engländer, Portugiesen, Katalanen und Holländer; Verweis auf Beilage 1.
Überlassung Antwerpens an den Prinzen von Oranien, um seine Fürsprache zu gewinnen. Gün-
stige Voraussetzungen für das Tauschprojekt. Mittel und Wege zu seiner Realisierung. Entsen-
dung d’Estrades’ zum Prinzen von Oranien; seine Aufträge. Kritik am Propositionsentwurf der
Gesandten; Modifikationsvorschläge. Einspannung Contarinis. Haltung Venedigs. Garantie des
Kaisers und des Kurfürsten von Bayern. Aufnahme der Forderung nach Frieden bzw. Waffenstill-
stand für Portugal in das Tauschprojekt. Schrittweises Vorgehen in der Frage der Restitution
Kataloniens und des Roussillon. Empfehlung, von der Furcht der Feinde vor dem nächsten Feld-
zug zu profitieren. Bündnistreue der Schweden. Mission Saint-Romains. Einsatz Bayerns s. Beila-
gen 2 und 3. Wunsch des Kurfürsten nach Abschluß einer Geheimallianz; Bitte um die Meinung
der Gesandten. Interesse Frankreichs an einer Waffenruhe im Reich. Hinweise auf die Entschlos-
senheit des Kaisers zum Frieden. Unterredung mit Nani: Beschwerden über Contarini; Hervor-
hebung der militärischen Überlegenheit Frankreichs. Beilage 4. Empfohlene Andeutungen gegen-
über Contarini, um den Papst zum Einlenken zu veranlassen. Ein weiteres Argument gegen den
Widerstand der Generalstaaten gegen das Tauschprojekt. Maßnahmen zur Eindämmung allzu
freimütiger Reden im Rat. Billigung der Ausstellungen der Gesandten an der Vollmacht der Spa-
nier zu Verhandlungen mit den Generalstaaten. Bedingungen für eine Rückgabe Philippsburgs.
Les avantages que le Roy retireroit de joindre les Païs-Bas à la France sont si
évidens et si palpables qu’il est impossible après les avoir considérez que ce
que j’ay mis de raisons dans un mémoire à part pour flatter les Espagnolz
d’un proffit qu’ilz auroient de rentrer en Catalogne puisse faire grand effet.
Aussy n’ais-je jamais creu qu’elles fussent à beaucoup prez si fortes, et il n’y a
personne qui ne sache que deux opposez sont tousjours incompatibles et que
quand une personne gaigne il faut nécessairement que l’autre perde. Il est
donc indubitable que la France seroit la mieux partagée en cella et que si
l’eschange dont est question avoit à se faire de païs à païs en pleine paix et de
gré à gré les Espagnolz auroient tort d’y consentir. Mais ce n’est pas aussy que
dans la nécessité absolue où ilz sont et qu’ilz reconnoissent de devoir arrester
les progrez de cette couronne et de ses alliez par quelque moien que ce soit,
affin d’éviter un plus grand mal, et peut-estre leur ruine entière; et voians
d’ailleurs l’orage des armes ottomanes qui peut après la prise de la Candie
Kreta. Nach dem Fall Kaneas (s. [nr. 9 Anm. 13] ) hatten die Venezianer im Winter 1645/46
gegen die Osmanen weitere Rückschläge hinnehmen müssen ( Eickhoff S. 45f.).
elle arrive, fondre en un moment sur les roiaumes de Naples et de Sicile qui se
trouvent sans deffense, et considéré surtout l’estat présent de la Flandre qu’ilz
peuvent assez vraysemblablement perdre en un[e] campagne seule, ilz ne
puissent trouver leur compte et ne doivent mesme désirer de rentrer dans un
païs qui leur est extrêmement important et où dans la continuation de la
guerre nous ferons chaque jour de nouvelles conquestes en sacrifiant un Estat
dont ilz sont à la veille d’estre chassez et que dans le plus haut point de leur
fortune ilz ont souvent consulté d’abandonner par leur propre intérest sans en
tirer aucun proffit que celuy de s’exempter des despenses de la guerre qu’ilz
estoient obligez d’y soustenir.
Il est de plus à remarquer que cet expédient quelque désavantageux qu’il
puisse estre aux Espagnolz leur donne lieu de sortir avec réputation d’affaires.
Car ilz peuvent couvrir la nécessité qu’ilz ont de nous abandonner les
conquestes que nous avons faittes sur eux par le beau titre de dot en arrestant
le mariage du Roy avec leur infante à qui ilz pourroient donner les Païs-Bas
avec les précautions pourtant et les réserves que j’ay autrefois marquées
S. [nr. 60 Anm. 3] .
que quelque accident qui pust survenir la France demeurast tousjours dans la
mesme possession sous d’autres titres.
On pourroit mesme ce me semble pour apporter plus de facilité à la conclu-
sion de cette alliance convenir secrettement que si le prince d’Espagne qu’ilz
peuvent marier dès à cette heure n’a point d’enfans entre cy et le temps que le
mariage du Roy pourroit estre consommé ilz demeureroient quittes de la pa-
role qu’ilz nous auroient donnée touchant l’infante, bien entendu tousjours
que les Païs-Bas dont nous serions en possession resteroient en propre à cette
couronne à titre ou d’eschange ou de conqueste dans une légitime guerre.
Quant aux Anglois, aux Portugois, aux Catalans et à Messieurs les Estatz que
vous dittes que ce parti choqueroit en mesme tems:
Pour les premiers, il est certain qu’ils s’y opposeroient de tout leur pouvoir si
leurs affaires propres estoient en un autre estat, mais il se peut dire que c’est
aujourd’huy la vraye conjoncture ou jamais de faire réussir une pareille chose
sans y trouver leur obstacle. Ilz n’ont nulz ministres à Munster, leurs armes
ont tant d’occupations domestiques qu’elles ne peuvent prendre intérest au
dehors, et pour toutes les raisons qu’ilz sçauroient représenter aux Espagnolz,
ilz les connoissent aussy bien qu’eux. Mais comme c’est la pure nécessité et
l’appréhension extrême d’avoir pis qui doit le leur persuader, si une fois leur
résolution en est prise, toutes les remonstrances estrangères ne produiroient
pas grand effet. Au surplus la haine naturelle que la nation angloise a pour la
France et la jalousie invétérée qu’elle a de ses prospéritez est un des motifz
qui nous doit le plus obliger à faire tous noz effortz pour l’heureux succez de
ce projet, estant évident qu’une pareille augmentation de puissance à ce
roiaume leur osteroit pour jamais de l’esprit la pensée aussy bien que les
moiens de nous nuire.
Quant aux Portugais, il n’y a rien contre eux dans cet eschange qui ne se
rencontre esgalement dans le parti de retenir le Roussillon et rendre la Cata-
logne moiennant quelque pièce considérable dans l’Artois ou dans la Flandre,
et en tout autre parti dans lequel il ne fust pas arresté que le roy d’Espagne
leur laissast la possession libre de ce qu’ilz tiennent à présent puisque nous ne
les abandonnerions pas plus en une fasson qu’en l’autre, arrestant tousjours
une trêve la plus longue qu’on pourroit obtenir pendant laquelle on traitteroit
à fondz de l’accommodement. Après tout vous sçavez Messieurs comme je
vous ay mandé encores depuis peu jusques à quel point va nostre obligation
envers le Portugal, et que nous sommes en pleine liberté de chercher noz
avantages sans le considérer qu’autant que nostre intérest propre le requiert.
Et ce qu’il y a de bon en cella c’est que nous n’avons pas à craindre qu’aucun
soupçon de nostre conduitte les puisse faire accommoder avant nous; il est
vray que je persiste tousjours à devoir tenir ferme et à porter plus hautement
leurs prétentions que les Espagnolz ne s’y attendent, affin qu’ilz estiment de
gaigner beaucoup quand nous nous relascherons et qu’ilz nous en tiennent
compte à nostre proffit.
Pour les Catalans, bien que ce soient aujourd’huy des sujetz du Roy et qu’il
dépende absolument de Sa Majesté d’y prendre telle résolution que le bien de
ses affaires le voudra, néantmoins le point est très délicat à manier pour les
mauvaises conséquences qu’il y a lieu d’appréhender de la mauvaise foy de
noz ennemis. C’est pourquoy outre les autres précautions qui s’y pourront
prendre j’estimerois que si nous pouvons obliger par quelques moiens noz
parties ou les médiateurs de leur part à nous faire la proposition dont il s’agit,
il faudroit ne leur faire de response précise si ce n’est que l’on en communi-
quera aux Catalans sans la satisfaction et le contentement desquelz Sa Majesté
ne résoudra jamais rien dans les affaires qui regarderont leur principauté. Et
en attendant on pourroit voir si les Espagnolz désirent véritablement la chose,
s’ilz y marchent de bon pied et si donnant nostre consentement à cet expé-
dient après estre asseurez que les Catalans recevroient telle satisfaction et bon
traittement qu’ilz sçauroient désirer nous pouvons nous en promettre l’exécu-
tion sincère. Cependant on a escrit en Catalogne pour faire venir icy un ou
deux députez à qui on puisse parler selon ce qui se passera à Munster sur leurs
intérestz.
Quant à Messieurs les Estatz, on croid pour les raisons cy-jointes que j’ay
ramassées à la haste dans un mémoire séparé , et ausquelles il s’en peut ad-
jouster beaucoup d’autres, que malaisément se peuvent-ilz empescher d’y
donner les mains attendu que la plus forte raison politique qu’ilz semblent
avoir pour s’en esloigner, qui est celle de confiner avec un si puissant
roiaume, doit cesser, puisque c’est une chose à laquelle ilz ont desjà positive-
ment consenti dans le traitté de 1635 par le partage des Païs-Bas qui fut
concerté entre cette couronne et la Holande. Et si à présent nous avions quel-
que chose de plus que par le premier projet, il nous cousteroit bon aians quit-
té pour cella une estendue de païs très considérable et si remplie de bonnes
places et de belles villes, comme est la Catalogne.
De fasson que si pour y disposer encores davantage Messieurs les Estatz et
monsieur le prince d’Orange il estoit jugé à propos de leur lascher le marqui-
sat d’Anvers qui seroit le poste le plus important et le plus considérable qu’ilz
eussent, qu’ilz ne tiendroient que de la pure libéralité de Leurs Majestez et qui
se trouvoit aussy dans la portion desditz Estatz quand on fit le projet de la
division des Païs-Bas, il n’y a nul doute à mon avis que cette raison ave 1
tant d’autres ne les portast à désirer la chose, ou en tout cas à ne pas s’y
opposer.
J’avois pensé d’abord que monsieur le prince d’Orange pourroit tenir Anvers
en le relevant de cette couronne et en avois escrit en ce sens , mais j’ay songé
depuis que pour oster tout soupçon ausdits Sieurs Estatz que nous eussions
dessein de faire entre eux aucune division ou proffiter du commerce qui pour-
roit estre introduit à Anvers au préjudice d’Amsterdam, il vaudroit peut-estre
mieux consentir qu’il relevast de Messieurs les Estatz et le donner en propre
au prince d’Orange.
Puisque la cour de Suède ne prétend pas avoir rien à desmêler avec l’Espagne
et que les sieurs Oxenstiern et Salvius ont souvent déclaré que nous estions en
pleine liberté de traitter et conclurre avec elle, comme eux pensoient avoir la
mesme liberté de terminer les affaires de l’Empire conjointement avec nous
sans attendre l’accommodement d’Espagne qu’ilz croyent moins
espineux, il est certain qu’après avoir bien pris noz précautions avec les Cata-
lans toutefois et quantes que les Espagnolz consentiront au parti proposé et
que les Estatz donneront les mains, l’affaire se peut dire conclue sans diffi-
culté.
Pour moy, bien que je voye que vous autres Messieurs avez peine à croire et
avec quelque raison que les Espagnolz soient pour y condescendre, néant-
moins quand je fais réflexion sur l’estat de toutes les affaires je vous avoue que
je ne puis m’empescher d’espérer qu’ilz y seront obligez, et ce qui me le per-
suade le plus c’est que je sçay de science certaine que Picolomini et Castel
Rodrigo tiennent la Flandre pour absolument perdue cette campagne, déses-
pérans tout à fait de nous pouvoir résister, parce qu’ilz ne voyent nul jour ny
à renforcer leur armée ny à recevoir aucune assistance d’Espagne, et ce qui les
abat davantage c’est qu’ilz sçavent, et les ministres qui sont à Madrid le
connoissent et l’avouent, que noz armes auront encores plus de facilité à faire
toutes sortes de progrez en Espagne qui est pour eux la partie la plus sensible;
si bien que voians la perte des Pays-Bas comme infaillible et leur condition
dans la Catalogne en si grand bransle d’empirer notablement, il n’y a aucun
d’eux qui à la fin ne doive attribuer à prudence et mesmes à bonheur de pou-
voir sauver tout à fait l’un en laschant l’autre.
La plus grande difficulté qui s’y trouve donc c’est la manière de mesnager
l’affaire avec les Espagnolz pour l’appréhension continuelle que nous de-
vrions avoir que venans à faire entendre sous main à Messieurs les Estatz ce
qui se passe ilz ne leur missent de telz soupçons en teste qu’ilz les obligeas-
sent à conclurre séparément leur traitté.
Pour remédier à cella et mettre les choses en estat qu’il ne puisse nous arriver
d’inconvénient de la mauvaise foy des ennemis de quelque artifice qu’ilz se
servent, j’ay creu que le meilleur moyen estoit d’engager adroittement le
prince d’Orange à désirer ce parti-là et à me prier de tenter toutes les voyes de
le faire réussir et d’entendre sans scrupule tout ce que les Espagnolz vou-
droient me proposer là-dessus, si ce n’est qu’auparavant il seroit offert quel-
que moien à vous autres Messieurs qui vous aye donné lieu et fait juger à
propos d’en introduire la négotiation à Munster où aussy bien quoy qui se
puisse esbaucher ailleurs l’affaire doit tousjours estre conclue.
Il est indubitable que le prince d’Orange estant bien meu et persuadé, si on
pouvoit l’engager à me rechercher luy-mesme que j’y travaille, m’asseurant
que quand il sera temps il se chargera d’en parler à Messieurs les Estatz et
qu’ilz seront satisfaitz, il ne sçauroit non seulement nous arriver du mal du
costé desditz Estatz pour cette négotiation, mais nous ne devrons pas douter
de leur intention quand nous aurons prez d’eux un advocat si puissant, sur-
tout s’agissant d’une chose à laquelle ilz ont desjà consenti une fois et d’esten-
dre notablement les limites de leur domination affermissant pour jamais leurs
dernières conquestes de Hulst et du Sas de Gand
d’ailleurs seroit le meilleur et le plus fort boulevard de toute leur républi-
que.
Pour cet effet on a fait partir en diligence monsieur d’Estrades pour Holande
sous prétexte d’aller concerter avec ledit prince comme il a accoustumé les
desseins de la prochaine campagne; et ce voiage estoit d’ailleurs en quelque
façon nécessaire pour oster de son esprit les soupçons que je vous ay marqué
dernièrement qu’il y avoit mis d’une négotiation secrette.
Il n’a nulle charge de faire aucune proposition, mais d’exposer simplement
audit prince la substance des discours que Contareni et d’autres fois Saavedra
ou Brun ont jettez touchant des mariages ou des eschanges des Païs-Bas et de
la Catalongne et depuis peu ledit Contareni plus précisément, et que Sa Ma-
jesté juge à propos de le faire communiquer en toute franchise audit prince
par personne confidente, le priant de luy donner en sincérité là-dessus ses
bons avis et de luy faire sçavoir ses sentimens.
Ledit d’Estrades a ordre bien précis de ne tesmoigner nulle sorte d’inclination
ny que la chose soit icy désirée, mais de prendre plustost avec addresse tout le
contre-pied exagérant à quel prix la France achetteroit ce qui reste aux Espa-
gnolz dans les Païs-Bas puisqu’il y a grande apparence qu’y continuant enco-
res une année vigoureusement la guerre on pourra les en chasser sans se des-
saisir de la Catalongne, laquelle nous donnant un pied et un si bel establisse-
ment dans le cœur de l’Espagne nous est d’une importence inconcevable en ce
que ce roy-là est dans une perpétuelle appréhension de tout perdre, ainsy
qu’il pourroit bien luy arriver si nous y gaignions une seule bataille, n’y aiant
que peu de places de ce costé-là et nulle assez considérable pour arrester le
torrent d’une armée victorieuse.
Il doit le plus délicatement qu’il sera possible donner des espérances audit
prince que si pour les raisons générales qu’il faut auparavant discuter, l’es-
change proposé avoit jamais lieu il y auroit bien moien de faire qu’il y trou-
vast son compte avantageusement, devant estre asseuré que le Roy est dans
toute la disposition qu’il peut luy-mesme désirer pour tous ses intérestz et
pour ce qui regarde sa famille.
Tombant après dans la matière et agitant les considérations de part et d’autre
il essaiera adroitement de le flatter
blissement solide d’une république légitime et avouée de tout le monde, et sur
les autres avantages particuliers qu’il y auroit lieu de luy procurer, lesquelz
dans nostre intention pourroient estre Anvers; mais pour le luy faire d’autant
plus estimer et luy en faire venir plus d’envie il faut qu’il soit en incertitude si
la France voudroit consentir à lascher une si belle pièce et de si grande consé-
quence.
Ce qu’on doit tenir pour très constant c’est que si jamais madame la princesse
d’Orange se peut imaginer de mettre le pied dans cette place il n’y a rien au
monde qu’elle ne face ny ressort qu’elle n’emploie pour y parvenir.
Leur maison a aussy un intérest à ce que l’on dit de cent mil livres de rente
dans la Franche-Comté qu’ilz recouvreroient cet eschange se faisant.
Ilz désirent avec grande passion de faire le mariage de leur fille avec le prince
de Galles
pouvoir contribuer au restablissement des affaires du roy d’Angleterre comme
le prince d’Orange seroit en estat de le faire puissamment quand mesmes il y
trouveroit quelque difficulté prez de Messieurs les Estatz, puisque la France
pourroit s’entendre avec luy en sorte que les résolutions qu’elle prendroit en
faveur dudit roy luy produisissent les avantages qu’il peut désirer pour sa
maison.
S’il parle d’Anvers audit d’Estrades il ne luy respondra rien de précis, mais en
général seulement que la Reine est très disposée à le favoriser en tout, et qu’il
représentera efficacement à la Reine ce que ledit prince luy voudra ordonner.
Ma pensée seroit mesme suivant que les choses se rendroient de ce costé-là
plus faciles d’essaier à retirer Maestricht dans ce rencontre.
Enfin l’envoy dudit sieur d’Estrades ne peut estre qu’avantageux, car ou le
prince d’Orange s’engagera à nous conseiller de tenter la chose et alors nous
pourrons, noz précautions estans bien prises avec les Catalans, en traitter
franchement avec les Espagnolz [et] sans crainte aucune; ou ledit prince ne le
conseillant pas nous en serons au moins destrompez et il faudra songer à
sortir d’affaires par d’autres moiens, estant certain qu’il ne seroit non seule-
ment périlleux mais peut-estre impossible d’en venir à bout quand Messieurs
les Estatz y seront contraires parce que sur la moindre espérance que les Es-
pagnolz auroient de les désunir de la France, à moins que tout fust exécutté
d’abord, à quoy je ne vois aucune apparence, ilz se retireroient bientost de
toutes les paroles données.
En tout cas cette confiance obligera tousjours beaucoup ledit prince lequel
certainement la prend entière en moy jusqu’aux choses mesmes de son do-
mestique, et il n’est pas à craindre qu’il ne garde soigneusement le secret,
outre que ledit d’Estrades ne doit s’engager à rien qui ne vienne dudit prince
puisque c’est plustost une espèce de conseil qu’on luy demande qu’une pro-
position qu’on luy face.
Quand ledit d’Estrades a fait um peu de réflexion sur l’humeur de ce prince et
de madame sa femme qu’il pense bien cognestre il m’a asseuré qu’in-
failliblement ilz donneront dedans, et qu’ils souhaitteront la chose avec pas-
sion. Il juge que d’avoir Anvers et de confiner avec la France, ce sera le com-
ble de leurs joyes parce qu’ilz pourront establir une grandeur solide pour leur
maison et la laisser autant et peut-estre plus considérable en pleine paix
quand mesmes ses descendans n’auroient pas les bonnes qualitez de leurs an-
cestres, qu’elle l’est aujourd’huy durant la guerre, soustenue par une personne
de l’authorité, du pouvoir et des autres grandes parties qui se rencontrent
audit prince.
Vous voyez Messieurs par la part que je vous donne en destail de tous les
ordres qu’a portez ledit sieur d’Estrades et de toutes mes pensées avec quel
plaisir je vous descouvre jusques aux moindres. Il est surtout important qu’on
prenne garde au secret, cependant j’ay dit à monsieur d’Estrades de faire en-
tendre par quelque moien à monsieur le duc de Longueville ce qu’il négotiera
en substance avec monsieur le prince d’Orange affin que nous gaignions le
temps de plus qu’il faudroit à vous escrire d’icy ce qu’il fera.
Voillà pour ce qui regarde Messieurs les Estatz en cette affaire. Maintenant
pour la conduire à Munster avec les Espagnolz, j’ay considéré l’expédient au-
quel vous avés songé de faire une proposition qui donne à penser que noz
desseins d’acquérir ou de conserver sont plustost du costé de l’Espagne qu’ail-
leurs et que cella se pourroit en offrant de quitter noz droitz sur la Navarre
pourveu que l’on nous laisse la Catalongne et qu’on nous mette entre les
mains les places de Tarragonne, Tortose et Lérida qui font partie dudit païs.
J’avoue avec vous et vous avez reconneu en toutes occasions que ç’a tousjours
esté ma pensée que traittant avec les Espagnolz il faut tourner le dos au lieu
où l’on veut arriver et desdaigner ce que l’on souhaitte. Néantmoins après
vous avoir déclaré que quelque résolution que vous preniez sur ce sujet vous
devez estre asseurez qu’elle sera entièrement approuvée de Sa Majesté, je vous
diray les doutes que j’ay sur cette proposition en la forme qu’elle est
conceue.
Premièrement il me semble que ce seroit prendre un trop grand destour,
parce que nous serions obligez pour couvrir nostre artifice d’insister long-
temps à cette demande et d’y tenir bon avant que nous puissions changer du
blanc au noir sans que le monde s’apperceust de nostre véritable intention et
ainsy ce qui à mon avis se peut conclurre en un jour traisneroit longtemps et
il n’y auroit pas lieu de rien espérer là-dessus avant cette campagne.
Secondement j’appréhenderois extraordinairement que la proposition de lais-
ser la Navarre et d’abandonner toutes les justes prétentions que nous avons
sur ce roiaume-là pour un païs qui n’a pas le mesme titre, qui est desjà entre
noz mains et que l’on ne peut vraysemblablement nous oster que de nostre
consentement, la chose ne fust pas bien receue en France et que non seule-
ment les critiques, mais que les vieux Gaulois par un zèle mal fondé n’en
fissent du vacarme. Il y a si longtemps que noz rois prennent le titre de rois
de Navarre, et cella paroistroit une nouveauté si grande de quitter un nom
imprimé de si longue main dans l’esprit des François que je me souviens d’a-
voir ouÿ dire à ce propos à feu monsieur le cardinal de Richelieu lorsqu’il
conféroit avec moy des ordres qu’on avoit à me donner pour l’assemblée de
Munster où je devois aller
sion du Roussillon estoit beaucoup plus importante au Roy que celle de la
Navarre, il n’auroit jamais ozé opiner de céder les droitz de ce roiaume-là
pour nous asseurer ce païs-cy.
Et enfin je craindrois extrêmement que toute l’assemblée ne fust scandalisée
et ne prist prétexte de crier contre nous que nous ne voulons point la paix
puisque comme vous l’avez fort bien remarqué la proposition conceue aux
termes qu’elle est nous est beaucoup plus avantageuse que le parti que nous
avons desjà offert de laisser toutes choses en l’estat qu’elles se trouvent. Car
pour le tempérament auquel vous aviez pensé pour remédier à cet inconvé-
nient, de proposer de consentir ailleurs à quelque eschange de places ou autre
sorte d’accommodement pour la commodité réciproque des parties, il ne me
semble pas qu’il soit proportionné au besoin, cella pouvant estre autant à nos-
tre avantage qu’à celuy des Espagnolz, et cependant nous demanderions d’eux
la remise effective de trois places considérables dans la Catalogne sans leur
céder que des droitz qui bien que justes et très légitimes ne passent aujour-
d’huy dans leur esprit que pour des imaginations.
Il me semble donc que pour ne tomber dans aucun de ces inconvéniens on
pourroit touchant le premier, c’est-à-dire pour esviter le grand destour d’avoir
à former une proposition réelle, d’y attendre la response et de faire après des
répliques et des duppliques, jetter en passant adroittement à Contareni ce que
vous avez pensé de la Catalongne et des droitz sur la Navarre s’y conduisant
justement comme il a fait avec vous quand il vous a parlé des Païs-Bas et du
mariage. Je ne doute point qu’il ne relève la chose et qu’il ne veuille l’appro-
fondir, et ainsy il y aura moien d’imprimer dans l’esprit de noz parties sans
qu’ilz s’en apperçoivent tout ce que nous désirons peut-estre mieux que par
une proposition plus régulière et plus formelle sur laquelle ilz philosophe-
roient davantage.
Touchant le second qui est de céder les droitz sur la Navarre et d’en quitter
par conséquent le titre, il n’y a rien à appréhender d’en faire l’offre en simples
discours parce que nous devons estre bien asseurez de n’estre point pris au
mot.
Quant au 3 e qui est de ne demander pas plus que nous avons fait par nostre
première proposition, on pourroit proposer comme j’ay dit en passant que les
Espagnolz nous remettans Tarragone, Tortose et Lérida nous leur remettrons
en eschange trois places en Flandres de mesme considération. Et outre qu’ain-
sy nous serions dans noz premiers termes que toutes choses demeurassent en
l’estat qu’elles sont puisque chacun auroit et quitteroit trois places pour trois
autres, cette offre produiroit encores mieux l’effet que nous prétendons, qui
est de tesmoigner passion d’acquérir du costé de l’Espagne et nulle visée d’es-
tendre noz limites vers les Pays-Bas.
On verroit cependant durant quinze jours en attendant les responses de Hol-
lande quelle mine tiendroient noz ennemis, et si nostre fermeté touchant la
Catalogne dont ilz ne consentiront jamais que dans les dernières extrémitez à
nous abandonner la possession paisible ne les porteroit point à songer aux
expédiens qu’il peut y avoir de nous en sortir en nous faisant nostre compte
ailleurs.
Et alors je ne voys pas pourquoy Contareni quelque mauvaise disposition
qu’il puisse avoir pour nous ne fust très capable et propre à conclurre la
chose, puisque luy-mesme en a jetté si souvent des propos et qu’il verroit de
pouvoir en un jour acquérir grande gloire en son particulier et rendre à sa
république le plus signalé service qui se puisse. Je croirois donc qu’on pour-
roit confier la chose à luy seul dès que l’on sera asseuré des intentions du
prince d’Orange, si ce n’est que ledit prince eust jugé à propos que je la
deusse traitter avec Castel Rodrigo pour en renvoier après comme j’ay dit la
conclusion à Munster.
Il eschet aussy d’examiner s’il ne seroit point à propos que monsieur le duc de
Longueville en fist grande confidence audit Contareni et tesmoigna[st] de
traitter l’affaire seul et au desceu de ses collègues affin qu’il en fust plus obligé
et plus persuadé du secret.
En d’autres temps où la République n’auroit point esté travaillée des armes du
Turc il y auroit eu quelques réflexions à faire; premièrement si elle désireroit
véritablement la paix entre les deux couronnes, et en second lieu si elle
concoureroit sincèrement à procurer à celle-cy un si grand accroissement de
puissance que la jonction des Païs-Bas. Mais dans la conjoncture d’aujour-
d’huy que ces petites considérations politiques cèdent à de plus pressantes, il
est à croire qu’elle ne feint pas quand elle fait protester par ses ministres
comme fait continuellement cet ambassadeur qu’elle ne désire que l’accom-
modement en quelque fasson qu’il se fasse parce qu’effectivement c’est son
véritable intérest.
Il luy importe aussy beaucoup que l’on sorte d’affaires plustost par la paix
que par une trêve parce qu’autrement il seroit malaisé que la France qui vit
depuis si longtemps en bonne amitié avec la Porte pust rien escouter sur les
propositions de la rompre ny de s’engager à nulle despense de considération,
mais plustost [à] mettre de l’argent en réserve pour soustenir la guerre quand
elle seroit obligée d’y rentrer.
Je ne voys donc nulle difficulté, puisque vous n’avez pas jugé à propos de
relever encores le dernier discours que vous a fait Contareni là-dessus , en
l’obligeant à esclaircir davantage l’intention de noz parties, que si vous ne
pouvez l’engager à vous en reparler de nouveau on ne puisse luy permettre
d’en parler comme de luy et que la France seroit pour y consentir à certaines
conditions pourveu que Messieurs les Estatz en eussent satisfaction et
concourussent en mesme temps à la paix, ce que vous ne tarderez pas à ap-
prendre bientost par le sieur d’Estrades.
Il faudra Messieurs se bien souvenir s’il vous plaist au cas que cette négotia-
tion prenne pied de tascher à faire entrer l’Empereur et Bavières pour garens
de l’exécution de tout ce dont on auroit convenu. Sur quoy je me remetz à ce
qui est plus particulièrement porté en cette matière par une de mes despêches
précédentes , et cella affin que nous ne demeurions pas exposez à aucun in-
convénient dans la Catalogne, soit que les Espagnolz après avoir traitté vins-
sent par quelque accident à s’en repentir, soit que dez le commencement ilz
n’eussent eu autre pensée que celle de nous tromper et d’avoir lieu de faire
dire aux Catalans que nous aurions consenti de les abandonner. Pour cet effet
il sera nécessaire d’y apporter toutes les précautions imaginables et d’en pren-
dre toutes les seuretez possibles, comme celles cy-dessus, parce que ou elles
serviront à les tenir en bride et à leur faire exécutter ponctuellement ce qu’ilz
auront promis ou ne le faisans pas ilz seront les premiers à en estre chastiez,
s’estans mis sur les bras ceux qui présentement sont dans leur parti mesme.
Il sera aussy bien à propos comme il en est touché quelque chose cy-devant
de demander dans le mesme parti la paix pour le Portugal et puis la trêve
pour douze ans et d’y insister extrêmement affin que la réduisant à quatre ou
trois il paroisse que nous nous relaschons beaucoup pour faciliter l’accommo-
dement. Et à la vérité il y a lieu de bien faire valoir ce point, car effectivement
toutesfois et quantes que la France consentira de n’assister directement ny
indirectement le roy de Portugal c’est à proprement parler rendre au roy
d’Espagne ce roiaume-là, et tout ce que les Portugais possèdent aux Indes, ce
qui non compris mesme la Catalogne, luy est beaucoup plus important que
ne sont les Païs-Bas, qu’il est d’ailleurs sur le point de perdre.
Aussy me semble-t-il qu’il ne faut pas d’abord consentir à la restitution en-
tière de la Catalogne et du Roussillon, mais [y] venir par degrez d’autant plus
que Contareni n’a jusques à présent parlé que de la Catalogne dont il sera bon
de prendre avantage, et faire du moins tout nostre possible pour conserver
dans laditte comté quelques-unes des places qui nous sont les plus voisines
comme Coulioure et Salses, ou pour le moins celle-cy qui ne leur est pas de
grande conséquence et qui nous serviroit pour fortiffier la teste du Langue-
doc. Ce n’est pas que ne le pouvant obtenir cella doive empescher la conclu-
sion du traitté, puisque Dieu mercy le roy d’Espagne ne sera jamais guères en
estat de faire des effortz considérables de ce costé-là, et outre qu’il y a grande
distance jusques à Paris, on peut fortiffier davantage Leucate et faisant de
Narbonne une place comme Perpignan avec une forte garnison sous un gou-
verneur capable et fidèle, on peut rendre cet endroit-là plus fort qu’aucun
autre du roiaume qui confine avec les Estatz de l’Espagne.
Pour conclusion nous devons appliquer toute nostre industrie à faire que de
noz grans appareilz pour la prochaine campagne et de la vive appréhension
que les ennemis ont avec raison de noz progrez particulièrement en Flandres
et en Espagne, nous tirions sans combattre le fruit que nous pourrions espérer
en faisant la guerre, asseurant sans hazard les mesmes avantages à cette cou-
ronne. C’est pour cella qu’il est nécessaire de ne perdre que le moins de temps
qu’il se pourra pour réduire la négotiation au point que nous pouvons désirer
avant que la belle saison permette aux armes d’agir.
Nous avons de nouveau[x] avis de Stocholm et de divers autres endroitz qu’il
n’y a pas lieu de douter de la foy des Suédois et qu’absolument ilz ne se dé-
partiront point des traittez d’alliance. On me mande de Venize et c’est per-
sonne qui asseure avoir veu les lettres mesmes de Contareni que tout d’un
temps il avoit escrit à la République et à ses amis particuliers donnant pour
infaillible l’accommodement particulier des Impériaux et des Suédois, et
qu’en dernier lieu il mandoit positivement que ceux-là en avoient perdu l’es-
pérance et que toute cette négotiation estoit rompue. Mais puisque monsieu 1
de Saint-Romain se trouve desjà parti cella ne gastera rien, et ne peut que
produire un bon effet, si ce n’est peut-estre que tant de différentes pièces que
nous faisons jouer donneront trop de vanité aux Suédois et leur persuaderont
trop la nécessité que nous croions avoir d’eux par les grandes appréhensions
que nous tesmoignons de les perdre.
Je me suis extrêmement resjoui d’apprendre la satisfaction que vous avés eue
de la dernière lettre que je vous ay adressée de monsieur le duc de Bavières au
nonce , et que ce qu’elle contenoit d’important vous ait esté confirmé par ses
ministres. En quoy j’avoue qu’outre le motif du service du Roy j’ay encores
une espèce de chatouillement de voir réussir ce que je me suis figuré il y a
longtemps que ce prince seroit un jour le vray médiateur pour la France et
l’instrument le plus efficace pour luy faire avoir ses satisfactions dans la négo-
tiation de la paix.
Je vous envoye une nouvelle lettre qu’a receu le nonce de monsieur le duc de
Bavières et la copie de celle qu’il a escritte au pape sur les affaires qui passent
entre la France et Rome, qui est d’autant plus à estimer qu’elle n’a point esté
recherchée et qu’elle fait voir que ses fins vont au bien public, et qu’il a grand
respect pour cette couronne sans se soucier trop de plaire ou desplaire aux
Espagnolz.
Le nonce m’a fait instance en grand secret de sa part pour conclurre dès à
présent une estroitte alliance et union qui ne soit sceue de personne
toutes choses désiré que je n’en escrivisse rien à Munster, se plaignant avec
grand sentiment que toutes les propositions que me fit son confesseur y ont
esté publiques, et qu’aussy il ne vouloit pas que les ministres qu’il a en l’as-
semblée en sceussent rien. C’est pourquoy je vous prie Messieurs de prendre
garde s’il vous plaist à ne leur en rien tesmoigner mesmes indirectement.
Je croy bien qu’il sera très avantageux de faire un traitté particulier avec luy
lorsque la paix se fera, mais de l’arrester et le conclurre dès à cette heure, c’est
ce qu’il faut auparavant bien examiner, et je vous prie de m’en mander au plus
tost vostre sentiment.
Je vous avoue que je souhaitterois passionnément de voir la négotiation de la
paix dans l’Empire réduitte à tel point que les pointz principaux estant ajus-
tez, particulièrement la satisfaction des couronnes, on pust dans la certitude
de la paix songer à faire une suspension d’armes pendant laquelle on achève-
roit de vuider les autres pointz. Ma raison est que je ne voy pas de solides
avantages à espérer pour nous par les armes en Allemagne soit que les succez
y soient heureux ou infortunez; nostre armeé est emploiée contre celle d’un
prince lequel à ce qui nous paroist agit si bien et si ouvertement pour la satis-
faction de cette couronne que je ne sçais si l’intérest de Sa Majesté doit per-
mettre qu’on travaille à le ruiner quand on le pourroit faire et si estant sans
armée et sans crédit dans l’assemblée les affaires de la France n’en iroient pas
plus mal. D’ailleurs le moindre événement de la guerre est capable de changer
la disposition des choses qui paroist aujourd’huy fort bonne pour la paix et
pour la faire avantageuse à cette couronne. Si les Impériaux estoient deffaitz
les Suédois en deviendroient insupportables, si l’armée suédoise estoit ruinée
ce seroit encores pis, l’Empereur parleroit plus haut et le duc de Bavières aiant
d’autres espérances ne nous seroit plus sans doute si favorable. Tout cella me
donne de l’inquiétude et il seroit bon de songer à quelque moyen de nous en
mettre l’esprit en repos. Il est vray qu’il sera malaizé que nous puissions re-
passer le Rhin de tout le mois d’avril et d’icy là il y a du temps pour prendre
noz mesures suivant le train que prendra la négotiation. Sur quoy il est à
propos que vous soyez informez que tous les avis que je reçois de Vienne et
d’autres endroitz portent que Trautmansdorff a receu depuis peu de nouveaux
ordres de ne pas retourner sans avoir conclu la paix dans l’Empire que l’on
veut à quelque prix que ce soit. Et en dernier lieu il est passé un certain moine
de Milan confident de l’Empereur et envoyé par luy au roy d’Espagne pour
luy confirmer ce qu’il luy a fait desjà déclarer par le filz du marquis de
Grane
Francesco Caretto (gest. 1651), marchese di Grana, seit 1641 ksi. Ges. in Spanien ( Schwarz
S. 213). Es handelt sich um einen seiner zwei Söhne: Ferdinand (gest. 1651), niederösterreichi-
scher Regimentsrat, 1645 Mitglied des RHR ( Gschliesser S. 253; Schwarz S. 214), oder
seinen jüngeren Bruder Otto Heinrich (gest. 1685) ( Gschliesser S. 286).
stances des princes de l’Empire à faire la paix dans l’Allemagne; sur quoy il le
prioit de prendre ses mesures pour son accommodement.
L’ambassadeur de Venize me vint hier voir, j’eus une longue conférence avec
luy et je vous puis asseurer que si vous avez esté autrefois satisfaitz des dis-
cours que je luy ay tenus et à d’autres ministres, vous aurez sujet de l’estre au
double de celle-cy que je n’ay rien laissé à luy dire et qu’il m’a paru qu’il est
parti très persuadé de plusieurs choses qui sont fort utiles à noz fins.
Il m’a fait toutes les satisfactions possibles de la part de Contareni et de gran-
des protestations qu’il seroit superflu de vous mander, pouvans assez vous les
imaginer; ma response a eu pour but de ne pas luy oster l’espérance que l’on
ne restablisse une entière confiance avec luy pourveu que l’on connoisse qu’il
procède en vray médiateur et qu’il n’efface pas l’opinion qu’il a autrefois don-
née de son inclination envers cette couronne. Et après m’estre estendu sur les
louanges et le mérite de la personne cognue de tout le monde et exagéré que si
j’avois moy-mesme eu à choisir un ministre dans Venize pour l’employ qu’il a
je n’aurois jetté les yeux que sur luy, et cella affin de luy laisser tousjours une
porte ouverte et l’obliger à changer sa conduitte, j’ay fait sçavoir audit ambas-
sadeur tous les sujetz de plainte et de meffiance que ledit Contareni nous
avoit données [!], luy cottant en destail la pluspart des choses qu’il a faittes, ou
voulu faire à nostre préjudice soit en parlant à diverses personnes à Munster
ou escrivant au-dehors; ce qui nous devoit extrêmement rendre les intentions
de la République mesme suspectes, sachant avec quelle ponctualité elle veut
que ses ministres exécuttent ses ordres.
Je n’ay pas manqué à me servir de ce que je vous manday dernièrement que
si la paix se fait ce sera ce que Leurs Majestez désirent, et si elle est retardée
c’est ce qui convient à ce roiaume.
J’ay adjousté que si je tenois la mesme place dans le conseil d’Espagne que
j’ay l’honneur d’occupper dans celuy du Roy, je ferois véritablement tous les
effortz possibles pour retirer quelques pièces de ce que leur monarchie a
perdu, mais que cella ne se pouvant avant la campagne prochaine je croirois
trahir mon maistre si je ne le conseillois de sacriffier mesmes encores quelque
chose de ce qu’il a plustost que de ne pas avoir un accommodement qui
puisse arrester les progrez de la France et de ses alliez qui peuvent si vraysem-
blablement causer sa ruine entière.
Que nous avons desjà fait en sorte tous les préparatifz de la campagne pro-
chaine que soit que la guerre continue, ou que la paix se face, il n’en coustera
pas un sol plus ou moins au Roy jusques au mois d’octobre, le fondz pour les
recreues des corps de réserve et des raffraischissemens que l’on destine pour
les armées de deçà qui restoit à faire, aiant estre résolu au dernier conseil et
l’argent s’en distribuant desjà aux officiers.
Enfin j’ay conclu avec cet ambassadeur en luy disant qu’il pouvoit donner à sa
république la bonne nouvelle de l’asseurance de la paix puisque ne voiant pas
que tous les grans apprestz que nous faisons obligent noz ennemis à en faire
aucun ny en Flandre ny en Espagne pour nous résister, il faut conclurre ou
qu’ilz seroient dans le dernier aveuglement et que Dieu les voudroit perdre;
ou qu’aians la satisfaction de nous avoir engagez en des despenses effroiables
et inutiles, ilz se serviront à point nommé du moien asseuré que nous leur
avons fourni de nous faire tomber les armes des mains par le consentement
qu’ilz donneront à faire la paix en laissant toutes choses en l’estat qu’elles se
trouvent aujourd’huy, Sa Majesté persistant à préférer le repos de la chrestien-
té aux avantages qu’elle void de pouvoir remporter la prochaine campagne,
quoyqu’elle recognoisse plus que jamais la foiblesse de ses ennemis, et les
moiens qu’elle a tout prestz d’en proffiter infailliblement.
Enfin si l’ambassadeur mande tout ce que je luy ay dit je vous asseure qu’il
fera un très bon effet.
Je vous envoye la copie de tous les avis que j’ay receus de Rome de diverses
personnes sur la sortie de monsieur le cardinal Barberin et de son frère affin
de vous divertir quelques momens à considérer ce qui se dit, et les raisonne-
mens qu’un chacun fait.
Il me semble qu’il seroit bon que les choses continuans de la sorte vous pris-
siez occasion en quelque conférence avec Contareni de vous laisser entendre
en passant que dans la conclusion de la paix il faudra voir quelle satisfaction
le pape donnera à la France en divers pointz de justice qu’elle prétend de Sa
Sainteté et notamment sur le fait de la maison barberine à qui l’on impute à
crime de s’estre mise sous la protection de cette couronne, affin de ne laisser
rien en arrière qui puisse altérer un jour le repos de la chrestienté. Ce sera un
aiguillon pour porter le pape à changer de conduitte et à faire de soy-mesme
pour nous obliger à luy en sçavoir quelque gré les choses qu’il seroit contraint
par les Espagnolz mesmes à faire dans la conclusion de la paix puisque tous
les intéressez ne souffriroient pas qu’elle fust retardée pour cella et que le
pape s’exposeroit à de grans reproches s’il y hésitoit.
J’adjousteray icy à la fin une pensée qui me vient touchant l’intention de Mes-
sieurs les Estatz dans le party d’eschange des Païs-Bas avec la Catalogne, c’est
qu’il est impossible qu’ilz puissent honnestement s’empescher d’y donner les
mains, ou il faudroit qu’ilz déclarassent non seulement qu’ilz s’opposent aux
avantages de leurs alliez, mais qu’ilz aiment mieux avoir pour voisin un
prince leur ennemy irréconciliable et qui prétend la souveraineté sur eux
qu’un ancien amy à qui ilz doivent leur establissement et la meilleure partie
de leur grandeur. Les difficultez donc qu’ilz y pourroient faire ne seroient au
pis-aller que pour tirer plus de proffit dans ce party et à tascher d’emporter
ou ce qui leur devoit appartenir par le partage; ou la plus grande portion
qu’ilz pourroient. Ce qu’à mon avis ilz trouveront suffisamment dans le mar-
quisat d’Anvers, tout le reste n’estant pas si important ny si considérable pour
eux que cette seule pièce.
Pour ce qui est des mémoires publicz, j’ay dit quelque chose à monsieur de
Brienne à quoy je me remetz, et il a esté fort à propos d’y insérer comme vous
avés fait un article pour modérer um peu la liberté des discours qui peuvent
faire du tort à vostre négotiation .
Les remarques que vous avez faittes sur le pouvoir des plénipotentiaires d’Es-
pagne avec les ministres de Messieurs les Estatz ne peuvent estre ny plus
sensées ny plus prudentes.
Il reste à vous dire un mot de ce que les ambassadeurs de Bavière vous ont dit
touchant Philisbourg et des grans obstacles que nous y rencontrerons. Il est
aisé à comprendre par les dépesches de Bavières que pourveu que nous relas-
chassions ce point il ne seroit pas difficile de nous faire accorder les deux
Alsaces avec Brisach. Pour moy, mon avis particulier seroit que si la chose
estoit réduitte à ces termes et moiennant que nous ne donnassions point de
desdommagement pour les archiducz et ne fissions rien de tout ce que je vous
ay cy-devant mandé pour réduire en quelque fasson nostre prétention , nous
pourrions consentir à remettre Philisbourg et il faudroit examiner après s’il
nous seroit plus avantageux ou de le raser pour nous rendre agréables aux
princes et estatz de l’Empire qui en vouloient faire l’instance que vous empes-
chastes, ou de le remettre en l’estat qu’il est à l’électeur de Trèves quand nous
verrions la succession de sa dignité asseurée en une personne qui eust les mes-
mes sentimens et la mesme affection que luy pour cette couronne comme il
nous proteste tous les jours que cella arrivera et qu’il ne pense à rien pour
mourir content qu’à voir la chose bien establie.
1 nr. 116.
2 Maximilian von Bayern an Bagni [fehlt], vermutlich: o. O. 1646 Januar 17, it. Kopie: AE ,
CP Bav. 1 fol. 524–524’:
4 Nachrichten aus Rom [fehlen].