Acta Pacis Westphalicae II B 2 : Die französischen Korrespondenzen, Band 2: 1645 / Franz Bosbach unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy und unter Mithilfe von Rita Bohlen
72. Memorandum Ludwigs XIV. für d’Avaux und Servien Paris 1645 April 6

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Memorandum Ludwigs XIV. für d’Avaux und Servien


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Paris 1645 April 6

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Ausfertigung: AE , CP All. 54 fol. 129–145’ = Druckvorlage = Beilage zu nr. 71. Konzept:
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AssNat 274 fol. 411–420’. Kopien: AE , CP All. fol. 84–91; AssNat 268 fol. 3–15, datiert auf
6
5. April. Druck: Nég. secr. II, 2 S. 72–76; Gärtner IV S. 696–715, jeweils datiert auf
7
5. April.

8
Nachricht von der Bereitschaft Spaniens zum Abschluß einer Waffenruhe, 2 Gründe: 1.
9
Drohende Bereitschaft des Kaisers und der Reichsstände zur Regelung ihrer Angelegenheiten
10
ohne Rücksicht auf Spanien. Vorzug für eine langjährige Waffenruhe gegenüber dem Friedens-
11
schluß wegen der Bewahrung aller Herrschaftsrechte und der Möglichkeit der Wiedereroberung
12
der verlorenen Territorien nach Ablauf der Waffenruhe. 2. Einziges Mittel zur Verhinderung
13
weiterer französischer Waffenerfolge. Haltung Frankreichs: Zustimmung zu langjährigem
14
Waffenstillstand zumal bei Bewahrung aller Eroberungen bis zur Großjährigkeit des Königs;
15
eventuelle spanische Zustimmung zum Einschluß Portugals und Kataloniens in das Abkommen;
16
Verstärkung der kaiserlichen Neigung zu einem Abschluß über die Fragen des Reiches nach der
17
Schlacht bei Jankau durch Bayern. Bedingungen einer Waffenruhe: Beibehaltung des jetzigen
18
Besitzstandes; Erlaubnis für Frankreich zur Schleifung eroberter Festungen; möglichst enges
19
Garantiebündnis der Reichsstände mit Frankreich. Argumente gegen einen möglichen Wider-
20
stand Schwedens: einziges Mittel zur Herstellung einer längeren Ruhepause, Beibehaltung der
21
erreichten Vorteile, Möglichkeit zur Vorbereitung der weiteren Kriegsführung, Leitung künfti-
22
ger Operationen durch den König selbst; Abkürzung der Verhandlungen im Interesse Oxen-
23
stiernas ; Bewilligung französischer Zahlungen an Schweden für den Unterhalt der Besatzungen
24
in den eroberten Gebieten. Abschluß mit dem Reich ohne Spanien: Betonung des französischen
25
Interesses an einem allgemeinen Frieden; unbedingter Ausschluß der Hilfe für Spanien aus dem
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Reich. Proposition II: möglichst keine Auslieferung in schriftlicher Form; bedenkliche Bemü-
27
hungen Schwedens zur Stärkung der protestantischen Partei, dadurch Gefährdung der bayeri-
28
schen Annäherung an Frankreich sowie Schädigung der katholischen Interessen; Betonung der
29
Staatsräson als Grund für das Bündnis mit Schweden; Verhalten gegenüber Bayern: eventuelle
30
geheime Versicherung der Wahrung der bayerischen Interessen; Unumgänglichkeit der Bewah-
31
rung der Kurwürde. Nutzen des Gesandten Savoyens. Verweis auf nr. 73 zur Rede d’Estrades’
32
vor den Staaten von Holland. Protokollarische Behandlung Wartenbergs. Verhalten des
33
Papstes: zunehmende Parteilichkeit für Spanien; Unnachgiebigkeit gegenüber den Wünschen
34
Frankreichs; Gipfel der Unfreundlichkeit in der letzten Kardinalspromotion; mögliche Ableh-
35
nung der weiteren päpstlichen Friedensvermittlung von seiten Frankreichs. Nachfolger für
36
Brasset. Aussichten auf die Entlassung des Kurfürsten von Trier aus kaiserlichem Gewahrsam.
37
Durchsetzung des Ambassadeur-Titels für die portugiesischen Gesandten. Beförderung der
38
Vermittlertätigkeit Contarinis in Osnabrück. Mitteilung der wohlwollenden Einstellung der
39
Königin zu J. Oxenstierna und zu seinem Vater; eventuelle Geschenke für Oxenstierna und
40
Salvius.

41
Quoyque renvoyant par delà le sieur de Saint Romain que l’on a entretenu
42
au long de toutes choses on se pust remettre sur luy d’en informer
43
messieurs les plénipotentiaires notamment estant aussy intelligent et fidelle
44
qu’il est, néantmoins Sa Majesté a commandé le présent mémoire qui leur
45
apprendra sur chacun des poinctz principaux contenus en leurs dépesches

[p. 226] [scan. 274]


1
précédentes comme aussy sur l’estat présent des affaires ses sentimens en
2
gros, dont les motifz leur pourront estre après déduictz plus en détail par
3
ledict sieur de Saint Romain à qui ilz ont esté plus particullièrement
4
expliquez.

5
On envoye auxdictz sieurs plénipotentiaires |:la copie d’une lettre que le
6
nunce du pape à Madrid a escritte à celuy qui réside en cette cour par
7
laquelle ilz appercevront bien le désir que les Espagnolz ont d’une
8
suspension puisqu’ilz ne peuvent guières proposer la chose plus clairement
9
que par le biais qu’ilz ont pris et cella est confirmé par l’ambassadeur de
10
Venise qui est icy lequel a receu de celuy de Madrid une lettre dans la
11
mesme conformité.

43
Vgl. die Beilage.
Cette ouverture justiffie bien:| les avis que l’on a de
12
tous costez que les Espagnolz ne consentiront point à la paix que par force,
13
c’est-à-dire quand ilz se croiront tout à fait perdus et qu’ilz estimeront qu’il
14
ne leur reste plus que ce moyen de remédier à une ruine irréparable. Il est
15
bien constant que attendu la disposition ou plustost l’ardeur que tous les
16
princes, villes et estatz d’Allemagne tesmoignent d’accommoder les affaires
17
de l’Empire et le mauvais estat de celles de l’Empereur, qui seroit peut-estre
18
luy-mesme contrainct d’y donner les mains, les Espagnolz appréhendent
19
extrêmement que cette force ou nécessité de s’accommoder ne leur vienne
20
de ce costé-là et s’il y a eu lieu de le croire avant le malheur arrivé depuis
21
peu dans la Bohême à touttes les armes que l’Empereur avoit assemblées
22
pour combattre monsieur Torstenson, on le doibt bien plus absolument
23
conclurre maintenant que l’Empereur et les autres princes seront plus
24
pressez et que leurs affaires auront moins de resource, la face vraysembla-
25
blement n’en pouvant guières plus changer que par un accord, aussy est-il à
26
présumer qu’ilz feront tout ce qui dépendra d’eux pour se tirer d’un si
27
mauvais pas sans avoir esgard aux crieries et aux raisons que Castel Rodrigo
28
et les ministres d’Espagne qui sont à Vienne et à Munster pourront leur
29
alléguer pour les destourner de cette pensée, en suitte de quoy l’Espagne se
30
trouveroit contraincte de faire comme on dit de nécessité vertu et cédant au
31
malheur qui la persécute pour ne sçavoir quel meilleur party prendre se
32
laisseroit entraisner aux résolutions que l’Empereur prendra. |:Il est vray
33
que les mesmes avis portent qu’en ce cas ilz ne consentiront jamais à la paix
34
et quoyque pour beaucoup de raisons ilz jugent bien qu’une longue
35
suspension d’armes peut estre extrêmement nuisible à leurs intérestz s’y
36
estans jusques icy vivement opposez:| et ayant tousjours destourné l’ Empe-
37
reur d’y prester l’oreille, néantmoins on estime générallement que plustost
38
que de consentir |:à une paix dans laquelle ilz seroient contraintz de quitter
39
pour tousjours à la France plusieurs avantages qu’elle a remportez ilz se
40
laisseront porter à une longue trêve laquelle ne donnant aucun droit
41
nouveau à cette couronne de posséder ce qu’elle a acquis peut aussy leur
42
donner moyen et commodité de se préparer si bien à une nouvelle guerre

[p. 227] [scan. 275]


1
que le terme convenu estant expiré ilz puissent réparer les pertes faittes en
2
celle-cy:|. Une autre raison assez bonne doibt aussy faire croire qu’ilz
3
embrasseront plus volontiers |:l’expédient d’une longue suspension. C’est
4
qu’ayans une nécessité absolue d’arrester le cours des progrez des armes de
5
France et de ses confédérez ilz ne sçauroient le faire promptement que par
6
la suspension qui peut estre résolue et faite en un jour au lieu que tant
7
d’intérestz différens devans estre discutez et concertez dans une paix:|. On
8
ne peut en espérer la conclusion quand mesme chacun y marcheroit de bon
9
pied qu’avec un long tempz pendant lequel les armes continuans d’agir la
10
maison d’Austriche pourroit estre réduicte en estat de ne plus se relever |:et
11
ensuitte que sans conclurre aucune paix avec eux leur foiblesse:| donneroit
12
moyen d’asseurer le repos de la Chrestienté.

13
|:Le Roy souhaitte en premier lieu la paix mais y prévoyant de grandes
14
longueurs et des difficultez sans nombre la conclusion d’une trêve de douze
15
années au moins nous en donneroit quelque apparence et les choses devans
16
demeurer partout en l’estat qu’elles sont aujourd’huy:|, la Reyne auroit une
17
grande gloire d’avoir pendant sa régence non seulement conservé au Roy
18
son filz les conquestes et les advantages laissez par le feu roy de glorieuse
19
mémoire, mais de les avoir accrus notablement de plusieurs autres considé-
20
rables depuis sa mort |:et affermy le tout par la possession paisible d’un
21
long espace de temps pendant lequel nous feignerions celuy de la maturité
22
du Roy lequel pourroit luy-mesme agir en personne quand n’ayant peu
23
conclurre la paix les ennemis voudroient reprendre les armes.

24
Tout le but et l’effort des Espagnolz dans la négotiation d’une suspension
25
sera de mettre à couvert les affaires de Catalongne et Portugal. Mais il est
26
vraysemblable qu’après avoir disputé quelque temps en vain sur ces
27
points-là:| la mesme nécessité qui les contrainct à céder dans les autres les
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obligera encore à se relascher en ceux-cy et à remettre leurs espérances de
29
pouvoir |:réparer ce préjudice après la trêve expirée.

30
La lettre du nunce de Madrid et la disgrâce arrivée:| aux armes de
31
l’Empereur qui luy doibt faire avoir une juste crainte des suittes d’une
32
victoire si considérable gaignée dans les pais héréditaires et au commence-
33
ment d’une campaigne a donné lieu de parler un peu au long de la
34
suspension parce qu’on void bien qu’ayans besoin d’un prompt remède
35
sans doute ilz recourront à celuy-là, à quoy on peut adjouster encores que le
36
duc de Bavières:| qui aura maintenant d’autant plus de crédit auprez de
37
l’Empereur que l’on a plus de besoing de luy et de ses forces |:ayans dez
38
longtemps la disposition qu’il avoit de faire quelque accommodement dans
39
l’Empire l’envie luy en sera redoublée par le:| succez de cette bataille, qui
40
estant suivie comme elle le doibt apparement estre de plus grandes
41
prospéritez, peut mettre un jour en compromis la succession de ses Estatz
42
|:à ses enfans, et la haste avec laquelle on mande qu’il s’est rendu à
43
Ratisbonne pour délibérer des dernières résolutions à prendre dans ce
44
malheur:| fait bien voir combien la chose luy tient au coeur pour les suittes

[p. 228] [scan. 276]


1
qu’il en appréhende dont le remède le plus certain est |:d’entendre à un bon
2
accord.

3
Il seroit superflu de discourir sur les conditions de cette trêve mais selon ce
4
qui sera proposé on pourra respondre d’icy plus particulièrement cependant
5
par advance ce qui semble se pouvoir faire, c’est que toutes choses
6
devroient demeurer en l’estat où elles sont aujourd’huy sans que la
7
suspension donne plus de droit à aucune des parties qu’elle n’en avoit avant
8
qu’elle fust conclue, c’est-à-dire ‘uti possidetis ita possideatis’ pour le temps
9
qui sera convenu:|. On pourroit toutesfois mesnager un article à nostre
10
avantage qui est que comme nous avons conquis beaucoup de places dont la
11
garde sera de grande despense et qui nous sont inutiles il fust en nostre
12
pouvoir d’en démolir trois ou quatre si nous le jugions à propos pendant la
13
trêve, mais il faudroit le concevoir en termes qu’ilz ne s’apperceussent pas
14
de nostre dessein comme ce seroit si on convenoit de part et d’autre qu’on
15
pust fortiffier et démolir les places qui resteroient à un chacun auquel cas
16
ilz soubçonneroient bien plustost que nostre intention fust de fortiffier que
17
non pas de démolir.

18
Cependant comme nous debvons justement craindre de l’artifice ordinaire
19
de noz ennemis que pour se tirer d’une mauvaise affaire |:ilz ne s’accordent
20
présentement à une suspension avec pensée de la rompre s’il leur tourne à
21
compte dans quelque temps qu’ilz verroient jour de nous pouvoir faire du
22
mal:|, il est important de prendre toutes les seuretés possibles affin que la
23
craincte de recevoir de plus grandz préjudices les oblige à quitter cette
24
pensée s’ilz l’avoient. C’est pourquoy il faudroit s’unir plus estroictement
25
que jamais avec les alliez que nous avons à présent et engager le pus avant
26
qu’il seroit possible |:les princes et estatz de l’Empire à joindre leurs forces
27
aux nostres en cas que la maison d’Austriche voulust prendre quelque
28
prétexte pour rompre laditte trêve:|.

29
Il escheoit encore à considérer que comme messieurs les estatz des
30
Provinces-Unies désirent |:avec passion de sortir d’affaires par une trêve aussy
31
est-il à craindre que l’on n’y trouve pas facilité avec la couronne de Suède
32
quoyque dans le dernier traitté qui fut conclu avec eux ainsy que monsieur
33
d’Avaux le sçait bien, ilz donnèrent les mains à sortir de la guerre par le moyen
34
d’une suspension encores que l’on ne descendist pas pour lors au destail des
35
conventions

43
Vgl. S. 27 Anm. 9.
. Il est donc à présumer que les ministres de Suède embrasseront
36
aussy cette voie et se laisseront persuader quand ilz sçauront premièrement
37
que nostre désir est conforme au leur touchant la paix:

38
Que l’impossibilité de pouvoir de longtemps jouir du repos par autre
39
moyen que par une longue suspension nous doit convier de nous y porter
40
conjoinctement avec eux:|. Qu’ilz n’ont pas moins d’intérest que nous dans
41
l’affermissement des avantages que les deux couronnes ont remportez dans
42
la guerre. Que nous pouvons aussy advantageusement que les ennemis

[p. 229] [scan. 277]


1
|:nous préparer de bonne sorte à retourner à la guerre avec plus de force et
2
de vigueur quand les:| pertes passées ne les auroient pas rendus plus sages à
3
l’advenir. |:Que nous aurions en ce cas le Roy en estat de pouvoir
4
luy-mesme agir en personne:| ce qui n’est pas un advantage à priser peu
5
dans le royaume de France |:où la présence des roys fait d’ordinaire:| autant
6
d’effect qu’une grande armée.

7
Et si l’on peut parmy ces raisons publiques en ajouster une particulière qui
8
pourra faire force dans l’esprit des ministres de Suède c’est que monsieur
9
Oxenstiern a grande passion de retourner en Suède pour ses affaires
10
particulières:| et inclinera de bon coeur à prendre tout party |:qui peut
11
trancher court la négotiation.

12
Mais après tout si pour faire condescendre la couronne de Suède à une trêve
13
il estoit nécessaire dans la nouvelle alliance que nous establirions dans ce
14
rencontre avec elle de luy donner une assistance annuelle pour l’ayder au
15
maintien des troupes qu’elle seroit obligée d’entretenir durant la trêve et à
16
la conservation des places qu’elle a conquises, Sa Majesté s’y portera
17
volontiers et consentira à tout ce qui sera jugé raisonnable. Voilà ce qu’en
18
substance on croid à présent de pouvoir dire touchant la suspension affin
19
qu’on s’en serve au cas que l’on la mette sur le tapis et si lesditz sieurs
20
plénipotentiaires songent quelque chose de plus pour le service du Roy:| Sa
21
Majesté sera très aise de l’entendre.

22
Quant à ce que lesdictz sieurs plénipotentiaires ont désiré estre esclaircis
23
des sentimens du Roy sur la conduicte qu’ilz doibvent tenir |:au cas qu’ilz
24
puissent conclurre quelque accommodement avec l’Empire où les Espa-
25
gnolz ne fussent pas compris:| Sa Majesté ne leur peut dire autre chose si ce
26
n’est que son désir et sa passion seroit d’avoir paix s’il est possible avec tout
27
le monde et quand on y trouvera trop d’obstacles |:une trêve de mesme
28
généralle. Mais comme à ce qu’il paroist les Espagnolz sont esloignez de
29
vouloir entendre sincèrement ny à l’un ny à l’autre que d’ailleurs leur
30
intérest ne peut pas:| permettre qu’ilz voyent l’Empereur sortir d’affaires et
31
qu’ilz y demeurent seulz embarassez et qu’il y a grande apparence qu’ilz
32
prendront toutte résolution plustost que de le souffir. Il est de l’adresse
33
desdictz sieurs plénipotentiaires de conduire en sorte la négotiation |:que la
34
crainte que les Espagnolz auront de cet accord particulier les fasse mettre à
35
la raison pour le général. Cependant si l’opiniastreté desditz Espagnolz
36
estoit telle quelque résolution que prist l’Empereur et les princes de
37
l’Empire ilz persistassent à prétendre des conditions injustes et ne les
38
pouvans obtenir ilz voulussent continuer la guerre:|, Sa Majesté avant de
39
dire là-dessus précisément son intention sera bien aise d’avoir l’advis
40
desdictz sieurs plénipotentiaires sur la question proposée, bien entendu
41
tousjours qu’en quelque accord |:que l’on arreste avec l’Empire nous
42
eussions des seuretez suffisantes que les Espagnolz ne pussent proffiter ny
43
directement ny indirectement des forces d’Allemagne ny de quelques
44
autres assistances que l’Empereur essayast de leur donner secrètement:|.

[p. 230] [scan. 278]


1
Quant à la proposition qu’il faudra maintenant résoudre de bailler de
2
commun concert, Sa Majesté souhaitteroit bien qu’on pust se deffendre de
3
la donner par escrit pour les inconvéniens qui ont cy-devant esté marquez,
4
mais s’il est jugé absolument nécessaire encore pour cette fois touchant les
5
affaires d’Allemagne pour contenter les ministres de Suède Sa Majesté
6
trouvera bon tout ce que lesdictz sieurs plénipotentiaires résoudront sur les
7
lieux.

8
Ce qui fait peine à Sa Majesté c’est que comme ilz auront desjà veu en
9
d’autres dépesches il est aisé à cognoistre par la conduicte des ministres de
10
la couronne de Suède qu’elle songe sérieusement |:à se prévaloir de
11
l’occasion pour establir et augmenter la religion protestante et ilz s’en sont
12
assez ouvertement déclarez au voiage que monsieur d’Avaux a fait à
13
Osnaburg luy ayans voulu persuader qu’il falloit que les deux religions
14
fussent le contrepoidz dans l’Empire et à cet effet que le nombre des
15
eslecteurs fust my-party des uns et des autres et véritablement:| il y a suject
16
de croire que la proposition de remettre les affaires d’Allemagne comme en
17
1618 tend principalement à ce but-là.

18
|:Sur quoy il faut considérer qu’une proposition conceue de cette sorte dans
19
un temps où le duc de Bavières nous fait toutes les avances possibles et des
20
offres sans réserve pour s’attacher à cette couronne, ce que l’on ne doit pas
21
croire entièrement artificieux puisque son compte se trouve dans cette
22
conduitte non seulement mettra absolument ce prince au désépoir:| voyant
23
nostre première ouverture tendre à ruiner d’abord ses plus chers intérestz,
24
mais encore nous venons par là insensiblement à fortiffier |:la religion
25
protestante qui est le dessein des Suédois dont nous devons extrêmement
26
nous mesfier sur le point de la religion:| estant constant qu’au mesme
27
tempz qu’ilz travaillent sur les principes que l’on void en Allemagne ilz
28
n’oublient |:rien en Angleterre et ailleurs pour lier des intelligences et faire
29
union entre tous les hérétiques:|.

30
La confédération que la France a avec la couronne de Suède |:n’a pas esté
31
faitte pour des affaires de religion, mais purement d’Estat:| c’est-à-dire
32
pour empescher la maison d’Austriche de donner la loy à l’Europe à quoy
33
elle eust pu à la fin parvenir si on n’y eust apporté à temps les remèdes
34
convenables, c’est pourquoy l’intérest commun qui fust alors et celuy qui
35
sera dans la conclusion de la paix c’est de diminuer l’auctorité que
36
l’Empereur s’est usurpée en Allemagne et l’obligeant à rendre aux princes
37
et estatz de l’Empire les privilèges qu’il leur avoit ostez pour establir les
38
choses en sorte à l’advenir qu’un chacun jouisse des avantages qui luy
39
appartiennent sans que la maison d’Austriche puisse ou par ruse ou par
40
force les en priver, ce poinct est si délicat et donne tant d’inquiétude |:à la
41
piété de la Reyne et de son conseil:| qu’il mérite bien que lesdictz sieurs
42
plénipotentiaires y facent grande considération et qu’ilz observent bien
43
dans le progrez de la négotiation |:toutes les démarches et visées des
44
ministres de Suède en une affaire si importante pour pouvoir suivant les

[p. 231] [scan. 279]


1
occasions destourner adroitement:| ce qu’il ne seroit pas juste ny convena-
2
ble d’accorder et qui peut préjudicier à nostre réputation estant indubitable
3
qu’il seroit bien malséant que l’on pust dire en quelque temps que ce soit
4
que Sa Majesté songe |:si peu à l’avantage de la religion catholique qu’elle
5
se laisse aveuglément emporter par l’intérestz [!] de ses alliez et pour leur
6
complaire à l’avancement de la protestante:| à tel poinct qu’elle pust un
7
jour donner la loy aux autres.

8
Quelqu’un a cru que si pour le bien de noz affaires et pour entretenir une
9
parfaicte union avec la Suède nous estions obligez à faire la proposition
10
cy-dessus nous pourrions |:par quelque moien bien secret faire entrendre
11
soubz main au duc de Bavières qu’elle n’empeschera point qu’on ne luy face
12
cognoistre l’affection qu’on a pour ses intérestz et quand cella mesme
13
viendroit à estre sceu des ministres suédois ilz n’auront nulle occasion:| de
14
se plaindre que nous voulions mesnager l’esprit d’un prince dont les advis
15
et les résolutions seront de grand poidz dans le progrez de la négotiation,
16
d’autant plus qu’eux mesmes ont dit qu’il falloit se relascher des conditions
17
qui seront insérées dans ladicte proposition selon que les conjonctures le
18
requérront pour le mieux, dont il faut tirer encore d’eux un plus particulier
19
esclaircissement et parole avant que de s’y engager davantage affin qu’ilz ne
20
puissent prétendre après nous avoir fait faire ce pas de nous y tenir
21
inviolablement attachez. Ce qui donne peine c’est que comme autresfois
22
|:la France a eu grande part à la translation de la dignité électorale en la
23
personne du duc de Bavières et qu’elle y a beaucoup contribué on pourroit
24
trouver à redire si dans la plus grande prospérité de ses affaires elle
25
changeoit aujourd’huy de maxime pour plaire à ses alliez c’est pourquoy sur
26
le point de l’électorat on désire sçavoir l’avis desdictz sieurs plénipotenti-
27
aires , touttes raisons persuadans icy que ledit duc nous obligeant par sa
28
bonne conduitte et par des effetz qu’il peut donner dans la négotiation de la
29
paix à considérer ses intérestz on doit contribuer ce qui dépendra de nous à
30
luy conserver cette dignité. Le Palatin

43
Karl Ludwig (1617–1680), seit 1632 Pfalzgraf, 1649 Kurfürst von der Pfalz ( Hauck ) .
mesme semble assez persuadé que
31
l’électorat ne sortira point de la maison de Bavières puisqu’il est le premier
32
à se laisser entendre pour l’alternative et à donner ainsy jour luy-mesme à
33
quelque tempéramment:|.

34
On a estimé à propos de toucher touttes les considérations cy-dessus pour
35
faire cognoistre auxdictz sieurs plénipotentiaires avec quelle application et
36
quel zèle Sa Majesté pense |:à ce qui peut regarder la religion:|. Néant-
37
moins elle se remet à tout ce que ses plénipotentiaires résoudront sur les
38
lieux estant bien asseurée qu’estants bien informez de ses sentimens ilz
39
mesnageront et le solide et les apparences.

40
Sa Majesté ne parlera point icy du traittement de l’ambassadeur de Savoye,
41
croyant maintenant la chose achevée à sa satisfaction, suivant les ordres
42
qu’elle en a donnez, elle leur fera remarquer seulement que le marquis de

[p. 232] [scan. 280]


1
Saint Maurice soit pour estre ministre d’un prince attaché à cette couronne
2
et qui a si grande suject de se louer de la protection qu’elle luy a donnée
3
soit pour son affection particulière sera très capable de servir et advancer
4
les intérestz communs en beaucoup de choses, portant quelquesfois des
5
paroles qu’il ne seroit pas expédient de voir sortir de la bouche des
6
ministres du Roy.

7
Quant au discours que le sieur d’Estrades a fait en Hollande pour divertir
8
Messieurs les Estatz de s’engager en une nouvelle guerre contre Danne-
9
marck Sa Majesté en a fait dresser un mémoire

43
nr. 73.
à part qui fera sçavoir ses
10
sentimens au long auxdictz sieurs plénipotentiaires. Cependant il sera
11
peut-estre bien à propos qu’ilz en escrivent en Suède à la reyne et au
12
chancelier Oxenstern faisants cognoistre que l’on n’a aucunement songé à
13
rien de préjudiciable contre eux, mais seulement d’obliger les Hollandois à
14
de grandz effortz contre l’Espagne qui ne fit jamais tant de préparatifz que
15
cette année pour la guerre de Flandres, en quoy les Suédois ont le mesme
16
intérest que nous et que pour faire l’un ilz n’obmissent pas |:l’autre ainsy
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qu’il est arrivé depuis avec satisfaction de la France et de la Suède, ilz en
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informeront aussy le sieur de Rorté que l’on croid à présent bien près de sa
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résidence:|.

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Les raisons qu’ont estendu si au long lesdictz sieurs plénipotentiaires pour
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justiffier leur forme de traitter avec l’evesque d’Osnabruk ne semblent pas à
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Sa Majesté si concluantes qu’il n’y en ayt beaucoup de bonnes à dire au
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contraire, mais sur ce poinct on se remet à ce qu’en a entendu le sieur de
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Saint Romain.

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Il reste à parler de Rome et de la conduicte du pape en laquelle on
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recognoist tous les jours plus évidemment que le partage qu’il fait de son
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affection et de ses grâces aux deux couronnes c’est qu’il nous donne de
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belle paroles et à noz ennemis de bons effectz. Le Roy prenant confiance
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autant qu’on le debvoit aux assurances données par une personne consti-
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tuée dans une si haute dignité qu’est aujourd’huy Sa Sainteté non seulement
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de sa bonne volonté envers cette couronne mais qu’elle s’en ravie d’avoir
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occasion d’en donner des preuves solides Sa Majesté prit résolution,
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nonobstant ce qui s’estoit passé dans le conclave et les attachemens que Sa
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Sainteté avoit eus avec l’Espagne dans les employs et charges qu’il avoit
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autresfois possédées, d’y correspondre sincèrement de son costé et Sa
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Majesté n’a rien oublié dans l’envoy du sieur de Grémonville pour gaigner
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sa bienveillance luy faisant cognoistre la passion qu’elle avoit pour le bien
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du Saint-Siège, pour la gloire particulière de la personne de Sa Sainteté et
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pour les advantages de sa maison et en paroles et en effectz. Cependant non
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seulement Sa Sainteté jusqu’icy n’a accordé aucune des choses dont on luy a
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fait instance de la part du Roy en quelque justice qu’elles soient fondées
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comme touchant l’archevesque de Trèves, la réception de l’ambassadeur de

[p. 233] [scan. 281]


1
Portugal, la collation des bénéfices de Catalongne et plusieurs autres, |:mais
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quelques jours après l’arrivée du sieur de Grémonville Sa Sainteté avec
3
estonnement de tout Rome a fait une motion entièrement espagnolle

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Vgl. nr. 61.
, qui
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est le plus grand préjudice qu’un Pape puisse faire à cette couronne et
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auquel il faut aprez des siècles pour pouvoir remédier. D’autant que la
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faction contraire croissant de puissance et d’authorité peut non seulement
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s’asseurer dans les conclaves l’exclusion des sujetz qui ne leur sont pas
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agréables, mais se rendre maistres avec le temps de porter au pontificat
9
ceux qui leur sont les plus attachez et confidentz qui est un moyen pour
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tenir tout le monde dans leur party. On murmure fort dans tout ce royaume
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de la partialité manifeste que tesmoigne Sa Sainteté à noz ennemis. La
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Reyne:| cependant a la satisfaction en son âme de n’avoir rien obmis pour
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mettre Sadicte Sainteté dans son tort au cas qu’elle continue cette conduitte
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et qu’elle face si peu de cas de la gloire d’estre tenu d’un chacun pour père
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commun, il ne sera pas mal à propos que lesdictz sieurs plénipotentiaires
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prennent occasion dans quelque conférence avec monseigneur Ghisi

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Chigi.
de luy
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faire remarquer à quel poinct est la bonté de la Reyne qui poursuit encore
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|:à se contenter de la médiation de Sa Sainteté c’est-à-dire de luy confier les
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plus chers et plus importans intérestz qu’elle puisse jamais avoir non-
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obstant l’inclination qui ne se void que trop visible en luy d’obliger noz
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ennemis à noz despens:|. Ilz pourront adroictement luy faire appréhender
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que si les choses continuent de mesme elle sera obligée de régler sa
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conduicte sur celle de Sa Sainteté et d’y prendre quelque résolution quand
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il n’y auroit d’autre motif |:que pour n’encourir pas le reproche que toute la
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France luy pourroit faire d’avoir consenty imprudemment dans la négo-
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tiation de la paix à l’entremise d’une personne si portée pour noz ennemis
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et si esloignée de favoriser cette couronne:|.

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Monsieur de Longueville ayant prez de luy une personne fort capable

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Boulenger (vgl. S. 115 Anm. 3).
dont
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tout le monde dit beaucoup de bien et qui l’a desjà accompagné en son
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voyage d’Allemagne le sieur Brasset pourra à son arrivée luy laisser sa place
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de secrétaire de l’ambassade et s’en retourner en Holande continuer son
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service suivant les instances qu’il en a faictes à Sa Majesté.

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Le sieur de Grémonville n’aura pas manqué de donner avis auxdictz sieurs
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plénipotentiaires de ce que le pape avoit respondu aux instances qu’il avoit
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faictes à Sa Sainteté touchant la liberté de l’archevesque de Trèves.
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L’intention qu’il luy a donnée de vouloir meurir cette affaire doibt faire
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espérer comme il ne s’engage pas sans doubte sans sçavoir le sentiment des
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Impériaux |:qu’ilz ne s’esloigneront pas de le laisser aller en quelque ville
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neutre ou sans acquérir une entière liberté au cas que l’on ne pust conclurre
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aucun accord il en eust néantmoins assez:| pour donner sans contraincte les

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1
ordres qu’il voudroit à ses ministres qui assisteront à l’assemblée dont il
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semble icy qu’il soit juste de nous contenter.

3
Quant au traittement des ambassadeurs de Portugal Sa Majesté souhaitte-
4
roit bien qu’il se pust trouver quelque expédient de leur donner satisfaction
5
|:sans leur faire coure aucune fortune ce qui rejalliroit sur nous qui sommes
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obligez d’honneur à les soustenir. Il est certain que le roy leur maistre les
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déclarant ambassadeurs puisque Sa Majesté traitte avec luy et avec ses
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ministres en la sorte qu’elle fait lesditz sieurs plénipotentiaires ne pour-
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roient pas refuser d’en user de mesme en leur endroit:| mais on doibt
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essayer de les rendre capables qu’ilz ne le doibvent pas eux-mesmes
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souhaitter pour les inconvéniens qu’il y a lieu d’appréhender, aussy bien
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pour l’autre raison que ce seroit manquer |:à la foy que lesditz sieurs
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plénipotentiaires ont donnée en leur passage de n’avoir avec eux que de
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leurs domestiques. Elle n’est de nulle force et il seroit fort aisé d’en sortir en
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disant que le roy leur maistre depuis leur arrivée leur a donné cette
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qualité:|. Il faudroit voir si en vertu du pouvoir concerté et résolu avec les
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Espagnolz qu’ilz mettront peut-estre bientost au jour suivant l’ordre secret
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qu’ilz ont d’Espagne de le faire quand le premier ne pourra estre admis, il y
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auroit moyen |:d’establir dans l’assemblée les ministres de Portugal en la
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qualité que leur a donné leur maistre puisque les Espagnolz sont obligez de
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traitter avec tous noz alliez et adhérens.

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Puisqu’une des raisons qui porte les ministres de Suède à vouloir traitter par
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escrit est qu’ilz n’ont point de médiateur il semble qu’il faudroit songer de
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bonne sorte à faire que monsieur Contarini ou quelqu’un de sa part à leur
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satisfaction s’entremist et prist le soin de la négotiation d’Osnaburg:|.

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Il sera peut-estre bien à propos dans la première entreveue avec les
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ministres de Suède de tesmoigner à monsieur Oxestern l’estime que l’on
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fait icy de son mérite et la disposition où est Sa Majesté de le favoriser en
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touttes rencontres et mesme s’il le juge à propos |:de s’intéresser en Suède
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pour les desseins qu’il peut y avoir touchant son establissement:| en quoy
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Sa Majesté auroit une singulière satisfaction tant pour la vertu du filz que
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pour recognoistre en sa personne la conduicte envers cette couronne de
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monsieur le chancelier son père qui a tant mérité de la cause commune. Sa
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Majesté mesme inclineroit de bon coeur s’il est estimé à propos par lesdictz
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sieurs plénipotentiaires de tesmoigner sa bonne volonté |:audit sieur baron
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Oxenstiern et à monsieur Salvius par quelque présent qu’elle leur pourroit
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envoyer sur quoy Saditte Majesté désire d’avoir leur avis:|.


38
Beilage [fehlt]


39
Rospigliosi an Bagno, Madrid 1645 März 10

40
Kopie: AssNat 274 fol. 421; Druck: Nég. secr. II, 2 S. 76–77 (mit französischer Übersetzung);
41
Gärtner IV S. 577–578 (fälschlich d’Avaux und Servien als Adressaten bezeichnet).
.

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