Acta Pacis Westphalicae II B 2 : Die französischen Korrespondenzen, Band 2: 1645 / Franz Bosbach unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy und unter Mithilfe von Rita Bohlen
72. Memorandum Ludwigs XIV. für d’Avaux und Servien Paris 1645 April 6
Paris 1645 April 6
Ausfertigung: AE , CP All. 54 fol. 129–145’ = Druckvorlage = Beilage zu nr. 71. Konzept:
AssNat 274 fol. 411–420’. Kopien: AE , CP All. fol. 84–91; AssNat 268 fol. 3–15, datiert auf
5. April. Druck: Nég. secr. II, 2 S. 72–76; Gärtner IV S. 696–715, jeweils datiert auf
5. April.
Nachricht von der Bereitschaft Spaniens zum Abschluß einer Waffenruhe, 2 Gründe: 1.
Drohende Bereitschaft des Kaisers und der Reichsstände zur Regelung ihrer Angelegenheiten
ohne Rücksicht auf Spanien. Vorzug für eine langjährige Waffenruhe gegenüber dem Friedens-
schluß wegen der Bewahrung aller Herrschaftsrechte und der Möglichkeit der Wiedereroberung
der verlorenen Territorien nach Ablauf der Waffenruhe. 2. Einziges Mittel zur Verhinderung
weiterer französischer Waffenerfolge. Haltung Frankreichs: Zustimmung zu langjährigem
Waffenstillstand zumal bei Bewahrung aller Eroberungen bis zur Großjährigkeit des Königs;
eventuelle spanische Zustimmung zum Einschluß Portugals und Kataloniens in das Abkommen;
Verstärkung der kaiserlichen Neigung zu einem Abschluß über die Fragen des Reiches nach der
Schlacht bei Jankau durch Bayern. Bedingungen einer Waffenruhe: Beibehaltung des jetzigen
Besitzstandes; Erlaubnis für Frankreich zur Schleifung eroberter Festungen; möglichst enges
Garantiebündnis der Reichsstände mit Frankreich. Argumente gegen einen möglichen Wider-
stand Schwedens: einziges Mittel zur Herstellung einer längeren Ruhepause, Beibehaltung der
erreichten Vorteile, Möglichkeit zur Vorbereitung der weiteren Kriegsführung, Leitung künfti-
ger Operationen durch den König selbst; Abkürzung der Verhandlungen im Interesse Oxen-
stiernas ; Bewilligung französischer Zahlungen an Schweden für den Unterhalt der Besatzungen
in den eroberten Gebieten. Abschluß mit dem Reich ohne Spanien: Betonung des französischen
Interesses an einem allgemeinen Frieden; unbedingter Ausschluß der Hilfe für Spanien aus dem
Reich. Proposition II: möglichst keine Auslieferung in schriftlicher Form; bedenkliche Bemü-
hungen Schwedens zur Stärkung der protestantischen Partei, dadurch Gefährdung der bayeri-
schen Annäherung an Frankreich sowie Schädigung der katholischen Interessen; Betonung der
Staatsräson als Grund für das Bündnis mit Schweden; Verhalten gegenüber Bayern: eventuelle
geheime Versicherung der Wahrung der bayerischen Interessen; Unumgänglichkeit der Bewah-
rung der Kurwürde. Nutzen des Gesandten Savoyens. Verweis auf nr. 73 zur Rede d’Estrades’
vor den Staaten von Holland. Protokollarische Behandlung Wartenbergs. Verhalten des
Papstes: zunehmende Parteilichkeit für Spanien; Unnachgiebigkeit gegenüber den Wünschen
Frankreichs; Gipfel der Unfreundlichkeit in der letzten Kardinalspromotion; mögliche Ableh-
nung der weiteren päpstlichen Friedensvermittlung von seiten Frankreichs. Nachfolger für
Brasset. Aussichten auf die Entlassung des Kurfürsten von Trier aus kaiserlichem Gewahrsam.
Durchsetzung des Ambassadeur-Titels für die portugiesischen Gesandten. Beförderung der
Vermittlertätigkeit Contarinis in Osnabrück. Mitteilung der wohlwollenden Einstellung der
Königin zu J. Oxenstierna und zu seinem Vater; eventuelle Geschenke für Oxenstierna und
Salvius.
Quoyque renvoyant par delà le sieur de Saint Romain que l’on a entretenu
au long de toutes choses on se pust remettre sur luy d’en informer
messieurs les plénipotentiaires notamment estant aussy intelligent et fidelle
qu’il est, néantmoins Sa Majesté a commandé le présent mémoire qui leur
apprendra sur chacun des poinctz principaux contenus en leurs dépesches
précédentes comme aussy sur l’estat présent des affaires ses sentimens en
gros, dont les motifz leur pourront estre après déduictz plus en détail par
ledict sieur de Saint Romain à qui ilz ont esté plus particullièrement
expliquez.
On envoye auxdictz sieurs plénipotentiaires |:la copie d’une lettre que le
nunce du pape à Madrid a escritte à celuy qui réside en cette cour par
laquelle ilz appercevront bien le désir que les Espagnolz ont d’une
suspension puisqu’ilz ne peuvent guières proposer la chose plus clairement
que par le biais qu’ilz ont pris et cella est confirmé par l’ambassadeur de
Venise qui est icy lequel a receu de celuy de Madrid une lettre dans la
mesme conformité. Cette ouverture justiffie bien:| les avis que l’on a de
tous costez que les Espagnolz ne consentiront point à la paix que par force,
c’est-à-dire quand ilz se croiront tout à fait perdus et qu’ilz estimeront qu’il
ne leur reste plus que ce moyen de remédier à une ruine irréparable. Il est
bien constant que attendu la disposition ou plustost l’ardeur que tous les
princes, villes et estatz d’Allemagne tesmoignent d’accommoder les affaires
de l’Empire et le mauvais estat de celles de l’Empereur, qui seroit peut-estre
luy-mesme contrainct d’y donner les mains, les Espagnolz appréhendent
extrêmement que cette force ou nécessité de s’accommoder ne leur vienne
de ce costé-là et s’il y a eu lieu de le croire avant le malheur arrivé depuis
peu dans la Bohême à touttes les armes que l’Empereur avoit assemblées
pour combattre monsieur Torstenson, on le doibt bien plus absolument
conclurre maintenant que l’Empereur et les autres princes seront plus
pressez et que leurs affaires auront moins de resource, la face vraysembla-
blement n’en pouvant guières plus changer que par un accord, aussy est-il à
présumer qu’ilz feront tout ce qui dépendra d’eux pour se tirer d’un si
mauvais pas sans avoir esgard aux crieries et aux raisons que Castel Rodrigo
et les ministres d’Espagne qui sont à Vienne et à Munster pourront leur
alléguer pour les destourner de cette pensée, en suitte de quoy l’Espagne se
trouveroit contraincte de faire comme on dit de nécessité vertu et cédant au
malheur qui la persécute pour ne sçavoir quel meilleur party prendre se
laisseroit entraisner aux résolutions que l’Empereur prendra. |:Il est vray
que les mesmes avis portent qu’en ce cas ilz ne consentiront jamais à la paix
et quoyque pour beaucoup de raisons ilz jugent bien qu’une longue
suspension d’armes peut estre extrêmement nuisible à leurs intérestz s’y
estans jusques icy vivement opposez:| et ayant tousjours destourné l’ Empe-
reur d’y prester l’oreille, néantmoins on estime générallement que plustost
que de consentir |:à une paix dans laquelle ilz seroient contraintz de quitter
pour tousjours à la France plusieurs avantages qu’elle a remportez ilz se
laisseront porter à une longue trêve laquelle ne donnant aucun droit
nouveau à cette couronne de posséder ce qu’elle a acquis peut aussy leur
donner moyen et commodité de se préparer si bien à une nouvelle guerre
que le terme convenu estant expiré ilz puissent réparer les pertes faittes en
celle-cy:|. Une autre raison assez bonne doibt aussy faire croire qu’ilz
embrasseront plus volontiers |:l’expédient d’une longue suspension. C’est
qu’ayans une nécessité absolue d’arrester le cours des progrez des armes de
France et de ses confédérez ilz ne sçauroient le faire promptement que par
la suspension qui peut estre résolue et faite en un jour au lieu que tant
d’intérestz différens devans estre discutez et concertez dans une paix:|. On
ne peut en espérer la conclusion quand mesme chacun y marcheroit de bon
pied qu’avec un long tempz pendant lequel les armes continuans d’agir la
maison d’Austriche pourroit estre réduicte en estat de ne plus se relever |:et
ensuitte que sans conclurre aucune paix avec eux leur foiblesse:| donneroit
moyen d’asseurer le repos de la Chrestienté.
|:Le Roy souhaitte en premier lieu la paix mais y prévoyant de grandes
longueurs et des difficultez sans nombre la conclusion d’une trêve de douze
années au moins nous en donneroit quelque apparence et les choses devans
demeurer partout en l’estat qu’elles sont aujourd’huy:|, la Reyne auroit une
grande gloire d’avoir pendant sa régence non seulement conservé au Roy
son filz les conquestes et les advantages laissez par le feu roy de glorieuse
mémoire, mais de les avoir accrus notablement de plusieurs autres considé-
rables depuis sa mort |:et affermy le tout par la possession paisible d’un
long espace de temps pendant lequel nous feignerions celuy de la maturité
du Roy lequel pourroit luy-mesme agir en personne quand n’ayant peu
conclurre la paix les ennemis voudroient reprendre les armes.
Tout le but et l’effort des Espagnolz dans la négotiation d’une suspension
sera de mettre à couvert les affaires de Catalongne et Portugal. Mais il est
vraysemblable qu’après avoir disputé quelque temps en vain sur ces
points-là:| la mesme nécessité qui les contrainct à céder dans les autres les
obligera encore à se relascher en ceux-cy et à remettre leurs espérances de
pouvoir |:réparer ce préjudice après la trêve expirée.
La lettre du nunce de Madrid et la disgrâce arrivée:| aux armes de
l’Empereur qui luy doibt faire avoir une juste crainte des suittes d’une
victoire si considérable gaignée dans les pais héréditaires et au commence-
ment d’une campaigne a donné lieu de parler un peu au long de la
suspension parce qu’on void bien qu’ayans besoin d’un prompt remède
sans doute ilz recourront à celuy-là, à quoy on peut adjouster encores que le
duc de Bavières:| qui aura maintenant d’autant plus de crédit auprez de
l’Empereur que l’on a plus de besoing de luy et de ses forces |:ayans dez
longtemps la disposition qu’il avoit de faire quelque accommodement dans
l’Empire l’envie luy en sera redoublée par le:| succez de cette bataille, qui
estant suivie comme elle le doibt apparement estre de plus grandes
prospéritez, peut mettre un jour en compromis la succession de ses Estatz
|:à ses enfans, et la haste avec laquelle on mande qu’il s’est rendu à
Ratisbonne pour délibérer des dernières résolutions à prendre dans ce
malheur:| fait bien voir combien la chose luy tient au coeur pour les suittes
qu’il en appréhende dont le remède le plus certain est |:d’entendre à un bon
accord.
Il seroit superflu de discourir sur les conditions de cette trêve mais selon ce
qui sera proposé on pourra respondre d’icy plus particulièrement cependant
par advance ce qui semble se pouvoir faire, c’est que toutes choses
devroient demeurer en l’estat où elles sont aujourd’huy sans que la
suspension donne plus de droit à aucune des parties qu’elle n’en avoit avant
qu’elle fust conclue, c’est-à-dire ‘uti possidetis ita possideatis’ pour le temps
qui sera convenu:|. On pourroit toutesfois mesnager un article à nostre
avantage qui est que comme nous avons conquis beaucoup de places dont la
garde sera de grande despense et qui nous sont inutiles il fust en nostre
pouvoir d’en démolir trois ou quatre si nous le jugions à propos pendant la
trêve, mais il faudroit le concevoir en termes qu’ilz ne s’apperceussent pas
de nostre dessein comme ce seroit si on convenoit de part et d’autre qu’on
pust fortiffier et démolir les places qui resteroient à un chacun auquel cas
ilz soubçonneroient bien plustost que nostre intention fust de fortiffier que
non pas de démolir.
Cependant comme nous debvons justement craindre de l’artifice ordinaire
de noz ennemis que pour se tirer d’une mauvaise affaire |:ilz ne s’accordent
présentement à une suspension avec pensée de la rompre s’il leur tourne à
compte dans quelque temps qu’ilz verroient jour de nous pouvoir faire du
mal:|, il est important de prendre toutes les seuretés possibles affin que la
craincte de recevoir de plus grandz préjudices les oblige à quitter cette
pensée s’ilz l’avoient. C’est pourquoy il faudroit s’unir plus estroictement
que jamais avec les alliez que nous avons à présent et engager le pus avant
qu’il seroit possible |:les princes et estatz de l’Empire à joindre leurs forces
aux nostres en cas que la maison d’Austriche voulust prendre quelque
prétexte pour rompre laditte trêve:|.
Il escheoit encore à considérer que comme messieurs les estatz des
Provinces-Unies désirent |:avec passion de sortir d’affaires par une trêve aussy
est-il à craindre que l’on n’y trouve pas facilité avec la couronne de Suède
quoyque dans le dernier traitté qui fut conclu avec eux ainsy que monsieur
d’Avaux le sçait bien, ilz donnèrent les mains à sortir de la guerre par le moyen
d’une suspension encores que l’on ne descendist pas pour lors au destail des
conventions . Il est donc à présumer que les ministres de Suède embrasseront
aussy cette voie et se laisseront persuader quand ilz sçauront premièrement
que nostre désir est conforme au leur touchant la paix:
Que l’impossibilité de pouvoir de longtemps jouir du repos par autre
moyen que par une longue suspension nous doit convier de nous y porter
conjoinctement avec eux:|. Qu’ilz n’ont pas moins d’intérest que nous dans
l’affermissement des avantages que les deux couronnes ont remportez dans
la guerre. Que nous pouvons aussy advantageusement que les ennemis
|:nous préparer de bonne sorte à retourner à la guerre avec plus de force et
de vigueur quand les:| pertes passées ne les auroient pas rendus plus sages à
l’advenir. |:Que nous aurions en ce cas le Roy en estat de pouvoir
luy-mesme agir en personne:| ce qui n’est pas un advantage à priser peu
dans le royaume de France |:où la présence des roys fait d’ordinaire:| autant
d’effect qu’une grande armée.
Et si l’on peut parmy ces raisons publiques en ajouster une particulière qui
pourra faire force dans l’esprit des ministres de Suède c’est que monsieur
Oxenstiern a grande passion de retourner en Suède pour ses affaires
particulières:| et inclinera de bon coeur à prendre tout party |:qui peut
trancher court la négotiation.
Mais après tout si pour faire condescendre la couronne de Suède à une trêve
il estoit nécessaire dans la nouvelle alliance que nous establirions dans ce
rencontre avec elle de luy donner une assistance annuelle pour l’ayder au
maintien des troupes qu’elle seroit obligée d’entretenir durant la trêve et à
la conservation des places qu’elle a conquises, Sa Majesté s’y portera
volontiers et consentira à tout ce qui sera jugé raisonnable. Voilà ce qu’en
substance on croid à présent de pouvoir dire touchant la suspension affin
qu’on s’en serve au cas que l’on la mette sur le tapis et si lesditz sieurs
plénipotentiaires songent quelque chose de plus pour le service du Roy:| Sa
Majesté sera très aise de l’entendre.
Quant à ce que lesdictz sieurs plénipotentiaires ont désiré estre esclaircis
des sentimens du Roy sur la conduicte qu’ilz doibvent tenir |:au cas qu’ilz
puissent conclurre quelque accommodement avec l’Empire où les Espa-
gnolz ne fussent pas compris:| Sa Majesté ne leur peut dire autre chose si ce
n’est que son désir et sa passion seroit d’avoir paix s’il est possible avec tout
le monde et quand on y trouvera trop d’obstacles |:une trêve de mesme
généralle. Mais comme à ce qu’il paroist les Espagnolz sont esloignez de
vouloir entendre sincèrement ny à l’un ny à l’autre que d’ailleurs leur
intérest ne peut pas:| permettre qu’ilz voyent l’Empereur sortir d’affaires et
qu’ilz y demeurent seulz embarassez et qu’il y a grande apparence qu’ilz
prendront toutte résolution plustost que de le souffir. Il est de l’adresse
desdictz sieurs plénipotentiaires de conduire en sorte la négotiation |:que la
crainte que les Espagnolz auront de cet accord particulier les fasse mettre à
la raison pour le général. Cependant si l’opiniastreté desditz Espagnolz
estoit telle quelque résolution que prist l’Empereur et les princes de
l’Empire ilz persistassent à prétendre des conditions injustes et ne les
pouvans obtenir ilz voulussent continuer la guerre:|, Sa Majesté avant de
dire là-dessus précisément son intention sera bien aise d’avoir l’advis
desdictz sieurs plénipotentiaires sur la question proposée, bien entendu
tousjours qu’en quelque accord |:que l’on arreste avec l’Empire nous
eussions des seuretez suffisantes que les Espagnolz ne pussent proffiter ny
directement ny indirectement des forces d’Allemagne ny de quelques
autres assistances que l’Empereur essayast de leur donner secrètement:|.
Quant à la proposition qu’il faudra maintenant résoudre de bailler de
commun concert, Sa Majesté souhaitteroit bien qu’on pust se deffendre de
la donner par escrit pour les inconvéniens qui ont cy-devant esté marquez,
mais s’il est jugé absolument nécessaire encore pour cette fois touchant les
affaires d’Allemagne pour contenter les ministres de Suède Sa Majesté
trouvera bon tout ce que lesdictz sieurs plénipotentiaires résoudront sur les
lieux.
Ce qui fait peine à Sa Majesté c’est que comme ilz auront desjà veu en
d’autres dépesches il est aisé à cognoistre par la conduicte des ministres de
la couronne de Suède qu’elle songe sérieusement |:à se prévaloir de
l’occasion pour establir et augmenter la religion protestante et ilz s’en sont
assez ouvertement déclarez au voiage que monsieur d’Avaux a fait à
Osnaburg luy ayans voulu persuader qu’il falloit que les deux religions
fussent le contrepoidz dans l’Empire et à cet effet que le nombre des
eslecteurs fust my-party des uns et des autres et véritablement:| il y a suject
de croire que la proposition de remettre les affaires d’Allemagne comme en
1618 tend principalement à ce but-là.
|:Sur quoy il faut considérer qu’une proposition conceue de cette sorte dans
un temps où le duc de Bavières nous fait toutes les avances possibles et des
offres sans réserve pour s’attacher à cette couronne, ce que l’on ne doit pas
croire entièrement artificieux puisque son compte se trouve dans cette
conduitte non seulement mettra absolument ce prince au désépoir:| voyant
nostre première ouverture tendre à ruiner d’abord ses plus chers intérestz,
mais encore nous venons par là insensiblement à fortiffier |:la religion
protestante qui est le dessein des Suédois dont nous devons extrêmement
nous mesfier sur le point de la religion:| estant constant qu’au mesme
tempz qu’ilz travaillent sur les principes que l’on void en Allemagne ilz
n’oublient |:rien en Angleterre et ailleurs pour lier des intelligences et faire
union entre tous les hérétiques:|.
La confédération que la France a avec la couronne de Suède |:n’a pas esté
faitte pour des affaires de religion, mais purement d’Estat:| c’est-à-dire
pour empescher la maison d’Austriche de donner la loy à l’Europe à quoy
elle eust pu à la fin parvenir si on n’y eust apporté à temps les remèdes
convenables, c’est pourquoy l’intérest commun qui fust alors et celuy qui
sera dans la conclusion de la paix c’est de diminuer l’auctorité que
l’Empereur s’est usurpée en Allemagne et l’obligeant à rendre aux princes
et estatz de l’Empire les privilèges qu’il leur avoit ostez pour establir les
choses en sorte à l’advenir qu’un chacun jouisse des avantages qui luy
appartiennent sans que la maison d’Austriche puisse ou par ruse ou par
force les en priver, ce poinct est si délicat et donne tant d’inquiétude |:à la
piété de la Reyne et de son conseil:| qu’il mérite bien que lesdictz sieurs
plénipotentiaires y facent grande considération et qu’ilz observent bien
dans le progrez de la négotiation |:toutes les démarches et visées des
ministres de Suède en une affaire si importante pour pouvoir suivant les
occasions destourner adroitement:| ce qu’il ne seroit pas juste ny convena-
ble d’accorder et qui peut préjudicier à nostre réputation estant indubitable
qu’il seroit bien malséant que l’on pust dire en quelque temps que ce soit
que Sa Majesté songe |:si peu à l’avantage de la religion catholique qu’elle
se laisse aveuglément emporter par l’intérestz [!] de ses alliez et pour leur
complaire à l’avancement de la protestante:| à tel poinct qu’elle pust un
jour donner la loy aux autres.
Quelqu’un a cru que si pour le bien de noz affaires et pour entretenir une
parfaicte union avec la Suède nous estions obligez à faire la proposition
cy-dessus nous pourrions |:par quelque moien bien secret faire entrendre
soubz main au duc de Bavières qu’elle n’empeschera point qu’on ne luy face
cognoistre l’affection qu’on a pour ses intérestz et quand cella mesme
viendroit à estre sceu des ministres suédois ilz n’auront nulle occasion:| de
se plaindre que nous voulions mesnager l’esprit d’un prince dont les advis
et les résolutions seront de grand poidz dans le progrez de la négotiation,
d’autant plus qu’eux mesmes ont dit qu’il falloit se relascher des conditions
qui seront insérées dans ladicte proposition selon que les conjonctures le
requérront pour le mieux, dont il faut tirer encore d’eux un plus particulier
esclaircissement et parole avant que de s’y engager davantage affin qu’ilz ne
puissent prétendre après nous avoir fait faire ce pas de nous y tenir
inviolablement attachez. Ce qui donne peine c’est que comme autresfois
|:la France a eu grande part à la translation de la dignité électorale en la
personne du duc de Bavières et qu’elle y a beaucoup contribué on pourroit
trouver à redire si dans la plus grande prospérité de ses affaires elle
changeoit aujourd’huy de maxime pour plaire à ses alliez c’est pourquoy sur
le point de l’électorat on désire sçavoir l’avis desdictz sieurs plénipotenti-
aires , touttes raisons persuadans icy que ledit duc nous obligeant par sa
bonne conduitte et par des effetz qu’il peut donner dans la négotiation de la
paix à considérer ses intérestz on doit contribuer ce qui dépendra de nous à
luy conserver cette dignité. Le Palatin mesme semble assez persuadé que
l’électorat ne sortira point de la maison de Bavières puisqu’il est le premier
à se laisser entendre pour l’alternative et à donner ainsy jour luy-mesme à
quelque tempéramment:|.
On a estimé à propos de toucher touttes les considérations cy-dessus pour
faire cognoistre auxdictz sieurs plénipotentiaires avec quelle application et
quel zèle Sa Majesté pense |:à ce qui peut regarder la religion:|. Néant-
moins elle se remet à tout ce que ses plénipotentiaires résoudront sur les
lieux estant bien asseurée qu’estants bien informez de ses sentimens ilz
mesnageront et le solide et les apparences.
Sa Majesté ne parlera point icy du traittement de l’ambassadeur de Savoye,
croyant maintenant la chose achevée à sa satisfaction, suivant les ordres
qu’elle en a donnez, elle leur fera remarquer seulement que le marquis de
Saint Maurice soit pour estre ministre d’un prince attaché à cette couronne
et qui a si grande suject de se louer de la protection qu’elle luy a donnée
soit pour son affection particulière sera très capable de servir et advancer
les intérestz communs en beaucoup de choses, portant quelquesfois des
paroles qu’il ne seroit pas expédient de voir sortir de la bouche des
ministres du Roy.
Quant au discours que le sieur d’Estrades a fait en Hollande pour divertir
Messieurs les Estatz de s’engager en une nouvelle guerre contre Danne-
marck Sa Majesté en a fait dresser un mémoire à part qui fera sçavoir ses
sentimens au long auxdictz sieurs plénipotentiaires. Cependant il sera
peut-estre bien à propos qu’ilz en escrivent en Suède à la reyne et au
chancelier Oxenstern faisants cognoistre que l’on n’a aucunement songé à
rien de préjudiciable contre eux, mais seulement d’obliger les Hollandois à
de grandz effortz contre l’Espagne qui ne fit jamais tant de préparatifz que
cette année pour la guerre de Flandres, en quoy les Suédois ont le mesme
intérest que nous et que pour faire l’un ilz n’obmissent pas |:l’autre ainsy
qu’il est arrivé depuis avec satisfaction de la France et de la Suède, ilz en
informeront aussy le sieur de Rorté que l’on croid à présent bien près de sa
résidence:|.
Les raisons qu’ont estendu si au long lesdictz sieurs plénipotentiaires pour
justiffier leur forme de traitter avec l’evesque d’Osnabruk ne semblent pas à
Sa Majesté si concluantes qu’il n’y en ayt beaucoup de bonnes à dire au
contraire, mais sur ce poinct on se remet à ce qu’en a entendu le sieur de
Saint Romain.
Il reste à parler de Rome et de la conduicte du pape en laquelle on
recognoist tous les jours plus évidemment que le partage qu’il fait de son
affection et de ses grâces aux deux couronnes c’est qu’il nous donne de
belle paroles et à noz ennemis de bons effectz. Le Roy prenant confiance
autant qu’on le debvoit aux assurances données par une personne consti-
tuée dans une si haute dignité qu’est aujourd’huy Sa Sainteté non seulement
de sa bonne volonté envers cette couronne mais qu’elle s’en ravie d’avoir
occasion d’en donner des preuves solides Sa Majesté prit résolution,
nonobstant ce qui s’estoit passé dans le conclave et les attachemens que Sa
Sainteté avoit eus avec l’Espagne dans les employs et charges qu’il avoit
autresfois possédées, d’y correspondre sincèrement de son costé et Sa
Majesté n’a rien oublié dans l’envoy du sieur de Grémonville pour gaigner
sa bienveillance luy faisant cognoistre la passion qu’elle avoit pour le bien
du Saint-Siège, pour la gloire particulière de la personne de Sa Sainteté et
pour les advantages de sa maison et en paroles et en effectz. Cependant non
seulement Sa Sainteté jusqu’icy n’a accordé aucune des choses dont on luy a
fait instance de la part du Roy en quelque justice qu’elles soient fondées
comme touchant l’archevesque de Trèves, la réception de l’ambassadeur de
Portugal, la collation des bénéfices de Catalongne et plusieurs autres, |:mais
quelques jours après l’arrivée du sieur de Grémonville Sa Sainteté avec
estonnement de tout Rome a fait une motion entièrement espagnolle , qui
est le plus grand préjudice qu’un Pape puisse faire à cette couronne et
auquel il faut aprez des siècles pour pouvoir remédier. D’autant que la
faction contraire croissant de puissance et d’authorité peut non seulement
s’asseurer dans les conclaves l’exclusion des sujetz qui ne leur sont pas
agréables, mais se rendre maistres avec le temps de porter au pontificat
ceux qui leur sont les plus attachez et confidentz qui est un moyen pour
tenir tout le monde dans leur party. On murmure fort dans tout ce royaume
de la partialité manifeste que tesmoigne Sa Sainteté à noz ennemis. La
Reyne:| cependant a la satisfaction en son âme de n’avoir rien obmis pour
mettre Sadicte Sainteté dans son tort au cas qu’elle continue cette conduitte
et qu’elle face si peu de cas de la gloire d’estre tenu d’un chacun pour père
commun, il ne sera pas mal à propos que lesdictz sieurs plénipotentiaires
prennent occasion dans quelque conférence avec monseigneur Ghisi de luy
faire remarquer à quel poinct est la bonté de la Reyne qui poursuit encore
|:à se contenter de la médiation de Sa Sainteté c’est-à-dire de luy confier les
plus chers et plus importans intérestz qu’elle puisse jamais avoir non-
obstant l’inclination qui ne se void que trop visible en luy d’obliger noz
ennemis à noz despens:|. Ilz pourront adroictement luy faire appréhender
que si les choses continuent de mesme elle sera obligée de régler sa
conduicte sur celle de Sa Sainteté et d’y prendre quelque résolution quand
il n’y auroit d’autre motif |:que pour n’encourir pas le reproche que toute la
France luy pourroit faire d’avoir consenty imprudemment dans la négo-
tiation de la paix à l’entremise d’une personne si portée pour noz ennemis
et si esloignée de favoriser cette couronne:|.
Monsieur de Longueville ayant prez de luy une personne fort capable dont
tout le monde dit beaucoup de bien et qui l’a desjà accompagné en son
voyage d’Allemagne le sieur Brasset pourra à son arrivée luy laisser sa place
de secrétaire de l’ambassade et s’en retourner en Holande continuer son
service suivant les instances qu’il en a faictes à Sa Majesté.
Le sieur de Grémonville n’aura pas manqué de donner avis auxdictz sieurs
plénipotentiaires de ce que le pape avoit respondu aux instances qu’il avoit
faictes à Sa Sainteté touchant la liberté de l’archevesque de Trèves.
L’intention qu’il luy a donnée de vouloir meurir cette affaire doibt faire
espérer comme il ne s’engage pas sans doubte sans sçavoir le sentiment des
Impériaux |:qu’ilz ne s’esloigneront pas de le laisser aller en quelque ville
neutre ou sans acquérir une entière liberté au cas que l’on ne pust conclurre
aucun accord il en eust néantmoins assez:| pour donner sans contraincte les
ordres qu’il voudroit à ses ministres qui assisteront à l’assemblée dont il
semble icy qu’il soit juste de nous contenter.
Quant au traittement des ambassadeurs de Portugal Sa Majesté souhaitte-
roit bien qu’il se pust trouver quelque expédient de leur donner satisfaction
|:sans leur faire coure aucune fortune ce qui rejalliroit sur nous qui sommes
obligez d’honneur à les soustenir. Il est certain que le roy leur maistre les
déclarant ambassadeurs puisque Sa Majesté traitte avec luy et avec ses
ministres en la sorte qu’elle fait lesditz sieurs plénipotentiaires ne pour-
roient pas refuser d’en user de mesme en leur endroit:| mais on doibt
essayer de les rendre capables qu’ilz ne le doibvent pas eux-mesmes
souhaitter pour les inconvéniens qu’il y a lieu d’appréhender, aussy bien
pour l’autre raison que ce seroit manquer |:à la foy que lesditz sieurs
plénipotentiaires ont donnée en leur passage de n’avoir avec eux que de
leurs domestiques. Elle n’est de nulle force et il seroit fort aisé d’en sortir en
disant que le roy leur maistre depuis leur arrivée leur a donné cette
qualité:|. Il faudroit voir si en vertu du pouvoir concerté et résolu avec les
Espagnolz qu’ilz mettront peut-estre bientost au jour suivant l’ordre secret
qu’ilz ont d’Espagne de le faire quand le premier ne pourra estre admis, il y
auroit moyen |:d’establir dans l’assemblée les ministres de Portugal en la
qualité que leur a donné leur maistre puisque les Espagnolz sont obligez de
traitter avec tous noz alliez et adhérens.
Puisqu’une des raisons qui porte les ministres de Suède à vouloir traitter par
escrit est qu’ilz n’ont point de médiateur il semble qu’il faudroit songer de
bonne sorte à faire que monsieur Contarini ou quelqu’un de sa part à leur
satisfaction s’entremist et prist le soin de la négotiation d’Osnaburg:|.
Il sera peut-estre bien à propos dans la première entreveue avec les
ministres de Suède de tesmoigner à monsieur Oxestern l’estime que l’on
fait icy de son mérite et la disposition où est Sa Majesté de le favoriser en
touttes rencontres et mesme s’il le juge à propos |:de s’intéresser en Suède
pour les desseins qu’il peut y avoir touchant son establissement:| en quoy
Sa Majesté auroit une singulière satisfaction tant pour la vertu du filz que
pour recognoistre en sa personne la conduicte envers cette couronne de
monsieur le chancelier son père qui a tant mérité de la cause commune. Sa
Majesté mesme inclineroit de bon coeur s’il est estimé à propos par lesdictz
sieurs plénipotentiaires de tesmoigner sa bonne volonté |:audit sieur baron
Oxenstiern et à monsieur Salvius par quelque présent qu’elle leur pourroit
envoyer sur quoy Saditte Majesté désire d’avoir leur avis:|.