Acta Pacis Westphlicae II B 1 : Die französischen Korrespondenzen, Band 1: 1644 / Ursula Irsigler unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy
43. d’Avaux und Servien an Rorté Münster 1644 April 15
Münster 1644 April 15
Ausfertigung: BN F. fr. 15.935 fol. 480–485’ = Druckvorlage; Eingang nach nr. 55: 1644
April 15. Konzept [ Serviens, z. T. eigenhändig]: AE , CP All. 31 fol. 515–518’. Kopie: AE ,
CP All. 26 fol. 381–386.
Eingang von nr. 28 und nr. 40. Weisung für eine Konferenz mit Langermann: Zurückweisung des
Verdachts, Frankreich habe von den schwedischen Angriffsplänen auf Dänemark gewußt; dänische
Friedensbedingungen; Affaire d’Avaugour; französische Vermittlung im schwedisch-dänischen wie
im italienischen Krieg. Weisung für ein Gespräch mit Oxenstierna und Salvius: Französische
Vermittlung im schwedisch-dänischen Krieg; summarischer Bericht über die Gespräche mit Langer-
mann; Zeit, Form und Ort für französische-schwedische Konferenzen. Berichte aus Wien über ein
dänisches Hilfegesuch an den Kaiser und ein Verhandlungsangebot Rákóczys.
Comme nous mettions la main à la plume pour faire responce à vostre lettre
du 6 e de ce mois, celle du 11 e nous a esté rendue qui nous oblige de vous
dire par celle cy noz sentimens sur l’une et sur l’aultre. La première est sur
la visite que vous a faicte le Sieur Langermain, et s’il vous eust pleu de veoir
une longue lettre que nous escrivismes il y a quelque temps , vous luy auriez
bien peu oster tous ses doubtes et luy faire comprendre par bonnes raisons
que la France n’a eu aulcune part en la déliberation de la guerre que la
Couronne de Suède faict à présent au Roy de Dannemarck. Il ne fault que
veoir l’estat des affaires généralles, considérer les intérestz du Roy et se
souvenir de la conduicte de Sa Majesté et de celle de ses ministres depuis
l’ouverture de cette nouvelle guerre pour cognoistre que nous en avons un
très grand desplaisir, et que nous souhaitterions de tout nostre cœur que la
Couronne de Suède n’eust point creu d’avoir aubjet de rompre avec le Roy
de Dannemarck. Nous ne sommes pas d’humeur de blasmer nos amis et
alliéz ny de censurer leurs actions, mais les soins qu’on a voulu prendre
d’accommoder ce différend dès sa naissance faict veoir assez clairement
combien l’on eust désiré en France qu’il n’eust jamais commencé. Quand il
plaira au Roy de Dannemarck d’appaiser un peu les premiers mouvemens
de son ressentiment, il jugera peult estre que ceux qui veullent tascher par
un bon accommodement d’esloigner promptement de son pays les armes
qu’il appelle aujourd’huy ennemies, luy tesmoignent une plus véritable
amitié que ceux qui en l’eschauffant et faisant semblant de le vouloir assister,
n’ont aultre but que de perpétuer la guerre dans ses Estatz pour l’esloigner
des leurs et allumer un feu entre les Princes protestans que la raison ne puisse
de longtemps esteindre. Nous vous prions de faire si bien comprendre cela
audict Sieur Langermain qu’en estant persuadé il le puisse faire comprendre
à son maistre.
Quant à ce qu’il vous a dict qu’avant qu’entrer en accommodement il fault
que les Suédois retirent premièrement leurs troupes de tous les lieux qu’ilz
ont occupéz de l’obéissance de son Roy, ceux qui sçavent comme les affaires
de cette nature ont accoustumé d’estre traictées ne jugeront pas que ce soit
une condition dont on puisse convenir avant qu’entrer en aulcune négotia-
tion. Elle pourra peult estre bien estre la première qui sera mise sus le tappis,
mais dans l’incertitude sy l’accommodement réussira ou non, les Suédois
qui ont creu avoir subjet de faire ce qu’ilz ont faict (ce que toutesfois nous
n’examinons pas) ne demeureront jamais d’accord de se retirer, parce que
ce seroit faire une espèce de satisfaction avant l’accord et réparer en quelque
sorte comme s’ilz passoient condemnation ce qu’ilz soustiennent d’avoir peu
et deu entreprendre avec raison. L’on ne peult à présent et on ne pourra
jamais à l’avenir traicter cette affaire qu’en l’estat où elle se treuve, personne
ne peult plus faire qu’il n’y ayt une guerre ouverte et très dangereuse entre
ces deux Couronnes. S’il fault donc penser aux moyens de la faire cesser,
il le fault faire par la mesme voye qu’on a praticqué de tout temps en
semblables rencontres sans exiger préallablement et avant qu’entrer en
traicté des conditions que l’on sçait bien que l’honneur, la raison ny la
coustume ne permettent pas d’accorder. Nous jugeons bien que le grand
cœur du Roy de Dannemarck luy faict encor ouïr avec peine toutes les
propositions qu’on luy faict de s’accommoder avec des ennemis desquelz il
croid avoir esté maltraicté, mais oultre que les diverses preuves d’un grand
courage et d’une rare valleur qu’il a données en tant de lieux ne l’obligent
pas à s’arrester sy fort à ces apparences d’honneur que devroit peult estre
faire un jeune Prince qui ne se seroit point encor signallé comme luy dans
le mettier de la guerre, les plus sages politicques ont tousjours creu qu’un
Souverain treuve de l’honneur là où il treuve son advantage et son utilité,
pourveu qu’il ne les cherche point par mauvaises voyes.
Pour la plainte que ledict Sieur Langermain vous a faicte de Monsieur
d’Avaugour, s’il le cognoissoit comme nous faisons et vous aussy, il ne
tireroit aucune conséquence de sa conduicte. Vous luy pouvez représenter
que c’est un gentilhomme qui sent beaucoup plus le soldat que l’homme
d’affaires, qu’encor qu’il soit de la part du Roy près de Monsieur Torstenson,
il y a treuvé cy devant sy peu de subjet de s’occuper dans la négotiation qu’il
a voulu prendre employ dans l’armée suédoise et peult estre mesme sans en
avoir demandé la permission à Sa Majesté. Que sy ladicte permission luy a
esté accordée, ce que nous ne sçavons pas bien, ce ne peult avoir esté qu’en
un temps où l’on ne croyoit pas que la Couronne de Suède eust rien à des-
mesler avec le Roy de Dannemarck et où l’on ne pensoit pas qu’elle eust
d’aultres ennemis que la Maison d’Austriche contre laquelle seulement nous
sommes alliéz avec elle. Sy donc ledict Sieur d’Avaugour comme officier de
l’armée a suivy son général et pris quartier par ses ordres et s’est resjouy
peult estre un peu inconsidérément de ses progrès, on peult veoir clairement
qu’il a plustost agy en colonel suédois qu’en qualité de ministre de France.
Et de faict sy on remarque la datte de sa lettre qui a esté interceptée, on ne
treuvera pas qu’il ayt peu avoir en ce temps là les ordres du Roy sur ce subjet,
et le procédé de tous les aultres ministres de Sa Majesté qui sont mieux
informéz que ledict Sieur d’Avaugour des intérestz et des intentions de Sa
Majesté et qui ont tous esté dans des sentimens entièrement contraires à
ceux dudict Sieur d’Avaugour, a monstré clairement qu’on avoit très grand
desplaisir en France et non pas de la joye de cette nouvelle guerre. Il ne vous
sera pas malaisé par ces raisons de détromper ledict Sieur Langermain, affin
qu’il oste aussy à son maistre les mauvaises impressions qu’il pourroit avoir
prises et qu’il le prépare tant pour son repos particulier que pour celuy de
ses subjetz d’entendre à un bon accommodement par l’entremise du Roy
qui a desjà destiné et mesme faict partir un Ambassadeur pour l’entreprendre.
Vous luy pourrez dire à ce propos qu’il est vray que nous avons une alliance
avec la Suède qui nous est fort chère et que nous voulons constamment
observer, mais que comme elle n’a eu jusques icy pour but que la guerre
d’Allemagne, elle n’empeschera pas Sa Majesté d’employer son entremise
pour accommoder ce nouveau différend qui n’a rien de commun avec l’aultre,
qu’on ne doibt pas craindre qu’elle ne s’y porte avec toute sorte de syncérité
pour en venir à bout, ayant tant d’intérest et de désir que cette division soit
promptement appaisée, et que le Roy de Dannemarck doibt estre persuadé
de cette vérité par l’exemple de ce qui s’est passé tout fraischement en Italie
où la paix a esté faicte entre le Pape et le Duc de Parme assisté des aultres
Princes confédéréz avec luy par la médiation de Sa Majesté laquelle n’a
pas esté refusée par Sa Saincteté, quoyque le Duc de Parme soit estroictement
allié de la France et ligué avec elle contre l’Espagne. Les ministres de Sa
Majesté s’y sont conduictz avec tant de droicture et de syncérité que toutes
les parties en sont demeurées esgallement satisfaictes et tesmoignent d’estre
esgallement obligées à Sa Majesté du grand bien qu’elle leur a procuré.
Vous ne debvez pas doubter de la nouvelle, puisqu’hyer l’on eut advis que
la paix a esté signée de tous les intéresséz. Nous nous sommes un peu esten-
duz sur cette matière parce que Monsieur de La Thuillerie est sur le poinct
de s’advancer vers les frontières de Dannemarck et de Suède pour cette
négotiation à laquelle, sy vous persuadez les ministres de Dannemarck en
sorte qu’ilz disposent leurs maistres d’y entendre puisqu’elle n’est entreprise
que pour son bien, vous rendrez un signallé service à Sa Majesté.
Il ne fault pas oublier de donner part en mesme temps à Messieurs les
Ambassadeurs suédois de l’employ de Monsieur de La Thuillerie et leur
faire entendre que le Roy n’a pris la résolution de l’envoyer qu’après avoir
entendu que la Couronne de Suède l’auroit bien agréable suivant les discours
que vous en avez eu [s] cy devant avec Monsieur Salvius, affin qu’ilz com-
prennent que c’est un bon office qu’on leur veult rendre et que mesme on s’y
est engagé sur ce qu’ilz ont tesmoigné de l’aggréer, qu’aussy leur sera-t-il
plus advantageux que cette médiation soit entre les mains d’un Roy allié et
qui affectionne leurs intérestz que sy elle estoit entreprise par quelqu’aultre
qui n’auroit pas la mesme affection.
Il leur fauldra ensuite donner part en termes généraux des discours qu’on
aura euz avec ledict Sieur Langermain pour disposer son maistre à l’accom-
modement sans y adjouster toutesfois les particularitéz qui ne seront pas
nécessaires et qui pourroient plustost aigrir les espritz que faciliter les
affaires.
Après cela, vous leur tesmoignerez s’il vous plaist le désir que nous avons
de les veoir pour conférer avec eux des moyens d’entrer dans la négotiation
de la paix généralle, que depuis nostre arivée le temps n’a esté employé
qu’aux complimens qui ont esté faictz de part et d’aultre à Munster en la
mesme forme qu’à Oznabruck suivant les résolutions qui en avoient esté
prises auparavant par le soin des Médiateurs. Qu’à présent les Espagnolz
pressent plus que les Impériaux d’entrer en matière. Les uns et les aultres
ont desjà offert communication de leurs pouvoirs et demandé de veoir les
nostres. Que pour cela qui est encor une espèce de préliminaire, nous
pourrons bien nous y disposer affin de veoir s’il y a seureté d’entrer en
traicté avec eux et s’ilz procèdent aussy sincèrement que nous qui sommes
muniz d’un pouvoir très ample et en bonne forme, mais qu’avant que passer
dans aulcune proposition, nous sommes résoluz de nous abboucher avec
Messieurs les Ambassadeurs de Suède. Nous vous prions pour cet effect
d’en résouldre avec eux le temps, la forme et le lieu. Pour le temps, nous le
remettons à leur discrétion pourveu que nous soyons advertiz deux jours
auparavant de celuy qui aura esté choisy pour l’entreveue, seulement dirons
nous que le plus tost sera le meilleur. Pour la forme, nous approuvons
extrêmement la proposition de Monsieur le Baron Oxenstern et la jugeons
digne de sa prudence, de ne mener avec nous que le moins de personnes
qu’il se pourra affin de s’accommoder à la nécessité du lieu où nous serons
contrainctz de nous veoir. Que nous avions desjà résolu entre nous de ne
mener qu’un gentilhomme, deux valletz de chambre et [ Lücke] estaffier
pour chacun de nous et oultre cela un secrétaire, un cuisinier, un sommelier,
un cocher et un postillon en commun, comme nous ne faisons estat de mener
qu’un seul carrosse. Sy ces Messieurs veullent quelque chose de plus ou de
moins, vous prendrez la peine de nous le faire sçavoir et vous leur direz
qu’ilz nous y treuveront disposéz.
Quant au lieu, nous avons faict soigneusement visiter de nostre costé,
comme nous avons appris qu’ilz ont faict du leur, tous ceux qui sont sur le
chemin d’icy à Oznabruck. Ladeberg seroit plus justement au milieu, mais
il est sy ruyné que sans y bastir de nouveau il ne seroit pas possible d’y
loger, principallement sy la longueur de noz conférences nous oblige quel-
ques fois d’y coucher comme il y a subjet de le craindre. Harcotten duquel
vous parlez n’est pas beaucoup plus commode et il y auroit peine d’y loger,
et nous avons appris qu’on y seroit comme dans une espèce de prison. Mais
il y a un cloistre qui s’appelle Vinemberg qui est un peu plus en deçà et
aussy a mi chemin qu’on nous asseure qui est fort propre pour nous loger
tous commodement. Il semble que c’est le seul lieu où l’on peult aller. Il y a
de fort beaux promenoirs et se treuve à quatre grandes heures et demye d’icy
et à pareille distance. Nous vous pouvons asseurer sincèrement que c’est
aultant pour la commodité et santé de Messieurs les Ambassadeurs de Suède
que pour la nostre, que s’il y alloit peult estre d’une demye heure de chemin
de différence, cela ne mériteroit pas qu’on s’allast incommoder en un aultre
lieu, et puis sy l’on y regardoit de sy près, Harcotten quoyqu’incommode
est bien plus près d’Oznabrucg que d’icy comme la carte le faict veoir
clairement. Les religieuses offrent de bon cœur de nous y recevoir et de
fournir toutes les commoditéz pour le logement qui seront en leur pouvoir.
Il ne reste qu’à régler la forme des complimens lorsque nous serons tous sur
le lieu. Il sera bon d’escouter ce que proposeront ces Messieurs sur ce subjet
et leur tesmoigner qu’en ces matières nous y regardons de près avec les
Espagnolz, mais qu’avec noz amis et alliéz comme eux nous sommes bien
aises que les choses se passent amicablement et sans punctiller en aulcune
façon. C’est pourquoy nous consentirons volontiers que les conférences se
fassent tantost chez eux tantost chez nous en cas qu’ilz ne voulussent pas
nous laisser dans un lieu tiers le costé droict de la table et eux prendre la
gaulche. Il fault incister aultant que vous pourrez sur cet expédient lequel
nous ne croyons pas que ces Messieurs puissent refuser puisqu’il en fut usé
de mesme à Vervins
qui prétendent l’esgalité avec nous et que nous estimons de nous accorder
à leur désir en ne demandant pas les deux premières places de chasque costé
de la table.
Sy l’on prend l’expédient de nous veoir alternativement dans nos maisons,
il fauldra encor régler qui commencera. Nous croyons bien qu’ilz ne feront
pas scrupule de commencer au moins la première fois et puis les visites se
continueront alternativement, c’est à dire à la mesme conférence nous leur
rendrons la visite et à la suivante nous la commencerons et la recevrons
d’eulx. Nous vous prions instamment de faire effort que la chose passe de
la sorte; sy toutes fois vous voyez que cela deust causer quelque mauvaise
intelligence, il fauldra escouter quel aultre expédient ilz jugeront plus propre
et nous le faire sçavoir en diligence.
Nous estimons vous debvoir dire que les dernières lettres de Vienne qui
sont escriptes d’assez bon lieu portent qu’un envoyé de Dannemarck y
pressoit le secours de l’Empereur et promettoit avec cela non seulement de
chasser les Suédois de son pays, mais de ne s’accommoder point avec eux
qu’ilz ne fussent hors de l’Allemagne. Elles marquent encor qu’un député
du Prince de Transsilvanie y estoit arivé avec des propositions d’accom-
modement. Vous en pourrez faire part à Messieurs les Ambassadeurs de
Suède pour sçavoir s’ilz ont les mesmes advis. L’accommodement du
Ragotzki seroit plus préjudiciable en cette saison que les menaces du Roy
de Dannemarck, qui parle encor comme un Prince qui est en colère et qui
croid d’avoir esté offencé, mais pour l’aultre il semble qu’il y a beau subjet
de luy faire comprendre qu’un traicté particulier ne luy sçauroit estre sy
honorable ny sy seur que d’estre compris dans le général pour lequel nous
sommes assembléz et où sans doubte son intervention servira beaucoup pour
rendre la paix plus durable.