Acta Pacis Westphlicae II B 1 : Die französischen Korrespondenzen, Band 1: 1644 / Ursula Irsigler unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy
343. Servien an Brienne Münster 1644 Dezember 31
Münster 1644 Dezember 31
Kopie: AE , CP All. 38 fol. 389–398’ = Druckvorlage = Beilage 3 zu nr. 344. Konzept: AE ,
CP All. 31 fol. 465–473 und 477–477’.
Ausbleiben der Post. Überraschende Ankunft Oxenstiernas. Konferenz mit den Mediatoren: Be-
schwerden über die französische Proposition; Admission und Abwarten der Reichsstände. Konfe-
renzen mit Oxenstierna: Einbehaltung der Eroberungen, Pommern, Breisach, Elsaß, Benfeld;
schwedische Vorschläge für eine weitere Proposition nach Eintreffen der reichsständischen Deputier-
ten ; Friedenssicherung. Bekanntgabe der Forderungen erst nach Eintreffen der reichsständischen
Deputierten. Erneuter Vorschlag einer Scheinerklärung; deren Vorteile; Standpunkt der Schweden.
Stellenwert der Reichsstände bei der Wahrnehmung der französischen Interessen. Wunsch der
Schweden, die Verhandlungen in Münster zusammenzuziehen. Auseinandersetzung mit d’Avaux.
Nachrichten aus Köln.
Kein Eingang mit der letzten Post; wir erwarten daher einen Sonderkurier. Depuis
nos dernières despesches nous avons eu deux conférences assez importantes,
l’une avec Messieurs les Médiateurs, l’aultre avec Monsieur le Baron Oxen-
stiern , lequel par sa venue inespérée – puisque c’estoit encor à nous à leur
rendre la visite que Monsieur Salvius nous avoit faicte en dernier lieu – a
terminé la difficulté qui pouvoit estre sur le voyage d’Oznabruc entre
Monsieur d’Avaux et moy, croyant bien que maintenant il auroit moins de
raison qu’auparavant de refuser d’y aler à son tour.
La conférence de Messieurs les Médiateurs
et en reproches qu’ilz nous ont faitz de la part de noz parties. Quoyqu’elles
n’ayent contenu que les mesmes choses qu’ilz nous avoient cy devant faict
sçavoir, ilz nous en ont parlé cette fois avec beaucoup plus de vigueur et
de fermeté que les précédentes et y ont souvent meslé leur intérest particulier
en nous voulant faire comprendre que les Impériaux et Espagnolz se pre-
noient à eux de la surprise qu’ilz disent que nous leur avons faicte par nostre
proposition, dans laquelle ilz veullent faire croire d’avoir esté mespriséz et
affrontéz.
Lesdictz Sieurs Médiateurs, pour n’oublier aulcune des plaintes et des raisons
de nos parties, en avoient faict un extraict qu’ilz nous ont voulu lire, dont
nous avons esté d’aultant plus surpris qu’il y avoit en beaucoup d’endroitz
des termes peu concertez et que l’on peust appeler insolens, comme s’il leur
estoit permis de mettre par escript que nous avons manqué à nostre parolle
et que nous n’avons pas faict les actions que l’on pouvoit attendre de per-
sonnes d’honneur. Nous n’eussions pas treuvé cela sy estrange si ces parolles
désobligentes fussent venues immédiatement de noz parties. Mais nous
avons eu un peu de subject de nous scandaliser de ce que Messieurs les
Médiateurs se sont vouluz charger de nous les faire entendre. Néantmoins,
nous nous sommes contentéz de leur dire fort civilement que nous voulions
estre plus modestes et plus respectueux en leur endroict que n’avoient esté
nos parties, et que nous n’avions garde de les rendre porteurs de la responce
que méritoient de semblables parolles, laquelle nous sçaurions bien faire
sçavoir ailleurs et la publier quand il seroit temps et qu’on nous y obligeroit.
Qu’on n’avoit pas accoustumé de traicter des affaires de telle importance
par des invectives, mais qu’il y avoit longtemps qu’on s’estoit apperceu que
le pouvoir de ceux qui estoient icy de la part de l’Empereur et du Roy
Catholique s’estendoit plustost à faire des déclamations et des libelles qu’à
conclure un bon traicté de paix.
Enfin, Monsieur, toutte la conférence a abouty à soustenir de nostre costé
que nostre proposition est plus raisonnable et plus effective que celle des
ennemys, et eux à nous vouloir persuader le contraire et que ce que nous
avions demandé estoit encor une espèce de préliminaire. Ilz n’ont rien oublié
pour nous disposer à adjouster une aultre proposition qui peust en quelque
sorte appaiser noz parties. Ilz y ont mesme un peu meslé parfois de leur
intérest particulier en nous représentant que cela les garentiroit, eux Média-
teurs , des attacques qu’on leur donnoit qu’ilz avoient contribué à faire
recevoir ce préjudice et cet affront aux Impériaux et Espagnolz. Qu’ilz
estoient obligéz de nous advertir avec franchise qu’il seroit malaisé désormais
qu’ilz peussent conserver l’oppinion qu’ilz avoient eue jusques icy et qu’ilz
avoient tasché de donner au monde que nous voulions sincèrement la paix,
puisqu’au lieu d’en advancer la négotiation, nos propositions ne tendoient
qu’à y apporter des obstacles sans fin et sans remède.
Nous n’avons pas manqué de leur faire comprendre par le discours de tout
ce qui s’est passé depuis nostre arrivée en ce lieu, que touttes les difficultéz
et retardementz estoient venuz de nos parties et non pas de nous, puis-
qu ’aprèz nous avoir tenuz cinq mois sans entrer en aulcune conférence pour
le respect du Roy de Dannemark, ilz avoient faict et faisoient encor tout leur
possible pour empescher que les desputtéz des Princes et Estatz de l’Empire
se rendissent icy, quoyqu’ilz sceussent bien que l’Empereur n’avoit pas
l’authorité tout seul de décider des intérestz de l’Empire. Que lesdictz
Princes et Estatz y eussent le mesme droict que luy et que nous eussions
déclaré de ne pouvoir traicter sans cela, veu mesme que les deux derniers
traittéz desquelz nos parties se veullent servir contre nous qui sont celuy
de Ratisbonne et celuy de Prague, le premier a esté faict dans une diètte,
et dans l’aultre il est expressément porté au pénultiesme article qu’il n’ appar-
tient pas à l’Empereur de faire aulcun traicté de paix que dans une assemblée
des Princes et Estatz de l’Empire. Que nous ne demandions en cela rien de
nouveau qui ne fust conforme aux coustumes et constitutions de l’Empire
et que par conséquent, ayant faict de nostre part par plusieurs lettres et
offices touttes les diligences possibles, nous laissions au jugement du monde
de prononcer qui estoit coulpable du retardement de la paix, ou ceux qui
n’avoient rien oublié pour convocquer les personnes qui ont droict d’y
assister et de la conclure, ou ceux qui ont employé les artifices et les menaces
pour les empescher de venir.
Là dessus lesdictz Sieurs Médiateurs nous ont demandé, comme ilz avoient
desjà faict cy devant, si nous prétendions de contraindre les Princes et
Estatz de l’Empire de venir ou envoyer icy en cas qu’ilz ne le voulussent
pas. Que c’estoit entreprendre une chose impossible que de les vouloir tous
faire venir, et qu’en tout cas, la raison vouloit que nous prissions quelque
temps limité pour traicter d’affaires, si lesdictz Princes et Estatz percistoient
à ne venir ou à n’envoyer pas icy aprèz les diverses semonces que nous leur
en avons faictes.
Nous avons respondu à la première demande que nous ne prétendions de
contraindre personne n’en ayans pas le pouvoir, ny mesmes de faire aulcun
préjudice à la dignité de l’Empereur en demandant qu’il soit assisté de ceux
sans le suffrage desquelz il n’a pas droict de résouldre les affaires de la paix
et de la guerre. Mais que nous avions grand subject de nous plaindre que
l’Empereur au lieu de faciliter la venue de ceux qui doibvent assister à cette
assemblée pour la rendre légitime de son costé, n’oubliast rien pour les
empescher d’y venir. Que tant s’en fault qu’il fust besoing d’user de con-
traincte pour les y faire venir, la pluspart nous avoient tesmoigné par leurs
responces qu’ilz avoient très grande impatience de s’y rendre et qu’ilz se
mettroient en chemin au premier jour.
Quand au nombre des desputéz, nous avons déclaré que quand il y en auroit
icy un nombre suffisant pour concerter avec eux les moyens de restablir
l’ancien ordre de l’Empire, nous croyons bien qu’on pourroit entrer en
matière sans estre obligéz d’attendre tous les aultres, mais qu’on ne pouvoit
pas les accuser ny les uns ny les aultres d’estre encor en demeure, puis-
qu ’ayans tousjours sceu qu’il ne se faisoit rien à Munster ny à Oznabrug,
ilz n’avoient point esté obligéz de se mettre en voyage que jusques à ce
qu’ilz ont eu cognoissance de nos dernières conventions. Que pour cet
effect, nous leur en avons donné advis et attendions leurs responces. Mais
que sy les Impériaux vouloient agir de bonne foy comme nous, il fauldroit
qu’ilz fissent les mesmes offices de leur costé, ou du moins qu’ilz donnassent
une déclaration de la part de leur maistre qu’ilz n’empeschent point que les-
dictz Princes et Estatz ne puissent venir.
Que pour le délay dont ilz nous parloient, nous jugions bien que le terme
pour les attendre ne debvoit pas estre infiny, mais qu’aussy il n’estoit pas
juste de nous presser avant que nous eussions receu la responce aux dernières
lettres que nous avions escrittes qui estoient les seulles qui avoient peu
effectivement les convier de venir, puisque touttes les aultres les avoient
bien invitéz de nostre part, mais en un temps où ilz aprenoient d’ailleurs
qu’on ne traictoit point et où l’Empereur employoit son authorité pour les
intimider et pour leur imputter à crime seulement d’avoir receu noz
lettres.
Nous avons esté obligéz de faire remarquer en cet endroict auxdictz Sieurs
Médiateurs que comme nos intentions sont droictes et sincères et portées
à faire une paix légitime et universelle, nous ne pouvions rien faire que de
l’adveu de noz confédéréz et aprèz en avoir meurement délibéré avec eux,
au lieu que noz parties qui ne visent qu’à nous divertir et à faire des traictéz
particuliers nous pressent tantost icy, tantost à Oznabrug pour nous engager
à faire icy ou là quelque demande qui nous désunisse. Mais que comme
touttes leurs pensées ne tendent qu’à nous faire donner dans cet escueil,
touttes les nostres ne sont qu’à nous en garentir, avec cette différence pour-
tant que la leur est malicieuse aultant que la nostre est juste et raisonnable.
La résolution finalle de cette conférence a esté que nous donnerions advis
aux Ambassadeurs de Suède de tout ce que lesdictz Sieurs Médiateurs nous
avoient remontré, et qu’aprèz avoir sceu leur advis dans cinq ou six jours,
nous leur ferions responce. Il s’est rencontré heureusement que pour en
abréger le temps et nous en faciliter les moyens, Monsieur le Baron Oxen-
stiern se rendist icy le lendemain, faisant semblant que la curiosité de veoir
les cérémonies de la feste l’y avoit faict venir, quoyque la suitte nous ayt
faict cognoistre assez clairement qu’il avoit en effect intention de traicter
avec nous sur tout ce qui se passoit icy et à Oznabrug et ne laisser pas plus
longtemps à son collègue l’advantage de résouldre seul avec nous les affaires
publicques.
Nous avons eu diverses conférences avec luy
Vgl. dazu Oxenstierna und Salvius an Königin Christine, Osnabrück 1645 Januar 3113, Druck:
APW [ II C 1 nr. 265 S. 446–451. ]
première visite que nous luy avons faicte conjoinctement, que dans celles
qu’il a rendues à chacun de nous séparément. Je vous puis asseurer, Mon-
sieur , que selon ce que j’ay peu receuillir des discours que nous avons tenuz
ensemble, les desseins de la Couronne de Suède pour la négotiation de la
paix sont à peu prèz conformes à ceux de la France et à ce qui est porté par
nos instructions. |:Il n’a pas fallu beaucoup de persuasions pour les disposer
à retenir la Poméranie et à consentir aussi que Sa Majesté retienne ce qu’elle
possèdde au delà du Rhin:|. Ilz recognoissent trop bien que nostre intérest
commun s’y rencontre et nous doibt convier, |:nous à conserver les passages
du Rhin et eulx leurs places maritimes, tant affin de nous secourir les un les
autres en cas qu’il y eust cy après quelque contravention au traicté de paix
qui sera faict, qu’affin de pouvoir donner facilement assistance à nos amis
et alliéz de l’Allemagne si on les vouloit opprimer:|.
Ilz paroissent disposéz |:pourveu qu’ilz puissent conserver la Poméranie,
à rendre toutes les autres places et Estatz qu’ilz tiennent en Allemagne:|.
Ce qui m’a faict penser que si on est |:bien résolu de retenir Brisak et toute
l’Alsace comme:| il semble que touttes sortes de raisons y convient, il faul-
droit penser de bonne heure à |:traicter avec eulx de Benfeldt, afin que cette
place ne retombast pas entre les mains des ennemis:|. Monsieur Salvius à
son dernier voyage nous dict bien en termes généraux qu’ilz |:ne prendroient
point de résolution sur cette place que de nostre consentement:|. Mais nous
n’ozasmes pas enfoncer cette matière, n’en ayans point de charge |:et aussi
de craincte en leur faisant paroistre trop d’envie d’avoir cette place, de les
rendre plus difficiles dans les conditions, leur intention estant lorsqu’ilz
quitteront l’Allemagne de faire argent de tout:|. Leur opinion dans les
affaires publicques est que lorsqu’il y aura prèz de nous un nombre suffisant
de députéz – ce qu’ilz croyent devoir arriver bientost, puisque desjà ceux
de Lunebourg, de Brunsvic, de Mekelbourg, de Magdebourg, de Hambourg,
Lubek et Brême sont arrivéz et que plusieurs aultres sont en chemin –, on
pourra faire une nouvelle proposition composée de divers articles généraux
qui pourront estre en substance ceux qui suivent: Que |:la guerre et les
hostilitéz cesseront de part et d’autre. Que la paix et l’amitié seront restablies.
Que tous les alliéz et adhérens de part et d’autre y seront compris. Que les
prisonniers seront rendus. Que le commerce sera restitué comme avant la
guerre. Que l’amnistie générale sera accordée sans aucune réserve ny excep-
tion . Que toutes choses généralement seront restablies dans l’Allemagne
au mesme estat qu’elles estoient avant l’année mil six cens dixhuict. Que l’on
pourveoira à la seureté de la paix en sorte qu’elle ne puisse pas estre rompue
à l’advenir. Que pour cet effect il ne sera pas permis cy après à l’Empereur
de déclarer la guerre à aucun Prince voisin que du consentement des Princes
et Estatz de l’Empire. Et que l’on donnera une suffisante satisfaction aux
deux Couronnes alliées pour les fraiz et despenses de la guerre:|.
Les Suédois prétendent de diviser ce dernier article en deux chefs, |:à sçavoir
en la récompense qu’ilz demanderont pour leur armée qui sera donnée en
argent et en la récompense de la Couronne de Suède qui consistera en la
rétention de la Poméranie. Nous n’avons pas osé encore parler de la ligue
que:| nous avons ordre par nos instructions de proposer, par |:ce que nous
avons tousjours remarqué qu’ilz y ont quelque aversion, s’imaginans que
si nous avions une fois engagé dans notre party quelques Princes catholiques
d’Allemagne, nous ne ferions pas tant de cas ny d’eulx ny de tout le party
protestant:|.
Je n’ay pas laissé dans la visite particulière que Monsieur Oxenstiern m’a
rendue, affin de sonder un peu mieux ses intentions, de luy demander sur
l’article qui parle de la seureté de la paix, comme il entendoit qu’elle se pust
mesnager, luy ayant représenté combien il seroit dangereux qu’aprèz que
chacun aura congédié ses armées, il demeurast au pouvoir de l’Empereur
de maltraicter ou d’attaquer ceux qui ont suivy nostre party pendant la
guerre ou dans la négotiation. |:Que d’obtenir simplement une résolution
que l’Empereur ne le pourroit pas faire sans le consentement des Estatz,
quoyque cette précaution fust accordée en forme de constitution impériale,
elle ne seroit pas suffisante, parce que les anciennens loix de l’Empire et les
conditions de son eslection l’y obligent desjà, ce qui n’a pas empesché qu’il
n’y ayt contrevenu quand il luy a plû. Qu’il est donc nécessaire d’y adjouster
pour l’advenir quelque précaution qui produise plus d’effect, et:| là dessus
j’ay pris subject |:sans nommer la ligue de luy représenter que pour trouver
une entière seureté, il faudroit obliger tous les Princes qui interviendront
au traicté de se déclarer et de prendre les armes contre celuy qui sera le
premier infracteur de la paix, de quelque condition qu’il soit:|. Il est demeuré
d’accord avec moy que cela seroit très utille, mais comme j’estois seul et
qu’il ne s’agissoit pas alors de prendre la dernière résolution là dessus, je
n’ozay pas explicquer davantage la proposition et me contentay de luy avoir
faict advouer qu’elle estoit bonne et advantageuse pour tirer proffit de cet
adveu en temps et lieu.
Ce qui est |:un peu fascheux:| en traictant avec |:eulx est que:| il n’est pas
malaisé de remarquer dans leur conduitte que |:la faction et l’intérest de la
Religion protestante domine beaucoup plus dans leur esprit que la raison
d’Estat:|. J’en ay veu la preuve en trois articles, |:dans la restitution de la
Maison Palatine qu’ilz soustiennent qu’il faut poursuivre vivement pour la
faire remettre en tous les Estatz et dignitéz, sans qu’il demeure rien ny du
Hault Palatinat ny de la dignité électoralle au Duc de Bavière:|. L’aultre sur
le subject du traicté de Prague |:lequel ilz disent qu’il ne fault pas condamner
ouvertement en toutes les parties, parce que:| il y a quelques articles qui
sont advantageux pour le public et qu’en tout cas, il en fault laisser |:faire
les plainctes et la censure aux Princes d’Allemagne:|. Or est il que ce traicté
ayant esté générallement blasmé jusques icy de tout le monde et en sa forme
et en la pluspart des matières qu’il contient, il y a apparence qu’ilz ne veullent
pas |:l’improuver tout à faict pour ne révoquer pas en doubte l’article qui
regarde la rétention des biens ecclésiastiques qui y est accordée par l’ Em-
pereur encore pour quarente ans. Le troisiesme en ce qu’ilz estiment qu’il
fault laisser la Lusace et l’Archevesché de Magdebourg au Duc de Saxe,
quoyqu’il les ayt autresfois laschement abandonnéz et que ce soit aujourd’huy
leur ennemy plus passionné:|.
Tous ces discours n’ont esté que les projectz de la première conférence que
nous debvons faire ensemble pour y délibérer de nouveau et y prendre une
dernière résolution. Mais ilz estiment aussy bien que nous que cela ne doibt
point estre jusques à ce qu’il y ayt icy plus grand nombre de députéz, parce
qu’ilz craignent si on mettoit avant leur venue sur le tappis les articles dont
il a esté parlé cy dessus, que |:ceux qui regardent la seureté de la paix et la
satisfaction particulière des deux Couronnes ne les espouvantent et leur
fassent peut estre prendre résolution de ne venir point pour ne se trouver
pas à une délibération dont l’effect pourroit tomber sur eulx, soit qu’il faille
démembrer les provinces de l’Empire pour la récompense génerale des deux
Couronnes, soit qu’il faille ordonner une contribution pour le payement de
l’armée suédoise:|. C’est pourquoy ilz jugent comme nous qu’il ne fault
rien proposer d’essentiel avant leur venue pour ne leur fournir pas nous
mesmes le subject de ne venir point.
|:Cette mesme raison nous a obligez jusques icy de demeurer sur la retenue
pour la proposition de la ligue, de craincte que si nous en avions faict
l’ouverture avant la venue des Princes et Estatz de l’Empire, cela ne les
empeschast de venir pour ne se trouver pas à une telle délibération; car
qu’elle ne doibve estre faicte que pour leur advantage, néantmoings parce
qu’elle doibt avoir son effect contre l’Empereur, chacun en particulier seroit
bien aise que la chose fust faicte sans y avoir part, et peult estre pour n’y
estre pas présent prendroit résolution de ne venir pas si tost:|.
Voylà, Monsieur, à peu prèz le résultast des diverses conférences dont je
croy que Monsieur d’Avaux vous rendra compte encor plus amplement que
moy, ayant eu le loysir, d’entretenir Monsieur le Baron Oxenstiern plus
longtemps et plus souvent que je n’ay faict. Néantmoins, pour ne manquer
pas à mon debvoir cependant que l’absence de Monsieur Brasset et la
sévérité de mondict Sieur d’Avaux ne permest pas que nous escrivions en
commun, j’ay creu en mon particulier d’estre obligé de vous faire ce petit
récit, affin que nos contestations ne retardent pas le service de Leurs Majestéz
et n’empeschent pas que vous ne soyez informé de tout ce qui se passe.
Vous pourrez remarquer, Monsieur, que les Ambassadeurs de Suède re-
cognoissent tellement que |:la demande qui sera faicte par les deux Couron-
nes de leur satisfaction particulière, c’est à dire la rétention de leurs con-
questes , ne sera pas agréable aux Allemandz, qu’ilz appréhendent que la
seule proposition ne les empesche de se trouver icy s’ilz ont cognoissance
qu’elle y doibve estre faicte:|. C’est pourquoy j’avois estimé comme j’ay eu
l’honneur de vous l’escripre cy devant
Vgl. [ nr. 328 ] und [ 329. ]
voye et comme par degréz, en tesmoignant que |:nous y avons esté comme
forcéz par le refus que fera l’Empereur des demandes générales que nous
aurons faictes pour le restablissement de toutes choses en l’estat qu’elles
estoient en mil six cens dixhuict. Car outre que le refus d’une proposition
si plausible acquerra beaucoup de haine à l’Empereur et beaucoup d’affection
à la France dans l’esprit de tous les Allemandz, la conclusion de la paix
estant retardée par ce moyen, il n’y aura à prendre que de trois résolutions
l’une: Ou que tous les Allemandz se joignent aux deux Couronnes pour
contraindre par la force l’Empereur de faire ce qu’il refuse injustement, ou
de continuer la guerre comme on a faict jusques icy, ou de sortir d’affaires
par un autre expédient, chacun de son costé retenant une partye de ce qu’il
a conquis:|. Le premier est plustost à désirer qu’à espérer |:de l’humeur
crainctive, pesante et irrésolue des Allemandz, qui ne sont pas mesme en
estat quand ilz l’auroient prise de l’exécuter aujourd’huy utilement, outre
que:| l’on ne pourroit pas prétendre que |:le Duc de Bavière ny les Electeurs
ecclésiastiques en pussent estre. La seconde ne leur plaira pas aussi, estans
lasséz au poinct qu’ilz sont des maulx que la guerre leur faict souffrir. Il ne
resteroit donc que de venir à la troisiesme de leur consentement et de leur
gré, en sorte qu’ilz ne puissent jamais se formaliser de ce qui sera demeuré
aux deux Couronnes pour leur juste récompense et que:| ilz recognoissent
qu’elles n’ont |:cherché leur seureté particulière qu’après qu’elles n’ont pas
pû obtenir pour le bien général de l’Allemagne tout ce qu’elles avoient
demandé, ayant esté nécessitées de recourir à la rétention d’une partye de
ce qu’elles tiennent comme à un moindre mal pour l’Empire que la durée
de la guerre, et afin qu’après la paix elles soient mieux en estat non seulement
de se déffendre si on la veult violer, mais d’assister leurs amis et alliez si on
les vouloit attaquer au préjudice du traicté général:|. J’en ay touché quelque
chose à Monsieur Oxenstiern qu’il n’a pas désapprové, mais nous avons
desjà cy devant remarqué que |:leurs intérestz particuliers leur sont fort à
cœur qu’il n’y a point d’apparence qu’ilz puissent se résoudre à aucun expé-
dient qui les engage ny expressément ny tacitement à les abandonner, ce qui
nous pourroit bien faire perdre enfin aux uns et aux autres la bonne volonté
de la pluspart des Princes et Estatz de l’Empire, quand:| ilz verront par
effect que nous |:n’avons eu à cœur que noz affaires et non pas les leurs,
quelques protestations contraires que nous leur en ayons faictes. Car:| je ne
vous cèle point, Monsieur, que selon mon foible sentiment |:il seroit plus
advantageux de conserver moings avec l’affection véritable et cordialle des
Allemandz que de retenir davantage en perdant tout à faict leur amitié, et
peult estre seroit il périlleux d’en faire expérience, si un mesme intérest les
réunissoit un jour tous ensemble contre nous pour tascher de ravoir ce que
nous avons démembré de l’Empire. Cela me faict persister en mon opinion
qu’il n’y a point de démonstration qu’on ne doibve faire ny point de moyen
qu’on ne doibve tenter pour éviter de perdre entièrement leur bonne volonté
et pour essayer de leur faire agréer les résolutions que nous serons obligéz
de prendre, en sorte que nous leur fassions paroistre, s’il est possible, que
c’est par leur advis et sur leurs instances que nous les avons prises:|.
Le sentiment des Suédois est qu’il fault |:mesler les deux intérestz publiez
et particuliers, et [ilz] croyent pour cette raison quand on entrera en matière,
qu’il sera plus advantageux de joindre plusieurs articles dans une mesme
proposition que de proposer et décider les articles l’un après l’autre, parce
qu’ayant demandé par exemple dans un mesme escript l’amnistie générale
et la satisfaction particulière des deux Couronnes, on aura moyen en traictant
des deux articles conjoinctement, de se relascher un peu sur l’un à mesure
qu’on trouvera mieux son compte sur l’aultre:|. C’est à dire que, si nos
parties se mettent à la raison |:pour satisfaire les deux Couronnes en leur
particulier, on ne s’attachera pas si obstinément à cette restitution générale
et absolue de toutes choses en l’estat qu’elles estoient en mil six cens
dixhuict:|.
Cette advis semble bien sans difficulté, le plus commode et le plus seur |:pour
trouver présentement un compte dans le traicté, mais il est à craindre que
de cette sorte nous ne puissions pas aisément empescher que les Allemandz
ne s’apperçoivent bientost de nostre desseing et que nous avons voulu faire
noz affaires non seulement sans y mesnager les leurs mais à leurs dépens:|.
En tout cas, si cet expédient est préféré, il sera tousjours nécessaire de s’y
conduire en sorte que, |:quand on se relaschera pour le public ou qu’on se
réduira aux particuliers intérestz des deux Couronnes, les résolutions comme
il a esté dict soient prises à la prière et instance des députéz qui seront icy,
après qu’ilz auront eulx mesmes touché au doigt que c’est le seul moyen
de finir la guerre présente, lequel ilz trouvent encore plus proffictable pour
l’Allemagne que de laisser durer davantage le désordre où elle est:|.
Il fauldroit pouvoir parler et représenter ses raisons de vive voix pour se
faire bien entendre dans une délibération sy importante et en traictant des
matières de cette nature qu’il est extrêmement difficile d’explicquer de loin
ny par escript. Néantmoins, je vous supplie de prendre en bonne part la
liberté que je prends de vous en entretenir selon ma petite portée, puisqu’elle
n’a pour but que le service de Leurs Majestéz et que mon seul dessein est
d’exposer mon foible raisonnement à vostre censure, sçachant bien que c’est
de la diversité et contrariété des oppinions que naissent les bons conseilz,
et que les advis mesmes qu’on rejette servent quelquefois à mieux establir
ceux qu’on leur préfère.
Monsieur Oxenstiern nous a tesmoigné quelque envie de venir s’establir icy
avec son collègue auprèz de nous. Ce seroit une grande facilité pour les
affaires et une grande seureté pour l’union de noz intérestz. Les Impériaux
se sont laisséz entendre qu’ilz n’y consentiroient pas à cause que le traicté
préliminaire est au contraire. Mais la séparation de l’assemblée dans les deux
villes de Munster et d’Osnabrug ayant esté accordée pour la commodité des
Suédois et à leur instance, l’opposition que les aultres formeroient à leur
venue en cette ville seroit ridiculle. Ilz feroient paroistre trop visiblement
que leur intention est plustost d’allonger la négotiation ou de nous désunir
que d’advancer les affaires, qui sont ordinairement retardées par les délaiz
que nous sommes obligéz de prendre pour conférer avec nos confédéréz,
ce qui ne seroit pas si nous estions tous en un mesme lieu.
J’avois résolu de finir cette lettre sans vous importuner de noz différendz.
Mais ayant recognu au dernier procédé de Monsieur d’Avaux en mon
endroict qu’il méditte quelque nouvelle entreprise contre moy dont il ne
veult pas que j’aye cognoissance jusquà ce qu’il ayt tasché de faire son coup,
j’ay chargé mon frère l’Abé de vous présenter un mémoire qui vous rendra
compte d’un subject de plainte qu’il croid d’avoir contre moy, qui est l’ uni-
que dont il s’est explicqué en touttes nos conférences.
Les advis que nous recevons de Collogne portent que le Duc Charles s’est
attaché aux Espagnolz pour servir dans les Pays Bas la campagne prochaine,
qu’on y traictoit avec Lamboy et le Comte de Groensfeld
Jost Maximilian Graf von Bronckhorst und Groensfeld, etwa 1598–1662, bayerischer General.
Zur Person NDB VII S. 128f. und BNB VIII S. 342–348.
nouvelles levées et que la Flandre avoit arresté les contributions qu’elle
doibt payer à quatre vingt mille florins par mois pour les six premiers mois
de l’année prochaine seulement.