Acta Pacis Westphalicae II B 3,1 : Die französischen Korrespondenzen, Band 3, 1. Teil: 1645 - 1646 / Elke Jarnut und Rita Bohlen unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy, mit einer Einleitung und einem Anhang von Franz Bosbach
166. Memorandum Serviens für Lionne Münster 1646 März 10
Münster 1646 März 10
Konzept, größtenteils eigenhändig: AE , CP All. 75 fol. 394–404 = Druckvorlage.
Chiffrierung der Briefe des Kurfürsten von Bayern an Bagni. Unzuverlässigkeit und weitrei-
chende Absichten des Prinzen von Oranien. Zweck des Angebots der Spanier an Frankreich:
Präventivabkommen mit den Generalstaaten. Inopportunität von Eröffnungen über den Tausch-
plan. Nichtigkeit des Angebots. Notwendigkeit des engen Einvernehmens mit den Verbündeten.
Sorgfältige Beachtung der Memoranden Mazarins. Bemühen um bessere Berichterstattung. Um-
ständlichkeit und Unverträglichkeit d’Avaux’. Vorschlag zur Behandlung des Herzogs von Loth-
ringen. Warnung vor Parteinahme zugunsten des Königs von England vor Friedensschluß. Even-
tuelle Vermittlung des Pfälzers zwischen Frankreich und dem englischen Parlament. Unterrich-
tung der Katalanen vom spanischen Angebot und der Antwort der Königin. Gründe gegen einen
Waffenstillstand. Notwendigkeit der Übereinstimmung zwischen Münster und Paris. Zweifel an
der Vertrauenswürdigkeit der Mediatoren. Entsendung eines venezianischen Sonderbotschafters
nach Rom zur Beilegung der Differenzen des Papstes mit Frankreich. Sonderbillet: Hinweis Saa-
vedras auf Verbindungen des Herzogs von Lothringen in Frankreich.
J’avois tousjours oublié de vous dire que l’on nous envoye sans chiffre les
lettres que monsieur le duc de Bavières escript à monsieur Bagni, cependant
sy les despesches venoient à estre surprises, il n’y a rien qui nous pust faire
plus de préjudice que la cognoissance que noz alliez en auroient.
J’ay tousjours beaucoup d’apréhension et non sans raison que monsieur le
prince d’Orenge ne réponde pas au bon et favorable traitement qu’il reçoit de
la France et particulièrement de Son Eminence avec toute la gratitude et syn-
cérité qu’on devroit attendre de luy
difficiles à cognoistre, et je crains bien que ses praetentions n’aillent plus loin
que le marquisat d’Anvers, sans considérer son aage, sa santé défectueuse et
l’incapacité de son fils, mais l’ambition est une passion aveugle. Un de ses
confidents m’a dit depuis peu que ledit prince n’a pas assez de fermeté contre
ses ennemis ny assez de recognoissance envers ses amys et que sa coustume
est de rechercher les premiers et d’abandonner aisément les autres; qu’il croid
que cette maxime luy est utile, mais qu’elle rend ceux qui ne l’ayment pas
plus entreprenants et ceux qui l’ayment plus retenus à entreprendre pour luy;
qu’il est trop facile à se relascher de ses droits; qu’il est en effect le véritable
souverain de Hollande et de Zélande, que ces deux provinces ont autrefois
presté le serment de fidélité à son père
Wilhelm I. von Nassau (1533–1584), Pz. von Oranien, 1572 auf der Dordrechter Ständever-
sammlung von Holland, 1574 auch von Seeland, zum Statthalter bestimmt. Die Staaten bei-
der Provinzen bekräftigten seine Oberhoheit im Unionsvertrag vom 25. IV. 1576 (Druck:
Du Mont V,1 S. 256–264; Parker S. 170–172).
ses enfants, qu’il ne restoit plus lorsqu’il fust tué qu’à faire la cérémonie de
l’aclamation publique qui n’est pas de l’essence de la chose et que mesme
lorsque le feu duc d’Anjou
une réversale (comm’ils l’apellent 〈communément〉) par laquelle il s’obligea
secrètement de ne rien praetendre sur les provinces de Hollande et de Zélan-
de. Je suis asseuré que le mesme qui m’en a parlé en a discouru aux mesmes
termes avec ledit sieur prince. Si cette pensée est entrée bien avant dans son
esprit ou dans celluy de sa femme, je ne sçay s’ils seront bien aises qu’un traité
de paix ou de trêve asseure pour jamais la souveraineté de deux provinces
qu’ils praetendent en leur âme leur apartenir et s’ils ne croiront point que cela
fait en toutes façons contre eux parce qu’ils demeureront par ce moyen inuti-
les en un lieu où la durée de la guerre les rend absoluement nécessaires, et ne
seront plus que particuliers et subjets dans un pays où ils comendent aujour-
d’huy et où ils croyent que légitimement ils devroient encor avoir plus d’au-
thorité, laquelle dans une conjoncture favorable la guerre continuant peut un
jour retumber entre leurs mains.
Trautmensdorf nous a dit en la dernière visite qu’il nous a faite que les Espa-
gnols fondent le compliment qu’ils ont fait à la Reyne sur ce que le nonce de
Paris en avoit fait faire instance par celluy de Madrit et tesmoigné que cela
produiroit de bons effects. Voylà desjà un des serpents qui estoient cachés
soubs ces belles fleurs. Car les Espagnols praetendent par là de faire cognois-
tre qu’ils ont esté recherchés par la France d’introduire une négotiation parti-
culière à Paris et se veullent servir de cette recherche pour donner jalousie à
Messieurs les Estats affin de les obliger à nous praevenir, à quoy quelques
provinces n’estoient que trop disposées avant mesme qu’on leur eust donné ce
coup d’esperon. L’émotion que Monsieur d’Estrade aura treuvée dans tout
ledit pays et dans l’esprit de monsieur le prince d’Orenge causée par cette
nouvelle et par les suites qu’on s’imaginera qu’elle peut avoir l’aura peut-estre
empesché d’expliquer le dernier secret de sa créance, qui venant avec le reste
augmenteroit beaucoup les soupçons de monsieur le prince d’Orenge naturel-
lement deffiant et luy pourroit faire croire qu’il y a longtemps que cette pra-
tique se fait sans sa participation entre la France et l’Espagne. D’ailleurs si
monsieur d’Estrade déclare que l’on nous a parlé icy de l’eschange il y a quel-
que temps, les ambassadeurs de Messieurs les Estats à qui nous n’en avons
rien dit, ne l’ayant peu faire à cause qu’il ne nous en a jamais esté rien proposé
de formel et que monsieur Contarini qui en jetta un jour quelque discours en
passant n’y est [!] point voulu rentrer depuis ce temps-là, s’imagineront que
nous traitons avec finesse et réserve et que nous ne leur communiquons que
les choses superficielles ou indifférentes. Je demande pardon à Son Eminence
si je luy repraesente avec trop de liberté les choses qui peuvent nuire affin
qu’ell’y fasse les réflexions convenables et qu’on y aporte remède à temps s’il
y a moyen. Après cela je n’auray qu’à souscrire aveuglément à ses comende-
ments. Je vous prie néantmoins de me mander ce qui luy pourroit tant soit
peu déplairre pour que je l’éviteray tousjours plus soigneusement que la
mort.
Nous sçavons de bon lieu que Trautmensdorf, les médiateurs et les collègues
de Pigneranda ont tous esté contre luy pour le presser d’entrer plus avant en
matière en attendant la réponse de la Reyne affin de ne perdre pas tant de
temps sans rien faire. Ils ont tous repraesenté que Sa Majesté ne pourroit ré-
pondre à ce compliment que par un autre compliment et que cela n’avance-
roit pas les affaires. Pigneranda a persisté seul obstinément à son advis et a
répondu qu’il avoit exéquuté ses ordres et qu’il ne pouvoit praesentement rien
faire davantage, ce qui fait encor apréhender que Castel Rodrigo et luy qui
seuls ont le secret n’ayent plus d’intention de donner jalousie aux Hollandois
par cest offre pour s’en praevaloir contre nous que d’introduire une réelle
négotiation avec la France par ce moyen.
Ce n’est pas que nous ne puissions tirer par là quelque avantage auprès de nos
alliés contre l’intention de nos ennemis en faisant cognoistre à ceux-là que
nous sommes recherchez et pouvons traiter aussy bien qu’eux. Mais il seroit
périlleux d’y aller trop viste de crainte qu’ils ne treuvassent plus de facilité à
praevenir que nous s’ils croyoient d’en avoir quelque subjet légitime. Tout le
fruit que nous devons en retirer est d’affermir nostre union et de restablir un
meilleur concert entre nous pour ne rien faire les uns sans les autres. En effect
il faudroit que nous fussions naturellement mauvais si, pouvant achever glo-
rieusement cette négotiation par voies honestes et esgalement avantageuses
aux uns et aux autres pourveu qu’on n’y aporte point de changement de part
ny d’autre et qu’on ne s’embarque point dans de nouveaux desseins, nous
recourions sans nécessité à d’autres moyens qui ne sont ny si honorables ny si
seurs et qui ne nous produiront pas plus d’utilité. Je suis vain d’avoir escrit à
Son Eminence sur cette offre comme j’ay fait, voyant aujourd’huy que mon
advis est confirmé par celluy des plus sensés ministres de cette assemblée,
mais je souhaiterois bien qu’on n’eust pas tant flatté Sa Majesté et messieurs
les ministres par des lettres particulières sur cette déférence aparente qui n’est
rien en effect. Je suis très asseuré que tout a esté fait de bonne foi, au moins
par monsieur de Longueville, mais il n’aura pas laissé de donner plus de
peyne à Son Eminence de combatre par la solidité de son jugement et de ses
raisons la trop grande propension qu’on pourroit avoir eu dans le conseil de
Sa Majesté à estimer ce compliment plus qu’il ne mérite, et à tumber sans y
prendre garde dans quelqu’un des pièges qu’il couvre.
Je vous puis asseurer que je relis trois et quatre fois toutes les dépesches de
Son Eminence, que j’en fais des extraits, que j’aprens ce qu’elles contiennent
pour m’en servir aux ocasions et qu’il ne tient pas à moy que nous n’y fas-
sions des réponses plus exactes. Vous voyez que je tasche de réparer en parti-
culier une partie de ce que nous obmettons en commun et je tascherois de le
faire plus à temps n’estoit que je ne puis avoir la copie des dépesches qu’après
que nous y avons fait réponse, ce qui m’a fait soupçonner qu’on ne m’ayt
voulu oster par ce refus le moyen de méditer comm’il faut sur lesdites dépes-
ches ou d’y répondre en particulier. J’ay souvent proposé à monsieur de Lon-
gueville qu’il y faudroit tenir un autre ordre, mais il m’a paru que monsieur
d’Avaux a praevenu son esprit et luy a fait croire que je veux agir plus que les
autres pour me faire de feste à la cour, quoyqu’en effect je n’aye jamais rien
proposé à mon avantage et que j’aye tousjours offert de convenir de toutes les
voyes qu’on voudra pourveu que les affaires ne demeurent pas. Il est pitoya-
ble de voir comme nostre temps est employé. Le mardy se passe à voir nos
dépesches de la cour, le mercredy et jeudy et quelquefois le vendredy à y
répondre, le samedy à escrire chacun ses lettres particulières, si bien qu’il ne
reste de libre que le dimanche que monsieur d’Avaux dit qu’il faut donner à la
dévotion, et le lundy que l’on employe aux visites et quelquefois à un peu de
promenade. Si l’on vouloit se soulager l’un l’autre et agir de bon concert, on
pourroit tout bien faire en se jouant. Quand j’ay esté chargé des dépesches
ne croy pas qu’il fust rien demeuré en arrière et je proteste devant Dieu que ce
n’est pas ma faute. Je ne lairray pas à l’avenir d’en prendre plus de soin puis-
que Son Eminence l’ordonne. On aura peu remarquer que quand monsieur de
Longueville et moy avons escrit en l’absence de monsieur d’Avaux nous avons
rendu compte d’une autre façon , mais il n’y a personne qui ne se rebutast
d’estre assemblés trois jours pour une dépesche où il ne faudroit que deux
heures et où il faut à tous coups pointiller sur une reigle de grammaire.
Quand on a à travailler avec un homme envieux, ombrageux, qui n’est point
sociable et qui ne veut ny laisser agir les autres, ny se charger seul du travail,
ny le partager, ny convenir d’aucun expédient, c’est un mal où il n’y a autre
remède que la patience qui est assez malaisée à pratiquer quand on est sur le
point de comencer la quatriesme année d’une ambassade avec un collègue si
incommode. Je vous conjure pourtant qu’il ne soit escrit par deçà de tout cela,
il suffist que Son Eminence le sçache.
Vous aurez peu remarquer l’esprit de monsieur d’Avaux dans une longue re-
lation de son voyage d’Osnabruc qu’il a divisée en deux parties pour entrete-
nir le conseil de tout ce qu’il y a fait par deux différentes dépesches. Il ne peut
finir quand il parle de luy. Il s’imagine qu’il a bien avancé les affaires du Roy
quand les Suédois luy ont fait quelque flaterie ou que d’autres députés luy ont
fait un compliment dont il rend compte par le menu au conseil. Après cela il
ne peut consentir par opiniastreté que l’on fasse que des réponses stériles et
seiches aux mémoires de Son Eminence sur des affaires très importantes. Il se
treuve à praesent que les Suédois ne font rien de tout ce qu’il disoit avoir
concerté avec eux, quoyqu’en effect il n’y eust rien de considérable. J’aurois
honte de parler de tout cela si la négotiation et les affaires du Roy n’en rece-
voient un continuel praejudice, et si son humeur incompatible causant les
obmissions et manquements que nous faisons ne me servoit d’une légitime
excuse. Toutefois je ne sçay si quelqu’un l’a adverti de la part de Son Emi-
nence ou de quelque autre endroit, je suis obligé d’avouer qu’il paroist main-
tenant plus résolu et plus ferme dans nos praetentions. Il semble mesme à
l’ouïr parler qu’il est le seul autheur de cette fermeté comme si les ordres ne
nous en venoient pas de plus haut, néantmoins la chose estant bonne en soy,
je le flatte dans ces bons sentiments autant qu’il m’est possible.
En l’affaire de Lorraine je croy qu’il faut demeurer constemment dans les
traités qui ont esté faits avec le duc Charles et soutenir qu’il n’en doit pas
estre parlé dans cette négotiation, cependant faire instance que l’Empereur
donne une pareille investiture au Roy qu’avoient acoustumé de prendre les
ducs de Lorraine pour les terres et places qui relèvent de l’Empyre, et en cas
qu’il y ayt quelque difficulté ou longueur en l’expédition de ladite investiture,
que l’Empereur ne pourra assister directement ny indirectement ledit du 1
contre la France ny donner retraite à ses troupes dans les terres de l’Empyre
soubs quelque praetexte que ce soit. On taschera d’insérer la mesme condi-
tion dans le traité d’Espagne, qui ne peut estre refusée avec raison quand on
aura obtenu le premier point qu’il ne doit point estre traité icy des affaires de
Lorraine à cause qu’il y a eu divers traités particuliers faits avec ledit duc à
l’exéquution desquels le Roy a intérest de se tenir et desquels l’Empereur ny
le roy d’Espagne n’ont pas droit de se mesler, lesdits traités ayant esté conclus
sans eux. Moyennant cela ledit duc ne seroit pas beaucoup à craindre par
toutes les menaces qu’il fait, n’ayant ny retraite ny appuy. Néantmoins pour
plus de praecaution on pourra faire instance qu’il soit obligé de désarmer,
après quoy il pourra envoyer des députés en France pour repraesenter ses
raisons ausquelles on aura tout l’esgard que 〈la justice〉 et les intérests du
Roy le pourront permetre. La mesme chose fust faite par le traité de Noyon
pour la Navarre et depuis peu entre la Suède et le Danemarc pour l’archeves-
ché de Brême
Bez. der Bestimmungen zu Navarra s. [nr. 64 Anm. 17] ; bez. Bremens s. [nr. 24 Anm. 6] .
lorsqu’il se verra abandonné de tout le monde, il sera obligé de traiter et que
la princesse de Cantecroix l’y engagera pour l’intérest de ses enfants qui se-
ront apellés à la succession de ce qui luy sera donné en France et qui ne
pourroient jamais légitimement et paisiblement succéder à la Lorraine quand
mesme elle seroit aujourd’huy restituée au duc Charles à cause des praeten-
tions du duc François
duché l’Empereur selon ce que j’en ay peu remarquer autrefois a droit d’en
cognoistre et d’en ordonner.
Quand à l’Angleterre, c’est aujourd’huy l’affaire qui me donne plus d’apré-
hension et qui peut aporter plus de changements et d’obstacles à toutes les
praetentions du Roy si on n’y remédie promptement. Depuis que la reyne
d’Angleterre est en France j’ay tousjours apréhendé que la compassion qu’on
a du malheureux estat où elle se treuve ne nous engageast à des assistances
dangereuses et praejudiciables et qu’en un mot sa praesence ne devinst fatale à
l’Estat comm’on croid qu’elle l’a esté à l’Angleterre. Il est comme impossible
de faire tant de grandes choses à la fois, en mesme temps que nous travaillons
icy pour acquérir des royaumes au Roy il est malaisé que l’on puisse deffen-
dre les autres roys qui laissent perdre leurs couronnes. Nous praetendons de
faire de si grands changements à l’avantage de la France que nous avons pres-
que intérest qu’il en arrive partout encor mesme que d’abord ils paroissent
désavantageux, affin que l’on considère moins ceux que nous aurons causés,
et que ceux qui en auront fait ailleurs ayent besoin de la France pour s’affer-
mir dans leurs nouveaux establissements ou du moins que cela les empesche
de l’offenser légèrement. Il est très périlleux maintenant de s’attacher au parti
malheureux, cela ne pouvant estre fait que foyblement ne servira qu’à irriter
les victorieux et les ranger du costé de nos ennemis. L’affaire dont nous avons
à sortir est si grande et si importante que nous ne sommes pas en estat d’en
entreprendre de nouvelles. La constitution des choses est
nous qu’il n’y peut presque arriver de changement qu’à nostre praejudice. Le
conseil secret du roy d’Angleterre est espagnol aussy bien que ses inclina-
tions. Cependant les Espagnols ne font pas scrupule de l’abandonner, pour se
joindre à ses ennemis à cause qu’ils sont sur le point de demeurer les maistres,
affin d’en tirer de l’avantage dans les différends qu’ils ont avec nous. Les hu-
guenots de France nous voyants engagés dans la guerre contre l’Espagne qui
est l’objet de leur ancienne animosité demeurent plus patiemment dans leur
devoir, mais ils deviendront moins fermes et moins animés contre elle, quand
ils la verront jointe au parlement d’Angleterre dont ils affectent les intérests
dans leur âme. Pour conclusion, il seroit bien plus seur selon mon foyble
sentiment d’achever les affaires du Roy en sortant de cette guerre, sans pren-
dre part dans celle d’Angleterre et en s’asseurant au moins pour quelque
temps de l’amitié du parlement par toutes les voies possibles affin de parvenir
à nos fins, que par une assistance foyble qui ne sauvera pas le roy d’Angleterre
nous susciter un ennemy voysin et puissant pour arrester nos progrès. Quand
à la jalousie qu’en a desjà toute l’Angleterre sera jointe la nouvelle animosité
du parlement, il se déclarera sans doute ouvertement en faveur de l’Espagne,
ce qu’il n’a encor ozé faire. Il seroit beaucoup plus utile et plus glorieux ce me
semble après la paix faite d’entreprendre ouvertement et puissemment le res-
tablissement de ce roy et d’y engager l’Espagne avec nous par une des condi-
tions secrètes de la paix, laquelle on pourroit faire bien valoir à Rome et
mesme obliger le Saint-Siège d’y prendre part pour l’intérest de la religion si
les différends que nous avons maintenant avec le pape peuvent estre terminés
ou prendre un meilleur chemin. Je ne sçay si Son Eminence jugeroit le prince
palatin propre à mesnager une meilleure intelligence entre la France et le par-
lement, faisant cognoistre audit prince ce que la France fait pour son resta-
blissement et que l’union du parlement avec l’Espagne y pourroit causer de
l’obstacle, soit que les affaires de la maison d’Austriche revenant en meilleur
estat par la 〈conection〉 du parlement, elle s’en rende plus difficile dans les
conditions de la paix, soit que la France piquée de voir agir contre elle le
parlement d’Angleterre se rende moins favorable aux intérests dudit prince
qui est uni avec ledit parlement.
Il ne faudroit pas oublier de dépescher en Cataloigne sur l’offre des Espagnols
de crainte qu’elle n’y cause la mesme rumeur qu’en Hollande et faire voir pa 1
la réponse que la Reyne aura faite à cette offre qu’on est bien éloigné d’aban-
donner la Cataloigne.
Encor que vous m’ayez comendé de la part de Son Eminence d’envoyer mes
sentiments sur la trêve je n’eusse pas ozé en parler après avoir veu dans la
lettre de monsieur de Brienne qu’il a passé dans le conseil qu’on la doit ac-
cepter et que le courrier qui en porteroit l’offre seroit très bienvenu, si dans la
lettre particulière de Son Eminence à monsieur de Longueville je n’eusse veu
qu’ell’est bien éloignée de ce sentiment. Je crains bien que dans huit jours la
gazette de Coloigne ne publie la mesme chose que monsieur de Brienne nous
a escrite comm’il est arrivé cy-devant toutes les fois qu’il a esté délibéré de
cette matière dans le conseil. Si je considérois mon intérest particulier et l’es-
tat où je suis, il n’y a personne en France qui eust plus de subjet de désirer un
prompt accomodement en quelque façon qu’il puisse estre fait. Il n’y a guères
d’exemple que des ministres employés dans une négotiation ayent travaillé
à rendre les conditions du traité qu’ils ont en main plus difficiles et je voy
16 avec grande joye] darüber (oberer Rand) ohne Textzuordnung: Les ennemis seroient aussy
difficiles dans les conditions de la trêve qu’ils le sont maintenant s’ils nous avoient fait
dépendre de celle-cy parce que n’y ayant point d’aparence que nous nous en devions
contenter ils soupçonneroient quelque foyblesse ou désordre intérieur.
mesme advis sur ce subjet.
En mon particulier j’ay tousjours considéré la trêve en cette saison comme
très praejudiciable à l’Estat, celle qui ne devroit durer que le temps de la mi-
norité seroit la plus dangereuse pour les raisons que Son Eminence a très
prudemment remarquées, à cause que les premières années de la majorité de
nos roys estant le plus à craindre et les plus fascheuses à passer parce que
n’estant plus soubs la conduite prudente et modérée d’une mère régente ils
sont subjets à se conduire par les conseils de ceux de leur aage qui les envi-
ronnent et quelquefois les gouvernent; mais une plus longue ne seroit pas
beaucoup meilleure, outre qu’il seroit honteux de ne sçavoir pas faire un traité
définitif dans le bon estat où sont les affaires du royaume et le pitoyable ou
sont réduites celles des ennemis, puisqu’ils se sont bien gardés de se contenter
d’une trêve lorsqu’ils ont eu l’avantage. Nous ne diminuerions pas par ce
moyen ny le péril ny la dépense pour les considérations que nous avons desjà
marquées par nostre dépesche commune du 17 e febvrier . D’ailleurs si au-
jourd’huy la crainte d’une plus grande perte la guerre continuant ne corrige
pas la fierté des Espagnols et ne les peut pas ramener dans des conditions
raisonables selon le temps praesent, comment pourrions-nous espérer qu’ils
s’y puissent réduire lorsqu’ils seroient délivrés de cette crainte! Comm’ils sont
naturellement plus patients que nous, il est certain qu’alors ils augmente-
roient leurs praetentions et leur fermeté. La paix en seroit plus élo[i]gnée au
lieu d’en estre avancée, parce que ne la pouvant jamais obtenir avantageuse
que par les armes nous nous serions privés voluntairement des moyens qui
Nous ne voyons pas qui nous peut asseurer que ce
ne soit le dernier artifice des Espagnols pour nous séparer de nos alliés et
qu’ils n’espèrent s’ils avoient fait gouster quelque temps la douceur du repos
aux Provinces-Unies par une trêve faite conjointement avec nous, de pouvoir
quelque temps après soubs de nouveaux praetextes la rompre contre la France
et la garder exactement avec les Provinces-Unies. Si nous avons maintenant
tant de peyne de combatre la passion qu’elles ont pour le repos et de les dé-
tourner d’un traité particulier, au temps que nous agissons heureusement en-
semble, et que les alliances, leur véritable intérest, leur honeur et leur foy ne
leur permettent pas de rien faire sans nous, je ne voy pas comment nous pour-
rions nous prometre de les faire rentrer quand nous serions attaqués dans une
nouvelle guerre qu’ils ont tant d’impatience de fuir encor qu’ils y profitent.
Suposé mesme qu’ils voulussent user de bonne foy, quels subsides nouveaux
ne demanderoient-ils point alors pour se rembarquer avec nous! Si on veut
prendre la peyne de considérer toutes les trêves qui ont esté faites avec l’Es-
pagne il n’y en a jamais eu de durée. Celle de Nice faite en 1538 pour dix
années
arriva bientost fust suivie du traité de Crépy en 1544
1555
suivie de la bataille de Saint-Cantin en 1557 et deux ans après du traité de
Cambrésis en 1559. En ces deux ocasions comme la praevoyance de la nation
françoise n’est pas esgale à celle des Espagnols et que nous sommes d’humeur
de nous confier trop légèrement, nous fusmes surpris par l’ennemy et forcé de
faire des traités désavantageux, ce qui nous arriveroit peut-estre dans peu de
temps, n’estant pas si constants dans le malheur que nos ennemis, au lieu
qu’avec un peu de patience et de fermeté nous pouvons aparemment aujour-
d’huy espérer une paix utile et glorieuse. Je sçay bien que la paix peut estre
aussy bien rompue que la trêve quand une des parties veut procéder de mau-
vaise foy. Mais outre que l’infidélité y est beaucoup plus grande, jamais cela
n’arrive que par ordre exprès des supérieurs pour de grands subjets et après
une longue et sérieuse délibération, au lieu que la trêve qui n’a fait que diffé-
rer la guerre sans la terminer et qui a laissé toutes les praetentions de part e 1
d’autre indécises peut estre rompue comm’il est arrivé souvent par le caprice
d’un gouverneur de place ou d’un autre officier de guerre qui comence des
hostilités, lesquelles estant repoussées ou continuées de part et d’autre on re-
tumbe insensiblement d’où l’on est sorti; et puis la paix ayant acquis un tiltre
légitime dans les choses qui ont esté acordées par le traité et qui avoient esté
auparavant en controverse, quand après l’avoir rompue on vient à faire un
traité nouveau, on a tousjours droit de se tenir au praecédent, et nous voyons
par expérience que la meilleure raison que les Espagnols allèguent contre
nous est le traité de Vervins. C’est pourquoy il nous importe extrêmement
après avoir tant fait de traités désavantageux avec l’Espagne de nous récom-
penser de nos pertes passées en faisant celluy[-cy] par un traité utile, honora-
ble et de durée. On doit encor considérer que si les Espagnols nous avoient
fait faire ce premier pas de ne parler plus de paix, pour laquelle seule cette
grande assemblée est establie et qui est l’unique remède des maux qui mena-
cent la crestienté, ils seroient après aussy difficiles dans les conditions de la
trêve qu’ils le sont aujourd’huy dans celles de la paix. Et si Pigneranda a eu
l’audace de dire aux médiateurs que son maistre les tiendroit pour ses ennemis
s’ils parloient du tyran du Portugal , il en auroit encor assez pour praetendre
que la trêve fust conclue sans que le Portugal y fust compris. Après tout elle
ne pourroit estre faite qu’avec l’Espagne car comm’il a esté dit les Suédois ny
les protestants n’en veullent point pour l’Empyre, il seroit donc bien malaisé
d’éviter, quelque clause qu’on peût mettre dans le traité qui sera fait avec
l’Empereur, que quand ladite trêve avec Espagne viendroit à estre rompue ou
[à] expirer la maison d’Autriche ayant repris ses forces et son authorité dans
l’Allemagne ne nous retumbast toute sur les bras pour peu que la Suède fust
occupée du costé du Danemarc, de la Pologne ou de la Moscovie. Nous se-
rions trop ennuyeux si nous voulions insérer icy toutes les raisons qui nous
font croire la trêve praejudiciable à l’Estat. J’en tiens seulement le discours si
nuysible que tandis qu’on délibérera dans le conseil du Roy si on s’en doit
contenter, n’estant pas possible d’empescher que cette délibération ne vienne
en la cognoissance des médiateurs et des parties, nous travaillerons inutile-
ment icy pour la paix. Au contraire lorsque l’on cognoistra par deçà que les
résolutions de tout le conseil sont unanimes, hardies et constantes tant pour
l’exclusion de la trêve que pour les conditions de la paix, sans doute nous la
ne rien déguiser à Sa Majesté ny à messieurs les ministres, on nous objecte
souvent que le conseil de France n’est pas de nostre advis. On allègue mesme
l’opinion de quelques particuliers, ce qui donne de vaines espérances à nos
parties et nous fait un très grand praejudice. On s’est depuis peu servi de ces 1
artifice pour persuader aux estats de l’Empyre que la demande de l’Alsace
vient de nous par la suggestion du duc de Bavière, que ce n’est point l’inten-
tion de Leurs Majestés ny de messieurs du conseil et que nous n’en avons pas
aporté l’ordre venant icy .
Pour conclusion on verra par nostre dépesche que les affaires sont desjà dis-
posées du costé de l’Empyre à un traicté plus solide et plus avantageux que
d’une simple trêve, et si en disant nos sentiments sur ce subjet avec liberté
nous agissons contre l’ordinaire de ceux qu’on employe dans de semblables
négotiations, qui n’ont pas acoustumé de rendre difficiles les conditions d’un
traité qu’ils doivent faire, c’est que nous praeférons selon nostre debvoir la
seurté de l’Estat, le service de Leurs Majestés et l’honneur du royaume à nos-
tre intérest particulier.
Il seroit bien malaisé de faire un jugement certain des médiateurs. Ils nous
font beau semblant et nous donnent de belles parolles, mais en vérité nous
aprenons de divers lieux et de diverses conjectures qu’ils agissent sans cesse
contre nous. Monsieur d’Estrade vient de m’advertir en confiance
ne leur disons rien dont monsieur le prince d’Orenge ne soit punctuellement
adverti peu de temps après. Encor si nous estions asseurés qu’ils ne dissent
que la vérité, nous ne serions pas faschés qu’ils donnassent cognoissance à nos
alliés de tout ce qui se passe puisque nous ne manquons jamais de déclarer
que nous ne pouvons rien faire sans eux, mais dans l’intention secrète que
lesdits médiateurs peuvent avoir de nous nuire il est bien à craindre qu’ils ne
supposent beaucoup de choses faulces pour jetter des jalousies ou de la divi-
sion entre nos alliés et nous. Bien souvent soubs praetexte d’affectionner nos
intérests et de nous advertir de ce qui vient à leur cognoissance ils nous font
des discours qui tendent à nous donner ombrage des Suédois et des Hollan-
dois, quelque temps après nous découvrons qu’ils ont agi de la mesme sorte
auprès desdits Suédois et Hollandois, ce qui rend icy nostre condition très
malheureuse d’avoir à passer par les mains de semblables entremetteurs qui
selon toutes les aparences ne voudroient pour rien du monde que les affaires
fussent conclues avec de si grands avantages pour la France.
Il eschapa à Contarini en la dernière visite que nous luy avons faite de nous
dire, un peu ambigüement néantmoins, que son opinion estoit aussy bien que
de sa république que le pape dans les longues conférences qu’il avoit eues avec
le duc d’Arcos
que cela avoit obligé la République d’envoyer un ambassadeur extraordinaire
à Rome pour composer les différends de Sa Sainteté et de Leurs Majestés et
détourner par ce moyen Sa Sainteté de se déclarer plus avant contre la France.
Il exaggéra fort cest envoy nous disant que c’est une grande déclaration de la
République parmy des sollicitations bien contraires qui luy ont esté faites et
la disposition où semblent estre tous les autres princes d’Italie, et que c’est
donner une preuve bien évidente du dessein qu’ell’a [de] ne se point partiali-
ser et de demeurer en neutralité. Il y a aparence qu’il nous parla syncèrement
en cest endroit, se faisant mesme autheur de cette ambassade extraordinaire
qu’il eust bien souhaité avoir esté faite plus tost suivant les instances qu’il en
avoit faites il y a plus de trois mois. En effet il n’y a point de doute que sa
république désireroit pour son intérest particulier que l’accomodement se fist
entre le pape et la France affin que tout se pust réunir contre le Turc, mais s’il
ne réussist pas, je ne sçay si on peut bien s’asseurer qu’elle n’entre enfin dans
cette ligue contre nous dont il a tant esté parlé, et sans la guerre du Turc qui
ne luy permet pas de chercher de nouveaux ennemis je croy certainement que
la chose seroit desjà faite.
Je vous conjure d’examiner tous les endroits de ce mémoire fait à la haste et
s’il y a quelque chose de trop libre ou qui puisse contre mon intention cho-
quer les sentiments de son Eminence de le suprimer et jetter plustost tout le
mémoire dans le feu. Sonderbillet: Dans la mesme visite Contarini témoigna
qu’ayant demandé aux Espagnols quelle bonne raison d’Estat ils avoient eue
de mettre leurs forts de Flandre entre les mains du duc Charles qui pouvoit
s’en servir pour s’accomoder en un instant avec la France, ils luy avoient ré-
pondu (je croy que la réponse est de Savedra) que le pis qui leur pust arriver
seroit que ledit duc Charles et quelques autres du parti contraire fissent un
tiers parti qui ne seroit ny espagnol ny françois, mais contre ceux qui veullent
la continuation de la guerre. Je ne sçay si ce discours mérite une grande ré-
flexion et si Savedra auroit esté assez imprudent pour le tenir, au cas qu’il eust
eu quelque fondement. Néantmoins il est de telle importance que ce seroit
manquer au service fidelle que je dois à la Reyne et à Son Eminence si je ne
l’avois fait sçavoir. Peut-estre que n’en ayant point escrit en commun comme
d’une chose trop chatouilleuse, chacun de nous en aura escrit en particulier,
en tout cas je fais ce à quoy mon devoir m’oblige. Je vous conjure que ce billet
soit brûlé après que Son Eminence l’aura veu et que vous m’escriv[i]ez de
l’avoir brûlé.