Acta Pacis Westphalicae II B 2 : Die französischen Korrespondenzen, Band 2: 1645 / Franz Bosbach unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy und unter Mithilfe von Rita Bohlen
La venue du comte de Transmandorff en ce lieu relève les espérances d’un
chacun et change la mauvaise oppinion que l’on avoit eue jusqu’icy du peu
de succès de cette assemblée. On ne peult croire qu’un ministre de cette
considération qui a le secret et la direction de toutes les affaires de son
maistre se soit résolu de l’abandonner qu’avec intention de conclurre le
traicté en peu de temps.
Pour moy, je croy que c’est un effect des instances du duc de Bavières qui
dans son grand aage ayant encor esté malade depuis peu faict toutes les
dilligences et les effortz possibles pour avancer les affaires. Mon foible
sentiment est que toutes les fois qu’il a veu l’Empereur en danger d’estre
ruyné ledit duc eust mieux aymé changer de party que de se perdre avec
luy, mais qu’aussytost qu’il veoid un peu de resource aux affaires de
l’Empereur, il ne peult se résouldre à faire un traicté particulier avec la
France par lequel il soit obligé d’abbandonner le party qu’il a suivy jusqu’à
présent principallement sur le poinct d’un traicté général. Et cette promesse
qu’on veult exiger de luy de n’assister point l’Empereur, est pour luy le
passage du Rubicond qu’il ne se résouldra jamais de franchir sy ce n’est
lorsque la crainte de sa ruyne entière l’y forcera, néantmoins il y a
apparence que cette crainte le réduira enfin ou à conclurre le traicté
particulier, ou à presser le général. Il paroist clairement que les remises
dont il use, et la venue de celuy qui doibt apporter de sa part le pouvoir de
traicter dont il nous faict parler par ses députez, est un honneste amuse-
ment pour n’avancer pas la négotiation particulière qu’ilz avoient intro-
duicte avec nous et laisser cependant un moyen ouvert pour la continuer ou
la reprendre en cas que la généralle ne réussisse pas sy promptement qu’il
espère, ou qu’il arive quelque nouvel eschec au party impérial.
Il paroist bien clairement que le plus sensible intérest et la plus grande
passion du duc de Bavières est d’engager la France à conserver l’électorat
dans sa maison, mais il vouldroit estre asseuré de cette assistance s’il estoit
possible sans estre obligé de rien faire contre l’Empereur ny mesme
d’abandonner son party. Il offre assez librement de s’engager pour la
satisfaction particulière de la France, mais oultre qu’il faict cette offre sur la
cognoissance qu’il peult avoir eue que l’Empereur est disposé de l’accorder,
nous luy avons tousjours représenté que ce n’estoient pas deux obligations
esgalles, et que celle d’assister le Roy pour avoir sa satisfaction ne pouvoit
estre mise en ballance qu’avec celle du Roy d’assister le duc de Bavières
pour luy faire avoir satisfaction de ce que luy doibt l’Empereur lorsqu’il
aura rendu le Hault-Palatinat, mais que de s’obliger positivement à luy
conserver l’électorat estoit aussy important et aussy dangereux pour la
France qu’au duc de Bavières de tourner ses armes contre l’Empereur pour
ce qu’il y a bien moins d’advantage et de nécessité pour nous, nos affaires
estans au bon estat où elles sont, de changer noz desseins et noz anciennes
maximes, et d’agir contre les sentimens et les intérestz de noz alliez en
privant la maison Palatine de l’électorat, qu’il n’y en a pour le duc de
Bavières de quilter un party malheureux et presque ruyné pour acquérir à
sa famille une dignité nouvelle dont elle n’avoit point jouy avant ces
troubles.
Nous voyons tousjours que ce prince faict ses plus grandz effortz contre
nous par les armes, au temps, qu’il nous faict faire de plus grandes
recherches d’accommodement. Ses députez qui ne viennent point à la
conclusion nous protestent souvent que leur maistre (quelque changement
qui arive dans les affaires) ne changera jamais le dessein qu’il a d’assister la
France dans sa satisfaction particulière prétendant que [!] cette protestation
de nous engager aussy quoy qui arive à l’assister pour l’électorat, et de cette
sorte obtenir insensiblement ce qu’il a plus à coeur sans faire aulcune action
ny déclaration contraire à la conduicte qu’il a tenue jusqu’icy dans la
guerre. C’est pourquoy il me semble qu’il seroit à propos de luy parler
quelquesfois doubteusement de l’assistance de la France pour l’électorat
affin que la crainte qu’il aura de nous y avoir contraires aussy bien que les
Suédois le porte plustost à franchir le sault et à s’unir avec nous par un
traicté particulier n’estant pas croyable qu’il y vienne tant qu’il espérera
sans cela de nous avoir favorables pour conserver l’électorat. Lorsque je dis
il y a quelque temps à un de ses députez que les diverses remises et
changemens de son maistre pouroient enfin altérer la bonne volonté que la
France avoit tousjours eue pour luy, il me protesta fort que le duc de
Bavières n’avoit point changé de résolution, et il luy eschapa de me dire
qu’on entendroit bientost parler de cette alliance qui feroit veoir qu’on
avoit envie de traicter sérieusement. Je voulus le faire explicquer davantage,
mais il ne fut pas en mon pouvoir, et je remarquay qu’il eut regret d’avoir
tant parlé, c’est pourtant un homme que je mesnage et à qui j’ay faict
espérer que sy l’Alsace nous demeure il pourra y estre employé par Sa
Majesté, ce qu’il n’a pas rejetté, et en seroit bien capable.
Il se pourroit bien faire que cette alliance seroit le mariage de la fille de
l’Empereur avec le Roy en luy donnant en dot ce que nous avons demandé
pour la satisfaction de Sa Majesté et que le comte de Transmandorff est
chargé de cette proposition ou de quelqu’autre semblable.
Monsieur Contarini nous fit reproche en la dernière conférence que nous
ne voullions pas la Flandre par amour, et que nous ne voullions l’avoir que
par force. Il confirma aussy ce qui nous avoit esté dict cy-devant par luy et
par son collègue que les Espagnolz ne vouloient point s’ouvrir qu’ilz ne
fussent asseurez d’avoir la paix et la conclurre en trois heures. Ce discours
me donne bonne espérance car il seroit bien malaisé de faire la paix en sy
peu de temps sy ce n’est en convenant de la proposition que nous avons
faicte de demeurer chacun en l’estat que l’on se treuve.
Toutes les apparences font croire que les uns et les autres ont effectivement
envie de venir à la conclusion, mais je crains les longueurs et les irrésolu-
tions de Messieurs les Estatz, oultre qu’ilz ne sont pas bien d’accord entre
eux de ce qu’ilz veullent faire il semble qu’ilz viennent icy avec un esprit de
pointillé contre nous. En premier lieu ilz prétendent que nous devons
donner la main aux huict ambassadeurs quoyqu’ilz nous eussent tesmoigné
à La Haye qu’ilz se contenteroient qu’on la donnast au premier d’entre eux.
En second lieu ilz veullent que nous quittions la qualité d’ambassadeur en
cas que les Espagnolz ne consentent pas qu’ilz la prennent dans leur
pouvoir et de cette sorte ont intention de se vanger contre nous d’une
injure qu’ilz auront receue de leurs ennemis. En troisième lieu ilz préten-
dent de remettre d’abord sur le tappis la difficulté que nous laissasmes
indécise en partant de La Haye
ferons la paix avec l’Espagne en cas qu’ilz ne fairont qu’une trêve, et ce qui
est de fascheux est que sur le moindre refus que l’on faict de toutes leurs
prétentions quoyque mal fondées et sans raison, ilz ont bien l’audace de
dire qu’ilz traicteront seulz sans la France comme s’ilz n’avoient point
besoin d’elle, et qu’ilz ne luy eussent point d’obligation. Il semble bien
nécessaire de ne les accoustumer pas à tirer proffit d’une conduicte sy
déraisonnable et de les désabuser une fois pour toutes qu’elle leur puisse
jamais réussir, aultrement s’ilz nous voyoient susceptibles de cette crainte
ilz penseroient nous pouvoir en toutes occasions tenir le pied sur la gorge,
mais sy on juge à propos par delà d’en parler à leur ambassadeur il sera
nécessaire d’attendre que ceux qui doibvent venir icy soient en chemin.
A la vérité pour le troisième article touchant la liberté de faire la paix s’ilz
ne font qu’une trêve, ilz ont quelque raison de voulloir estre esclairciz des
intentions de la France et sont en quelque sorte fondez sur les traictez
d’alliance. C’est pourquoy il importe qu’on revoye ce que nous en escrivis-
mes avant nostre départ de La Haye, et qu’on nous face sçavoir bien
précisément les intentions de la Reyne sur ce subjet. Car alors pour les
engager à venir icy nous nous eschappasmes de ce mauvais pas en disant
que le cas n’arriveroit peult-estre pas, mais à présent puisque nous décla-
rons de ne voulloir faire que la paix, et que nous sommes asseurez qu’ilz ne
veulent faire que la trêve, il fault sçavoir soubz quelles conditions nous
pouvons estre deschargez de l’obligation portée par les traictez et comment
il ne peult estre permis de faire un traicté dissemblable du leur. Mais pour
les deux premiers, ilz n’ont nulle raison de les prétendre et encores moins
de dire qu’ilz traicteront sans nous sy on ne leur y donne contentement,
j’apréhende bien qu’estans icy ilz ne nous donnent beaucoup de peine, sy
leur manière d’agir estoit prompte, franche et raisonnable toutes choses
paroissent disposées à un bon accommodement. Je vous envoye une coppie
de ce que nous avons escript à messieurs Brasset et d’Estrades sur une
addition insolente qu’ilz ont faicte à quelques poinctz qu’ilz ont mis depuis
peu en délibération parmy eux.