Acta Pacis Westphlicae II B 1 : Die französischen Korrespondenzen, Band 1: 1644 / Ursula Irsigler unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy
J’ay descouvert que l’establissement de Mariny en Suède est une menée de
Monsieur d’Avaux, lequel vouldroit bien avec la direction des finances
quand il sera de retour, conserver celle des affaires estrangères par le moyen
de ses créatures qu’il va establissant en tous lieux industrieusement et avec
grand soing, affin qu’ilz s’addressent à luy et luy rendent compte particu-
lièrement des affaires pour luy donner moyen de se rendre nécessaire. Cette
visée chocque directement Monsieur de Brienne, parce que de cette sorte il
vouldroit s’establir au dessus de luy dans les affaires mesmes de sa charge,
estant communicquée à mondict Sieur de Brienne le pourra joindre à vous
pour empescher cet establissement et faire que quand il fauldra envoyer
quelqu’un dans les résidences, on y envoye des personnes indifférentes et
qui déppendent plustost de luy que d’auclun autre et qui soient de voz amis.
Sy l’on ne peult empescher cet establissement par aucune voye sans qu’il y
paroisse vostre 〈…〉 très franchement [on] pourroit dire que c’est un
homme que j’ay faict sortir de ma maison pour s’estre battu en duel et avec
lequel je faisois mille querelles, et par conséquent avec lequel je pourrois
malaisément avoir correspondance. J’estime qu’on peult prendre cette occa-
sion d’envoyer en Suède quelque personne qualiffiée, soit en qualité d’Am-
bassadeur ou de résident, estant très important pour le service du Roy qu’il
y ayt quelqu’un de cette sorte pendant la négotiation. Sy l’on y vouloit
envoyer Monsieur de Rorté avec la qualité d’Ambassadeur pour le contenter,
parce que c’est une personne de condition, peult estre qu’il y serviroit plus
utilement qu’à Oznabrug, où l’on pourroit envoyer Monsieur de Saint
Romain en sa place, parce qu’à vous dire le vray, le premier est un bon
homme affectionné. Mais aux affaires où il y a un peu de subtilité, je voy
bien qu’il ne pourroit pas sy bien s’en démesler que l’autre, je vous puis
asseurer…
Monsieur d’Avaux est un esprit irréconciliable et qui ne change jamais.
Je vois certainement, et mes plus particuliers amis de Paris me le confirment,
que luy et tous ceux de sa maison sont ennemis juréz de la nostre et parti-
culièrement de vous et de moy. Monsieur d’Avaux pour les y engager et
parce peult estre qu’ilz luy conseilloient de bien vivre avec moy s’est servy
d’une supposition peu avantageuse pour luy, mais que je vous jure est très
faulce. Il a escript à son frère le Président que j’avois raillé sa maladie et que
j’avois voulu faire croire qu’elle procédoit d’une autre plus dangereuse dont
luy ny les siens ne se pourroient pas déffaire aisément. Je vous proteste sur
mon honneur que cela est très faux, et que tant s’en fault que j’aye jamais
faict aucun discours semblable qu’à l’endroit de sa lettre où il avoit voulu
tirer avantage de ma maladie, j’ay évité dans ma response soigneusement
tout ce qui pourroit donner cette pensée. Vous jugez bien néantmoins à
quelz ressentimens semblables oppinions ont accoustumé de porter les
hommes et ce que nous devons espérer de cette famille, puisque cela,
quoyque très faux, s’est respandu parmy eux comme véritable. Je vous
conjure qu’âme vivant ne sçache ce que je vous en escriptz, parce qu’il m’a
esté confié dans un extrême secret.
La résidence de Dantzic a esté cy devant exercée par le Baron d’Avaugour
qui est à présent Résident dans l’armée suédoise, avec 9000 livres d’appointe-
mentz par an. De Dantzic il a souvent eu ordre d’aller traicter avec le Roy
de Pologne et mesme de se treuver quelques fois dans les diètes de ce
Royaume. Néantmoins, il semble qu’ilz ont pris résolution depuis quelque
temps de ne recevoir plus à l’avenir dans les diètes que ceux qui auroient
qualité d’Ambassadeur.
Je vous puis assdeurer que ce que je vous ay marqué cy devant est très
nécessaire pour le service du Roy et qu’il n’est pas inutile de laisser sy
lontemps des mesmes Ambassadeurs ny des mesmes Résidens en un mesme
lieu, parce qu’ilz y prennent souvent des engagemens qu’ilz préfèrent à ceux
de leur maistre. J’en vis une preuve bien estrange estant en Italie. Claudio
Marini génevois estoit Ambassadeur pour le Roy en Piedmont, s’il n’y fust
mort on ne l’eust jamais osté de cette ambassade où l’on croyoit qu’il estoit
plus propre qu’un autre. Cependant, on m’asseura après sa mort dans le
pays – et personnes qui sçavoient le secret de leur maistre – qu’il y avoit
plus de six ans que toutes les dépesches du Roy pour le reste de l’Italie qui
passoient par ses mains, il les ouvroit, les deschiffroit, les faisoit veoir à
Monsieur de Savoye et puis les refermoit avec un cachet qu’il avoit faict
faire semblable à celuy du Roy.
Je vous prie de demander à ce courrier le passeport que l’Ambassadeur
d’Espagne ne luy a donné, dans lequel vous verrez que parlant de son
maistre il ne met point ‘Sa Majesté Catholique’ comme soustenoit dernière-
ment Monsieur d’Avaux, et que par conséquent je n’avois pas tort de dire
que nous ne devions pas mettre ‘Sa Majesté Trescrestienne’ dans les nostres.
Voylà le cas arivé que j’avois préveu et allégué, puisqu’un mesme courrier,
et dépesché de nostre part, se treuvoit porteur de deux passeportz en l’un
desquelz le Roy d’Espagne seroit qualiffié Roy sans queue comme par
Excellence, et que dans le nostre nous aurions mis la marque de différence
comme par soubmission sy l’on n’y avoit remédié à ma poursuite. Il ne sera
peult estre pas hors de propos de faire remarquer cela et veoir ledict passe-
port sy l’occasion s’en présente.
Je suis obligé de vous faire sçavoir que l’on a escript de divers endroictz
de Paris sur la mort de la Reyne d’Espagne que l’on y parloit desjà de donner
au Roy Catholique Mademoiselle en sa place . Ce bruict selon mon foible
advis n’est point respandu à bonne intention. Je le tiens d’aultant plus
dangereux qu’il est certain que les Espagnolz contribuent à le publier.
Saavedra en a parlé hors de propos deux différentes fois à un gentilhomme
que j’ay envoyé chez luy, et aujourd’huy comme j’y ay renvoyé sur l’office
de condoléance sur la mort de la Reyne d’Espagne, il a encor repris le mesme
discours en parolles couvertes, ayant respondu que cette perte estoit fort
grande pour la Chrestienté, mais qu’elle estoit peult estre arivée pour un
plus grand bien. Plus je considère cette proposition, plus selon mon foible
jugement elle me paroist pernicieuse et tendante ou à unir Monsieur qui est
Gouverneur de Languedoc avec l’Espagne par cette alliance, ou à le mes-
contenter sy pour la seureté de la personne du Roy et l’Estat la Reyne ne
veult pas consentir que Mademoiselle reçoive cet honneur. Je vous conjure
de brusler ce billet après l’avoir faict veoir à Son Eminence pour les consi-
dérations que vous pouvez vous imaginer.
Il me semble que Monsieur d’Avaux me harselle en toutes occasions depuis
quelque temps, et pour des choses qui selon mon foible advis ne le méritent
pas. Je ne sçay s’il se promet d’avoir maintenant plus d’appuy à la Cour que
par le passé. Sy cela estoit et que pour le contenter on fist quelque chose
contre moy hors de raison, je vous asseure que je ne serois pas icy une heure
et que je m’en retourneroy chez moy d’aussy bon cœur que j’en suis venu.
Le changement qu’on a faict du secrétaire faict desjà assez d’esclat à mon
préjudice, et ce n’est pas une petite exaltation en toute la famille de Monsieur
d’Avaux.
Depuis que nous sommes icy toutes ses grandes intelligences d’Allemagne
ont abouty à recevoir un meschant escript qui a esté faict contre nous et
qui peult estre à l’heure que nous parlons est desjà public. Il m’en a voulu
faire un secret soubz prétexte qu’il a donné sa parolle de ne dire pas le lieu
d’où il l’a receu
Vgl. [S. 658 Anm. 4.]
puisque par raison nous ne devons point donner de parolles ny recevoir de
secret au préjudice l’un de l’autre, car sy cela estoit permy, je ne manqueray
pas de mon costé de faire le mesme et nous aurions chacun nos intelligences
à part, ce qui feroit paroistre une grand division et il seroit malaisé que cela
peust estre exécuté sans que celuy qui recevroit un secret de cette sorte
contribuast à fomenter les soupçons qu’on auroit contre son collègue et
peult estre mesme à les donner. J’attendz vostre responce aprèz que vous
aurez proposé la difficulté et que vous aurez adroictement sondé l’oppinion
des puissances sur ce subjet.
J’avois tousjours oublié de vous dire que Monsieur d’Avaux a esté sy
raisonnable que ne s’estant pas contenté que par déference j’ay consenty
que Préfontaine ayt porté la qualité de secrétaire de l’Ambassade, il m’a
faict proposer que des deux mil escuz qui sont destinéz pour noz secrétaires,
il y en ayt la moytié pour ledict Préfontaine et que l’autre moytié soit
partagée à ses secrétaires particuliers et aux miens, qui seroit quinze cens
escuz qui demeureront dans sa maison et cinq cens seulement pour la mienne.
Jugez s’il y a de l’apparence à cela puisque pour le moins le travail a esté
aussy grand d’un costé que d’autre. Je ne sçay s’il n’en aura point escript
de delà, mais je vous prie de faire considérer mes raisons affin que du moins
la chose soit esgalle.
Je suis obligé de vous dire que lorsqu’en suite des propositions que je vous
faictz quelques fois on estime qu’il fault faire icy quelque chose, il seroit
bien à propos que cela nous fust escript ou par les lettres de Son Eminence
ou par celle de Monsieur de Brienne, car encor que je voye dans les vostres
comme il fauldroit agir, néantmoins je n’ay garde d’en rien tesmoigner de
peur qu’on ne s’apperçoive de nostre commerce duquel on n’a desjà que
trop de soupçon, de sorte que je n’ay encor rien faict pour cette considération
sur l’affaire de Saint André et n’ay point parlé de ce qui a esté résolu pour
Rome jusqu’à ce que Monsieur de Brienne nous en a escript, quoyque j’eusse
receu la coppie que vous m’avez envoyée de la lettre que vous avez dressée
pour cela plus de quinze jours auparavant celle qui accompagnoit la despesche
du Sieur de Brienne, affin de ne point violer le secret que j’ay soigneusement
gardé jusques icy pour toutes les choses qui sont venues de vostre part.
Ladicte lettre a esté treuvée très bien faicte, très judicieuse et délicate.
Empfehlung für einen Verwandten Arnaulds und einen Staatsrat.