Acta Pacis Westphalicae II B 5,2 : Die französischen Korrespondenzen, Band 5, 2. Teil: 1647 / Guido Braun unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy und Achim Tröster, unter Mithilfe von Antje Oschmann am Register
192. Mazarin an Longueville Paris 1647 März 22
Paris 1647 März 22
Duplikat [für Servien]: AE , CP All. 99 fol. 210–214’ (ohne PS) = Druckvorlage. Konzept:
AE , CP All. 82 fol. 118–123’. Druck: Mazarin , Lettres II, 402–412.
Zur Aushändigung des französischen Gesamtentwurfes für den Friedensvertrag mit Spanien
durch Longueville an die Niederländer am 25. Januar 1647: Verwunderung über Longue-
villes weitere Gutheißung dieses Schrittes trotz gegenteiliger Einschätzung des Hofes; sein
Vorgehen nicht durch die Anweisungen aus Paris gedeckt; von Longueville kritisierte Alter-
native , das Projekt nach Den Haag zu übersenden, ebensowenig bei Hofe intendiert; Darle-
gung , daß es zweckmäßiger gewesen wäre, wenn Servien die französischen Friedensbedin-
gungen den Generalstaaten direkt unterbreitet hätte; Vorzüge dieses Verfahrens. Völlige
Unvereinbarkeit zwischen Longuevilles, einem Vertrauenserweis gegenüber Pauw und
Knuyt gleichkommenden Verhalten und dem Servien aufgetragenen Vorgehen gegen die
beiden Gesandten in Den Haag. Verweis auf die Anweisungen in nr.n 65 und 82; grober
Verstoß dagegen durch Longueville; Widerlegung der von diesem angeführten angeblichen
Vorteile der Aushändigung des Vertragsentwurfes an die niederländischen Gesandten; dessen
Übergabe zum Beweis der französischen Bereitschaft zum Friedensschluß nur in direkter
Form an die Generalstaaten selbst zu rechtfertigen, nicht jedoch an Pauw und Knuyt; Lon-
guevilles Vorgehen möglicherweise eher Anlaß zu einer Beschwerde der Mediatoren als di-
rekte Konsultationen in Den Haag. Französische Offerten an Spanien nach der Unterzeich-
nung der spanisch-niederländischen Provisional-Artikel vom 8. Januar 1647 völlig unange-
zeigt ; in Paris konzipierte Politik auf eine stärkere Bindung der Generalstaaten an Frank-
reich ausgerichtet, Longuevilles Befürchtung ihres Abgleitens in die Neutralität daher
gegenstandslos. Gefährlichkeit der Interposition durch Pauw und Knuyt; beide Diener Spa-
niens und korrupt; ihr Ziel: ein Friede zu spanischen Bedingungen oder die Separation der
Generalstaaten von Frankreich. Bemühung um klare Anweisungen; persuasorischer Charak-
ter der königlichen Instruktionen; volles Vertrauen auf Longueville. Entrüstung über die
Relation der niederländischen Gesandten für die Generalstaaten, insbesondere wegen ihrer
Schärfen gegen Longueville. Unverständnis über die zögerliche Haltung der Spanier, den-
noch weiterhin Hoffnung auf ihr baldiges Nachgeben.
PS: Abreise Condés.
Je vous advoue que je ne croyois pas qu’après ce qui vous a esté si souvent
mandé au long par divers mémoires du Roy , touchant la délivrance que
vous fistes aux députés de Holande du projet de nostre traicté
jours après la signature de leurs articles avec les Espagnolz
encore occasion de vous escrire quelque chose sur ce sujet, m’imaginant
que vous seriés demeuré assez persuadé des raisons qu’on vous avoit allé-
guées là-dessus. Mais ayant veu depuis par la copie d’une longue lettre
que vous escrivés à monsieur de Brienne du 11 e du courant , que vous
jugés encore que rien ne pouvoit nous estre si advantageux que ce qui
s’est faict, et que vous appuyés vostre sentiment d’une longue suite de
raisons, j’ay cru devoir prendre à tasche particulière de vous expliquer
au vray, entre vous et moy seulement, et sans en plus parler dans les mé-
moires de Sa Majesté, tout ce que l’on a pensé icy sur cette affaire, respon-
dant mot à mot à tout ce que contient ladicte lettre. Je me prometz, Mon-
sieur , que vous le prendrés en aussi bonne part que j’y procède avec
amour et cordialité. Nous ne devons l’un et l’autre, ce me semble, cher-
cher qu’à nous esclaircir en toutes choses de la vérité; et pour moy, je n’ay
pas de plus grande satisfaction que quand on me la faict cognoistre, et
qu’estant dans quelque opinion, on m’oblige d’en changer par quelque
raison meilleure que celle que j’avois songé.
On ne trouvera point en aucun des mémoires signés de Sa Majesté ny
dans aucune de mes lettres, qu’on eust désiré icy que vous eussiés envoyé
le projet du traicté tout droict à Messieurs les Estatz. Ce n’a pas esté la
pensée ny l’intention de Leurs Majestez. De sorte que comme ce fonde-
ment ne subsiste pas, il est entièrement superflu de repartir à toutes les
considérations que vous faictes là-dessus: que c’eust esté changer l’ordre
de l’assemblée; qu’il y falloit le consentement de noz partyes; que cela
leur eust donné lieu d’envoyer Brun à La Haye, et que nous eussions
rendu lesdictz Sieurs Estatz neutres entre la France et l’Espagne.
La pensée de Leurs Majestez a esté: que comme les ennemys et les dépu-
tez de Holande gaignés par eux après la signature de leurs articles, em-
ployoient toute sorte de diligences et d’artifices pour bien insinuer dans
les Provinces-Unyes que la France ne vouloit point de paix, et qu’ainsi
jamais elles ne verroient la fin de leur traicté tant qu’elles s’attendroient
à le conclurre conjoinctement avec le nostre, il eust esté à propos de s’ ad-
dresser directement à Messieurs les Estatz, par le moyen de monsieur Ser-
vien , qui estoit desjà party de Munster, et leur faire toucher au doigt cette
meschanceté, en offrant ausdictz Sieurs Estatz que la France estoit preste
à signer la paix, à des conditions qu’eux-mesmes jugeroient très équi-
tables , et que s’ilz avoient agréable de députer quelques commissaires
d’entr’eux pour les examiner, ayans esté desjà rédigées en forme de traic-
té , afin de gaigner autant de temps pour l’advancement de la paix, ilz re-
conoistroient bientost avec quelle sincérité et quelle passion Leurs Majes-
tez souhaictent le repos de la chrestienté, combien elles contribuent de
leur part pour pouvoir le luy procurer sans délay, et que tout ce que les
ennemys ou leurs partisans publioient au contraire estoient des supposi-
tions contre la vérité, faictes avec le desseing perpétuel qu’ilz ont de séparer
cette couronne de ses alliez.
Par ce moyen, nous n’eussions pas seulement beaucoup mieux obtenu
l’avantage que vous avés prétendu tirer par la délivrance du project aux
députez de Holande, de faire voir à tout le monde le désir que la France a
de la paix, mais nous nous mettions en estat d’en tirer un autre fruict bien
plus considérable dans la conjoncture présente, qui estoit de nous préva-
loir en sorte de l’envie que lesdictz Sieurs Estatz eussent eue de nous voir
bien engagez à ne pouvoir nous desdire de faire la paix, en se saisissant du
projet des articles que nous aurion〈s〉 offert de leur remettre entre les
mains, qu’il y eust eu sans doute moyen, mesnageant la chose avec ad-
dresse , de les obliger à déclarer aux Espagnolz que s’ilz ne donnoient les
mains aux conditions que nous prétendions, et qu’ilz trouvoient fort rai-
sonnables , les Provinces-Unyes estoient résolues de leur faire la guerre
plus fortement que jamais, nonobstant ce qui s’estoit passé à Munster en
la signature de leurs articles.
Messieurs les Estatz n’eussent pas eu occasion de se plaindre que nous
voulussions oster à leurs députés la médiation que nos partyes mesmes
leur ont mise en main, puisque les justes sujetz que la France avoit de se
mesfier des principaux d’entr’eux, qui entraisnoient de façon ou d’autre
leurs collègues, ne produisoient d’autre effect que de nous obliger à nous
addresser directement à eux-mesmes. Ainsy nous faisions les distinctions
convenables, nous percions le serpent sans blesser le corps où il estoit
entortillé, et nous ne faisions pas moings paroistre l’estime et la confiance
que nous prenions entière en Messieurs les Estatz, que les soupçons que
nous devons avoir de quelques-uns de leurs députez.
Car, pour ne vous rien desguiser, Monsieur, il est impossible d’accorder
ensemble les plaintes qu’il nous falloit faire d’un costé hautement de la
signature des articles pour en empescher les suites, et la nouvelle con-
fiance qu’on tesmoignoit à ceux qui venoient de commettre ce manque-
ment , en leur remettant aussitost entre les mains le projet de nostre traic-
té . L’un destruisoit absolument l’autre. Vous aviés envoyé, et avec raison,
pour instruction à monsieur Servien qu’il recognust l’air du bureau à son
arrivée à La Haye, et qu’il poussast Pau et Knuyt s’il voyoit d’en pouvoir
venir à bout . Comment pouvoit-il le faire, si à Munster en mesme temps
on leur tesmoignoit une nouvelle confiance? Ces galandz hommes, qui
sont habiles, ne manquèrent pas, prévoyans ce coup, de faire sçavoir en
diligence à Messieurs les Estatz qu’ilz avoient renoué plus que jamais la
bonne intelligence avec nous, qu’ilz vous avoient esclaircy et satisfaict de
tout le passé, et que pour preuve de cela, on leur avoit de nouveau remis
tous nos intérestz en main. Que pouvoit-on répliquer à Messieurs les
Estatz quand ilz eussent respondu de cette sorte aux plaintes que nous
devions leur faire de ces deux députez?
J’ay voulu revoir moy-mesme les dépesches du Roy du 18 e et du 25 e jan-
vier , et n’ay pu juger le motif que vous avés eu de les citer dans vostre
lettre à monsieur de Brienne, n’y ayant rien trouvé dont on pust, mesme
indirectement, tirer aucune conséquence pour ce que ladicte lettre veut
prouver, et bien loing de cela, elles ne sont pleines que d’exaggérations
contre Pau et Knut, et de particularitez des malices qu’ilz nous avoient
faictes, ou nous vouloient faire. On mettoit mesme en considération à
vous autres Messieurs de les faire menacer de la part du Roy, et d’ aug-
menter les appréhensions qu’ilz tesmoignoient avoir de nostre ressenti-
ment . On mandoit à monsieur Servien de les entreprendre près de leurs
supérieurs, s’il croyoit venir à bout de les faire chastier ou révoquer. On
remarque mesme, dans celle du 25 e , combien s’estoient trompés ceux qui
comptoient pour un des bonheurs de ce royaume que la médiation de ses
intérest[z] avec Espagne fust tombée entre les mains de nos alliés mesmes,
et que nous estions contrainctz d’advouer que les Espagnolz sçavoient
fort bien ce qu’ilz faisoient quand ilz prirent cette résolution.
La conclusion de la mesme dépesche porte un ordre de parler haut et avec
plus de fermeté que jamais, et de |:se monstrer plus difficiles et plus esloi-
gnez de la paix qu’on ne faisoit avant que les articles de Hollande eussent
esté signez:|. Or, rien ne pouvoit estre plus contraire à cette conduite que
de délivrer d’abord à ceux mesmes qui venoient de nous offenser si sensi-
blement , le projet du traicté dans la forme que nous prétendons qu’il de-
meure , ce que l’on n’avoit point encore fait.
Pour respondre maintenant à chaque poinct de vostre lettre: il est vray
qu’on n’avoit donné aucun ordre d’envoyer le traicté à Messieurs les
Estatz, aussi n’a-ce pas esté l’intention de Leurs Majestez qu’en la forme
marquée cy-dessus. Il est vray aussi qu’on n’en avoit donné aucun de le
délivrer aux députés de Holande. Tous les termes qui sont dans les dépes-
ches du Roy de |:patience, de dissimulation, de ne s’emporter pas mal à
propos:|, ont tousjours esté relatifz, ainsi qu’il se justiffie clairement, au
corps de l’Estat, et non pas à des personnes qui avoient fait et conti-
nuoient à faire contre nous du pis qu’elles pouvoient.
La principale raison sur laquelle vous appuyés vostre raisonnement, c’est
le fruit qu’on a tiré de la délivrance du projet. Ce fruict ne peut estre que
de deux sortes, ou à l’esgard des Espagnolz, à qui nous avons à faire, ou à
l’esgard du reste du monde, qui a touché au doigt les sincères intentions
de Leurs Majestez pour la paix.
Pour le regard des Espagnolz: je ne pense pas que nous puissions nous
chatouiller à ce poinct que de prétendre d’avoir tiré aucun advantage de
la belle repartye qu’ilz ont faicte à nostre projet . Car de dire, comme
vous faictes, qu’ilz ne sont pas encore en estat de se descouvrir de leurs
dernières intentions jusqu’à ce qu’ilz voyent ce qui réussira à Osnabruk
du traicté de l’Empire, et à La Haye de la négotiation de monsieur Servien
sur la garentye, on pourra respondre qu’il n’estoit donc pas besoing de
donner nos articles, qu’on pouvoit bien en différer au moins pour quinze
jours la délivrance, et qu’il valloit bien mieux voir comme eux ce qui suc-
cédera de ces deux autres affaires. Mais la véritable raison qui les faict
demeurer si réservés, c’est l’espérance qu’ilz ont tousjours de pouvoir,
avec un peu de patience, destacher les Holandois d’avec nous, dont la
négotiation qu’on pouvoit faire à La Haye les eust destrompés, comme il
est dict cy-dessus.
Quant au reste du monde, qui a cognu de là nos bonnes intentions pour la
paix: premièrement on peut mettre en doute s’il |:n’est pas plus utile pour
l’avancement et la prompte conclusion de ladicte paix que chacun croye
que nous y avons aversion:|. Il est bien certain au moins que |:rien ne la
faict tant souhaitter aux Espagnolz que l’oppinion qu’ilz ont que nous ne
la voulons en aucune façon.
Il n’y a que Messieurs les Estatz seulz à qui il nous importe extrêmement
d’imprimer que nous la souhaittons avec passion; quelle estoit:| la meil-
leure voye pour y parvenir? Ce n’estoit pas certainement celle d’en laisser
le soing à Pau ny à Knut, ouy bien de s’addresser tout droict à eux- mes-
mes , et de le leur faire toucher au doigt par raisons palpables. Ce n’est pas
assez, pour prouver qu’on veut la paix, de présenter un projet de traicté
qu’on soit prest de signer. Il faut encore que ce qu’il contient soit juste. Il
est vray que le nostre est tel; mais à qui l’avons-nous remis pour le faire
conoistre? A des gens qui sont payés pour persuader le contraire, qui
deux jours après ont escrit à Messieurs les Estatz qu’il estoit plein de
défectuositez et de nouvelles prétentions, et à leurs amys ilz ont adjousté
qu’il seroit impossible d’y faire jamais condescendre les Espagnolz.
Knuyt y est allé en personne pour prescher ce faux évangile. Le sieur de
Niderhost mesme, qui eust pu par quelque moyen soustenir nostre cause,
n’estoit pas présent à Munster. Ainsi il a fallu estre entièrement à la dis-
crétion de deux personnes qui n’en ont point, et encore moins de foy et
d’honneur.
De dire que traicter en Holande eust offensé les Médiateurs, qui ont esté
desjà quatre mois entiers sans se mesler de rien, outre que |:les Espagnolz
nous ont bien monstré l’exemple de ne nous en mettre pas beaucoup en
peine:|, il leur doit estre fort indifférent qu’on négotie avec Messieurs les
Estatz ou avec leurs députés, particulièrement quand on a desseing de ne
rien conclurre que par leur entremise; et il est indubitable qu’ilz ont beau-
coup plus de sujet de se plaindre de nous, lorsqu’après une injure si sen-
sible que celle que nous ont faicte les députés de Holande, nous leur re-
mettons de nouveau nos affaires entre les mains, que quand nous recou-
rons à leurs supérieurs pour essayer d’en tirer raison et de réparer les pré-
judices qu’on nous a voulu faire.
Ce n’eust pas aussi esté la France à qui on eust pu imputer d’avoir changé
l’ordre de l’assemblée, c’estoit aux Espagnolz, qui avoient corrompu des
députez en qui nous ne pouvions plus prendre confiance, et qui vouloient
envoyer Brun à La Haye, où il ne peut avoir rien à faire tant que l’ assem-
blée générale durera.
Au reste, il n’y avoit aucune nécessité qui nous obligeast de faire rien dire
dans cette conjoncture aux plénipotentiaires d’Espagne, que nous ne vis-
sions au moins quel train prendroit la négotiation en Holande de mon-
sieur Servien, non plus que de leur faire sçavoir ce que nous aurions
traicté avec Messieurs les Estatz, dont il eust suffy qu’ilz eussent eu co-
gnoissance par le contrecoup; et ainsi les Espagnolz ne pouvoient pas se
resjouir, comme vous marqués, d’avoir occasion d’envoyer un des leurs à
La Haye, d’autant plus que sans cela mesme ilz n’ont obmis aucune dili-
gence imaginable pour y faire séjourner Philipes Le Roy, et pour y faire
recevoir un ambassadeur. Au contraire, ilz eussent |:eu grande appréhen-
tion de nous veoir si réservez et sy froids lorsqu’ilz pouvoient s’estre flat-
tez que la signature de leurs articles avec les Hollandois nous obligeroit
de les rechercher avec grande ardeur:|, et c’estoit là le sens de l’ordre que
Sa Majesté donnoit par sa dépesche du 25 e janvier, |:de parler hault et ne
faire aucune avance affin que les ennemis n’en prissent point d’avantage:|.
On n’a jamais eu la pensée icy de se soubsmettre au jugement de Mes-
sieurs les Estatz. Il y a grande différence entre les constituer juges, ou
offrir de leur faire advouer que nous ne prétendons rien pour la paix qui
ne soit juste. On ne les rendoit pas aussi par cette voye neutres entre la
France et l’Espagne, comme vous présupposés qu’il seroit arrivé. Au con-
traire , on visoit à les engager davantage en nostre faveur, et à les mettre en
estat d’agir plus vivement que jamais contre nos ennemis, les conduisant
adroictement à approuver les conditions que nous demandons, afin qu’ilz
fussent après nos solliciteurs à nous les faire obtenir, ou à faire pour cela
une campagne plus vigoureuse que les précédentes.
Quant à ce que vous dictes, Monsieur, que Pau et Knuyt ne sont pas ju-
ges , et qu’ilz ne sont que nos médiateurs, c’est de quoy il faut que nous
soyons beaucoup plus en peine, car s’ilz estoient nos juges, comme ilz
sont gaignés par nos partyes, nous aurions pour décliner leur jugement
la voye de récusation dont toutes les loix veulent qu’on se puisse servir
contre les personnes suspectes; au lieu que soubz le nom de médiateurs,
ilz nous portent des coups d’ennemys, et convertissent en poison tout ce
qui en d’autres mains seroit des remèdes très efficaces pour guérir les
maux que la chrestienté souffre.
Je ne doute en aucune façon que lorsque vous parlés à Pau, ce ne soit avec
les mesmes réserves et les mesmes précautions que si vous parliés à Pen-
naranda . Mais on ne peut pas induire de l’intelligence et de l’amitié qui est
entre les Espagnolz et ledict Pau, qu’il puisse, comme vous mandés, faire
mieux réussir qu’un autre ce qui nous reste de prétentions à adjuster.
Cette amitié et cette bonne intelligence est un fruict de l’aversion que
ledict Pau a pour cette couronne, et des bonnes et solides preuves qu’il
leur en donne tous les jours, lesquelles il faut qu’il continue jusqu’au
bout, s’il veut continuer dans cette amityé.
Quant à l’intérest que vous dictes qu’il a de faire la paix, son principal et
véritable intérest, aussi bien que de Knuyt, est de servir entièrement l’ Es-
pagne , comme ilz s’y sont engagés, soit en faisant réussir la paix à leur sa-
tisfaction , soit en leur procurant d’autres advantages dans la continuation
de la guerre, comme celuy de la séparation de Messieurs les Estatz. Et il n’y
a pas apparence qu’après les avoir tant servys, lorsqu’ilz sont sur le poinct
de recevoir les cent mil escus qui leur ont esté promis à chacun, et qui sont
déposés à Amstredam chez une personne confidente de part et d’autre
veuillent perdre un advantage si considérable pour nous plaire.
Ce seroit véritablement laisser leur ouvrage imparfaict de ne servir pas
jusqu’au bout l’Espagne, car l’ouvrage de ces deux seigneurs n’est pas ce-
luy que vous désignés, ny de faire une paix juste, seure et durable, c’est de
faire des traictés avec Messieurs les Estatz ou avec nous aux conditions
que les Espagnolz désirent, ou de faire séparer lesdictz Sieurs Estatz de
la France dans la continuation de la guerre.
De sorte que, quand mesme à présent les Espagnolz se déclareroient à Pau
de vouloir nous satisfaire dans le reste de nos prétentions, nous ne devons
point le recognoistre de luy, ny luy en avoir obligation, mais de la néces-
sité que les ennemys ont de nous contenter; et il faut croire que non seule-
ment nous aurions eu par une autre main les mesmes advantages, mais que
nous les eussions eus ou plus tost ou plus grandz.
Pour conclusion, je puis vous respondre en mon particulier qu’on n’a ja-
mais eu intention icy, en aucune rencontre, de donner des ordres obscurs,
ou qui embarassassent pour l’intelligence ceux à qui l’exécution en est
commise; et les ministres qui servent aujourd’huy Leurs Majestez en
quelque endroict que ce soit, se doivent asseurer que quoyqu’on puisse
quelquesfois manquer à leur bien expliquer les choses, on n’a eu et on
n’aura jamais la pensée de les rendre obscures ny équivoques, pour en
pouvoir après imputer les inconvéniens à leur conduite. Au contraire, on
void bien que Leurs Majestez pourroient se contenter d’envoyer nuement
leurs ordres. Mais j’ay pris une méthode qui est plus obligeante et plus
instructive pour ceux à qui ilz sont addressez, d’essayer de les persuader
par les mesmes raisons qui ont meu Leurs Majestez aux résolutions qu’ el-
les font, remettant mesme après, le plus souvent,
suivant qu’il est jugé plus à propos sur les lieux.
Vous trouverés bon que je n’accorde pas facilement ce que vous me dictes
dans vostre lettre de la crainte que vous avés de faillir estant seul, et de
vostre peu d’expérience dans des négotiations espineuses. C’est faire tort
au jugement de Leurs Majestez et à la satisfaction qu’elles ont de vostre
conduite, et de la prudence et du zèle que vous faictes esclatter en toutes
les occasions de leur service. Il est qu’estant plusieurs, on peut en dis-
putant ensemble trouver bien souvent mieux la vérité et les meilleurs par-
tys à prendre que ne sçauroit quelquesfois faire le plus habile de tous les
hommes. Mais comme je cognois parfaictement vostre suffisance, je vous
asseure que je n’auray jamais d’inquiétude quand je verray les plus impor-
tantes affaires du royaume commises à vostre seule direction.
Je voy dans la lettre particulière que vous m’escrivés , le jugement que
vous faictes de la relation que les plénipotentiaires de Holande avoient
donnée à Messieurs les Estatz , et que vous croyés qu’ilz vous ont voulu
espargner, et ne contrevenir pas entièrement à ce qu’ilz vous avoient pro-
mis . Je ne puis en cela que louer vostre modération d’en avoir eu moins
de sentiment que vos serviteurs n’en ont eu pour vous, pouvant vous
asseurer avec vérité que lorsqu’on en fit la lecture dans le Conseil, chacun
frémissoit contre les autheurs de cette pièce, principalement pour vostre
respect.
Je voy que la saison s’advance, et il semble que les Espagnolz reculent le
traicté. Je vous advoue que je ne puis accorder cette conduite avec l’ abso-
lue nécessité qu’ilz ont de faire la paix, pour arrester nos progrès. C’est
pourquoy, encore que nous soyons à la veille de sortir en campagne, je ne
me puis oster de l’esprit qu’il faudra ou qu’ilz soient aveuglés de la main
de Dieu qui veut les chastier davantage, ou qu’avant qu’il soit peu, et
quand vous y penserez le moins, ilz vous envoyeront, sans plus chicaner,
donner toute sorte de satisfaction, non seulement dans la matière, mais
dans la forme que nous prétendons. Je souhaicte pour vostre gloire que ce
soit au plus tost.
[ PS] Condé wird morgen bei Tagesanbruch in Richtung Dijon aufbrechen,
um spätestens am 10. oder 11. des kommenden Monats in Barcelona zu sein.