Acta Pacis Westphalicae II B 4 : Die französischen Korrespondenzen, Band 4: 1646 / Clivia Kelch-Rade und Anuschka Tischer unter Benutzung der Vroarbeiten von Kriemhild Goronzy und unter Mithilfe von Michael Rohrschneider
185. Memorandum Ludwigs XIV. für Longueville, d’Avaux und Servien Fontainebleau 1646 Oktober 4
Fontainebleau 1646 Oktober 4
Kopien: AE , CP All. 78 fol. 61–74’ = Druckvorlage; AE , CP All. 67 fol. 44–57’; Ass. Nat.
276 fol. 170–187’, datiert auf den 28. September
398–416’, datiert auf den 28. September. Druck: Nég. secr. III S. 326–336, datiert auf den
29. September.
Positive Auswirkung der militärischen Fortschritte auf die Verhandlungen. Freude über die fran-
zösisch-kaiserlichen Satisfaktionsartikel. Satisfaktion Schwedens und Hessen-Kassels noch ausste-
hend. Versuch, Schweden zur Mäßigung seiner Forderungen zu bewegen. Unterredungen Maza-
rins mit La Gardie. Französische Bemühungen um Einigung zwischen Schweden und Kurbran-
denburg. Friedensbereitschaft Spaniens aufgrund seiner bedrängten Lage. Unterredung Castel
Rodrigos mit Goring. Äußerungen Terranovas und anderer zu den französisch-spanischen Ver-
handlungen. Einschätzungen einiger niederländischer Gesandter. Ungeduld des Prinzen und der
Prinzessin von Oranien, Frieden zu schließen. Verärgerung Peñarandas und Castel Rodrigos
über die Generalstaaten. Einvernehmen zwischen Peñaranda und Castel Rodrigo. Unterredung
Contarinis mit Peñaranda über einen Waffenstillstand für Katalonien und die Sicherung des
Friedens. Warnung vor spanischen Absichten. Aussicht auf Friedensschluß mit Spanien. Gerüchte
über Pläne einer schwedisch-spanischen Liga und eines Bündnisses zwischen Frankreich, Schwe-
den und Portugal. Peñaranda vermutlich im Besitz von Blankoratifikationen. Spanischer Frie-
denswille. Gemäßigte Forderungen Frankreichs. Hoffnungen auf Dünkirchen und Lérida. Wei-
sungen an die Bevollmächtigten; Instruktionen für folgende Punkte: 1. Sicherung des Friedens-
vertrags; 2. Verzicht des spanischen Königs auf das Elsaß; 3. Casale; 4. Regelung der italienischen
Angelegenheiten; 5. Geheimhaltung des französischen Entgegenkommens bezüglich Portugals;
6. Beseitigung kirchenrechtlicher Probleme in Katalonien für die Zeit des Waffenstillstands;
7. Waffenstillstandsdauer; 8. Vereinbarung über künftige Eroberungen; 9. Verhalten in den Por-
tugal-Verhandlungen. Verknüpfung der portugiesischen und der lothringischen Interessen. An-
kündigung von nr. 198. Positive Haltung der Generalstaaten. Negativer Einfluß der Prinzessin
von Oranien auf ihren Gatten. Einlenken des Papstes bezüglich der Barberini: Unterrichtung
Chigis; Empfang Taddeo Barberinis mit Familie. Zufriedenheit mit den Bevollmächtigten.
On ne s’est pas trompé quand on manda dernièrement ausdits Sieurs Plénipo-
tentiaires que le comte de Trautmansdorff et les ministres du duc de Bavières
reprendroient bientost la parolle qu’ilz sembloient avoir tout à faict perdue
dès qu’ilz conceurent l’espérance de pouvoir défaire l’armée suédoise dans
l’intervalle de temps que le sieur maréchal de Turenne tarda à la joindre. Il est
infaillible qu’aussy souvent que les affaires de la guerre changeront de face,
celles de la négotiation prendront le mesme train, et comme les armes de cette
couronne ont eu depuis peu les heureux succès que l’on sçait en Flandres, et
ce qui importe encores plus en Allemagne, on n’avoit quasy pas doubté qu’on
ne vist bientost un grand acheminement à la paix.
C’est ce que la dépesche de Messieurs les Plénipotentiaires que le sieur d’Er-
bigny a apportée a vériffié à point nominé, puisqu’ilz ont convenu en peu de
jours de négotiation avec les Impériaux de tout ce qui concerne la satisfaction
de la France, et qu’on leur a accordé tout ce à quoy Sa Majesté leur avoit
tesmoigné désirer qu’ilz insistassent.
Sa Majesté a veu avec grand plaisir les articles qui en ont esté dressez avec les
nottes que lesdits Sieurs Plénipotentiaires ont mises à costé, qui sont vérita-
blement très judicieuses et bien dignes de leur prudence. Elle ne peult assez
leur exprimer l’entière satisfaction qu’elle a de toute leur conduicte et de la
fermeté et de l’addresse avec laquelle ilz ont mis la négotiation au point où
elle se treuve aujourd’huy avec tant d’advantage et de gloire pour cette cou-
ronne.
Il reste à poursuivre de mesme ce qui a esté si heureusement commencé et à
mettre la dernière main à ajuster la satisfaction de la couronne de Suède et de
Madame la Lantgrave, sur quoy on attendra avec grande impatience les nou-
velles du succès de leur voyage à Oznabrug.
Cependant on n’a rien obmis icy pour essayer de porter les ministres de Suède
à faciliter les choses de leur part aultant qu’il se pourra. Monsieur le cardinal
Mazarin eut là-dessus de longues conférences avec l’ambassadeur extraordi-
naire
Magnus de La Gardie (s. [nr. 52 Anm. 5] ).
particulière de la couronne de Suède ou de la personne de la reyne mesme, et
de ceux qui ont part en ses bonnes grâces qui pust faire impression dans son
esprit.
Après avoir exaggéré les considérations généralles et le besoin que la
chrest〈ienté〉 a de repos pour pouvoir mieux résister à l’ennemy commun
qui se met en estat de proffiter des divisions de ses princes, ledit sieur cardinal
luy a fa〈it〉 cognoistre de quelle gloire immortelle se couronneroient les
deux reynes, si ayans pris le timon de leurs Estatz durant une sanglante guerre
et après les pertes de deux grands roys, chacune desquelles avoit faict espérer
aux ennemis de donner la loy, Leurs Majestez ne s’estoient pas contentées de
soustenir les affaires avec vigueur, ce qui auroit tousjours esté beaucoup en
des minoritez qui apportent ordinaire〈ment〉 le trouble et le désordre, mais
ayant poussé plus avant leurs progrès et estendu notablement les limites de
leurs royaumes, elles s’estoient asseurées la possession de la meilleure partie
des conquestes par une paix avantageuse, laquelle toute la chrestienté reco-
gnoistr〈oit〉 ne devoir qu’aux bonnes intentions de Leurs Majestez pour le
bien public et pour son repos, veu le bon estat de nos affaires et l’apparence
qu’il y a qu’elles prospéreroient tousjours de plus en plus dans la continuation
de la guerre.
Il luy a faict veoir ensuite le revers de la medaille, c’est-à-dire la risque que
nous pouvons courir qu’en tenant trop de rigueur, une sy belle conjuncture ne
nous eschapast, et qu’elle ne revînt plus; qu’un petit accident dans la guerre,
où il en naist chaque jour mille impréveuz, estoit capable de reffroidir le désir
que les ennemis ont de la paix qui leur est aujourd’huy sy nécessaire et de
changer la face des affaires en un instant.
Il luy a mis en considération avec addresse quelle sorte d’embarras pouvoit
ariver à la Suède d’un jour à l’aultre, ayant d’un costé le Danois, envieux se-
cret de sa grandeur et amy réconcilié par force, et de l’aultre le roy de Polo-
gne, prince guerrier prétendant que ce royaume-là luy appartient
Polen und Schweden waren 1592–1600 in Personalunion unter dem kath. Kg. Sigismund III.
(1566–1632, 1587 Kg. von Polen, 1592 Kg. von Schweden) verbunden gewesen. Ein schwed.
RT setzte ihn auf Betreiben seines Onkels, des prot. Hg.s Karl von Södermanland
(1550–1611), ab und schloß ihn mit seinen Nachkommen von der Thronfolge aus. Die Krone
wurde auf Karl von Södermanland übertragen, der 1604 als Karl IX. Kg. von Schweden
wurde. Sigismund III. und nach ihm sein Sohn Wladislaw IV. (s. [nr. 30 Anm. 7] ) beanspruch-
ten weiterhin den schwed. Thron, auf den erst 1660 Johann II. Kasimir (s. [nr. 37 Anm. 8] )
verzichtete ( Roberts S. 16–19; Berner S. 58–73; Stammtafeln NF II T. 117; Brandt
S. 983ff.; Rhode S. 1046f. und 1056).
rompre la trefve selon que les affaires d’Allemagne irront et mesme ladite
trêve
Gemeint ist der Waffenstillstand von Stuhmsdorf (s. [nr. 4 Anm. 2] ).
estre conclue. Il n’a pas oublié aussy le cas qu’on doibt faire du ressentiment
de l’électeur de Brandebourg picqué au vif pour la Poméranie dont la Suède le
veut despouiller, et l’intérest que tous ses amis et ses proches peuvent prendre
en sa cause, non plus que tout ce qui se peult dire sur l’Angleterre et la Hol-
lande, ayant recognu que ledit ambassadeur estoit en inquiétude du séjour de
celuy de Dannemarck à La Haye
Zum Aufenthalt Ulfeldts in Den Haag s. [nr. 71 Anm. 7] .
bourg avec la fille du prince d’Orange
Kf. Friedrich Wilhelm von Brandenburg (s. [nr. 22 Anm. 3] ) heiratete am 7. Dezember 1646
Luise Henriette (1627–1667), eine Tochter des Pz.en Friedrich Heinrich von Oranien und
seiner Gattin Amalie ( Opgenoorth I S. 159–162).
certain que les ennemis feroient tous efforts possibles pour unir tous ceux qui
par envie, par espérance, ou par intérest peuvent contribuer en quelque façon
à faire changer la face des affaires qui est à présent sy riante pour nous et sy
advantageuse.
Il a pris aussy occasion de luy dire comme pour marque d’une dernière
confiance dont l’aultre a tesmoigné grande obligation qu’encore que la
France, avec une constance inesbranlable quoy qu’il puisse ariver, ayt résolu
de ne manquer jamais à la moindre des obligations où elle est engagée par les
traictez avec ses alliez, que néantmoins il pouvoit survenir tel accident que
nous serions tous ensemble contrainctz de nous relascher beaucoup de ce que
l’on peult obtenir aujourd’huy fort facilement; que nous avons des raisons
secrettes de désirer la paix; que les peuples dans ce royaume sont entièrement
espuisez d’argent, et que leur misère est telle qu’il est absolument impossible
que nous puissions continuer à soustenir les fraiz immenses que l’on a faictz
jusqu’icy en sorte que la nécessité nous forceroit bientost avec grand desplai-
sir de Leurs Majestez à manquer de fournir les sommes d’argent sy considéra-
bles qu’il nous fault treuver pour l’Allemagne, soit pour les subsides à la cou-
ronne de Suède et à Madame la Lantgrave, soit pour maintenir l’armée du
maréchal de Turenne qui nous couste plus de six millions de livres.
Et comme par certains discours de l’ambassadeur ledit sieur cardinal recognut
qu’on avoit quelque appréhention en Suède que la paix d’Espagne fust
conclue avant celle de l’Empire, il appuya extrêmement ce poinct pour luy en
augmenter la crainte, luy faisant cognoistre que la prise de Donkerque et de
Lérida, les suites qu’elles pouvoient avoir, la sortie de nostre armée navalle à
la mer et le changement de conduicte de Messieurs les Estatz, de qui les en-
nemis se promettoient toutes choses, pouvoient faire telle impression dans
l’esprit des Espagnolz qu’appréhendant une ruyne totale ilz se résouldroient
peult-estre en un instant d’embrasser les partiz que nous leur avons proposé
pour la paix, que nous ne pourrions plus alors refuser avec bienscéance sans
nous charger de la hayne publicque, qu’en ce cas l’Empereur, assisté de toutes
les forces que les Espagnolz ont en Flandre et en Italie et de leur argent,
auroit moyen de remettre ses affaires avec facilité, sans que la France 〈pour〉
estre libre de la guerre d’Espagne pust à proportion accroistre ses assistances
en Allemagne et y faire le contrepoids convenable à cause de l’aversion que
les soldatz françois ont de passer le Rhin qui est telle que toutes les troupes
qu’on y envoye, quelque soin que l’on prenne de les bien traicter, se dissipent
en peu de temps.
Mais la considération à laquelle il a semblé le plus déférer est celle qui suit et
dont il sera bon par conséquent que Messieurs les Plénipotentiaires se prévail-
lent envers les ministres de Suède sy desjà ilz ne l’ont faict.
On jugera bien qu’il n’y a guères d’apparence que la couronne de Suède
puisse obtenir une satisfaction plus advantageuse que celle qu’on luy a desjà
offerte
matière dans l’assemblée depuis que le comte de Trautmansdorff y est arivé,
sa première application et quasy la seule qu’il eust dans le commencement fut
de gagn〈er〉 à quelque prix que ce pust estre la Suède. Son long séjour à
Oznabrug
sans faire dire un seul mot aux plénipotentiaires de France, fisrent mesme
juger à tout le monde qu’il n’estoit pas venu pour traicter la paix généralle,
mais pour séparer les deux couronnes en faisant à l’une largement son
compte, et laissant tout à faict en arrière les intérestz de l’aultre. Or disoit-il
audit ambassadeur: „Il est indubitable qu’il n’espuisa pas seulement son pou-
voir, mais à l’instigation des Espagnolz qui luy promettoient sans cesse des
merveilles de cette désunion, il alla au delà de ses ordres et crut que pour
tenter la couronne de Suède d’une infidélité il ne luy falloit pas seulement
cedder ce qu’elle pouvoit raisonnablement prétendre, mais luy offrir sans ré-
serve tout ce qui estoit le plus capable de la chatouiller.“
Les ministres d’Espagne qui ne songeoient qu’aux moyens de se vanger de
nous et qui d’ailleurs se soucioient bien peu aux despens de qui cela se fist,
pourveu qu’ilz parvinsent à leur but, oublièrent alors toutes les pensées de
paix généralle pour ne travailler qu’à cet accommodement particulier dans
lequel ilz avoient mis toutes leurs espérances, et pour le faire réussir ilz s’es-
tudièrent surtout à bien persuader à Trautmansdorff que, quoy que son mais-
tre pust cedder pour contenter la Suède, il gaigneroit tousjours beaucoup,
parce que n’ayant plus à faire qu’à la France, ou elle se départiroit de ses
prétentions pour se tirer de tout embarras, ou ne le faisant pas, l’Empereur
employant toutes ses forces contre elle pourroit se promettre toutes sortes
d’avantages dans la continuation de la guerre.
Ilz n’oublièrent pas mesmes de faire veoir à Trautmansdorff que la France
estant une fois contrainte de ne plus songer aux affaires de l’Empire et offen-
sée contre les Suédois pour leur manquement, il seroit facile à l’Empereur de
treuver des moyens de rentrer dans tous les Estatz qu’il auroit cédé aux Sué-
dois.
De sorte qu’aujourd’huy que nous traicterons conjoinctement comme il se
doibt et que la France sera obligée à la manutention de ce qui sera accordé à la
couronne de Suède, il est à présumer que les Impériaux n’auront garde de
hausser des conditions qu’ilz jugèrent desjà exorbitantes quand ilz avoient
pensée de s’en desdommager ailleurs, et que la Suède fera beaucoup sy elle
peult se conserver dans un traicté légitime ce qui ne luy avoit quasy esté offert
que pour prix de la deffection à laquelle on la vouloit porter.
L’exemple de la conduicte que les Espagnolz ont tenue depuis peu avec les
Hollandois est bien formel pour justiffier ce raisonnement. Ilz ont consenty
sans hésiter aux soixante et unze articles que ceux-cy leur présentèrent dans
la croyance que leur donnant une satisfaction complette de tout point, ilz les
obligeroient à achever le traicté sans la France, mais dès que Messieurs les
Estatz ont déclaré ne pouvoir rien conclurre sans elle, les ministres d’Espagne
n’ont manqué de faire cognoistre qu’il ne falloit pas qu’ilz s’attendissent
d’avoir les mesmes conditions par cette voye que s’ilz se fussent accommodez
séparément, quoyqu’il y ayt apparence que la nécessité de leurs affaires ne
leur permettra pas de s’en desdire non plus qu’aux Impériaux envers les
Suédois.
Ledit sieur ambassadeur a paru fort persuadé de tout ce que dessus et a posi-
tivement asseuré que les sentimens de la reyne sa maistresse sont de faire une
paix à la vérité glorieuse et advantageuse mais pourtant de la faire prompte-
ment.
On avoit songé icy que pour faciliter l’accommodement des Suédois, en tirant
mesmes pour nous quelque advantage des difficultez qui s’y treuvent, la
France pourroit fournir une somme d’argent et avoir en eschange quelque
ville forestière et Benfeld, et les Suédois pouroient se servir de ladite somme
ou à contenter en partie Brandebourg ou à s’en satisfaire eux-mesmes pour
contenter ledit électeur en d’aultres choses. L’envie ou le besoin qu’ilz ont
d’argent comptant en Suède que l’on 〈infère〉 du procéder qu’ilz ont tenu en
certaine vente de vaisseaux qu’ilz nous recherchent avec grande instance
d’achepter, pourroit peult-estre donner lieu à Messieurs les Plénipotentiaires
ayant plus meurement digéré cette ouverture, d’en retirer quelque utilité et de
surmonter les obstacles qui empescheroient cet accommodement, néant-
moins, comme il ne leur est dict qu’en passant, ilz ne s’y arresteront
qu’aultant qu’ilz croiront que cela puisse avancer la paix et le service de Sa
Majesté.
Voylà pour ce qui regarde les affaires de l’Empire qui sont présente〈ment〉
dans une crise laquelle décidera bientost ce qu’on doibt se promettre de cette
paix.
Pour les Espagnolz il est certain que de leur confession mesme ilz sont au
plus mauvais estat qui se puisse concevoir. Les derniers advis d’Espagne por-
tent que tout y est dans un désordre incroyable et dans une dernière conster-
nation. Le Roy mesme a faict de grands retranchemens dans sa propre mai-
son; ilz n’ont ny hom〈mes〉 ny argent, et pour en treuver on n’use plus
d’aultre industrie que de rechercher qui en a pour le faire prendre aussytost
par force.
On mande pour indubitable qu’il avoit esté unani[m]ement résolu dans le
conseil du roy de sortir d’embarras à quelque prix que ce fust et de nous
donner carte blanche pour la Catalogne et pour la Flandre, pourveu que l’on
obtînt qu’il ne seroit point faict de mention du Portugal dans le traicté. Les
advis que l’on a de Flandres, de Vienne, de Rome et de toutes partz confir-
ment la mesme chose.
Le marquis de Castel Rodrigo parlant depuis peu de jours au milord Gorin
S. [nr. 144 Anm. 3] .
qui a esté ambassadeur du roy d’Angleterre en cette cour, après avoir déclamé
contre les François qui ne veullent point la paix, protesta que le Roy son
maistre la désire à tel point que pour les conquestes que la France a faictes en
Flandres il ne s’en parleroit point, et a treuvé bon qu’il en escrivist en ce sens
à la princesse d’Orange avec laquelle il a eu jusqu’à présent de grandes négo-
tiations, et qu’il l’asseurast qu’on feroit avec cette couronne un accommode-
ment à la hollandoise, c’est-à-dire en abandonnant tout ce qu’on a perdu sans
y rien prétendre sy ce n’est peult-estre quelques eschanges de place selon
qu’elles seroient plus ou moins à la bienscéance des uns et des aultres, et d’une
commodité réciproque.
Le mesme personage de Vienne qui nous donna advis de la négotiation de
Rosenhan avec les ministres d’Espagne escript icy que le duc de Terranova,
ambassadeur d’Espagne en cette cour-là, se plaignant à l’Empereur de la du-
reté des François, et voulant faire veoir qu’il estoit inutile d’espérer de les
porter à la paix, luy avoit dict ces propres parolles: „Nous consentirons à ce
qu’ilz désirent en Catalogne, nous ne prétendrons aulcune restitution des pla-
ces dans la Flandre, nous n’apporterons point de difficulté d’accommoder à
leur gré les affaires d’Italie, et néantmoins la paix ne se fera point, parce que
nous sçavons certainement qu’on la considère en France comme la seulle
chose qui peult empescher la ruyne totale de la maison d’Austriche“,
concluant son discours que l’Empereur devoit une fois pour toutes se désabu-
ser et songer sérieusement aux moyens de continuer la guerre sans se laisser
flatter ny endormir aux belles parolles que Bavières donnoit de la sincérité
avec laquelle les François désiroient la paix; qu’aprés tout, les affaires n’es-
toient pas tellement désespérées qu’il n’y eust des expédiens de former un
parti capable de faire suer tous les ennemis de la maison d’Austriche, sy on
vouloit s’applicquer de bonne sorte à fomenter les desgoûts du roy de Danne-
marck et de l’électeur de Brandebourg, et les jalousies qu’ilz ont aussy bien
que le roy de Pologne et beaucoup d’aultres princes et Estatz de la grandeur et
puissance des Suédois, achevant comme il leur estoit aisé la ligue projettée
entre les princes d’Italie, et asseurant enfin que le roy son maistre employeroit
tant de ressortz à faire naistre quelque division dans 〈la〉 France que l’on la
verroit bientost esclatter.
Le mesme personnage adjouste que l’Empereur ayant communicqué ce que
luy avoit dict cet ambassadeur à un ministre de Bavières et à quelques aultres
des ses plus confidens, on luy avoit représenté que p〈our〉 mettre la France
dans son tort il falloit luy offrir tout ce que le duc de Terranova avoit avancé,
insistant qu’il ne seroit point parlé du Port〈ugal〉 que sy alors les François
n’y condescendoient pas, on n’auroit qu’à qui〈tter〉 toute espérance de paix
et songer à prendre les dernières résolutions pour la continuation de la guerre,
puisque les facilitez qu’ilz aporteroient conjoinctement avec les Suédois à
conclurre l’accommodement de l’Empire ne viseroient qu’à se mettre en estat
de pouvoir presser davantage les Espagnolz et avec de plus grandes forces
pour, après en estre venuz à bout, perdre sans aulcun obstacle la maison
d’Austriche en Allemagne.
Celuy qui a donné l’advis tesmoigne ne doubter point que tous ces discours
n’ayent esté mandez ponctuellement au comte de Trautmansdorff et adjouste
que tous les mauvais offices que les Espagnolz ont renduz audit Trautmans-
dorff dans la conjuncture du mariage d’Espagne que l’Empereur souhaittoit
passionnément, n’ont pas produit l’effect qu’ilz s’estoient promis, l’Empereur
faisant tousjours grand cas de 〈ce〉 ministre et parlant de luy avec la mesme
estime et tendresse que par le passé.
Le milord Gorin qui estoit la sepmaine passée à Brusselles a escrit icy à un de
ses amis
pourrions désirer, pourveu qu’en effect nous voulussions sincèrement la paix,
et le prioit de monstrer sa lettre à monsieur le cardinal Mazarin.
Le marquis Louis Mathey
cardinal que sy on vouloit luy permettre de venir icy, il porteroit de quoy
conclurre la paix en quatre heures à des conditions plus advantageuses qu’il
ne reconnut estre souhaittées dudit sieur cardinal à son passage à Paris l’année
dernière.
Le marquis de Castel Rodrigo dist de plus à un religieux qu’il sçavoit le de-
voir mander par deçà que sy le discours que la reyne
Louise-Marie Gonzaga (1611–1667) ( DBF XVI Sp. 605f.; Targosz S. 8–34), polnische Kg.in
als Gattin Kg. Władisławs IV. (s. [nr. 30 Anm. 7] ) und nach dessen Tod Kg. Johanns II. Kasi-
mir (s. [nr. 37 Anm. 8] ). Die Ehe mit Kg. Władisławs IV. war im März 1646 nach Ankunft
Louise-Maries in Polen und zuvor am 26. September 1645 in Paris per Prokuration geschlos-
sen worden ( Le Laboureur I S. 2f.; Druck des Ehevertrags: DuMont VI,1 S. 326–328).
a un an estoit véritable, que la France se relascheroit touchant le Portugal,
rien ne pouvoit plus empescher la paix, mais que ce qui luy en faisoit le plus
doubter, estoit que monsieur le cardinal Mazarin ne vouloit rien escouter à
Paris, y ayant grande apparence que sy les choses estoient disposées à un ac-
commodement, il ne persisteroit pas à faire cette difficulté pour en avoir la
gloire luy tout seul, et ce qui luy augmentoit le plus ses soupçons estoit qu’il
ne voyoit pas la raison du scrupule que la France faict de traicter à l’insceu
des Holandois puisque ceux-cy négotient et traictent tous les jours sans elle.
Un marchand portuguais qui est icy a faict dire audit sieur cardinal que Don
Louis de Haro
auroit grande passion de nouer amitié avec luy, laquelle seroit très utile pour
cette couronne puisqu’infailliblement elle produiroit bientost la paix à des
conditions advantageuses pour elle, offrant dès à présent d’envoyer une per-
sonne confidente en tel lieu et soubz tel prétexte que ledit sieur cardinal luy
désigneroit avec pouvoir de tout conclurre et promettant en homme d’hon-
neur de garder jusqu’au bout un dernier secret.
De Rome mesme on a faict diverses propositions semblables avec grande ins-
tance, mais on a tousjours respondu que les Espagnolz avoient tort de croire
que la France ne désiroit pas sincèrement la paix, que Leurs Majestez y es-
toient tout à faict résolues, que les dernières ouvertures qu’avoient faictes
leurs plénipotentiaires estoient plus avantageuses à l’Espagne qu’à nous dans
la constitution présente des affaires qui nous doibt faire vraysemblablement
espérer de plus en plus de nouvelles prospéritez dans la continuation de la
guerre, et que sy nos parties se disposoient à consentir à ces propositions, ilz
recognoistroient bientost sy en effect la France désire le repos de la chrestien-
té, et sy ses plénipotentiaires à Munster ont pouvoir de tout conclurre et de
signer le traicté sans délay, et enfin que pour beaucoup de raisons on avoit
résolu de ne rien traicter ny achever qu’à Munster mesme, quelque diférente
conduicte que noz alliez pussent tenir, quoy qu’à dire le vray on eust juste
subjet de croire que
sieurs les Estatz de cette couronne.
Voylà la response que l’on a faicte à touttes, et on persistera pour plusieurs
considérations à en user de mesme et principalem〈ent〉 parce que Leurs Ma-
jestez estans très satisfaictes de la conduicte de Messieurs les Plénipotentiai-
res, elles sont asseurées aussy qu’ilz continueront à agir avec le zèle et la pru-
dence qu’ilz ont faict paroistre jusques icy, et qu’estans assistez des bons advis
qu’on leur donnera d’icy, et des avantages que nos armes remportent tous les
jours, ilz conduiront à bon port et glorieusement pour cette couronne la paix
dont la chrestienté a tant de besoin, et que pour ce respect Leurs Majestez
désirent avec une extrême passion.
Pour reprendre maintenant la suitte des advis que nous avons de l’embarras
où se treuvent les ennemis, et de la résolution qu’ils ont prise d’en sortir à
quelque condition que ce puisse estre.
Paw a escript à un sien confident en Hollande qu’il est asseuré que pourveu
que les ministres de France se veuillent contenter de toutes les satisfactions
qu’ilz sçauront désirer en Flandre et en Catalogne sans rien prétendre tou-
chant le Portugal, la paix se peult dire conclue dès cette heure.
Noirmon, à ce qu’on mande, a tenu le mesme discours à diverses personnes,
adjoustant néantmoins qu’il sçavoit que les François ne s’en contenteroient
pas, et par conséquent que Messieurs les Estatz devoient estre bien à l’erte et
se résouldre promptement à conclurre un accommodement très advantageux
avec l’Espagne pour ne dépendre pas tousjours des volontez d’aultruy.
Knuyt a tellement imprimé dans l’esprit de monsieur le prince d’Orange et de
la princesse sa femme que la France ne veult point la paix et qu’elle a refusé la
carte blanche que les Espagnolz luy ont offerte pour la Flandre, la Catalogne,
et l’Italie que toute l’industrie et les soins du sieur de La Thuillerie et de
plusieurs autres n’ont pu encor désabuser ladite princesse de la faulceté de
cette oppinion, non plus que le sieur d’Estrades monsieur le prince d’Orange,
duquel le maréchal de Grammont escript que quand son mal luy donne du
relasche et qu’il parle le plus sensément, c’est alors qu’il tesmoigne le plus
s’estonner que la France refuse les conditions advantageuses qu’on luy offre,
puisqu’on ne faict la guerre que pour avoir la paix, que Messieurs les Estatz
veullent absolument s’accommoder, qu’il le leur conseillera, et que comme il
leur seroit trop rude d’estre obligez à continuer la guerre pour le caprice
d’aultry, aussy seroient-ilz forcez à la fin de prendre quelque résolution pour
se délivrer de cette violence.
Cette princesse a des impatiences extrêmes de se veoir en possession de tant
d’advantages considérables dont les Espagnolz l’ont leurrée par l’entremise de
Knuyt, et comme ilz ont esté sy libéraux envers elle par la passion qu’ilz ont
de séparer Messieurs les Estatz d’avec la France, il se pourra bien faire au-
jourd’huy que la paix se traictera conjoinctement qu’ilz luy retranchent la
meilleure partie de leurs offres qui est peult-estre ce que ladite princesse craint,
et ce qui l’oblige à faire tout ce qu’elle peult en faveur des Espagnolz, soit pour
avancer l’accommodement particulier, soit pour empescher monsieur le prince
d’Orange d’agir, à quoy elle applicque toute son addresse et le crédit que le
mauvais estat de sa santé luy donne près de luy avec grand regret de monsieur le
prince Guillaume son filz et de tous les véritables serviteurs de sa maison.
De Bruxelles, des personnes très bien informées nous asseurent que Castel
Rodrigo et Pigneranda sont irritez à un point qui ne se peult exprimer contre
les Hollandois de ce qu’ilz sont maintenant si froids en l’accommodement
après leur avoir faict veoir la trêve conclue et avoir tiré d’eulx tous les advan-
tages qu’ilz en ont sceu prétendre. Ilz cognoissent et avouent à présent que les
espérances qu’ilz avoient conceues du bon succès de la négotiation avec les
Hollandois leur ont faict beaucoup de préjudice, et que le desgoût et le res-
sentiment qu’ilz ont est sy extraordinaire que quelqu’un a dict que Castel
Rodrigo s’estoit emporté jusqu’à dire qu’ilz accorderoient présentement à la
France au delà de ce qu’elle demande, pourveu qu’elle voulust condescendre
non seulement à s’accommoder, mais à faire ensemble une plus estroitte
union pour la ruyne de Messieurs les Estatz d’aultant plus qu’ilz auroient un
beau moyen de couvrir leur foiblesse par le prétexte des advantages de la re-
ligion.
Les mesmes personnes asseurent qu’il ne peult estre de correspondance plus
parfaicte que celle qu’entretiennent ensemble Castel Rodrigo et Pigneranda
qui s’escrivent au moins deux fois la sepmaine et que leurs sentimens sont
ordinairement conformes en tout.
Ilz confirment les mesmes advis que l’on a d’aultres endroictz de la disposi-
tion des Espagnolz à faire la paix à toutes conditions moyennant qu’ilz puis-
sent gagner le poinct du Portugal, et un d’eulx escript en particulier que Cas-
tel Rodrigo et Pineranda avoient conceu un rayon de bonne espérance de ce
que les médiateurs avoient depuis peu faict certaines propositions, que pour-
tant ilz ne marquent point lesquelles, estans plus modérées dans une conjunc-
ture que tout va à souhait pour les François, ilz avoient subjet de croire que
quelque cause secrette du dedans du royaume nous obligeoit à chercher les
voyes de sortir promptement de la guerre estrangère.
Que Contarini avoit faict grande impression dans l’esprit de Pineranda par un
discours qu’il luy avoit tenu pour luy persuader qu’une longue trêve pour la
Catalogne dont il disputoit sy fort la durée seroit peult-estre meilleure pour
eux qu’une courte.
La substance de ce qu’il luy a représenté là-dessus est qu’il a assez de cognois-
sance de la conduicte des François pour ozer respondre que sy on arreste une
longue trêve, ilz ne songeront en façon quelconque à se préparer pour estre
en bon estat lorsqu’elle achèvera, au lieu qu’estant courte ilz se tiendront
tousjours prestz pour continuer la guerre plus vigoureusement que jamais dès
que la suspension expirera.
Que comme il ne manque jamais aux grands princes des prétextes de rompre
lorsque le bien de leurs affaires le requiert, la trefve longue ou courte à
l’esgard du roy d’Espagne seroit la mesme chose, puisque toutes deux luy
donneroient moyen de sortir à présent d’un mauvais pas, et que le temps luy
en fourniroit d’aultres de rompre de nouveau quand il le jugeroit à propos
pour le bien de ses affaires, sans appréhender que Messieurs les Estatz rentras-
sent en guerre contre luy pour cette rupture, et avec grande apparence de
treuver la France despourveue de tout, séparée de ses alliez, et avec quelque
brouillerie intestine qui suivroit sans doubte de près la conclusion de la paix,
oultre que l’Empereur seroit alors en estat d’assister puissamment l’Espa-
gne.
Qu’enfin Contarini avoit conclud que le prétexte des maux dont l’invasion du
Turc
Anspielung auf den Kandia-Krieg (s. [nr. 76 Anm. 17] ).
sacrifier toutes choses pour composer à présent les différens qui sont entre les
princes chrestiens, puisque le roy d’Espagne estoit recognu de longtemps
d’un chacun pour le véritable soustien et protecteur de la religion catholic-
que.
Messieurs les Plénipotentiaires essayeront de recognoistre adroictement par
delà s’il est vray que Contarini assisté du Nonce ayt tenu ce discours comme
on nous le mande tesmoignant de l’avoir appris au lieu où ilz sont. Cependant
ilz sçauront là-dessus en passant que à luy donner une interprétation favora-
ble, on peult dire que Contarini voyant la peine que Pineranda et les autres
ministres d’Espagne ont de se résouldre à nous accorder ce que nous préten-
dons, il a voulu gaigner leur esprit pour les obliger à faire ce pas en les cha-
touillant par l’espérance qu’il arriveroit aussytost des querelles civiles en ce
royaume, et que le roy d’Espagne ne manqueroit de prétextes pour rompre
quand quelque belle conjuncture s’en présenteroit, mais à dire le vray c’est
passer trop avant à des médiateurs d’insinuer qu’on pourra manquer à un
traicté solemnel, eulx qui ne doibvent pas seulement prescher la paix, mais sa
seureté et sa manutention, et en affermir la durée par tous les expédiens qui
peuvent tumber dans le sens.
Cela donne subjet à Sa Majesté de faire ressouvenir Messieurs les Plénipoten-
tiaires de ce qui leur a souvent esté mandé, que comme les ennemis ne se
disposent à sortir de cette guerre que par la crainte qu’ilz ont de tumber dans
de plus gra〈nds〉 malheurs et avec la pensée de recourir à leur marché dès
que la moindre occasion favorable s’en offrira, et que Rodrigo et Pineranda,
quand le discours de Contarini ne les y auroit pas poussez, estoient desjà tous
persuadez que le roy d’Espagne en devoit user de la sorte, on doibt d’aultant
plus prendre toutes les précautions imaginables et moralem〈ent〉 possibles
pour brider en sorte les ennemis qu’ilz ne puissent exécuter le pernitieux des-
sein qu’ilz ont de rompre la paix ou la trêve qui se concluera pour la Catalo-
gne avant qu’elle finisse, ou bien que le faisant ilz soient asseurez de n’avoir
pas seulement la France à combattre, mais tous ceux qui seront engagez à la
manutention de ce qui aura esté aresté dans l’assemblée de Munster, comme
on l’a desjá escript au long et en diverses dépesches. On ne doubte pas qu’en
une affaire de cette importance Messieurs les Plénipotentiaires n’employent
toute leur prudence et leur industrie pour bien asseurer que la France, après
avoir donné le repos à la chrestienté, jouira elle-mesme du sien particulier et
des avantages qu’elle a remportez dans une si longue et sy sanglante guerre
sur des ennemis qui sont riches en grande partie de ce qu’ilz détiennent injus-
tement à cette couronne, car sans estre asseurez de la durée de la paix aultant
qu’on le peult-estre probablement, Leurs Majestez seroient bien mal conseil-
lées d’y consentir, pouvans espérer de réduire leurs ennemis encore en plus
mauvais estat qu’ilz ne sont, en continuant la guerre, et s’asseurer de leurs
intentions par leur foiblesse, en quoy mesme la chrestienté souffriroit beau-
coup moins que sy l’on faisoit aujourd’huy un accommodement piastre dont
la rupture qui ariveroit quelque temps après la replongeroit dans de nouveaux
maux d’aultant plus sensibles et plus cuisans qu’elle s’en seroit crue dé-
livrée.
Au surplus on donnera sy bon ordre à la conservation de ce qui aura esté
ceddé à la France par la paix que les Espagnolz et toute aultre personne qui
auroit la mesme oppinion qu’eux de la négligence des François seront obligez
de changer d’advis aussy bien que de se destromper de la croyance dont ilz se
flattent que ce royaume aussytost après l’accommodement sera embarrassé en
des divisions domesticques et que nous attacquant à l’impourveu on rempor-
tera sur nous toute sorte d’advantage.
Reprenant de nouveau le fil des advis qu’on nous a donnez, Messieurs les
Plénipotentiaires sçauront que tous les ministres d’Espagne, soit dans le
conseil du Roy ou à Bruxelles et à Munster, s’accordent unaniment dans le
sentiment de ne devoir en aucune façon permettre que la paix se fasse dans
l’Empire sans qu’en mesme temps leur accommodement se fasse aussy avec
cette couronne à quelque prix qu’il faille l’achepter, ce qui est conforme à ce
que l’on a tousjours jugé icy et mandé souvent à Messieurs les Plénipotentiai-
res sur quoy ilz doivent faire un fondement très asseuré et prendre ensuite
leurs mesures. Il est vray néantmoins que les mesmes ministres d’Espagne ne
tiennent pas pour fort aisée la conclusion des affaires de l’Empire à cause des
prétentions exhorbitantes des Suédois et des protestans qu’ilz ne croyent pas
devoir beaucoup déférer à tout ce que pourront leur représenter les plénipo-
tentiaires de France pour les obliger de se contenter de la raison.
La mesme personne nous asseure que les Espagnolz se feront prier extrême-
ment, mais qu’à la fin ilz consentiront à la trêve de la Catalogne de la durée
de celle de Messieurs les Estatz, qu’ilz céderont dès à présent Roses et Cada-
gués à la France pour estre tenu en propre comme la comté de Roussillon, et
qu’ilz se relascheront aussy de ce qu’ilz ont prétendu retenir par la trêve tout
ce qui reste entre l’Arragon et les rivières d’Ebro et de la Sègre.
On mande en oultre que le comte Oxenstiern avoit tasché en grand secret de
s’esclaircir de Peneranda sy le roy d’Espagne concluant la paix ou la trêve
avec Messieurs les Estatz, vouldroit après cela entendre à faire une ligue avec
la couronne de Suède pour la liberté du commerce et la deffense réciproque
de leurs Estatz. Il sera bon que Messieurs les Plénipotentiaires essayent de
descouvrir la vérité ou la faulceté de cet advis.
On escript de Hollande que Pau et l’aultre député qui estoit demeuré avec luy
avoient eu une longue conférence avec Peneranda qui leur avoit donné à
entendre que l’on estoit bien avant au traicté touchant une ligue pour les
Indes entre la France, la Suède et le Portugal qui alloit toute au préjudice du
roy d’Espagne et de Messieurs les Estatz, adjoustant ausdits députez que ce
nouvel incident devoit d’aultant plus obliger Messieurs les Estatz à conclurre
sans remise avec le roy d’Espagne et s’unir estroictement à luy.
Cet advis a donné icy occasion de songer sy la France se réservant la liberté
d’assister le roy de Portugal, on pourroit le faire avec une flotte aux Indes
dont on tirast quelque utilité évidente, sans néantmoins s’attirer Messieurs les
Estatz sur les bras, Messieurs les Plénipotentiaires y feront refflection selon
les conjunctures.
On mande en oultre que le mesme Pau et son collègue avoient asseuré leurs
amis en Hollande que Peneranda avoit les deux blancz signez de la main du
roy d’Espagne pour conclurre avec Messieurs les Estatz en un inst〈ant’〉
mais qu’ilz l’avoient prié pour le bon succès de cette affaire de ne le des-
couvrir à qui que ce soit, sy bien que Messieurs les Plénipotentiaires tesmoi-
gnans en avoir eu l’advis de Hollande pourront se plaindre vivement audict
Pau et à l’aultre de ce qu’ilz leur ont caché un poinct sy essenciel, et publians
ainsy la chose ilz rompront le dessein qu’ilz avoient faict de haster la conclu-
sion de l’accommodement en le tenant secret, et une aultre fois ilz auront plus
d’esgard à nous communicquer ce que les Espagnolz leur diront voyant que
nous en sommes sy punctuellement avertiz. On nous asseure que le sentiment
de Messieurs les Estatz touchant la durée de la trêve est de la faire de trente
ans ou peu moins.
Voylà tous les divers advis que l’on a euz depuis peu, dont Messieurs les
Plénipotentiaires peuvent se prévalloir beaucoup pour leur conduicte. Il sera
bon néantmoins qu’ilz ne tesmoignent pas en avoir cognoissance sinon en
tant que cela leur peult servir pour rendre nostre condition meilleure. Cepen-
dant ilz doivent en faire un estat bien asseuré parce qu’ilz nous sont donnez
de bon lieu et qu’ilz se confirment tous, quoyqu’ilz viennent de tant de diffé-
rens endroictz, et oultre cela les extrémitez où nous voyons que nos ennemis
sont réduictz avec peu ou point d’apparence de resource, mais plustost d’une
ruyne totalle s’ilz n’y remédient promptement, nous avoient faict penser avec
grand fondement toutes les mesmes choses qu’on nous mande de leurs senti-
mens et de leurs intentions avant que qui que ce soit en eust escript.
Les flottes n’arrivent plus ou arrivent très pauvres, l’impossibilité de treuver
de l’argent particulièrement en Espagne s’augmente tous les jours, parce que
la guerre se faict partout dans leurs Estatz. Tous leurs effortz pour lever quel-
ques troupes n’aboutissent quasy à rien, et on ne veoid pas que les chefs qu’ilz
ont soient sy uniz entre eux ny sy capables qu’ilz puissent par leurs bonnes
qualitez suppléer à tant de manquemens de choses nécessaires pour continuer
à soustenir la guerre contre une couronne victorieuse et sy bien alliée.
Et sy le comte d’Olivarès
le meilleur conseil qu’il pust prendre estoit de faire la paix en toutes façons,
sy le cardinal Borgia
chose avec des instances très pressantes pour l’y faire résoudre,
Monterey
Francisco de Mel(l)o, (seit 1630) conde de Assumar, (seit 1648) marqués de Torrelaguna y de
Vellisca (1597–1651), span.-port. Diplomat und Staatsmann, 1638 consejero de Estado,
1639–1641 Vizekg. von Sizilien, 1641 Statthalter der Span. Ndl., 1645 Vizekg. von Katalo-
nien ( Barrios S. 373; ABEPI I 76, 100).
aussy alors avec de puissantes raisons, comm’on l’escrivist auxdits Sieurs Plé-
nipotentiaires, et ont continué tousjours, si le comte d’Ognate
l’un des plus grands ministres qu’ilz eussent, a soustenu plusieurs fois en des
conseilz publicz et particuliers qu’on n’avoit aultre party à choisir qu’à pren-
dre les François au mot et leur accorder tout ce qu’ilz demandoient, parce que
à quelque prix, disoit-il, qu’on acheptast la paix, on l’auroit tousjours à bon
marché dans un temps que des révoltes de la considération de celles de Cata-
logne et de Portugal estoient allumées en Espagne et y consommoient le plus
pur argent et les meilleurs forces de la couronne sans aulcune apparence de
les esteindre, il y a lieu de croire qu’ilz n’auront pas changement de sentimens
voyant augmenter tous les jours la prospérité des armes du Roy et de ses alliez
et le malheur déclaré contre eux plus ouvertement que jamais.
Aussy est-il certain que tous ceux qui ont faculté de parler ou d’escrire au roy
d’Espagne luy remonstre[nt] continuellement qu’il n’y a aulcune condition
qu’il ne doive embrasser avec plaisir pour avoir moyen d’arrester les progrès
de ses ennemis par la paix, voyant celle de l’Empire dans le train d’estre
conclue promptement in Anbetracht der militärischen Überlegenheit Frank-
reichs , les Hollandois tesmoignant vouloir faire agir leur armée tout de bon, et
ayans déclaré positivement que jamais ilz ne conclurroient de traicté séparé,
et qu’enfin toute la France est dans un tel calme que présentement il n’y a
plus un seul homme de guerre dans le royaume quoyqu’on y entretienne les
grandes armées que chacun sçait, et que tous les princes du sang n’y songent
qu’à bien servir leur roy et à contribuer à la grandeur de l’Estat d’une façon
ou d’autre.
Les advis donc que nous avons de toutes parts, les recherches que les Espa-
gnolz nous font par tant de divers endroictz, la cognoissance certaine que
nous avons de l’extrémité où ilz sont réduictz, le bon train que prend
l’accommodement de l’Empire qui les force à ne hésiter plus au leur s’ilz ne
veullent demeurer seuls à soustenir la guerre, ce qu’ilz ne feront jamais, le
changement de face de toutes les affaires par les heureux succès que nous
avons euz cette campagne, le fondement que nous avons de nous promettre
que Messieurs les Estatz, quoyqu’il y ayt quelque membre infect dans leur
corps, ne donneront plus subjet aux ennemis d’espérer qu’on puisse les sépa-
rer d’avec la France, enfin les protestations qu’on leur a faictes sy souvent par
l’entremise des médiateurs qu’à mesure que nous ferions de nouvelles
conquestes, nos prétentions s’augmenteroient à proportion, tout cela nous
donneroit belle matière d’altérer nos demandes touchant la Catalogne et de
les changer aussy pour le Portugal sans recevoir aulcun blasme dans le public,
mais la modération de Leurs Majestez est à tel poinct qu’encor que tout ce
que dessus soit palpable à un cha〈cun’〉 et de plus qu’une seule campagne de
guerre peult asseurer à cette couronne la conqueste entière des Pays-Bas pour
ne pas parler des autres endroictz, elles ne désirent aultre chose sy ce n’est que
Messieurs les Plénipotentiaires persistent aux dernières ouvertures qu’ilz ont
faictes aux médiateurs prenans seulement bien garde de ne s’en relascher en
quoy que ce soit.
Que sy les ministres d’Espagne font instance pour quelques eschanges de pla-
ces en Flandre pour la commodité réciproque, comme on ne peult préveoir de
quelle nature ilz seront, on ne peult dire à Messieurs les Plénipotentiaires les
sentimens de Leurs Majestez qu’après en avoir esté informées. C’est pour-
quoy ilz en donneront advis icy et on leur fera sçavoir en diligence les inten-
tions de Leurs Majestez sans que cet eschange qui n’est qu’un petit accessoire,
et que l’on présupose devoir estre aultant à nostre bienscéance qu’à la leur,
arreste la conclusion des aultres pointz sur lesquelz cependant lesdits Sieurs
Plénipotentiaires tiendront ferme faisant valloir que c’est beaucoup donner au
bien public et au repos de la chrestienté qu’on ne s’en orgueillisse point après
que nous aurons pris Donkerque et tant d’aultres advantages que nous aurons
remportez.
Et il est infaillible que les ministres d’Espagne, après s’estre quelque temps
débatuz et menacé de ne plus traicter, nous céderont entièrement tout ce que
nous avons demandé, se tenans très heureux qu’il ne soit point parlé du Por-
tugal qui vault aultant que de leur rendre ce royaume-là, puisqu’eux mesmes
ne font aulcun cas de la résistance que les Portuguais leur peuvent faire.
Messieurs les Plénipotentiaires se souviendront que comme on nous asseure
que les Espagnolz, après avoir un peu contesté, nous laisseront à la fin Roses
et Cadagués pour estre tenuz en propre avec leurs dépendances comme la
comté de Roussillon, en vertu du traicté de paix, il importe qu’ilz tiennent
bon pour nous acquérir ces deux places en cette manière-là, Leurs Majestez
ne doubtans point que lesdits Sieurs Plénipotentiaires, tant par leur inclina-
tion propre que pour se conformer à leurs volontez, n’employent volontiers
quelques jours pour gagner ce poinct, et que leur fermeté et leur adresse qui
ont desjà tant contribué à en asseurer d’aultres importans auront le mesme
succès en celuy-cy qui ne l’est pas moins. On parle de Cadagués, parce que
l’on apprend de tous costez que les Espagnolz y donneront les mains, croyans
ce qu’un desdits Sieurs Plénipotentiaires a aultresfois dict à Brun ou à Savedra
qu’on ne s’en relascheroit jamais, car au reste Leurs Majestez ne prétendent
pas que ce soit un poinct qui doive empescher la conclusion de la paix, mais
seulement que Messieurs les Plénipotentiaires estans informez qu’à la fin les
ministres d’Espagne y consentiront, ilz n’oublient rien pour l’emporter.
Il se pourra faire que les Espagnolz qui se seront d’ailleurs résoluz à nous
donner entière satisfaction pour les raisons marquées cy-dessus, en presseront
extrêmement l’effect et la conclusion de l’accommodement pour essayer de
sauver Donkerque et Lérida, mais comme ces deux places sont aux aboys,
qu’elles sont toutes deux de la dernière conséquence et réputation, que c’est le
principal fruict de toutes les sommes immenses que nous avons esté obligez
de despenser cette campagne, Sa Majesté désire que Messieurs les Plénipoten-
tiaires conduissent, s’il est possible, en sorte leur négotiation que ny l’une ny
l’aultre ne nous eschappe.
Pour la première elle ne leur donnera pas grande peine puisqu’on a donné
espérance qu’elle pourra estre prise dans peu de jours, l’au〈ltre〉 pourroit
peult-estre aller bien avant dans le mois de novembre
Dünkirchen konnten die Franzosen am 11. Oktober 1646 einnehmen (s. nr. 193), während die
Belagerung von Lérida im darauffolgenden Monat scheiterte (s. [nr. 23 Anm. 15] ).
prétextes ny d’expédiens ausdits Sieurs Plénipotentiaires pour mesnager
adroictement ce poinct.
Peult-estre que l’accommodement des Hollandois ou celuy de l’Empire fera
bien traisner la conclusion du traicté général jusques-là sans qu’il paroisse que
nous contribuions à ce retardement pour la visée que nous avons.
L’ajustement des affaires d’Italie, sur lequel nous pouvons insister, nous peult
donner lieu aussy de gagner jusqu’à ce temps-là avant que rien signer. On
pourroit mesme prétendre directement ladite place comme estant absolument
nécessaire à la seureté de la trêve en Catalogne, et stipuler que le traicté n’auroit
son effet qu’à commencer du premier décembre, et que les Espagnolz demeu-
reroient en possession de ce qu’ilz prétendroient sur nous d’icy là comme nous
de ce que nous gaignerons sur eux en quelque endroit que ce soit, ce qui seroit
fondé en beaucoup de raison, veu ce que nous coustera desjà Lérida, et le temps
que nous aurions consommé inutilement avec une grande armée devant cette
place sans la prendre, quoyque nous l’ayons mise hors d’estat d’estre secourue,
et plus que tout la mauvaise satisfaction que les Catalans auroient avec quelque
raison de veoir que nous nous fussions sy aisément relaschez sur le poinct qui
leur importe tant, ce qui seroit capable d’entraisner après soy d’aultres plus
fascheuses suites, les espritz ne demeurans pas en bonne assiète, et les Espa-
gnolz par le moyen de Lérida, s’il leur demeuroit, ayant lieu de faire mille
caballes dans le pays et fomenter utilement les desgoustz que ces peuples au-
roient de nostre conduicte sur le subjet de ladite place.
On ne doubte pas que les ministres d’Espagne à leur accoustumée ne se plai-
gnent de nostre rigueur, mais après leur avoir faict cognoistre ce que la France
faict pour eux seulement à consentir de mettre les armes bas dans de sy belles
conjunctures pour ne rien dire du Portugal qu’on leur donne franc lorsqu’on
demeure d’accord de n’en pas parler, il y aura beau champ de leur remettre un
peu dans la mémoire de quelle façon ilz nous ont traictez, ayant employé des
années entières à mettre toutes pièces en œuvre pour débaucher nos alliez, et
ne s’estans addressez à nous que quand ilz se sont veuz hors de tout espoir de
réussir dans l’autre dessein, leurs affaires sont en un estat pytoyable de tous
costez et détrompez de toutes les espérances de divisions domesticques dans
ce royaume. Après tout Pigneranda pourra bien se mettre en grande colère et
faire semblant de rompre toute négotiation, mais il ne tardera pas à revenir,
les extrémitez où ilz sont ne pouvans permettre qu’il en use aultrement, et au
contraire la prise de Donkerque et les suites qu’elle peult avoir nous donnant
beau champ de faire esclatter la modération de Leurs Majestez en ce qu’elles
ne rehaussent pas maintenant leurs prétentions.
Pour conclusion Sa Majesté veult donner quelques advertissemens en passant
ausdits Sieurs Plénipotentiaires ou plustost leur raffraischir la mémoire de
divers poinctz importans qui leur ont esté mandez.
Le premier et le principal sur lequel Sa Majesté ne sçauroit assez insister, ny
eux prendre assez de précautions, est la seureté de ce qui sera aresté avec les
uns et les autres, parce qu’aultrement les Espagnolz feroient un coup de
grande prudence de consentir à nos demandes, et dans la mauvaise conjunc-
ture d’à présent pour en attendre une meilleure sans s’obstiner à perdre ce qui
leur reste, qui estant bien gouverné est assez considérable pour leur donner
moyen un jour de tenter leur fortune avec apparence d’avoir de meilleurs
succès qu’ilz n’en ont eu dans cette guerre.
Quand on traictera de cette seureté, Contarini sans doubte vouldra s’em-
ployer près de Messieurs les Plénipotentiaires pour leur faire faciliter ce point,
et alors ilz auront l’occasion bien à propos de luy remonstrer que c’est le plus
nécessaire de tous, puisque quand les Espagnolz n’auroient point de disposi-
tion de proffiter de la première conjoncture de rompre une paix qu’ilz ne font
que par pure nécessité, il leur en auroit faict naistre l’envie par les beaux dis-
cours qu’il a tenuz aux ministres de cette couronne-là.
Mais nous devons nous tenir pour dict ce qu’on a mandé aultresfois que 〈la〉
crainte seulle d’empirer leurs affaires, obligeant aujourd’huy les Espagnolz à
faire la paix, ilz ne songeront continuellement qu’à la rompre quand ilz en
treuveront une favorable occasion, car oultre qu’ilz sont ennemis irréconcilia-
bles et envieux de toutes les prospéritez de cet Estat, les pertes qu’ilz auront
faictes, et dont nous aurons proffité, auront encor augmenté ces qualitez que
la nature leur donne, et comme la prudence vouldroit de ne pas prendre garde
à quatre ny à six places voire 〈à〉 des provinces entières, sy on pouvoit
s’asseurer de leur sincérité et que la paix deust estre durable, aussy ne
sçachant que trop vraysemblablement le contraire, aurions-nous grand tort de
ne retenir jusqu’à un poulce de terre de tout ce que nous pourrons, puisqu’ilz
en seront d’aultant plus affoibliz, et comme il est touché cy-dessus que cette
diminution avec les autres précautions que nous pourrons prendre servira
pour les rendre plus retenuz à ne pas rebrouiller les affaires et avoir en main
de quoy les faire repentir s’ilz le font, d’aultant plus que les meilleures seure-
tez seront tousjours celles que nous tiendrons en nos mains.
En deuxième lieu, qu’ilz se souviennent de stipuler la renonciation du roy
d’Espagne de l’Alsace .
Troisièmement, que touchant Casal ilz essayent que la place soit laissée à la
garde de Sa Majesté jusqu’à ce que le duc de Mantoue ayt vingt-cinq ans, ce
qui peult-estre pourra réussir dans cette conjuncture.
En quatrième lieu, qu’arrestant quelque trêve pour l’Italie affin d’avoir plus
de temps d’ajuster tout, ce soit en sorte que pour les difficultez qui se rencon-
treront, on ne puisse rentrer en guerre, convenant dès à cette heure d’arbitres
pour terminer tous les différens dans certain temps.
Cinquièmement, de tenir bien cachée, aultant que l’advancement de la paix le
pourra permettre, la condescendance que Leurs Majestez ont résolu d’appor-
ter sur le poinct de Portugal, pour beaucoup de raisons cognues ausdits Sieurs
Plénipotentiaires, et particulièrement parce que ayant une esquadre de vais-
seaux de ce roy-là dans nostre armée navalle il seroit à craindre qu’ilz ne
vinsent à se retirer dans la rencontre présente, où sans ce renfort nostre armée
pourroit courir quelque risque.
En sixième lieu, il fauldra bien asseurer, mesme par le consentement exprès
du roy d’Espagne s’il est jugé nécessaire, que durant la trêve de Cathalogne le
Pape ne fera aucune difficulté de donner toutes les expéditions soit pour les
croisades, colation de bénéfices ou autres choses tout ainsy et en la manière
que ses prédécesseurs en avoient usé envers les roys d’Espagne quand ilz pos-
sédoient cette principaulté-là.
En septième lieu, Messieurs les Plénipotentiaires examineront sy les Espa-
gnolz ayant tant de répugnance à veoir cette connexité de la trêve de Catalo-
gne avec celle de Hollande, on ne pourroit point en sortir par un expédient
dont le nom ne les chocqueroit pas, quoyqu’il fust en effect la mesme chose,
et ce seroit qu’après qu’ilz auront sceu combien doibt durer celle de Hol-
lande, ilz demandassent le mesme nombre d’années pour la Cathalogne sans
parler en aulcune façon de Messieurs les Estatz, prenant néantmoins à part
avec ceux-cy toutes les précautions nécessaires sur ce subjet-là.
En huitième lieu, sy lesdits Sieurs Plénipotentiaires peuvent obtenir que la
campagne aura son estendue et son effect jusqu’au premier jour de décembre,
Leurs Majestez treuvent bon qu’ilz consentent de leur part à ne retenir les
conquestes que nous pourrions faire entre cy et là en Italie que comme par
trêve ainsy que celle de Catalogne, mais celles de Flandres seront comprises
dans ce qui doibt demeurer par la paix.
Neufièmement, Messieurs les Plénipotentiaires sçauront qu’on nous asseure
que Peneranda a pouvoir du roy d’Espagne de condescendre à divers partiz
sur les intérestz de Portugal, mais que néantmoins ilz ne sont pas telz que le
roy de Portugal veuille se satisfaire d’aulcun. On en manda autrefois divers
ausdits Sieurs Plénipotentiaires, et si quelqu’un pouvoit réussir affin que la
paix fust universelle, comme Contarini a tousjours insisté, ce seroit un grand
bien, et cette couronne sortiroit et dans l’aparence et dans le solide d’un grand
embarras, puisqu’aussy bien la faculté qui nous restera d’assister le roy de
Portugal ne luy sera pas de grand proffict dans la grande distance qu’il y a
entre la France et ses Estatz, aigrira tousjours davantage l’esprit des Espa-
gnolz contre nous, et peult-estre que le public qui ordinairement ne s’arreste
qu’à l’escorce des choses n’approuvera pas que nous tenions ce procéder avec
l’Espagne croyant que nous devons luy avoir grande obligation de ce qu’elle a
condescendu à tout ce que nous avons demandé.
Sa Majesté cependant désire que lesdits Sieurs Plénipotentiaires continuent à
faire ju〈sques〉 au bout de grandes instances publicques en faveur dudit roy
de Portugal, affin que quand nous serons obligez de nous en désister, il pa-
roisse évidemment à tout le monde que c’est après y avoir faict tous les effortz
imaginables, et que nous avons esté obligez de céder pour un intérest général
qui doibt prévalloir aux particuliers, qui est celuy du repos et de l’union des
princes chrestiens dans cette invasion des armes ottomanes.
On ne doubte point que lesdits Sieurs Plénipotentiaires ne viennent à bout
aisément de procurer la liberté au prince Dom Edouart de Portugal dans le
traicté, d’aultant plus que les couronnes alliées se sont engagées sy avant à la
demander.
Mais on vouldroit icy surtout qu’il y eust moyen de sortir du point du Portu-
gal par une trêve de six mois au moins que l’on pourroit accorder secrette-
ment par l’entremise des médiateurs sy les Espagnolz s’oppiniastrent jusqu’au
bout à ne pas souffrir qu’il en soit faict mention dans le traicté public ainsy
que l’on a mandé d’aultresfois.
Nous aurions ainsy une voye honorable de nous tirer de quelque engagement
de bienscéance que nous avons avec les Portuguais, et le prétexte de cette
trêve seroit pour avoir moyen de traicter l’accommodement au fondz.
Sy les Espagnolz ne regardent qu’à la substance et au solide, ilz ne devront y
faire aulcune difficulté, puisqu’aussy bien quand la paix seroit aujourd’huy
signée, ne seroient-ilz en estat de six mois d’attacquer vivement le Portugal,
veu la mauvaise saison et les préparatifs qu’il leur fauldra faire pour cela.
Ce n’est pas que Sa Majesté ayt aucune intention de retrancher ou modérer
ausdits Sieurs Plénipotentiaires le pouvoir qu’elle leur a donné de se relascher
de ce poinct et de s’y conduire ainsy qu’ilz l’estimeront plus à propos, mais à
la vérité elle souhaitteroit bien qu’une conjuncture si belle pour négotier ad-
vantageusement nous donnast moyen de sauver au moins en cette affaire tou-
tes les apparences, devans estre asseurez que nos ennemis, quoyque sans rai-
son, ne manqueront pas d’essayer d’imprimer dans l’esprit de ceux qui en
d’aultres temps pourroient faire la mesme refflection que le roy de Portugal,
que la France n’est pas trop difficile à sacriffier les intérests d’aultry quand
elle peult se procurer quelque advantage.
Et sur ce subjet Messsieurs les Plénipotentiaires examineront ensemble une
pensée que l’on a eue icy dont ilz pourront peult-estre se prévaloir.
Ce seroit de mettre en ballance les intérestz du duc Charles avec ceux du
Portugal, et faire une proposition qui commençast par une longue desduction
de toutes les raisons que la France a pour ne point traicter avec le duc de
Lorraine, et que nonobstant cela, sy l’Espagne se veult disposer à ce qui est
équitable pour le Portugal, Sa Majesté en eschange promet de ne pas seule-
ment traicter avec le duc Charles, mais de luy accorder une bonne partie des
choses qu’il peult désirer.
Il y auroit mesme belle matière de relever nostre offre principalement par
deux raisons, l’une que le roy de Portugal est en plaine possession depuis six
ans de tout son royaume et le duc Charles n’a pas un poulce de terre dans
toute la Lorraine, l’aultre que quelque facilité que le roy d’Espagne se propose
à reconquérir le Portugal, elle n’approchera pas beaucoup près celle que le
Roy a de conserver la Lorraine.
Il indubitable que les Espagnolz ne consentiroient jamais à cette ouverture,
cependant elle ne laisseroit pas de produire trois bons effectz, le premier, de
nous servir extrêmement dans le public, faisant veoir les facilitez que la
France apporte pour accommoder tous les différens qui peuvent troubler le
repos de la chrestienté, mesme au préjudice de ses propres intérestz; le
second, de gaigner de plus en plus l’affection du roy de Portugal et luy faire
toucher au doigt si nous sommes contrainctz de nous relascher sur son subjet
ce n’a esté qu’après avoir faict les derniers effortz en sa faveur; et le dernier,
de mettre le duc Charles sur les bras des Espagnolz et le rendre irréconciliable
avec eux, voyant de quelle façon il en est traicté et comme ilz l’abbandonnent.
Tout cela néantmoins est remis à ce que lesdits Sieurs Plénipotentiaires
résouldront ensemble pour le mieux.
On avoit résolu d’envoyer un long mémoire ausdits Sieurs Plénipotentiaires
sur les affaires de la Lorraine, mais comme l’appréhention que Sa Majesté
avoit que le traicté de l’Empire ne pust s’achever sans qu’elles fussent termi-
nées estoit la principale raison qui tenoit l’esprit de Sa Majesté en suspens,
sçavoir sy elle donneroit les mains à laisser traicter ce différend dans l’assem-
blée généralle, et qu’il semble que cette considération cesse aujourd’huy par la
passion que les Impériaux font paroistre de haster sans délay la conclusion de
la paix, et qui devra estre la mesme à l’esgard des 〈Espagnolz’〉 parce qu’ilz
sont encor plus pressez, Sa Majesté remet à examiner la chose avec plus de
loysir et à en faire sçavoir ses intention une au〈ltre〉 fois ausdits Sieurs Pléni-
potentiaires.
Depuis ce mémoire achevé on a receu nouvelle confirmation que les inten-
tions de Messieurs les Estatz sont telles que nous pouvons désirer, soit pour
ne faire leur accommodement que conjoinctement avec la France, soit pour
faire agir leur armée et proffiter de la belle occasion qu’elle a de faire toutes
sortes de progrès, mais que madame la princesse d’Orange employe toute son
industrie et le crédit qu’elle a sur l’esprit de son mary pour faire éluder toutes
les bonnes résolutions de l’Estat, und daß sie ihren Gatten von jeglicher militä-
rischen Aktion abzuhalten versucht.
Der Papst hat die vollständige Restituierung der Barberini zugesagt, ein Erfolg,
den wir der Präsenz unserer Flotte verdanken, aber auch der Abreise von Saint-
Nicolas aus Rom à qui on avoit mandé de se rendre à Florence pour estre près
de monsieur le Grand-Duc dans le temps que l’armée paroistroit de nouveau
en ces mers-là, et cela principalement à dessein, comme il est arivé, que le
Pape pust soupçonner, voyant la retraicte du ministre du Roy, que les géné-
raux de Sa Majesté pouvoient avoir ordre de faire quelque ressentiment contre
Sa Sainteté de la façon dont elle a procédé avec cette couronne dans l’occasion
dernière de l’attacque des postes de Toscane. Il est vray pourtant que quoy-
que Sa Sainteté ayt faict paroistre une partialité visible pour nos ennemis, et
qu’elle ayt passé bien au delà des termes et de père commun et de prince
neutre, assistant ouvertement les Espagnolz d’hommes, d’argent et de conseil,
la piété de Leurs Majestez est telle et leur révérence envers le Saint-Siège qui
ne doibt pas souffrir pour les caprices particuliers des papes, qu’elles n’ont
jamais songé à donner aulcun ordre d’endommager l’Estat Eclésiastique,
s’estans tousjours contentées de recourir à Dieu, et à le prier qu’il luy plust
inspirer Sa Sainteté de prendre une aultre conduicte.
Messieurs les Plénipotentiaires ne tesmoigneront pas au Nonce que l’on croye
que la résolution du Pape a esté un effect de la sortie de nostre armée et de la
route qu’elle a prise vers les costes d’Italie, mais de la cognoissance qu’a eue à
la fin Sa Sainteté des bonnes intentions de Leurs Majestez, luy insinuant
adroictement que puisqu’elle s’est disposée de faire le plus important on ne
doubte nullement qu’il ne veuille contenter dans les aultres qui sont moindres
et d’une entière justice.
Il est escheu que le jour que le Prince Préfect, sa femme et ses enfans
Taddeo Barberini (s. [nr. 1 Anm. 15] ), der 1647 noch in Paris starb, war seit 1627 verh. mit
Anna Colonna (gest. 1658). Von ihren Kindern lebten noch Lukrezia (1630–1699) ( Stamm-
tafeln II T. 125), ab 1654 verh. Hg.in von Modena, Carlo (1630–1704) ( DBI VI S. 171f.),
1653 Kardinal, Maffeo, später F. von Palestrina, und Niccolò, der Karmeliter wurde ( DBI VI
S. 180–182).
arivez icy pour salluer Leurs Majestez, on les a receus avec ce beau régale que
la protection de Leurs Majestez leur a vallu.
Sa Majesté ne veult pas finir cette déspesche sans asseurer encore Messieurs
les Plénipotentiaires de la plaine satisfaction qu’elle a de toute leur conduicte,
recognoissant bien que la fermeté qu’ilz ont faict paroistre sans s’ennuyer de
leur long séjour hors de la cour et avec beaucoup d’incommoditez, a notable-
ment servy pour nous faire obtenir des conditions plus advantageuses dans le
traicté de paix, ce qui leur apportera grande gloire en leur particulier, notam-
ment à un prince de la qualité de monsieur le duc de Longueville, et ilz doi-
vent atendre d’estre un jour le modelle qu’on proposera aux ministres des
princes qui seront employez, estant certain que leur patience et leur résolu-
tion ont faict mentir tous ceux, et principalement les Espagnolz qui tenoient
les François incapables de ces qualitez-là, et qui en espéroient à son temps des
advantages considérables.