Acta Pacis Westphalicae II B 3,2 : Die französischen Korrespondenzen, Band 3, 2. Teil: 1646 / Elke Jarnut und Rita Bohlen unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy mit einer Einleitung und einem Anhang von Franz Bosbach
Nous avons sceu de divers endroitz que ce sont les Espagnolz qui empeschent
et à Vienne et icy qu’on ne nous accorde Brisach. C’est chose très asseurée.
|:Contarini:| me l’a avoué en particulier, mais après avoir stipulé le segret; et
l’autre jour comme |:nous estions avec les médiateurs et que chacun de
nous:| se plaignoit qu’un si grand ministre que le comte de Trautmansdorff
s’esloigne à présent d’une condition dont il avoit donné tant d’espérance |:le-
dit sieur Contarini nous pria de l’espargner et dit::| «Merita d’esser compatito
non che scusato.» Il dit aussy que nous avions sujet de nous louer dudit comte
|:et que le mal vient d’ailleurs. Il désaprouva néantmoins sa négotiation d’Os-
nabruk:|, ne pouvant comprendre comment il avoit accordé tant de choses
|:aux Suédois et aux protestans de l’Empire sans en avoir receu une bonne
parolle:|.
Cella nous aiant fait voir qu’il estoit à propos de |:mesnager l’esprit du conte
de Trautmansdorf:| je le visitay jeudy dernier par l’avis de messieurs mes
collègues.
Il n’est pas inutile de sçavoir que l’heure estant arrestée à trois heures après
midy, les ambassadeurs de Hollande qui devoient venir entre une et deux
chez monsieur le duc de Longueville ne s’y trouvèrent qu’entre deux et trois.
L’heure sonnant j’envoyay prier le comte de Trautmansdorff d’avoir agréable
que je différasse un peu de temps pourveu que sa commodité le permist,
sinon, je quitterois l’audience desditz ambassadeurs pour aller chez luy. Il me
manda fort courtoisement qu’il m’attendroit tout le jour et jusques à huit
heures du soir si je voulois.
Je me rendis chez luy un peu après quatre heures, et je cogneus aussytost à
l’accueil qu’il me fit et à son entretien qu’il estoit bien aise que je l’eusse esté
voir, car il me dit d’abord qu’il s’en retournoit à Osnabrug dimanche ou
lundy au plus tard (qui est aujourd’huy) et qu’il me remercioit de la peine que
j’avois prise d’aller en son logis puisque nostre conférence pourroit servir à
l’avancement des affaires. Qu’il ne me pouvoit celer que nous traittions rude-
ment son maistre, que si Brisach estoit de l’autre costé du Rhin il juroit Dieu
qu’on n’auroit fait nulle difficulté de nous le laisser, mais que cette place ou-
vrant le passage en Allemagne si l’Empereur l’accordoit aux François ce seroit
faire la paix sans estre jamais en paix. Je respondis à tout cella avec douceur,
et mesmes avec quelque excuse de ce que j’estois obligé de le contredire, luy
qui estoit un des hommes du monde pour qui j’avois plus de respect; et après
l’avoir fait souvenir de beaucoup de facilitez que nous avons apportées en ce
traitté jusques-là, que nous avons escrit favorablement à la cour touchant ce
qu’il nous fit cy-devant proposer par les médiateurs et par les Bavarrois , je le
priay d’en juger par la comparaison de tous les autres intérestz qu’il a eu à
desmêler en cette assemblée soit avec les plénipotentiaires de Suède soit avec
les estatz de l’Empire, et que je n’en voulois pas excepter les Espagnolz mes-
mes. |:Il sousrit un peu et:| je continuay à dire et à luy faire avouer tacite-
ment (au moins si le silence en est une marque) qu’on s’est beaucoup relasché
en France à l’esgard de l’Empire. |:J’ajoustay à dessein que j’en sçavois bien la
cause et qu’il la connoistroit un jour:|. Il me regarda aussytost |:et assés lon-
guement, luy qui d’ordinaire tient la veue basse:|, et sans respondre en destail
à ce que dessus il reprit son premier discours et me voulut persuader que
Brisach demeurant entre noz mains l’Empereur n’ozeroit jamais s’engager
dans une rupture ouverte contre le Turc. J’essayay de luy oster cet ombrage
par toute la cognoissance que je puis avoir des conseilz du Roy, et de luy
donner meilleure opinion de nous; qu’au contraire j’estois bien asseuré que
Vostre Eminence porteroit Sa Majesté à donner assistance à l’Empereur et à
favoriser une si sainte guerre. «Ouy, dit-il, pourveu que les choses soient en
balance, mais en cas que nous fissions quelques progrès en Hongrie voz jalou-
sies recommenceroient aussytost, vous ne pouvez souffrir que la maison
d’Austriche s’agrandisse, et tout le mal que nous avons aujourd’huy ne procè-
de que d’une vaine et imaginaire ambition que les François nous imputent
d’aspirer à la monarchie universelle. Ilz ne cognoissent pas nostre cour et je
vous déclare Monsieur que |:si les Espagnolz avoient une si folle pensée:| les
empereurs d’Allemagne seroient les premiers à s’y opposer.» Je luy tesmoi-
gnay de le croire parce que la raison et leurs intérestz le veulent ainsy, je dis
seulement que la France a eu grand sujet d’arrester le cours de l’ambition des
Espagnolz et de pourvoir s’il estoit possible à ce qu’elle ne fust plus soustenue
des forces de l’Empire comme on a veu en des guerres qui ont esté trouvées
injustes de tout le monde, et que c’est de là que vient le mal. Qu’on sçavoit
bien que si luy, Trautmansdorff, en eust esté creu le feu empereur ne se seroit
pas engagé dans l’entreprise des Espagnolz contre Cazal et Mantoue , et
qu’en ce cas il auroit laissé à son filz le plus florissant empire de toute la terre.
Il l’avoua franchement et dit qu’il avoit |:résisté au prince Eckenberg. Je dis
en passant que les Espagnolz s’en souviennent:|, mais il me semble qu’il n’y
prit pas garde et qu’il avoit l’esprit occupé à tirer proffit de cette confession
en me voulant faire craindre que Dieu les ayant punis (comme il ne feignit
point de dire) pour avoir adhéré à une mauvaise cause, il ne chastiast aussy la
France pour avoir pris un party qui ruine la religion catholique, et pour avoir
traitté avec tant de rigueur des princes innocens: il vouloit parler des archi-
ducs d’Inspurch. Je me deffendis sur le premier point par la nécessité où la
maison d’Austriche nous a jettez de nous joindre avec les protestans; que ç’a
esté pour deffendre noz autelz et pour empescher qu’une inondation d’Alle-
mans n’en fist autant en France qu’à Mantoue; que le roy d’Espagne s’estoit
allié avec le duc de Rohan , chef des huguenotz, et que j’en avois veu le traitté;
qu’en tous ceux que nous avons faitz avec la couronne de Suède et la maison
de Hesse-Cassel il est porté expressément que l’exercice de la religion catho-
lique et les biens d’Eglise demeureront au mesme estat où ilz estoient dans les
lieux qui pourront estre occupés; que nous avons tenu la main à l’exécution
de cet article, et qu’en effet hors quelques désordres arrivés par la licence
militaire il ne se trouvera pas que les Suédois ny les Hessiens aient chassé les
catholiques ou ecclésiastiques en aucun endroit; que si à présent les protestans
de l’Empire ou noz alliez mesmes prétendent des éveschez catholiques et au-
tres choses directement contraires à la religion et à ce qui a esté convenu entre
nous, ilz ne seront point assistez du Roy pour ce regard; que chacun sçait que
nous le déclarasmes dernièrement icy à monsieur Oxenstiern et empeschas-
mes qu’il ne demandast les éveschez de Minden et d’Osnabrug pour partie de
la satisfaction de Suède; et qu’il nous reproche aujourd’huy que nous leur
faisons plus d’obstacle en ce point que les Impériaux mesmes. J’adjoustay que
c’est luy, Trautmansdorff, qui a accordé l’archevesché de Brême, l’évesché de
Verden et celuy d’Halberstat sans que nous en aions dit un seul mot. Il répli-
qua que nostre silence ne sert de rien aux catholiques puisque nostre armée
parle en faveur des protestans qui osent tout entreprendre se voyans appuies
des forces et de l’authorité de la France; qu’il ne leur donne point de biens
d’Eglise, mais qu’il leur laisse, faute de les pouvoir retirer de leurs mains tant
que nous agirons de concert avec eux, et que nous ne voudrons pas seulement
leur faire observer ce qu’ilz nous ont promis; qu’on verra bien par cette
conduitte que l’article cy-dessus n’aura esté inséré dans noz traittez que par
forme et pour sauver les apparences si après avoir stipulé tant de fois la
conservation de la religion catholique nous venons en effet à l’abandonner. Je
ne demeuray pas court, |:mais à n’en point mentir je ne dis rien qui vaille et:|
je vous avoue Monseigneur que je suis foible et mal préparé de ce costé-là. La
meilleure évasion que je trouvay, fut de luy dire: «Tousjours paroist-il par là
que vous autres Messieurs aimez mieux donner des éveschez et mesmes de
ceux qui sont entre les mains des catholiques que de toucher à la Silésie ou
autres terres de l’Empereur; présupposé que vous estes forcez d’accorder
quelque chose aux protestans, tousjours ce choix-là vient de vous, et ainsy
vous faittes volontairement le préjudice que l’Eglize en reçoit.»
Quand à la rigueur dont il nous accusoit à l’esgard des jeunes princes d’Ins-
pruch, je le priay de se souvenir de ce que [je] luy avois respondu une autre
fois sur le mesme sujet et le répétay succinctement. Mais je me servis encores
de la déclaration que les plénipotentiaires d’Espagne nous ont depuis faitte
que l’Alsace appartient au roy leur maistre, et qu’ilz prétendent que la cession
qu’il en fera au proffit du Roy doit obliger Sa Majesté à luy céder ailleurs
quelque autre droit . Qu’ainsy les archiducs n’y perdent au plus qu’une jouis-
sance incertaine d’un Estat si chargé de debtes que le revenu ne suffit pas pour
en payer les arrérages. Je dis une jouissance incertaine puisqu’elle dépend de
la grâce du propriétaire. Le comte de Trautmansdorff nia que l’Alsace appar-
tienne au roy d’Espagne, dit en avoir les preuves en main |:et trouva un peu
estrange que Pennaranda en eust parlé si affirmativement. Cela ne me dépleut
pas et me donna lieu de luy faire voir:| que l’amitié des Espagnolz couste
cher à l’Empereur et qu’ilz ne l’espargnent pas luy-mesmes ny sa maison
quand ilz y trouvent le moindre avantage. Puis je conclus qu’ilz devoient s’ac-
corder entre eux, et qu’il n’est pas raisonnable que l’Empereur, les archiducs
d’Inspruch, et le roy d’Espagne nous mettent tous une mesme chose en ligne
de compte. Il dit qu’ils le peuvent prétendre par divers respectz, l’Empereur
parce que l’Alsace est un membre de l’Empire; les archiducs parce qu’ilz en
sont propriétaires; et le roy d’Espagne à cause du droit qu’il a d’y succéder
comme estant un pays héréditaire de sa maison.
De là il revint à l’exclusion de Brisach la voulant fonder sur beaucoup de
raisons, entre lesquelles aiant encores touché le péril où l’on seroit tousjours
de voir de nouveaux troubles en Allemagne, spécialement lorsque l’Empereur
seroit engagé ailleurs, je luy déclaray derechef positivement et en homme
d’honneur que nous sommes très esloignez d’une telle pensée, que ce seroit
une indignité de les attaquer quand ilz attaqueront le Turc, et que la France
sera bien aise qu’ilz estendent leurs limites de ce costé-là; que je ne parlois pas
sans fondement et sçavois aussy |:la haute estime que vous faites de sa per-
sonne et en quelz termes Vostre Eminence nous en escrivoit sitost qu’elle
sceut son envoy à Monster:|. Sa response fut fort civile et accompagnée de
|:quelque joye de se voir estimé de Vostre Eminence:|, mais il ne laissa pas de
tesmoigner tousjours du ressentiment de leurs maux qu’il attribue à vostre
conduitte |:et à une affectation de paroistre plus zélé pour la France que le[s]
François mesmes:|. Je ne vous desguise rien Monseigneur, je ne cherche pas à
vous escrire des choses agréables, mais à vous servir fidellement affin que
vous ne preniez pas de fausses mesures. |:Ce ministre n’est point content:|,
c’est la seconde fois qu’il m’a tenu ce langage , mais celle-cy plus à descouvert
et avec plus de liberté. Il est vray qu’il receut assez bien les raisons dont j’ay
maintenu la justice et la nécessité du procédé de Vostre Eminence. Il ne me
put nier que |:la qualité d’estranger ne vous oblige à faire:| quelque chose de
plus que |:si vous estiez né François, comme la Reyne est obligée:| à la
mesme chose parce qu’elle |:est sœur du roy d’Espaigne:|. Il fit aussy ré-
flexion sur ce que je luy dis pouvoir monstrer par escrit que dans l’instruction
qui me fut donnée du vivant de feu monsieur le cardinal de Richelieu
ordre précis de ne faire jamais la paix sans garder Brisach; que ce n’est donc
point une dureté de ce siècle, et qu’il vous l’imputoit à tort, mais que je le
priois de considérer par sa prudence si après tant de victoires et de conquestes
adjoustées à celles du feu roy il vous est possible d’en faire aujourd’huy meil-
leur marché, et quel murmure ce seroit par toute la France; qu’en l’estat où est
Vostre Eminence l’on ne manque jamais d’envieux, et qu’il ne vous conseille-
roit pas de leur donner si beau jeu; qu’il devoit juger de vous par luy-mesmes
et que s’il fait tant d’effortz pour une place qu’ilz n’ont pas et qu’ilz ne sçau-
roient reprendre de vingt ans, combien plus vous estes obligé de la conserver
au Roy qui en est le maistre, et dans un temps où les affaires de Sa Majesté
vont à souhait.
Tout cela fit quelque effet sur son esprit au moins en apparence, car il cessa
de se plaindre de nostre rigueur et se mit à louer vostre conduitte d’avoir fait
de si grandes choses pendant une minorité. Ce ne fut pas néantmoins sans y
apporter quelque exception, il dit que Vostre Eminence donnoit beaucoup à
sa fortune et qu’aiant à soustenir une guerre contre l’Empereur et contre le
roy d’Espagne elle entreprenoit en mesme temps le pape, le Grand-Duc, et
vouloit forcer tout le monde à prendre le party de France; qu’il seroit meilleur
à son avis de faire la paix avec les avantages qu’on nous présente, et de s’ap-
pliquer puissamment à restablir le roy et la royauté d’Angleterre. Je luy de-
manday si la maison d’Austriche ayderoit à ce dessein, il ne respondit pas
comme il faut se contentant de dire que nous y avons le plus grand et le plus
proche intérest. Mais je ne sçais Monseigneur |:s’il est fort à désirer que le roy
d’Espagne s’en mesle, tant pour ne point partager avec luy:| la gloire de cette
action ny l’utilité qui en reviendra, que pour les obstacles qui se rencontrent
ordinairement à faire réussir une entreprise |:quand elle est conduite par deux
puissances si esgales et si jalouses l’une de l’autre:|. Quoy qu’il en soit je luy
|:parlay froidement de cette révolution d’Angleterre, voyant bien qu’il s’en
vouloit prévaloir pour obliger la France:| à rendre Brisach et achever promp-
tement le traitté avec l’Empereur. Qu’au surplus je n’avois pas encores appris
que l’armée navalle du Roy eust fait aucune hostilité sur les terres du pape ou
du Grand-Duc, mais que j’estois bien informé des justes causes que Sa Sainte-
té nous en a données et de la grande modération de Vostre Eminence en cette
rencontre, pouvant dire avec vérité que si le conseil du Roy n’estoit dirigé par
un cardinal, il y a longtemps qu’on y auroit pris d’autres résolutions. Pour
preuve de cella je luy contay ensuitte ce qui se passa l’autre jour au Parlement
touchant la bulle qui fut déclarée abusive, et comme l’arrest fut donné du
propre mouvement de la compagnie pour satisfaire au devoir de leurs charges
sans aucune impulsion de la cour. Il fit mine d’en douter, mais je luy fermay
la bouche quand je dis librement qu’aux affaires où la cour prend part, le
Parlement n’agit pas d’ordinaire avec tant de facilité ny de diligence; et qu’au
reste je pouvois sçavoir au vray comme la chose s’y est passée aiant un frère
qui y tient la seconde place
Henri de Mesmes, s. [nr. 235 Anm. 1] .
|:J’avois dessein Monseigneur d’insinuer au conte de Trautmansdorf ce dont
vous m’avez fait l’honneur de me charger :|, mais outre que mon audiance
avoit desjà esté longue je ne trouvay pas son esprit dans une telle assiette qu’il
pust recevoir |:toute l’impression que je voulois. Je me contentay de l’y avoir
disposé:| par les moyens cy-dessus touchez selon que l’occasion s’en estoit
offerte et me levay pour prendre congé.
Alors il me remit sur le différend de Brisach disant qu’il me vouloit commu-
niquer une pensée dont il ne s’estoit encores ouvert ny aux Bavarrois ny aux
médiateurs, qui est celle dont nous rendons compte par nostre despesche
commune , [de] démolir la place, arrester qu’elle ne puisse jamais estre fortif-
fiée, couper le pont, avoir faculté de fortiffier tel lieu que nous voudrons delà
le Rhin, et posséder l’Alsace et le Zuntgau en souveraineté et l’incorporer au
royaume comme une autre des provinces de France.
Je luy fis voir que le titre auquel le Roy tiendra l’Alsace quelque spécieux
qu’il puisse estre ne sert de rien à la seureté de l’acquisition ny à la durée de la
paix, qui est ce que nous cherchons, et ce que la seule place de Brisach nous
donne.
Il repartit qu’estant rasée ce grand fleuve du Rhin nous asseure assez, et
voyant qu’il ne me pouvoit persuader et que je luy objectois que les Impé-
riaux le peuvent passer en plusieurs autres endroitz il se laissa entendre à
demy-mot qu’on pourroit nous accorder Benfeld. Mais j’en fis bien peu de cas
en comparaison de Brisach, et le suppliay sincèrement de ne s’attacher pas à
cette pensée qui ne feroit que retarder la paix. Il insista que nous en donnas-
sions avis à la cour par homme exprès affin d’en avoir promptement response,
s’asseurant que cette ouverture y seroit bien receue. Je dis que s’il prenoit
quelque créance en moy, comme il m’avoit tesmoigné plus d’une fois, je luy
protestois en conscience que nous avions les derniers ordres dans lesquelz
Brisach n’a pas seulement esté mis en doute, et qu’il seroit inutile d’en consul-
ter davantage ceux qui s’en sont expliquez si absolument. Je me chargeay
néantmoins d’en faire rapport à messieurs mes collègues, et le lendemain
monsieur de Servien luy fut porter response conforme à ce que dessus.
Hier les médiateurs nous en parlèrent, et monsieur Contarini demanda s’il ne
suffiroit pas pour la seureté de la France de garder Brisach cinq ou six ans
pendant quoy l’on bastiroit une forteresse delà le Rhin. Cella ne fut pas es-
couté.
|:Monsieur Wolmar:| a dit aujourd’huy à un sien confident avec qui j’ay ha-
bitude que le comte de Trautmansdorff lairra plustost renverser l’Empire que
de laisser une telle pièce, et que quand il seroit capable de nous l’accorder ce
ne seroit jamais du consentement des princes d’Inspruck lesquelz feront une
protestation solennelle contre cette cession. Il a encores dit qu’en ce cas |:luy,
Wolmar, ne signera pas le traité de paix. Cela tesmoigne qu’il y voit de la
disposition:|, et d’ailleurs nous jugeons par diverses circonstances qu’après
|:s’estre bien deffendu le comte de Trautmansdorff donnera les mains:|.
Je remarquay chez luy qu’en me disant qu’il s’en iroit bientost à Osnabrug
pour la dernière fois, et qu’il n’y seroit que sept ou huit jours d’autant qu’il a
offert à la couronne de Suède tout ce qu’on luy peut accorder, et qu’il ne
restoit qu’à se déclarer de la mesme sorte envers les protestans, il adjousta
qu’au retour de ce voyage |:il nous diroit aussi le dernier mot et se reprit en
mesme temps comme:| n’aiant plus rien à adjouster à ses offres, |: mais ce fust
avec un sousris et une douceur qui me fit croire:| davantage qu’il ne nous a
pas encores |:tout dit:|. Après cella il fait estat de faire imprimer jusques où il
sera condescendu pour la satisfaction des couronnes, et de s’en retourner à
Vienne.
Il m’entretint aussy des intérestz d’Espagne et me proposa les deux comtez
entiers, disant que s’il pouvoit porter Penaranda à nous accorder tout le Rous-
sillon y compris Roses, et tout l’Artois y compris Saint-Omer, Ayre et La
Bassée nous devions faire la paix. Mais il cogneut bien qu’il faut que les Es-
pagnolz passent outre.
Le mesme |:confident du sieur Wolmar:| m’asseure que les plénipotentiaires
d’Espagne accorderont à ceux des Provinces-Unies tout ce qu’ilz ont de-
mandé.
Monsieur de Matenesse et monsieur Pau m’ont visité tantost, ilz promettent
une fidélité constante. |:Le premier y satisfait pleinement et agit en toutes
occasions comme nous pouvons souhaiter, mais l’autre marche avec plus de
retenue:|. Par la response que les Espagnolz ont faitte à leurs articles ilz ont
convié Messieurs les Estatz à conclurre sans s’arrester à des intérestz estran-
gers, veu mesmes que la couronne de France a sujet d’estre plus que suffisam-
ment et surabondamment satisfaitte des conditions qu’ilz nous ont proposées.
Ce sont les propres termes. Lesditz sieurs de Matenesse et Pau m’ont dit qu’il
leur sera répliqué que soubz le nom d’estrangers la France ne peut estre com-
prise, et qu’on persiste à ne voulloir traitter que conjointement avec nous et
d’un commun consentement.
Les Impériaux se plaignent que les députez du duc de Bavières parlent plus
haut et plus ferme pour Brisach que les François mesmes. |:Et à la vérité
Monseigneur ilz m’ont dit avoir déclaré au conte de Trautmansdorf que s’il
ne se résout prontement il ne faut pas douter que l’Empire se partagera et que
la Haute et Basse-Saxe et pays voisins se metront sous la protection de la
couronne de Suède, et la Franconie et la Suavbe et les quatre cercles du Rhin
rechercheront celle de la France. En effet ils ne s’esloignent pas de traiter avec
nous d’une neutralité ou suspension d’armes en cas que les affaires aillent
davantage en longueur:|.