Acta Pacis Westphlicae II B 1 : Die französischen Korrespondenzen, Band 1: 1644 / Ursula Irsigler unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy

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Raisons pour monstrer que la proposition des Ambassadeurs de France est
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plus raisonnable, plus effective et plus nécessaire pour la paix que celles du
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party contraire.

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Premièrement. Le forme estant la plus noble partie et celle qui donne l’estre
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à toutes choses, ilz ont esté obligéz de demander qu’on réglast celle de
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l’assemblée et de préférer cette demande à celle qui n’eust compris que les
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matières particulières.

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2. La fin pour laquelle les hommes travaillent estant tousjours la première
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dans l’intention, ilz ont eu aussy raison de parler avant toutes choses de
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celle que l’on cherche en traictant la paix qui est la seureté, laquelle par
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conséquent doibt estre la première résolue, quoyque peult estre lorsqu’il
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fauldra venir à l’exécution, il y aura d’aultres poinctz qui devront marcher
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devant.

[p. 837] [scan. 927]


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3. Que la paix, quoyque le mot en soit spécieux en la bouche de tout le
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monde, ressemble à l’aurore de laquelle les poètes ont tant parlé, qui n’est
3
rien en effect que le retour du soleil. Que de mesme la paix n’est rien en
4
soy que le retour de la seureté publicque soubz la foy de laquelle la société,
5
le commerce et l’amitié sont restabliz comme auparavant entre les Princes
6
et leurs subjetz qui ont esté quelque temps ennemis.

7
4. Que pour cet effect ayant demandé qu’on pourveust avant toutes choses
8
aux moyens d’establir cette seureté, ilz ont passé plus avant que les autres
9
et demandé une chose plus nécessaire.

10
5. Qu’ilz ne sont pas les premiers qui ont dict pacem non esse in positis
11
armis sed in abiecto armorum et servitutis metu.

12
6. Que quand les propositions faictes par les parties seroient raisonnables
13
et qu’on seroit disposé de les accorder, de quoy on est bien esloigné, il
14
resteroit tousjours à pourveoir à la seureté de l’exécution et durée du traicté
15
qui seroit faict, à quoy la France a plus d’intérest qu’à tout le reste.

16
7. Que la France par les soings particuliers qu’elle prend de cette seureté
17
faict veoir évidemment l’intention véritable qu’elle a d’observer sincèrement
18
ce qui sera accordé.

19
8. Que les parties ont bien tesmoigné de ne s’en soucier pas beaucoup, n’en
20
ayans point parlé dans leur escript, quoyque ce soit le poinct le plus consi-
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dérable de toute la négotiation.

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9. Que cela pourroit faire croire avec quelque raison qu’ilz n’ont aultre
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intention que de sortir maintenant d’affaires, affin d’essayer après le traicté
24
qui pouroit estre faict de séparer la France de ses alliéz et faire pendant la
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paix ce qui ne leur a peu réussir pendant la guerre, affin de recommencer
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la guerre dans un an ou deux contre les uns ou les autres et en avoir meilleur
27
marché de cette sorte.

28
10. Que les moyens qu’ilz ont proposéz pour establir cette seureté ne sont
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point nouveaux, mais ont tousjours esté praticquéz dans l’Empire, en sorte
30
que le prétendu traicté de Prague en l’article pénultiesme du consentement
31
mesme de l’Empereur appelle attentat tout ce qui est faict par une autre
32
voye, le prétendu traicté de Ratisbonne que l’on allègue (quoyqu’il soit nul
33
comme ayant esté faict par des ministres sans charge et qui ont esté désavouéz)
34
a esté faict dans une assemblée des Princes de l’Empire, et l’exemple de 1555
35
duquel on s’est voulu servir faict contre les parties, parce que sy les Princes
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et Estatz de l’Empire déclarèrent lors aux ministres du Roy Henry Second
37
qu’ilz n’avoient plus besoin de l’assistance qu’ilz luy avoient demandée pour
38
déffendre leurs libertéz et privilèges, cela monstre qu’une semblable délibé-
39
ration et déclaration doibt estre faicte aujourd’huy par lesdictz Princes et
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Estatz et non pas par les ministres de l’Empereur tous seulz qui n’ont pas
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droict de parler pour les autres ny de disposer de leur intérest.

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11. Qu’ayant esté accordé par le traicté préliminaire des passeportz pour tous
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les Eslecteurs, pour plusieurs autres Princes en particulier et pour tous ceux
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en général qui sont alliéz ou adhérans tant du Roy que de l’Empereur, du

[p. 838] [scan. 928]


1
Roy d’Espagne et de la Suède, ce qui comprend toute l’Allemagne, n’y
2
ayant aulcun Prince, Estat ny ville qui ne soit ou d’un party ou de l’autre,
3
on a entendu que le traicté de paix devoit estre faict en leur présence et avec
4
eux, parce que sans cela il n’eust point esté nécessaire de leur donner des
5
passeportz pour se treuver à l’assemblée.

6
12. Que sy on se fust voulu arrester aux apparences et à l’ostentation comme
7
ont faict ceux du party contraire, il eust esté facile de faire des propositions
8
vagues et inutiles comme les leurs et ne faire que demander sans rien offrir,
9
la France estant beaucoup mieux fondée à demander le restablissement de
10
l’ancien ordre dans l’Empire duquel dépend principallement la seureté des
11
Estatz voisins et la restitution de tout ce que l’Espagne luy retient injuste-
12
ment, que les ministres impériaux et espagnolz n’ont esté à demander seule-
13
ment qu’on leur rende ce qui a esté repris sur eux par une juste guerre pour
14
se rescompenser des tortz qui avoient esté faictz aultres fois à la France,
15
principallement faisant cette demande en un temps où leurs affaires ne sont
16
pas en estat selon les apparences et le jugement de tout le monde qu’ilz puis-
17
sent contraindre leurs ennemis par la force de faire cette restitution.

18
13. Que ce seroit tout ce qu’ilz pourroient prétendre avec quelque bien-
19
scéance sy l’Empereur estant maistre absolu de toute l’Allemagne et le Roy
20
Catholique paisible Monarque de toutes les provinces d’Espagne comme il
21
l’a esté aultres fois, ilz estoient oultre cela l’un et l’aultre en estat d’attacquer
22
la France et la Suède avec de puissantes armées et de porter leurs armes dans
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le cœur de ces deux Royaumes dont ilz sont grâces à Dieu bien esloignéz,
24
puisqu’au lieu de cela les armes de France et de Suède sont dans le millieu
25
de l’Allemagne avec une partie des Princes et des forces de l’Empire qui
26
tiennent leur party, touts les autres qui n’ont esté jusqu’icy que spectateurs
27
commenceans à cognoistre que ces deux Couronnes alliées ne combattent
28
en effect que pour les droictz, libertéz et privilèges des Princes et Estatz de
29
l’Empire.

30
Qu’après la déclaration que les Ambassadeurs de France ont tousjours faicte
31
de ne pouvoir traicter la paix que dans une assemblée de tous les Princes
32
et Estatz intéresséz dans la présente guerre et conjoinctement avec tous leurs
33
alliéz, ilz ne pouvoient donner une preuve plus évidente de la sincérité avec
34
laquelle ilz désirent contribuer de leur part à l’avancement de la négotiation
35
qu’en proposant comme ilz ont faict le poinct le plus général, essenciel et
36
nécessaire de tout le traicté qui est celuy de la seureté, duquel tous les autres
37
déppendent et auquel les absens aussy bien que les présens ont un esgal
38
intérest, et cela pour ne perdre pas inutilement le temps en attendant que les
39
Princes et Estatz d’Allemagne soient arivéz dont la pluspart sont desjà en
40
chemin, et cependant que les Plénipotentiaires de Messieurs les Estatz des
41
Provinces Unies se rendront icy ausquelz lesdictz Plénipotentiaires ont
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dépesché un courrier exprès pour haster leur départ.

43
Que sy les ministres du party contraire avoient bonne intention et au lieu
44
de viser tousjours à des traictéz particuliers ausquelz on n’entendra jamais

[p. 839] [scan. 929]


1
qu’ilz voulussent sincèrement contribuer à l’avancement d’une paix géné-
2
ralle pour establir de bonne foy et sans aulcune réserve un durable repos
3
dans la Chrestienté, ilz devroient estre bien aises de ne perdre point le temps
4
et de proffiter celuy que l’on ne peult pas employer à la décision des poinctz
5
particuliers de la négotiation à cause de l’absence des principaux intéresséz,
6
à résouldre les articles plus généraux comme celuy de la seureté du traicté,
7
parce qu’ilz serviroient beaucoup à faciliter tous les autres, les Plénipoten-
8
tiaires de France ayans tousjours déclaré qu’il ne se rencontrera pas tant de
9
difficulté dans les autres conditions de la paix, pourveu qu’on treuve des
10
moyens d’empescher à l’avenir qu’elle ne puisse estre facilement rompue
11
quand elle aura esté une fois establie, sans quoy il seroit inutile de quitter
12
les armes présentement sy on demeuroit dans les appréhentions de veoir
13
dans quelque temps recommencer la guerre.

14
Que si tous ceux qui ont droict d’assister dans cette assemblée ausquelz
15
pour cet effect on a accordé des passeportz dans le traicté préliminaire et
16
sans lesquelz par conséquent on n’y peult rien résouldre seurement et légiti-
17
mement, ont différé jusqu’à présent de s’y rendre, ce n’est pas la faulte des
18
Plénipotentiaires de France qui les en ont conviéz diverses fois par des lettres
19
qui ont esté veues de tout le monde et qui n’ont rien obmis de leur part
20
pour les faire venir. Chacun sçait assez qu’ilz en ont esté empeschéz par
21
l’artiffice de ceux qui n’ayans pas ozé ouvertement s’opposer à leur venue,
22
l’ont traversée secrèttement, tantost en publiant qu’il ne se feroit rien dans
23
cette assemblée, tantost en déclarant qu’ilz ne pouvoient entrer en conférence
24
sans le Roy de Dannemarck, tantost subtilisant sur les pouvoirs des Ambas-
25
sadeurs de France quoyqu’il n’en ayt jamais esté donné de plus amples, affin
26
de faire croire qu’ilz n’estoient pas suffisamment authoriséz pour entrer en
27
négotiation et divertir par cette créance tous ceux qui sans cela estoient
28
disposéz de se rendre icy.

29
Qu’il paroist bien clairement que le dessein du party contraire n’est que de
30
porter les Ambassadeurs de France à faire quelque action qui puisse donner
31
du desgoust à leurs amis et alliéz, puisqu’après avoir retardé la négotiation
32
huict mois entiers par l’intérest du Roy de Dannemarck qui n’estoit point
33
compris dans le traicté préliminaire en qualité de leur allié et après avoir
34
faict des difficultéz puérilles sur les pouvoirs desdictz Ambassadeurs, quoy-
35
qu’ilz eussent offert par un escript donné à Messieurs les Médiateurs

44
Vgl. Beilage 4 zu nr. 301.
dès
36
la naissance des contestations qui ont esté faictes pour ce regard de faire
37
venir d’autres pouvoirs dans le temps et en la forme qu’on désireroit aussy-
38
tost que les ministres du party contraire ont esté résoluz de n’attendre plus
39
le Roy de Dannemarck et qu’en suite de cette résolution la forme des nou-
40
veaux pouvoirs qu’on a promis de part et d’autre de faire venir dans la fin
41
de janvier a esté ajustée, ilz pressent lesdictz Ambassadeurs d’entrer en
42
matière sans l’intervention de leurs alliéz avant mesme qu’on ayt eu le loisir
43
de leur faire sçavoir l’ajustement qui a esté faict, lequel sans doubte les con-

[p. 840] [scan. 930]


1
viera lorsqu’ilz verront un si bon commencement de haster leur venue qu’ilz
2
n’avoient différée que sur la créance qu’on leur avoit industrieusement donnée
3
qu’il ne se feroit rien icy.

4
Que ce dessein paroist encor bien clairement en ce que ayant faict semblant
5
de s’offencer de la proposition faicte par les Ambassadeurs de France

44
Am 4. Dezember 1644.
en
6
l’appellant un article préliminaire quoyqu’elle soit plus effective que la leur,
7
ilz ont faict entendre qu’ilz eussent esté contents sy lesdictz Sieurs Ambassa-
8
deurs eussent faict quelque autre proposition quand mesme c’eust esté une
9
demande vague et extravagante comme la leur, ce qui monstre que ce n’est
10
pas tant pour l’avancement des affaires qu’ilz auroient eu cette envie que
11
pour engager lesdictz Ambassadeurs à donner quelque subjet de plainte à
12
leurs alliéz.

13
Que sans faire une action directement contraire audict traicté préliminaire
14
et le destruire au lieu de l’exécuter, on ne peult refuser de faire venir icy
15
tous lesdictz Princes et Estatz, ny les assembler en un autre lieu qu’à Munster
16
et Oznabrug pour délibérer de la paix sans faire veoir qu’on la veult alonger
17
au lieu de l’avancer et la conclurre.

18
Que lesdictz Ambassadeurs n’ont intention de faire préjudice à la dignité
19
ny à l’authorité de personne, mais qu’ilz ne croyent pas que le droict de faire
20
la paix dans l’Empire appartienne à l’Empereur tout seul, qu’ilz ne croyent
21
mesme pas que les ministres impériaux en voulussent donner une déclara-
22
tion et qu’en tout cas elle debvroit estre faicte aussy par les Princes et Estatz
23
de l’Empire qui y ont intérest, sans quoy il n’y auroit aucune seureté dans
24
le traicté qui pourroit estre faict.

25
Que cette seureté, comme il a esté dict, estant le poinct le plus nécessaire
26
de la négotiation pour les raisons alléguées, lesdictz Ambassadeurs ont eu
27
raison de le mettre le premier sur le tappis, estant un ordre nécessaire dans
28
les grandes négotiations de commencer par celles où se peuvent rencontrer
29
les plus grandes difficultéz et desquelles toutes les autres déppendent, parce
30
que lorsque celles là sont ajustées, les autres moins importantes suivent
31
facilement.

32
Qu’après que l’on aura convenu de cette seureté pour l’avenir qui ne peult
33
estre treuvée que dans une assemblée des Princes et Estatz de l’Empire, il
34
ne sera peult estre pas malaisé de s’accorder avec les commissaires impériaux
35
pourveu que l’on remonte à l’origine des troubles présens, qu’on en face
36
cesser la cause puisqu’elles ont engagé les Princes voisins à prendre les
37
armes et qu’ilz n’ont aultre but que la liberté des Princes et Estatz de l’Empire
38
et le bien de l’Allemagne mesme, et pourveu qu’on ne prétende pas d’alléguer
39
le prétendu traicté de Ratisbonne qui n’est point un traicté et dans lequel les
40
ministres du Roy n’avoient ordre que de terminer les différens des Duchéz
41
de Mantoue et de Montferrat, comme depuis ilz ont esté décidéz par un autre
42
traicté faict à Quérasque où celuy de Ratisbonne n’a esté ny ratiffié ny
43
approuvé.

[p. 841] [scan. 931]


1
Que pour ceux d’Espagne, après que ladicte seureté aura esté establie, on
2
leur donnera de bon cœur le choix ou de traicter en laissant toutes les choses
3
en l’estat qu’elles se treuvent présentement, c’est à dire en quittant les armes
4
de part et d’aultre et en restablissant l’amitié pour le repos de la Chrestienté
5
sans parler des prétentions respectives des parties, sur lesquelles il fauldroit
6
trop de temps et où l’on auroit trop de peine de s’accorder.

7
Ou bien l’on entrera de bon cœur nouvellement en compte avec eux en
8
remettant sur le tappis et examinant tous les anciens droictz et prétentions
9
des deux Couronnes pour restituer de part ou d’autre ce qui aura esté occupé
10
par force, nonobstant le laps des temps ou les préscriptions qui ne sont pas
11
considérées quand il s’agist des souverainetéz, soit que ladicte force ayt esté
12
dans les armes ou qu’elle ayt esté exercée dans des traictéz injustes où l’on
13
a extorqué par violence des renonciations à des droictz légitimes parmy
14
lesquelz on a compris non seulement ceux pour lesquelz il y pouvoit avoir
15
quelque différend, mais ceux mesmes qui n’avoient jamais esté contestéz
16
auparavant et qui n’estoient point entréz dans les subjetz des guerres
17
précédentes.

18
Que sy en ce temps là les Espagnolz ont proffité du temps et de leurs
19
avantages, il est d’aultant plus juste que la France suive aujourd’huy leur
20
exemple qu’il ne s’agist que de ravoir ce qui luy a esté injustement ravy, au
21
lieu qu’alors les Espagnolz ont envahy des Estatz qui ne leur avoient jamais
22
appartenu.

23
Que sy aussy ilz veullent prétendre que l’on abbandonne toutes les con-
24
questes qu’il a pleu à Dieu de donner à la France pendant cette guerre pour
25
luy faire quelque raison des tortz qu’elle avoit receuz auparavant, il est très
26
juste qu’ilz viennent à nouveau compte de leur costé et qu’ilz restituent
27
aussy ce qu’ilz ont injustement retenu sans avoir esgard aux traictéz exigéz
28
aultres fois par crainte et violence d’un Roy que le sort des armes et sa trop
29
grande valleur avoient rendu leur prisonnier

40
Franz I.
.

30
Qu’ilz ont bien allégué les traictéz de Cambray

41
Friede von Cambrai, 1529 August 5, Druck: J. Du Mont IV, 2 S. 7–18.
, de Crespy

42
Friede von Crépy, 1544 September 18, Druck: J. Du Mont IV, 2 S. 279–288.
et autres suivans
31
affin de persuader qu’il fault se régler sur l’exemple desdictz traictéz pour
32
faire la paix présentement, mais qu’ilz ont obmis artifficieusement celuy de
33
Madrit qui a servy de fondement à tous les autres affin qu’on ne puisse
34
pas examiner ce qui fut faict en celuy là, soit pour demander raison des
35
injustices et violences qui furent faictes à la France, soit pour faire aujour-
36
d’huy le mesme qu’eux s’ilz estiment de l’avoir peu faire lors avec raison.

37
Que nonobstant les renonciations extorquées par lesdictz traictéz de Madrit
38
et de Cambray, l’Empereur Charles Quint recognoissant le tort qu’il avoit
39
faict au Roy François Premier promist par le traicté de Crespy de luy rendre

[p. 842] [scan. 932]


1
soubz prétexte de mariage ou les Estatz du Pays Bas ou le Duché de Milan,
2
ce qui n’a point esté exécuté.

3
Que sy la proposition desdictz Ambassadeurs d’Espagne estoit exécutée de
4
bonne foy de part et d’autre comme elle devroit estre par raison en restituant
5
tout ce qui a esté occupé sur aultruy sans limiter le temps du comencement
6
de la guerre présente, l’effect n’en seroit pas avantageux pour la Monarchie
7
d’Espagne qui seroit obligée de restituer à la France et à beaucoup d’aultres
8
Princes la pluspart des Estatz qu’elle possède.

9
Que quand il fauldroit suivre la disposition des derniers traictéz, le Roy
10
Catholicque seroit obligé de restituer le Royaume de Navarre que ses prédé-
11
cesseurs et luy ont occupé injustement sur noz Roys et sur lequel les droictz
12
de la Couronne de France ont esté spéciallement réservéz par le traicté de
13
Vervins .

14
Que lesdictz Plénipotentiaires d’Espagne ont bien tesmoigné par leur pro-
15
position qu’ilz n’ont point d’inclination à la paix, n’ayant point proposé de
16
restituer au Roy le Royaume de Navarre quoyque les droictz de la Couronne
17
de France sur ledict Royaume soient indubitables, recognuz telz par tout le
18
monde et que comme telz ilz ayent esté nommément réservéz par le traicté
19
de Vervins.

20
Que les Plénipotentiaires de France ne s’estonneroient pas tant de cette
21
obmission et n’auroient pas tant de subjet de s’en plaindre, sy lesdictz Pléni-
22
potentiaires d’Espagne dans leur proposition n’avoient faict demande que
23
d’un article ou de deux, mais qu’ayans faict un project général de tous les
24
poinctz qu’ilz ont estimé nécessaires pour la conclusion de la paix, on a très
25
grand subjet de s’offencer qu’ilz ayent obmis celuy de la Navarre, sans la
26
décision duquel ilz doivent estre asseuréz qu’on ne peult jamais traicter
27
avec eux s’il faut venir aux restitutions ou à l’examen des anciens droitz
28
et prétentions

29
Pour conclusion, les Plénipotentiaires de France espèrent que les susdictes
30
raisons et le temps feront veoir à toutes les personnes qui en jugeront sans
31
passion, qu’on sera enfin obligé sy on veult la paix tout de bon d’accorder
32
la proposition qu’ilz ont faicte pour la durée et seureté de ladicte paix comme
33
très raisonnable et que celles du party contraire ne peuvent estre admises
34
comme destituées de toute apparence de raison, estant juste qu’ilz renoncent
35
aujourd’huy à leur tour comme ilz ont forcé aultres fois la France de renoncer
36
lorsqu’elle n’avoit pas tant de triomphe qu’elle en a maintenant, parce que
37
s’il estoit permis aux Espagnolz de proffiter dans les traictéz lorsqu’ilz ont
38
de l’advantage, et qu’il ne fust pas permis aux autres Princes d’en faire de
39
mesme, il n’y auroit jamais de paix asseurée dans la Chrestienté, et les
40
Espagnolz seroient conviéz par là de la troubler de temps en temps et de
41
tenter de nouveau la fortune de la guerre dans l’espérance que s’ilz avoient
42
du malheur on leur rendroit ce qu’ilz auroient perdu, et que sy le sort leur
43
estoit favorable ilz ne feroient aulcune restitution.

[p. 843] [scan. 933]


1
Quant à la liberté de Monsieur l’Eslecteur de Trèves, premièrement tous
2
ceux qui ont parlé de la part de l’Empereur ont tousjours déclaré qu’il n’estoit
3
point prisonnier, et par conséquent la demande n’est pas injuste puisqu’on
4
n’oze pas mesme avouer qu’il soit détenu.

5
Tous les Princes non seulement de l’Allemagne mais de la Chrestienté sont
6
intéresséz en la violence qui luy est faicte.

7
Le Pape ne peult souffrir qu’elle soit continuée sans blesser son authorité,
8
tant à cause de la dignité d’Archevesque qui est foulée aux piedz qu’à cause
9
qu’il y a eu sentence donné par le Pape déffunct du consentement mesme
10
de l’Empereur par laquelle il a esté ordonné que ledict Sieur Archevesque
11
seroit remis en liberté.

12
S’il avoit faict la guerre à l’Empereur ou à l’Empire et qu’il eust esté faict
13
prisonnier de guerre, on pourroit dire que le poinct de sa liberté sera décidé
14
avec les autres qui seront traictéz pour la paix, mais il fault remarquer qu’il
15
n’a jamais faict hostilité ny entreprise quelconque contre l’Empereur ny
16
contre l’Empire, que nonobstant cela par une surprise violente qui n’a point
17
d’exemple il a esté pris dans sa ville capitalle par les armes d’Espagne avant
18
mesme qu’il y eust rupture entre le Roy et l’Empereur ny entre le Roy et le
19
Roy Catholicque, qu’il a esté mené comme en triomphe dans les Pays Bas
20
où il a esté détenu quelque temps et de là conduict à Vienne où il est pri-
21
sonnier depuis dix ans, sans qu’on ayt voulu considérer qu’on ne peult sans
22
scandalle destituer sy longtemps une Eglise de son pasteur et traicter sy
23
injurieusement un Prince Eslecteur de l’Empire.

24
Que par les constitutions impérialles il a peu faire la confédération qu’il a
25
eue avec la France et qu’il l’a deu faire au temps qu’il l’a faicte, tant pour
26
conserver ses Estatz que pour y empescher la ruyne de la Religion catho-
27
licque lorsque les forces de la Maison d’Austriche n’estoient pas en estat de
28
la déffendre contre les armes victorieuses du Roy de Suède et que ledict
29
Sieur Eslecteur ne pouvoit avoir autre recours ny treuver aultre seureté
30
que dans la protection du feu Roy, laquelle par l’amitié qui estoit entre
31
Sa Majesté et le feu Roy de Suède conserva pour le bien mesme de l’Empire
32
la personne dudict Sieur Electeur, ses Estatz et la Religion catholicque.

33
Que lesdictz Plénipotentiaires de France ont droict de demander sa liberté
34
avant toutes choses, non seulement parce que l’honneur de leur maistre y
35
est engagé auquel on veult faire une injure par cette détention dont l’Em-
36
pereur reçoit plus de blasme que d’advantage, mais parce qu’on ne la peult
37
refuser sans contrevenir au traicté préliminaire.

38
Sy par ledict traicté on a accordé un passeport particulier pour les députéz
39
dudict Eslecteur, il est juste qu’il soit mis en estat et en lieu où il leur puisse
40
donner sans violence et sans contrainte toutes les instructions qu’il jugera
41
nécessaires, tant pour représenter ses intérestz en cette assemblée que pour
42
y faire sçavoir ses advis sur le faict de la paix et affin qu’il y ayt une libre
43
correspondance entre luy et sesdictz députéz comme aussy entre luy et les-

[p. 844] [scan. 934]


1
dictz Plénipotentiaires, ce qui ne pourroit estre tant qu’il demeurera en l’estat
2
qu’il est présentement.

3
Sy par ledict traicté préliminaire on a accordé un passeport pour tous les
4
Estatz de l’Empire en général alliéz et adhérens de la France, ledict Sieur
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Electeur qui faict une si noble partie des Estatz de l’Empire et qui est un
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des premiers confédéréz de la France n’en peult estre exclus sans violer
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ledict passeport, et par conséquent on ne peult empescher qu’il ne vienne
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en personne dans l’assemblée sy bon luy semble.

9
C’est pourquoy lesdictz Plénipotentiaires ont esté fondéz en très grande
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raison de déclarer qu’ilz ne peuvent passer oultre sy on refuse la liberté
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dudict Sieur Eslecteur, parce que c’est une contravention au traicté prélimi-
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naire par lequel ilz prétendent qu’elle a esté tacitement et expressément
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accordée et qu’ilz n’auroient pas subjet de bien espérer de la conduicte des
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parties dans le traicté général qui doibt estre faict s’ilz révocquoient en doubte
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l’exécution des choses qui ont esté accordées par le traicté préliminaire

31
Vgl. hierzu eine an Chigi und Contarini gerichtete Stellungnahme der kaiserlichen Gesandten
32
Nassau und Volmar vom 19. Dezember 1644, Kopie: AE , CP ALL. 38 fol. 367–369’. Nach
33
einem Kopfvermerk Lionnes wurde diese von einem d’Avaux-Kopisten geschriebene Kopie mit
34
Schreiben vom 31. Dezember 1644 übersandt, der entsprechende Brief d’Avaux’ an Mazarin
35
– Ausfertigung: AE , CP ALL. 38 fol. 387–388’ –, eine erneute Beschwerde über Servien, enthält
36
aber keinen Hinweis darauf.
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