Acta Pacis Westphalicae II B 4 : Die französischen Korrespondenzen, Band 4: 1646 / Clivia Kelch-Rade und Anuschka Tischer unter Benutzung der Vroarbeiten von Kriemhild Goronzy und unter Mithilfe von Michael Rohrschneider
231. Servien an Lionne [Münster] 1646 Oktober 30
[Münster] 1646 Oktober 30
Konzept, größtenteils eigenhändig: AE , CP All. 78 fol. 256–268’ – Druckvorlage.
Würdigung der letzten Memoranden. Möglicher Zeitpunkt einer Waffenruhe mit Spanien. Nach-
teile einer italienischen Liga. Vorteile eines Bundes der Reichsstände. Sicherung Casales. Keine
Notwendigkeit für Frankreich, in einen eventuellen Krieg gegen Genua einzutreten. Hinauszö-
gern der Durchführung von Vereinbarungen für Italien ratsam. Übertragung des Elsaß als sou-
veräner Besitz empfehlenswerter als Lehensübertragung. Katalonien. Bemühen um Garantie-
erklärung der Generalstaaten. Liga zur Friedenssicherung in den Niederlanden ungünstig für
Frankreich. Zu Artikel 6 von nr. 210. Behandlung Karls von Lothringen. Empfehlung, die por-
tugiesischen Gesandten von den französischen Möglichkeiten, sich für die Interessen Portugals
einzusetzen, zu unterrichten.
Il n’estoit pas besoin de de[!] me recomender de considérer exactement les
trois derniers mémoires qui nous ont esté envoyés. Ilz sont remplis de tant de
belles observations et nous donnent tant de divers ordres nécessaires pour
nostre conduite que nous ne serions pas soigneux de nostre devoir si nous
manquions de les bien estudier. Les dernières remarques du 19 e de ce mois
que l’ordinaire d’hyer nous a portées m’ont ravi quand j’en ay ouy la lecture,
et je vous asseure sans flatterie ny complaisance que j’en suis revenu tout
confus. Ich bewundere Mazarins Ausführungen.
Lorsque nous avons changé de terme avec noz nouveaux médiateurs pour
nous acomoder à leur impatience sur le temps que les hostilités doivent ces-
ser, nous n’avions point changé d’intention qui a tousjours esté en effect, sans
que nous ayons ozé le faire paroistre, de profiter partout du reste de cette
campagne. Quand ils nous vindrent [!] treuver à Osnabruc nous estions encor
au 20 septembre et Dunkerque n’estoit pas pris. C’est pourquoy nous propo-
sasmes hardyment que les hostilités ne cesseroient point qu’après la délivran-
ce des ratifications. A présent nous avons creu pouvoir remettre sans péril
cette quaestion au choix des Hollandois tant parce que la saison est plus avan-
cée d’un mois qu’à cause qu’il n’est pas en leur pouvoir de changer de long-
temps la résolution qu’ilz ont cy-devant prise de n’accorder aucune suspen-
sion qu’après les ratifications délivrées. C’est ce qui a fait dire à quelques-uns
d’entr’eux que nous traitions cauteleusement pour que nous nous raportions à
ceux d’une chose que nous sçavions très bien qu’ilz ne pourroient faire que
comme nous voullions. L’ordre des provinces sur ce subjet ne sçauroit venir
de longtemps, encor ne sçait-on si elles seront toutes de l’advis de leurs pléni-
potentiaires qui les pressent de convenir de cette suspension à la signature du
traité, quand elles auroient pris leur résolution, de cette sorte nous aurons
moyen de différer cette signature tant qu’il nous plairra sur les difficultés es-
sentielles et qui ne paroistront point venir de nous, et après tout nous sui-
vrons punctuellement le judicieux ordre qui nous est donné et conviendrons
bien 〈…〉 signans de cesser les hostilités, mais à condition que cette conven-
tion n’aura effect que du jour que les courriers que nous dépescherons en
Espagne et en Italie en auront porté l’advis aux généraux des armées.
Je vous explique au long noz intentions sur ce point qui est aujourd’huy le
plus important, affin que Son Eminence ne soit pas en apréhension de ce qui
en arrivera. J’y adjousteray encor qu’un des députez de Messieurs les Estatz
m’a dit depuis peu que les provinces ne changeroient point leur première ré-
solution et qu’elles ne conviendroient point de cesser les hostilités qu’au
temps que les ratifications seroient délivrées de part et d’autre.
Son Eminence pourroit avec toute asseurance dire que je serois de son advis
sur les affaires d’Italie. Il faudroit se déclarer ennemi de la raison et du sens
commun pour n’en estre pas. Je vous proteste que ce n’est point par le respect
que je luy porte, estant très esloigné de la flatterie et sçachant fort bien que
Son Eminence ne l’ayme pas moins encor en des occasions importantes qu’en
toutes les autres. Elle establist aujourd’huy une maxime toute contraire à celle
qu’on avoit tenue jusqu’à présent, mais la nouvelle est si raisonable et si utile
qu’il y a de quoy s’estonner comment on est demeuré si longtemps dans l’au-
tre qu’on avoit creu cy-devant le principal fondement et presque l’unique
seurté de la paix. Ce qui se rencontre de plus merveilleux est que nous venons
du blanc au noir ou pour mieux parler du noir au blanc, c’est-à-dire de l’obs-
curité dans la lumière, cognoissant aujourd’huy clairement que la ligue d’Ita-
lie restrainte aux affaires de cette province nous seroit désavantageuse et favo-
rable aux Espagnolz, et cependant quoyque nous l’ayons proposée, les
moyens que 〈le mémoire〉 nous fournit de nous en retirer sont si adroitz
que nous pouvons changer sans qu’il paroisse aucun changement; aussy
avons-nous très grand intérest de bien cacher la raison qui nous le fait faire et
l’intention que nous avons en le faisant de crainte que les princes d’Italie ne
s’aperçoivent que nous gardons ce dessein de ce costé-là pour les faire esclair-
cir quelque jour. Contarini a dit parmy les siens depuis le siège de Portolon-
gone que nostre puissance començoit d’estre redoutable, que nous songions à
des entreprises dont nous ne faisions pas semblant et que les sages Italiens
devoient ouvrir les yeux. Je ne doute point aus[s]i qu’il n’ayt escrit cette ima-
gination à sa république.
Je vous confesseray ingénieusement qu’en mon particulier je n’avois jamais
treuvé beaucoup d’avantage dans cette ligue d’Italie, mais encor que je ne
pusse pas bien comprendre l’utilité que nous en pourrions recevoir, je n’avois
pas eu assez d’effronterie pour contredire une maxime si générallement
aprouvée lorsque j’y faisois réflexion, et pour moi il me sembloit tousjours
que ces contredits 〈…〉 dont l’exéquution est différée si longtemps ne pro-
duisent pas lorsque l’ocasion arive l’effet qu’on avoit espéré, à cause que l’hu-
meur des princes est naturellement changeante et que l’estat des affaires du
monde l’est encor davantage, si bien que je craindrois ou que la seurté que
nous pensons treuver en cette ligue sera peu effective ou que nous fournirions
nous-mesme[s] de nouvelles cautions aux Espagnolz pour asseurer les renun-
ciations qu’ilz nous ont fait faire autrefois aux droitz de la couronne sur Na-
ples et sur Milan
on avoit convenu de la ligue seulement pour les affaires d’Italie, elle asseure-
roit le seul article du traité que nous allons faire qui sera en faveur des Espa-
gnolz, qui est celuy par lequel nous confirmerons les traités précédents. Tous
les autres qui nous sont avantageux, n’estant pas compris dans la ligue, de-
meureroient en incertitude qui seroit une disparité déraisonable et qui fait
voir que le raisonement de Son Eminence est concluant démonstrativement.
Quand cela ne sera pas, chacun avouera que les Espagnolz ont beaucoup plus
d’intérest que nous qu’il ne soit rien innové dans un pays qui est éloigné d’eux
et proche de nous et où ilz possèdent des royaumes et où nous ne tenons
qu’une place.
J’en ay parfois traité en passant quelque chose parlant de la ligue d’Allemagne
qui n’est pas tout à fait inutile, mais qui ne doit pas estre, par mon foyble
sentiment, la principale seurté de la paix, n’y ayant pas lieu de se prometre
que dans quelque temps où sans doute les affaires par la continuelle révolu-
tion des choses du monde auront changé de face, cette ligue soit mieux exé-
quutée que les transactions de 1542
Im Nürnberger Vertrag von 1542 (s. [nr. 161 Anm. 4] ) war das staatsrechtliche Verhältnis
Lothringens zum Reich geregelt. Obwohl es fortan als souveränes Hgt. galt, verblieb es bei
Zahlung geminderter Beiträge im Schutz des Reiches.
Zum burgundischen Vertrag von 1548 s. [nr. 60 Anm. 13] .
l’empereur Charles-Quint pour la seurté de la Lorraine et des Pays-Bas et qui
n’ont jamais eu d’effect.
Je croy pourtant que pour ce qui regarde l’Allemagne ce remède ne sera pas
mauvais à cause que nous y faisons une nouvelle acquisition de plusieurs bel-
les provinces comme l’Alsace, la Lorraine et les éveschez , et que l’Empereur
qui en reçoit le préjudice aura beaucoup plus de peyne cy-après de rien entre-
prendre au contraire quand auparavant il sera obligé de faire changer à tous
les estatz de l’Empyre la résolution qu’ilz auront prise maintenant.
Mais pour celle d’Italie il est certain qu’elle nous sera préjudiciable, si ell’aura
seulement pour but d’asseurer le repos de cette province et la conserver en
l’estat présent où ell’est. Je croy bien pourtant que Son Eminence n’entent pas
qu’en nous en départant nous cessions de demander la caution du Pape, des
Vénitiens et des autres princes pour l’observation de ce qui sera particulière-
ment convenu pour la seurté de Casal, sur quoy je vous demande réponse à
cause que ce point n’est pas bien esclairci par vos instructions ny par les mé-
moires qui nous ont esté envoyés. Pour moy je n’y voy pas d’inconvénients si
l’obligation des princes d’Italie est restrainte à faire observer ce qui sera
convenu pour la seurté de Casal.
L’ordre que nous avons de ne faire plus la ligue nous mettra en grande payne
pour retirer la France de l’obligation où ell’est envers la maison de Savoye par
l’acquisition de Pignerol d’entreprendre un jour la guerre de Gênes. Le meil-
leur moyen que nous en avons pensé estoit en faisant la ligue d’y insérer des
termes qui ostassent la liberté de rien innover dans l’Italie et qui dérogeassent
pour ce regard à tous les traités praecédentz, mais à présent que nous ne fai-
rons plus cette ligue, je ne sçay par quelle voye nous pourrons annuller cette
promesse. Si nous découvrons l’intention de Leurs Majestés aux ministres de
Savoye ilz s’y rendront plus difficiles et nous voudront rendre bien cher le
consentement que nous leur demanderons, sçachant fort bien combien il nous
importe pour la seurté de Pignerol. Je ne me souviens pas d’avoir jamais don-
né de mémoire sur ce subjet à feu monsieur le cardinal de Richelieu , ouy bien
d’une réponse qu’il me fist, lorsque je treuvois cette obligation de rendre Pi-
gnerol facile, de faire la guerre de Gênes un peu trop grande. Il me répondist
qu’y ayant dans le traité que ce ne seroit qu’en cas que nous ne voulussions
pas entreprendre la guerre de Gênes, nous pourrions en tout temps dire que la
condition ne seroit pas arrivée, puisque nous asseurerions tousjours de le vou-
loir faire, mais de ne le pouvoir pas. Nous verrons néantmoins ce qui s’y
pourra faire, et en tout cas je n’estime pas qu’il faille beaucoup se mettre en
peyne d’un engagement dont l’ocasion de l’exéquuter est passée, veu mesme
que quand on offriroit à la maison de Savoye aussytost après la paix générale
d’entreprendre avec elle la guerre de Gênes, elle ne seroit pas en estat de s’y
embarquer.
Toutes ces choses dont nous avons besoin de convenir avec la maison de Sa-
voye et celles dont il faut aussy que nous traitions avec la maison de Mantoue
pour la seurté de Casal et pour les mariages dont il est parlé dans noz instruc-
tions me font croire qu’il faut bien ajuster icy toutes les difficultés avec les
Espagnolz et en convenir par le traité général pour ne laisser rien d’indécis,
mais que nous serons contraintz malgré nous tant par la presse des Hollan-
dois que pour ne perdre pas l’ocasion d’asseurer toutes les autres affaires du
Roy de différer l’exéquution de ce qui sera acordé sur les affaires d’Italie pour
six mois ou un an, pendant lequel le Roy demeurera saisi de toutes les places
du Piémont et du Monferrat qui sont entre ses mains. Je croy mesme que
quand après il arriveroit quelque longueur dans l’exéquution des choses
concertées, elle ne nous seroit pas désavantageuse et que les gages que nous
aurons entre les mains non seulement nous viendront fort à propos, mais
nous seront nécessaires pour tenir en bride les ducs de Savoye et de Mantoue
jusqu’à ce que l’un et l’autre soit marié de crainte que le premier à qui on
donne espérance soubs main de l’infante d’Espagne ne quitte le parti de la
France et que l’autre ne se lie aussy plus estroitement avec la maison d’Aus-
triche en prenant une princesse de cette maison qui est montée au point de
grandeur où elle est par des mariages.
La qua[e]stion si l’on doit prendre l’Alsace en souveraineté ou en fief relevant
de l’Empereur est à mon sens problématique. Il est vray que les Impériaux et
Espagnolz apréhendent infiniment que noz roys ne deviennent princes de
l’Empyre et par ce moyen des prétendans un jour à la dignité impériale, mais
pour moy, comme je ne croy 〈point〉 que ce soit un 〈…〉 dessein de les
traiter ny qu’il fust utile à la monarchie 〈et〉 que nous avons plus d’intérest
de voir sortir l’Empyre de la maison d’Autriche que de la voir entrer en celle
de France, [j’] inclinerois plustost à posséder noz conquestes en souveraineté
indépendante qu’autrement. Ce n’est pas que j’apréhende, comme monsieur
Godefroy
roient autrement de l’Alsace, puissent jamais estre en 〈diète〉 pour cette
principauté au bas de l’Empyre ny que [de] l’exemple de la Normandie et de
la Guienne que nous avons autrefois confisquées sur les roys d’Angleterre à
cause qu’ilz estoient vassaux de la couronne
Die Herzöge der Normandie, seit 1066 Kg.e von England, hatten im 12. Jh. ihren Kontinen-
talbesitz zum sog. angevinischen Reich ausgebaut, das den Westen und den Südwesten Frk.s
umfaßte und die frz. Krondomäne umklammerte. Für dieses Territorienkonglomerat, das als
Lehen neben der Normandie auch die durch Heirat an England gefallene Guyenne einschloß,
waren die englischen Kg.e frz. Vasallen. Kg. Philipp II. August (Kg. 1180–1223) erklärte 1202
den englischen Kg. Johann Ohneland (Kg. 1199–1216) wegen Verletzung der Vasallenpflicht
seiner Lehen für verlustig, um sie zu konfiszieren. Die Normandie konnte er so 1204 dauerhaft
der frz. Krondomäne hinzufügen. Im Vertrag von Paris 1259 wurde die Lehensbindung zwi-
schen den Kg.en von Frk. und England wiederhergestellt, indem der englische Kg. Heinrich III.
auf seine Rechte auf die Normandie und andere Gebiete formell verzichtete, während der frz. Kg.
Ludwig IX. der Heilige ihn als Vasallen für die Guyenne, die nicht hatte erobert werden können,
anerkannte. Die damit weiterhin bestehenden Spannungen trugen mit zum Hundertjährigen
Krieg bei, in dessen Vorfeld 1337 und in dessen Verlauf 1369 die Guyenne von der frz. Krone
konfisziert wurde. Unter Karl VII. (1403–1461, gekrönt 1429) erfolgte bis 1453 die endgültige
Einnahme auch der Guyenne für Frk. ( Folz S. 686, 700ff., 712–715, 717f., 743f., 747, 755).
pour nous faire apréhender un semblable procédé de la part de l’Empereur
qui, n’estant pas monarque absolu et ne pouvant pas prendre des résolutions
de cette nature sans l’advis des estatz de l’Empyre ou du moins des électeurs,
auroit tousjours une partie de l’Allemagne qui s’opposeroit à son dessein,
mais il me semble 〈en〉 toutes façons qu’il est plus seur et plus honorable de
ne dépendre de personne quand l’on le peut, et j’estime que c’est un bonheur
pour nous de ce qui l’intérest de la maison d’Autriche se treuve en cette oca-
sion pareil au nostre. D’un costé si nous estimons tant la qualité de prince de
l’Empyre et le droit d’assister aux diètes où les affaires importantes ne se trai-
tent jamais, mais seulement ce qui regarde la justice et les impositions, il nous
〈sera〉 facile au Roy[!] d’acquérir un estat en quelque lieu de l’Allemagne
qui luy donne cette prérogative et parmy ceux que nous pouvons retenir au
duc Charles il y a le marquisat de Noméni qui a droit de séance et de suffrage
dans les assemblées. Mais si nous penchons à posséder l’Alsace de cette sorte
les Impériaux qui souhaitent le contraire nous fairont mille difficultez sur le
reste et ne voudront peut-estre plus en ce cas céder au Roy la souveraineté sur
les trois éveschez qui est une acquisition que nous faisons non guère moins à
estimer que l’Alsace, estant faite aux termes dont nous croyons estre demeu-
rez d’acord avec les Impériaux. Ilz diront sans doute qu’il faut que tout soit
cédé de mesme façon, auquel cas nous ne pourrions prétendre sur les trois
éveschez que le droit de protection que nous y avons eu jusqu’icy, n’estant
pas possible par la forme de l’Empyre d’establir une nouvelle et troisiesme
souveraineté entre celle de l’Empereur et celle des évesques. Si nonobstant
cela Son Eminence persiste à croire qu’il faut acquérir l’Alsace comme fief de
l’Empyre, nous aurons un très bon moyen de faire réussir la chose, sans qu’il
paroisse que c’est nostre intention, parce que la pluspart des estatz de l’Em-
pyre de l’une et l’autre religion nous ont fait sonder pour sçavoir si nous
treuverions bon qu’ilz s’opposassent à ce démembrement que l’Empereur
veut faire de l’Alsace et qu’ilz demandent asseurément qu’elle soit cédée
comme fief de l’Empyre. Nous n’aurons qu’à leur laisser faire sans nous en
mesler en leur témoignant soubz main que les deux voyes nous plaisent esga-
lement et attendre avec indifférence la résolution qui sera prise entre eux,
pourveu qu’elle ne révoque point en doute la souveraineté absolue des trois
éveschez comme d’une chose aliénée et démembrée il y a longtemps du reste
de l’Empyre. Je ne manqueray pas de prendre garde le mieux qu’il me sera
possible que les usurpations faites autrefois par les ducs de Lorraine sur l’Al-
sace et les éveschez soient comprises dans la cession qui sera faite en faveur
du Roy, mais si les ambassadeurs qui ont esté envoyés sur les lieux en divers
temps nous eussent envoyé un mémoire succient
comme nous l’avons quelquefois demandé, il nous est beaucoup servi pour
nostre instruction et pour nous aprendre en quoy consistent ces usurpa-
tions.
Il ne se peut rien adjouster à la prévoyance dont il a esté usé envers les Cata-
lans ny aux bonnes raisons dont on s’est servi pour les rasseurer qui sont
toutes véritables et concluantes. Il restera seulement à bien songer aux condi-
tions de la trêve pour la rendre seure et durable. J’avois estimé qu’en l’estat où
sont les affaires du Roy on pouroit facilement obtenir que la garnison des
places que [le] roy catholique y possède soit réglée à un certain nombre et
composée de Suisses ou du moins d’autres étrangers pour éviter les pratiques
que les officiers et soldats espagnols peuvent faire parmy ceux du pays avec
lesquelz ilz ont conformité de mœurs et de langues. Nous ne manquerons pas
de demander pour l’avantage et commodité de ce peuple tout ce qui est
contenu dans les mémoires et remonstrances qu’ilz ont envoyez à la cour par
leurs députez.
Quant à la garentie du traité, Son Eminence a très grande raison de nous la
recomender comm’estant le plus important point de tout le traité. Il y a
grande aparence que nous serons bientost réduitz à ne songer plus qu’à celle
de Cataloigne, puisque toutes les Provinces-Unies hor[s] la Holande inclinent
à faire la paix aussy bien que nous. Peut-estre eust-il esté meilleur pour la
France qu’elles fussent demeurées dans la première résolution de ne faire
qu’une trêve, mais le préjudice de ce changement à mon advis n’est pas si
grand qu’il faille s’y intéresser. Peut-estre que la difficulté que la Hollande
rencontrera à ramener la Zélande dans son sentiment pour la paix sera cause
que pour jouir plustost du repos qu’elle souhaite si ardemment, elle reviendra
insensiblement dans la trêve et cependant la facilité que nous aurons témoi-
gnée en laissant faire tout ce qui leur a esté agréable nous acquerra crédit et
bonne volunté parmy les provinces qui désirent la paix.
Il me semble qu’elles ne peuvent pas refuser suivant le traité fait entre la
France et elles
durera, mais qu’on peut prétendre avec très grande raison que si les Espa-
gnolz refusent de la continuer quand elle sera expirée, Messieurs les Estatz
rentrent en guerre conjointement avec nous.
Le refus que nous avons fait cy-devant du neuvième article
Vgl. [nr. 2 Anm. 3] .
tourné contre nous pour diverses raisons. Premièrement nous ne l’avons ja-
mais expressément refusé, mais seulement différé d’en parler jusqu’à la fin du
traité, deuxièmement quand nous avons allégué des raisons au contraire, elles
ont esté tirées de ce qu’ilz avoient fait eux-mesmes sur d’autres articles, qui
nous ostoit le moyen de faire ce qu’ilz désiroient sur le neuvième, troisième-
ment le parti de la trêve en Cataloigne comm’il a esté très bien remarqué a
esté de nécessité pour nous. Il eust esté beaucoup plus avantageux à la France
d’y faire la paix. Elle s’est relaschée à la trêve pour faciliter le traité en faveur
de Messieurs les Estatz au lieu qu’eux l’ont tousjours choisie comme plus utile
et commode pour leur république. Quatrièmement il y [a] grande différend
entre ce que Messieurs les Estatz vouloient faire et ce que nous faisons. Leur
trêve estoit générale et ilz ne faisoient la paix en aucun lieu. La nostre ne sera
que pour la Cataloigne et nous fairons la paix partout ailleurs. Je voudrois
bien leur demander comment que la trêve de Cataloigne finie nous rentre-
rions en guerre contre l’Espagne pour cette province sans y entrer partout
ailleurs et comment en ce cas Messieurs les Estatz qui doivent au moins sans
difficulté garentir nostre paix, prétendroient alors refuser de reprendre les ar-
mes sans violer le traité de confœderation. Nous avons ce me semble, très
grand intérest de tirer d’eux une déclaration cathégorique sur ce subjet,
mesme après les questions et les doutes que quelques-uns d’entre eux ont
voulu faire pour réduire leur obligation envers la France aux intérestz des
Pays-Bas. Je croy aujourd’huy cet eschauffement avec eux d’autant plus néces-
saire qu’ilz ont évité de répondre toutes les fois que nous leur en avons co-
mencé le discours, et que s’ilz y aportoient quelque difficulté sur ce que nous
pouvons désirer d’eux raisonablement, on leur pourroit imputer la cause du
retardement, car de nous tenir aux traités desjà faits sans en faire faire une
explication nouvelle avant que conclurre la paix, nous courrions fortune de
voir qu’après que leurs affaires seroient ajustées, ilz chercheroient des difficul-
tés sur toutes choses qu’ilz urgeroient avancer aujourd’huy qu’ilz ont besoin
de nostre concours et de nostre consentement pour faire leur traité, et il sem-
ble que ce ne seroit pas prudence d’attendre l’ocasion où nous aurions affaire
d’eux pour sçavoir au vray ce que nous en devons attendre, puisque leur ga-
rentie doit estre nostre principale seurté et qu’elle ne consiste pas dans la
promesse qu’ilz en ont faite, mais dans l’effet qu’on s’en peut prometre, lequel
ne sçauroit estre bien cogneu que par l’expliquation qu’ilz nous donneront
aujourd’huy de leur intention, et on ne sçauroit croire qu’elle soit bonne s’ilz
font refus de s’en déclarer nettement. Il ne faut pourtant pas la leur demander
avec doute, mais leur en parler comme d’une chose où il n’y en peut avoir.
Ce raisonnement regarde principalement l’obligation de Messieurs les Estatz
à reprendre les armes conjointement avec nous en cas que le traité de paix ou
de trêve que nous fairons avec l’Espagne soit violé en quelque lieu que ce soit,
car si nous rencontrions de trop grands obstacles à avoir d’eux une promesse
de rentrer en guerre après la trêve de Cataloigne finie en cas que l’Espagne
refuse de la continuer, nous pourrions à l’extrémité nous relascher de cette
demande en leur faisant valoir nostre relaschement affin d’obtenir d’eux au
moins deux choses, l’une que si en ce temps-là ilz ne veullent faire une rup-
ture ouverte, ilz promettent aujourd’huy à la France une assistance certaine
d’hommes et de vaisseaux entretenus, comme nous avons tousjours voulu
faire pour eux en leur refusant le neuvième article, l’autre qu’ilz s’obligent
présentement de n’assister directement ny indirectement les Espagnolz ny
d’hommes [ny] de vaisseaux ny de quoy que ce soit tant que durera la guerre
entre la France et l’Espagne, encor ne faudra-t-il venir à ce parti qu’à la der-
nière extrémité après avoir perdu toute espérance d’obtenir davantage.
Il me semble que Son Eminence inclineroit à convenir d’une ligue pour em-
pescher que les hostilitez ne puissent jamais recomencer dans les Pays-Bas,
mais puisque elle m’ordonne en mesme temps de luy représenter mes sen-
timenz avec liberté, je croy que nous en recevrons plus de préjudice que
d’avantage. Premièrement les Pays-Bas doivent plus craindre la France que la
France les Pays-Bas, et il est certain que pour cette raison les Espagnolz et
encor plus les Hollandois désirent extrêmement cette ligue par l’apréhension
qu’ilz ont que nous ne devenions trop puissants dans leur voysinage. Deuxiè-
mement si l’on veut conserver les moyens de s’agrandir quelque jour comm’il
semble qu’on ne s’en doit pas priver voluntairement quand ilz se présentent,
il n’y en a point de si faciles et de si commodes que du costé des Pays-Bas. Les
guerres plus éloignées se font avec beaucoup plus de peyne et par conséquent
plus foyblement, celle des Pays-Bas estant proche est plus propre pour l’hon-
neur des François qui s’y en vont de bon cœur, parce que leur retour en
France est plus facile. D’ailleurs l’air n’y est point contraire à ceux de nostre
nation comm’en tous les autres pays. Troisièmement il n’y a point d’acquisi-
tion au monde que l’on doive souhaiter pour la France que celle des Pays-Bas,
non seulement parce que ce sont peuples qui ont conformité de mœurs et de
langue avec nous et que par conséquent on peut conserver plus aysément que
les lieux où la diversité des humeurs peut sans cesse exciter de nouveaux trou-
bles, mais parce qu’en estendant le haut du royaume de ce costé-là, on se
délivre de beaucoup de dépenses en retranchant plusieurs garnisons des places
qui ne seroient plus frontières au lieu que partout ailleurs on ne retire pas le
mesme avantage de nouvelles conquestes qui augmentent les dépenses sans
acroistre les revenus de l’Estat. D’ailleurs si nous avions fait une fois cette
belle réunion, nous rendrions Paris le centre de l’empyre comm’il en est le
〈…〉. Nous ne craindrions plus noz ennemis après les avoir éloignés de nos-
tre voysinage et leur avoir fait perdre cette communication dangereuse pour
nous qu’ilz ont avec l’Empyre. Nous n’aurions plus tant besoin de noz alliez
qui nous tyrannisent et nous font tous les jours achepter de leur amitié et
serions en estat de donner la loy à tous noz autres voysins, ayant moyen de
subsister et de tout entreprendre par noz propres forces.
Quatrièmement ce seroit faire indirectement ce que Messieurs les Estatz ont
tousjours désiré qui est de réduire leur engagement envers la France aux
seulz intérestz des Pays-Bas. Il ne faut pas douter que si on convient avec
eux de ne jamais rentrer en guerre dans les Pays-Bas par une ligue ou autre-
ment, ilz croiront d’estre dégagés de leur obligation en tous les autres lieux.
Cinquièmement je crains que ce ne soit leur ouvrir un chemin qu’ilz veul-
lent prendre pour s’intéresser enfin à la deffense des Pays-Bas contre nous,
parce que la ligue portant obligation de se déclarer contre celluy qui voudra
innover elle pourra estre expliquée contre nous, au lieu qu’à présent ilz sont
bien en tout et partout avec la France et n’ont aucune sorte d’engagement
avec l’Espagne.
Il est certain comm’il est très prudemment remarqué par l’article sixiesme des
observations du 19 e de ce mois que nous avanceons plus maintenant les af-
faires en un jour qu’on ne fairoit en deux ans après la conclusion du traité si
elles demeurent indécises. Aussy n’avons-nous jamais creu de rien laisser en
arrière qui ne fust décidé par le traité, dont il ne fust expressément convenu
de part et d’autre et dont par conséquent Messieurs les Estatz ne soient obli-
gés d’estre garends, mais j’ay bien estimé que l’exéquution de quelques pointz
qui auroient esté arrestez pourroit estre différée pour un temps, et que ce
délay nous seroit plus avantageux que nuysible en ce que le tempérament
dont on sera convenu tant pour Casal que pour les autres places d’Italie, es-
tant moins avantageux pour nous que l’estat présent où sont lesdites places,
les Espagnolz auront intérest d’en presser l’exéquution et non pas de la diffé-
rer, et cependant nous demeurerons en possession de plusieurs places qui
tiendront en devoir les maisons de Savoye et de Mantoue et nous faciliteront
les traités particuliers que nous avons à faire avec elles pour représenter que
ne sçauroient estre conclus présentement à Munster, qui sont icy de leur part
n’ayant aucun pouvoir d’en parler. Il n’y aura point de péril pour nous dans
ce retardement, pourveu que Messieurs les Estatz soient auparavant demeurez
d’acord clairement de garentir, comm’ilz y sont desjà obligés, tout ce qui aura
esté arresté sur ce subjet par le traité de paix et de rompre de nouveau contre
l’Espagne en cas qu’elle a pris quelque difficulté ou longueur par delà le
temps qui aura esté arresté.
Je ne croy pas que l’intention de Son Eminence soit d’introduire icy une né-
gotiation formelle avec le duc Charles si nous pouvons le faire entièrement
exclure des deux traités de l’Empyre et de l’Espagne, comme nous en sommes
presque asseurez, car quand on auroit intention de luy donner quelque
contentement comme je le croy juste, il faudroit par mon foyble sentiment
(praesuposant qu’on y peut agir avec liberté et qu’il n’y a point de nécessisté
secrète dans l’Estat qui oblige d’en user autrement) qu’on le luy acordast hors
des ses anciens Estatz et bien loin de là et qu’outre cela on attendist d’en
convenir avec luy jusqu’à ce qu’il ayt esté abandonné par les Impériaux et les
Espagnolz affin d’acquérir cest avantage sur eux qui est très grand de leurs
affaires d’abandonner un allié, comm’ilz ont autrefois contraint la France de
faire quand ell’a esté en malheur affin de séparer par ce moyen d’eux pour
jamais ledit duc, affin de le rendre à l’avenir par ce mescontentement plus
dépendant de la France et affin de l’obliger à se contenter de moins quand
tout ce qu’il pourroit prétendre ne dépendra plus que de la pure grâce de
Leurs Majestés; si on fait autrement comm’il est certain qu’on ne le conten-
tera pas pour peu qu’on luy retienne de son bien, on le lairre uni avec noz
ennemis qui en tout temps se serviront de luy quand ilz nous voudront trou-
bler. D’ailleurs la négotiation qu’on voudra faire avec luy pour ses intérestz
particuliers sera longue et retardera beaucoup la conclusion du traité, estant
certain que nous sommes beaucoup mieux fundez à l’en exclurre entièrement
que nous ne serons après estre entrez en acomodement avec luy à luy faire
agréer les conditions que nous désirons. Mais quand il nous prendroit au mot,
Son Eminence qui fait tant d’autres choses glorieuses et avantageuses pour le
royaume auroit peut-estre un jour regret d’avoir perdu l’ocasion d’y faire en-
cor cette belle et importante acquisition. On parle d’asseurer toutes les autres
ou de les laisser en péril si on ne la fait pas, car en quelque partie de la Lor-
raine que l’on restablisse aujourd’huy le duc Charles et les siens, il est indubi-
table que c’est les mettre en estat de ravoir un jour tout le reste si ses praedé-
cesseurs ont fait autrefois tant de diverses usurpations sur les trois éveschez
par la seule faveur qu’ilz ont en France où il y avoit de leurs parentz et 〈…〉
et dans le ministère, combien plus facilement ceux-cy pourront-ilz se
pra[e]valoir du puissant appuy qu’ilz ont dans le royaume pour rentrer dans
des Estatz qui ont esté autrefois de leur maison et qu’ilz pourront tousjours
dire leur avoir esté ostés par violance. La maison de Savoye n’a jamais eu de
cesse qu’elle n’ayt fait valoir de beaucoup moins bonnes pra[e]tentions sur le
marquisat de Saluces
Die südwestlich von Turin gelegene Mgft. Saluzzo war 1588 von Hg. Karl Emanuel I. von
Savoyen (1562–1630; 1580 Hg.) unter Ausnutzung innerfrz. Unruhen besetzt worden. Nach
der frz. Rückeroberung wurde die Mgft. 1601 im Vertrag von Lyon gegen die Abtretung an-
derer Gebiete Savoyen überlassen ( Carutti I S. 409–525).
qu’elle [a] pu profiter aisément de toutes les ocasions qui se sont pra[e]sentées
de l’envahir. L’exemple de Portugal nous doit aussy faire peur qui a esté repris
en un instant sur le roy catholique pour y avoir laissé une maison puissante
qui avoit des praetentions sur ce royaume.
Si on a seulement intentions par [ce] qu’on nous ordonne de faire de mettre le
duc Charles dans son toît par le refus qu’il en faira et fournir par ce moyen un
praetexte à l’Empereur et au roy catholique de l’abandonner honorablement,
j’apréhenderois que pour vouloir donner cette aparence à noz parties, nous ne
quitassions un avantage réel et très considérable qu’on peut acquérir sans
peyne à la France. Car après tout l’Espagne n’a jamais esté si bien fundée en
l’usurpation de la Navarre que nous l’avons esté en la conqueste de la Lor-
raine et que nous le sommes aujourd’huy à la retenir toute. Cependant il n’a
jamais esté possible de retirer la moindre partie de ce royaume ny d’en obte-
nir aucune sorte de récompense. Si ell’eust esté touchée en cette ocasion et en
plusieurs autres du sentiment de tendresse que nous avons en France, jamais
elle n’eust composé cette puissante monarchie qui a mis plusieurs fois la
nostre à deux doitz de sa ruyne.
Quand à l’apréhension où il semble que l’on est que le duc Charles, refusant
de désarmer parce qu’il n’aura point de contentement dans le traité, ne de-
meure en estat de faire des entreprises contre la France, pouvant grossir l’ar-
mée des troupes qui seront liscentiées en exéquution de la paix, j’estime qu’on
y peut remédier facilement. A la vérité je ne croy pas qu’on puisse obtenir des
Impériaux et des Espagnolz qu’ilz s’obligent de joindre leurs forces à celles
du Roy pour le contraindre à faire ce désarmement. Nous avons réto[r]qué à
leurs discours et de ceux qui le voyent qu’ilz prendroient cette instance
comme pour une loy honteuse pour eux et qu’on n’a jamais acoustumé d’im-
poser qu’aux partis entièrement vaincus. Quelques-uns pourroient dire aussi
que nous nous deffions de noz forces en nous y obstinant et qu’ell’est en
quelque sorte contraire à la grande réputation de puissance que nous avons
acquise dans cette guerre, n’estant pas croyable qu’un petit prince qui n’a plus
ny retraite ny places et qui est destitué de tout secours doive donner de l’apré-
hension à un grand roy, veu que toutes les forces qu’il a jointes à celles d’Es-
pagne n’ont pas ozé paroistre devant une partie de celles du Roy dans un pays
où tout luy estoit favorable. Nous pourrons bien demander par le traité que
s’il fait refus de désarmer au temps que les autres 〈princes〉 devront liscen-
tiers leurs troupes, les armées du Roy et celles de ses alliez pourront luy cou-
rir sus en quelque lieu qu’il se retire sans contrevenir à la paix pour le forcer à
congédier ses gens de guerre qu’il ne peut conserver que contre la France. En
ce cas si ledit duc est dans l’Allemagne où il semble qu’il médite aujourd’huy
sa retraite, on pourra joindre les forces des Suédois et celles de Madame la
Landgrave à l’armée de monsieur de Turenne pour le poursuivre jusqu’à ce
qu’il soit entièrement deffait. J’ay quelque opinion que cette voye est plus
avantageuse pour l’honneur du Roy que de mendier l’assistance de ses pro-
pres ennemis pour combatre un petit duc qui n’est pas seulement digne que
Sa Majesté employe toutes ses forces pour achever de le ruyner. Cette ins-
tance ne lairra pas de produire l’effect qu’on désire en ce que l’Empereur,
ayant intérêt que nous ne demeurions pas puissemment armés dans l’Allema-
gne après la paix, conseillera audit duc et peut-estre mesme le contraindra
sans y estre obligé par le traité d’aller chercher fortune ailleurs et de mener ses
troupes contre le Turc ou en Poloigne ou au secours de la république de Ve-
nise ou à toute extrémité de les liscentier.
Je me suis estendu sur ce point avec liberté pour obéyr aux comendements de
Son Eminence croyant que la résolution qu’on y prendra peut donner subjet
de discourir au praejudice de tous ceux qui se seront meslés de cette négotia-
tion. Si on void que l’on rende voluntairement au duc Charles des Estatz si
commodes pour la France qu’on auroit peu retenir avec justice et facilité en
un temps où la maison d’Autriche qui le protège a esté contrainte d’abandon-
ner elle-mesme ses propres biens, comme la pluspart du monde ne considère
les choses quand elles sont faites qu’avec intention de les censurer, on dira
sans doute que quelque considération particulière plustôt que l’intérêt du pu-
blic a fait prendre une semblable résolution. Je ne mets pas pourtant entière-
ment entre les considérations particulières l’intérêt que monsieur le duc d’Or-
léans pourroit prendre en cette affaire, ny les espérances qu’on pourra luy
avoir données sur ce subjet ou du temps du feu roy ou au comencement de la
régence ou depuis, car certes, s’il n’estoit pas possible de faire en cette ocasion
sans le mescontenter, ce que le bien et la seurté de l’Estat requerroient sans
son intérêt le bien et la seurté de l’Estat obligent présentement de considérer
avec soin la part qu’il y voudra prendre et jusqu’à quel point il pourroit pâtir
le mescontentement qui luy en demeureroit pour tascher de le praevenir par
tous les adoucissements possibles, et cette considération seroit assez puissante
pour forcer de passer par-dessus une partie des autres qui ont esté touchetz [!]
en cas que par aucune des sortes de persuasions ny d’autres bienfaitz on ne
put faire comprendre à Son Altesse Royale qu’elle doit en cela praeférer
l’avantage de l’Estat dont il est lieutenant général à l’affection particulière qui
luy fait souhaiter le restablissement d’une maison honorée de son alliance
Gaston d’Orléans war mit Hg. Karl IV. von Lothringen verschwägert (s. [nr. 198 Anm. 9] ).
Ich hoffe, daß mir Mazarin meine Offenheit, die nur der Sorge um sein Wohl
entspringt, verzeihen wird. Seinen Anweisungen werde ich unbedingt Folge lei-
sten und mich seiner Meinung anschließen, falls er anderer Ansicht als ich sein
sollte.
Monsieur de Brienne nous escript qu’il appréhende extrêmement les plaintes
des Portuguais quand ilz sçauront que leur maistre ne doibt pas estre compris
dans la paix ny dans la trêve. Il me semble qu’il n’y a pas subjet d’avoir cette
appréhention, puisqu’ilz doibvent se tenir trop heureux que le Roy n’ayt
point voulu conclurre de traicté sans se réserver la liberté de les assister. Ses
ministres ne paroissent pas fort prudens et s’amusent plus aux apparences
qu’à la réalité. Ilz insistent encor sur les sauf-conduictz comme sy nous ne
faisions qu’ariver icy et font comme cest enfant qui ne vouloit pas se mettre à
table pour disner quoyqu’il fust midy à cause qu’on ne luy avoit point encor
donné à desjeusner, lorsqu’à la veille de la conclusion du traicté, ilz le co-
gnoissent ou s’en doubtent bien et ne laissent pas de demander des sauf-
conduictz avec obstination qui ont accoustumé d’estre donnez au commence-
ment des négotiations, et dont en effect on n’a besoin que pour y avoir la
seureté, laquelle nous avons obtenue tout entière pour eux des Impériaux et
des Espagnolz, quoyque les Portuguais contre la parolle que nous avions don-
née pour eux en les amenant icy comme personnes privées, se soient après
érigez en ambassadeurs, se soient faict recognoistre en cette qualité par la
France qui l’a faict de bon cœur pour les obliger et a engagé tous les autres
d’en faire de mesme, et ayent esté souffertz par toute l’assemblée en y faisant
assez grand esclat, sans que personne ayt entrepris de leur faire le moindre
desplaisir, il vauldroit bien mieux s’ilz estoient bien conseillez qu’ilz travail-
lassent dès cette heure à s’asseurer des assistances que Messieurs les Estatz et
la couronne de Suède leur peuvent donner en les y conviant par l’exemple de
ce que fera la France. La guerre où nous sommes avec l’Espagne n’est qu’un
accident à leur esgard, et sy le changement du Portugal fust arivé pendant que
nous estions en paix avec elle, les Portuguais n’eussent pas pu prétendre que
nous eussions rompu la paix pour l’amour d’eulx, et par conséquent ne peu-
vent pas demander avec raison que nous continuyons la guerre partout pour
leur donner moyen d’estre en repos auquel ilz ont presque tousjours esté de-
puis 4 ou 5 ans. Ilz n’auroient pas raison de vouloir que nous nous privassions
pour leur seul intérest de la conjuncture favorable qui se présente d’asseurer
toutes nos conquestes par un traicté. On leur peult mesme faire comprendre
comme on fist aux Hollandois lors du traicté de Vervins qu’ilz recevront plus
d’advantage de nous veoir en paix que sy nous demeurions en guerre puis-
qu’ilz ont sy peu jusqu’icy profité des diversions que nous avons faictz[!] en
tant de lieux, parce que nous serons plus en estat de les secourir puissamment
dans leur pays et leur faciliter les moyens de faire des conquestes en Espagne
pour réduire leur ennemy à leur demander dans quelque temps la paix qu’il
leur refuse aujourd’huy. Après tout ilz doivent estre sy contens de la résolu-
tion où l’on est de les assister, et auront tousjours tant de besoin qu’on l’exé-
cute qu’on ne doibt pas appréhender, ce me semble, les plaintes qu’ilz pour-
roient faire d’avoir esté abbandonnez qui ne seroient ny véritables ny justes.
L’expérience a fait voir que les assistances que le roy Henry le Grand a don-
nées aux Provinces-Unies après avoir traité sans elles à Vervins leur ont esté
plus utile[s] et a[!] plus contribué à leur agrandissement que s’il fust demeuré
en guerre, qu’il ne pouvoit alors soutenir que foyblement, son royaume estant
épuisé.
A la vérité, comme je n’estime pas qu’on doibve demeurer en guerre pour les
Portugais, je croy aussy qu’on doibt songer sérieusement et de bonne heure à
leur deffense, sans laquelle il seroit à craindre qu’ilz ne fussent opprimez en
peu de temps. La cognoissance que nous avons de leur foiblesse et de leur
mauvaise conduite doibt redoubler nos effortz et nos diligences pour empes-
cher qu’ilz ne se perdent, et que par leur perte nous ne soyons privez d’un
moyen très utile de tenir le roy catholicque occupé chez luy, et luy oster par
cette occupation l’envie de troubler le repos de ses autres voysins. Pour
conclusion il me semble que messieurs les Portuguais auroient grand tort de
vouloir faire passer pour un abandonnement ce que nous sommes résoluz de
faire pour eux et ce ne seroit pas tesmoigner la gratitude qu’ilz doibvent avoir
des bonnes volontez de la France qui sans doubte eust treuvé des avantages
incomparablement plus grandz que ceux qu’elle aura dans la paix, sy elle eust
voulu promettre de n’assister point le roy de Portugal. Pour moy je croirois,
n’y ayant pas subjet de craindre que ce prince se puisse accommoder avec
l’Espagne avant nous et à nostre préjudice, que l’on pourroit parler confide-
ment à ses ministres sur tout ce que dessus, affin d’éviter une plainte qu’ilz
pourroient faire justement d’avoir esté surpris, et de n’avoir eu aucune co-
gnoissance de ce qui devoit estre faict à leur esgard par le traicté de paix pour
avoir le loysir de se préparer. Comme ce seroit tout ce qu’ilz pourroient dire
contre nous avec quelques fondemens, j’estime qu’il seroit à propos de le[s]
prévenir, leur faisant adroitement à entendre que si la France agist avec une
entière liberté dans cette négotiation, elle ne prendra point de résolution dans
laquelle ilz n’ayent part ou ne soient compris, mais qu’elle pourroit bien estre
forcée par les Hollandois d’aller plus viste qu’elle ne voudra pour ne demeu-
rer pas seule derrière et que en arrivant, le roy de Portugal a intérest luy-
mesme que la France ne laisse pas séparer d’elle de si puissantz alliez, parce
qui si on les retient dans l’amitié et que l’on fasse le traité conjointement avec
eux, nous demeurerons mieux en estat de secourir les Portugais et peut-estre
pourrons engager avec nous Messieurs les Estatz à sa deffense, au lieu que si
nous leur laissions prendre résolution de traiter sans nous avec l’Espagne
après la déclaration qu’ilz nous ont faite plusieurs fois qu’ilz ne veulent pas
demeurer en guerre pour l’intérest de Portugal et qu’ilz n’y sont pas obligez
par le traité d’alliance, il seroit à craindre que nous ayant offensé par cette
résolution praecipitée qu’ilz ne passassent plus outre et qu’ilz ne se joignis-
sent entièrement avec l’Espagne contre nous dans la guerre de Portugal, y
ayant beaucoup de gentz parmy eux qui ont envie de l’attaquer pour luy oster
ce qu’il possède dans les Indes orientales et le Brésil.