Acta Pacis Westphalicae II B 4 : Die französischen Korrespondenzen, Band 4: 1646 / Clivia Kelch-Rade und Anuschka Tischer unter Benutzung der Vroarbeiten von Kriemhild Goronzy und unter Mithilfe von Michael Rohrschneider
191. d’Avaux an Mazarin Münster 1646 Oktober 8
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Münster 1646 Oktober 8
Ausfertigung: AE , CP All. 62 fol. 56–61 = Druckvorlage. Eigenhändiges Konzept: AE , CP
All. 67 fol. 61–66’. Kopie: AE , CP All. 78 fol. 89–97’.
Streit über den Entwurf d’Avaux’ für ein Schreiben der Bevollmächtigten an Königin Chri-
stina .
La lettre pour la reyne de Suède que j’envoiay il y a huit jours à Vostre Emi-
nence nous avoit esté conseillée par les ambassadeurs de Suède, et monsieur
le duc de Longueville m’avoit donné charge d’y travailler pendant que mon-
sieur de Servien feroit une autre despêche sur le mesme sujet à monsieur Cha-
nut . Il distribue ainsy quelquefois entre nous deux les expéditions qui se pré-
sentent quand elles sont importantes, mais je n’ay jamais le bonheur de faire
agréer à monsieur de Servien ce qui vient de moy, et si toutes choses ne pas-
sent par ses mains il ne faut point espérer de paix.
Il a rebuté absolument la susditte lettre sans en dire autre raison sinon que
c’estoit un manifeste qui offenseroit la Suède et seroit capable de la porter à
une défection. Je le priay l’autre jour de me marquer les endroitz qu’il avoit
trouvé si dangereux, et m’offris en présence de monsieur Boulanger
réformer et d’oster ou adjouster à la lettre ce qui seroit jugé convenable. Cela
ne le contenta pas, il soustint tousjours qu’elle ne devoit point estre envoyée.
Je repartis que l’ayant faitte par ordre de monsieur le duc de Longueville et
par l’avis des ambassadeurs mesmes de Suède qui nous l’ont conseillé à bonne
intention il n’estoit pas raisonnable de la rejetter en toutes ses parties, et que
je m’offrois encores un coup d’en retrancher et d’y changer tout ce qu’on
voudroit.
Que luy-mesme avoit jugé à propos qu’on fist cette lettre comme il est claire-
ment vérifié par celle que nous escrivismes à la cour il y a huit jours puis-
qu ’elle porte que nous faisons une ample despêche à monsieur Chanut et une
autre à la reyne de Suède.
Qu’au fonds je pensois avoir escrit beaucoup plus doucement que monsieur
Chanut n’a ordre de parler par la despesche de monsieur de Servien, et qu’ en-
cores qu’il y ayt différence entre une lettre et ce qui se dit de bouche, cette
différence n’est pas pourtant si grande qu’il y ayt plus de péril à faire une
remonstrance par escrit en termes civilz et mesurez qu’à porter une parolle
avec tant de chaleur et de menaces que ledit sieur Chanut est obligé d’ em-
ploier .
Que les ambassadeurs de Suède nous avoient averti en confiance lorsque nous
estions à Osnabrug et depuis encores nous l’ont mandé par monsieur de
Saint-Romain, qu’ilz ne peuvent pas bien dissuader leur reyne de prétendre
toute la Poméranie, mais que c’est à nous à luy en escrire um [!] peu fortement
si nous désirions avancer la paix à quoy ilz nous promettoient de contribuer
tout ce qui est en leur pouvoir.
Que l’un d’eux a adjousté qu’il falloit les ayder, et que la royne mesmes qui
est portée à la paix seroit bien aise d’avoir en main de quoy opposer aux
raisons de ceux du sénat qui voudroient la continuation de la guerre.
Tout cela ne fit aucun effet sur l’esprit de monsieur de Servien, il persista à
supprimer la lettre entière, et comme nous fusmes sortis de l’hostel de Lon-
gueville à huit heures du soir pour nous en aller chacun chez nous, il y rentra
à pied et fut longuement avec Monsieur le Duc, mais sans y rien gaigner, ce
prince demeurant ferme en l’opinion qu’il avoit que la lettre estoit passable et
pouvoit produire de bons effetz; qu’en tout cas l’on y pourroit changer quel-
que chose et donner ordre à monsieur Chanut de la présenter ou retenir selon
la disposition des espritz et le besoin qu’il en auroit.
Cet expédient ne pleut pas à monsieur de Servien et le lendemain estant à la
chasse il dit à monsieur de Croissy qu’il avoit trouvé monsieur le duc de Lon-
gueville dans le sentiment marqué cy-dessus, mais qu’on avoit beau faire qu’il
ne signeroit jamais la lettre, qu’il y a vingt-cinq fautes de jugement sur les-
quelles il avoit fait vingt-cinq annotations , et beaucoup d’autres telles parol-
les dont je ne veus pas importuner Vostre Eminence. Il répéta tant de fois et
avec tant de force qu’il ne signeroit jamais laditte lettre, que monsieur de
Croissy luy demanda s’il luy faisoit cette déclaration pour me la faire sçavoir.
„Je trouve fort bon“, respondit-il, „que vous le luy disiez, car absolument je
ne la signeray pas.“
Monsieur de Croissy m’en ayant averty à dessein de me faire plier et d’éviter
une contestation inutile, puisqu’on estoit si fort résolu à ne pas signer cette
lettre il ne luy fut pas malaisé de me persuader. Je luy dis seulement qu’il
estoit bien rude que monsieur de Servien et moy, aians travaillé par un mesme
ordre et sur un mesme sujet je n’apporte aucun obstacle ny contredit à sa
despêche et qu’il fasse passer la mienne pour une chose monstrueuse; mais
que je trouvois encores plus estrange que monsieur le duc de Longueville y
aiant donné son approbation, et s’en estant expliqué à monsieur de Servien, il
prist l’authorité de refuser seul ce qui estoit consenty par ses deux collègues.
Monsieur de Croissy continua à me fortiffier dans la résolution de me sous-
mettre , et me dit qu’il ne m’auroit pas fait le rapport cy-dessus sans la permis-
sion expresse que monsieur de Servien luy en avoit donnée. Pour moy, Mon-
seigneur , je compris bien que c’estoit un ordre, et que monsieur de Servien
avoit voulu me faire signifier mon arrest.
Sur ces entrefaittes monsieur le duc de Longueville m’envoya dire par mon-
sieur Boulanger qu’il signeroit la lettre et qu’il n’y trouvoit point de difficulté,
mais que pour les considérations proposées par monsieur de Servien il esti-
moit à propos d’envoyer la lettre ouverte à monsieur Chanut affin qu’estant
sur les lieux il en usa comme il jugeroit meilleur pour le service du Roy, la
délivrant plustost ou plus tard et mesmes la supprimant tout à fait s’il voioit
qu’il en pust arriver quelque inconvénient.
Je respondis à monsieur Boulanger que j’en estois d’accord de très bon cœur,
mais quand à monsieur de Servien sa response fut que ce seroit embarasser
monsieur Chanut et qu’il persistoit en son avis que la lettre ne devoit point
estre envoyée.
Alors je pris résolution de n’en parler plus du tout aimant mieux céder que
d’envoier en Suède une lettre qui ne seroit signée que de deux plénipoten-
tiaires de France, ou de donner occasion à messieurs mes collègues de se com-
mettre l’un avec l’autre.
Ce bon dessein fut troublé hier par un cas si fortuit que je crois certainement
que Dieu l’a permis pour un plus grand bien. C’est, Monseigneur, que mon-
sieur de Saint-Romain nous aiant trouvé ensemble à son retour d’Osnabrug et
rendant compte de la commission qui luy avoit esté donnée, il nous dit que
les ambassadeurs de Suède sont très bien disposez à la suspension d’armes et à
la conclusion de la paix, que tous deux ont divers intérestz de grande impor-
tance qui les appellent en leur païs et qu’ilz ont promis d’y escrire de nouveau
pour avoir ordre de conclurre, rejettans la nécessité de haster non sur la
France, mais sur les Holandois; mais qu’en cette rencontre nous aurions plus
d’authorité qu’eux pour faire prendre une bonne résolution en Suède, que noz
lettres y seroient plus utiles que les leur [!], et qu’il seroit nécessaire d’escrire à
leur reyne et luy réprésenter les considérations qui nous obligent de luy faire
instance de se relascher d’une partie de ce qu’elle a prétendu jusques à cette
heure.
Monsieur de Servien sentant ma lettre et mon opinion si fort appuiée [!] de
ceux qui doivent cognestre la cour de Suède et la manière de s’y gouverner, se
mit à combattre leurs raisons et monsieur de Saint-Romain à les soustenir.
Cependant je garday le silence près d’un quart d’heure, et ce ne fut pas sans
peine; mais comme monsieur de Servien revenoit à la charge, et que ledit
seigneur de Saint-Romain qui ne sçavoit point nostre différend continuoit à
faire valoir le conseil qu’on nous donnoit je craignis qu’on ne s’imaginast que
j’avois mandié ce secours et dis à monsieur de Saint-Romain que je n’estois
pas de son avis ny de celuy des ambassadeurs de Suède, et que j’estimois avec
monsieur de Servien que nous ne devions point escrire à leur reyne. Que
j’avois retiré ma lettre, et ne prétendois rien pour ce regard sinon qu’il pleust
à monsieur le duc de Longueville (qui estoit présent) de régler les choses pour
l’avenir, affin que ces contestations n’arrivassent plus. Le discours s’eschauffa
de part et d’autre en sorte que monsieur de Servien m’obligea de me plaindre
de ce qu’il m’avoit fait dire par monsieur de Croissy qu’il ne signeroit jamais
la lettre, et qu’il y a vingt-cinq fautes de jugement sur lesquelles il a fait vingt-
cinq annotations.
Monsieur de Servien ne put pas nier ces dernières parolles qui monstrent une
passion démesurée contre tout ce qui vient de moy, mais pour le premier
point il me dit d’abord que cela estoit faux, et puis, comme il s’apperçut
qu’on trouvoit mauvais qu’il me parlast de la sorte, car je ne respondis rien, il
dit que le démenty n’estoit pas pour moy mais pour monsieur de Croissy. Je
repliquay que monsieur de Croissy est homme d’honneur qui n’auroit eu
garde d’avancer une fausseté, et que s’il m’avoit raporté simplement ce dis-
cours sans adjouster qu’il en avoit le pouvoir et le consentement formel de
monsieur de Servien je n’en aurois jamais parlé. Enfin monsieur de Servien
avoua qu’il en avoit bien dit quelque chose, mais non pas en ces termes, et il
voulut faire croire qu’il avoit seulement dit qu’il éviteroit de signer la lettre
par quelque absence ou autre moyen.
A ce mot monsieur le duc de Longueville se fascha et dit qu’il ne luy appar-
tenoit point ny à aucun de nous d’éviter de faire ce que les deux autres ap-
prouvent ; que cela est contre l’ordre auquel il se sousmettoit luy-mesmes, et
qu’il trouveroit fort mauvais si d’autres s’en vouloient dispenser. Cette leçon
fut un peu ferme et entremeslée de quelques paroles qui faisoient voir que
monsieur de Servien s’estoit oublié en quelque autre entreprise de mesme na-
ture dont mondit sieur le duc estoit demeuré mescontent.
Monsieur de Servien s’en prit à moy, mais comme je luy respondis, ce seroit
trop si après m’avoir fait la honte de condannner si rudement tout mon ou-
vrage il ne m’estoit pas permis d’en faire plainte à celuy qui est icy au-dessus
de nous et de luy demander règlement pour l’avenir. Ce fut luy-mesme qui se
fit le plus de mal en desguisant une vérité que monsieur de Croissy a mainte-
nue aujourd’huy à monsieur le duc de Longueville et à monsieur Boulanger.
Et d’ailleurs il alla dire encores peu prudemment en la présence de mondit
sieur le duc que monsieur de Croissy avoit fait à luy pour jamais et que
c’estoit là une mauvaise rescompense de l’employ qu’il venoit de luy faire
avoir pour aller à l’armée de monsieur de Turenne. Il voulut se rétracter et
dire qu’il l’avoit proposé pour cet employ, mais il fut aisé de recognestre qu’il
parle et agit icy comme s’il disposoit de toutes choses.
Il m’accusa d’avoir fait tirer au sort monsieur de Saint-Romain et monsieur de
Croissy sur les deux commissions d’Osnabrug et de l’armée. Je respondis que
cela a esté fait par ordre de monsieur le duc de Longueville sur ce que j’avois
eu charge de luy et de monsieur de Servien de proposer les deux employs à
ces messieurs et qu’ilz se déféroient le choix l’un à l’autre. Pour terminer cette
civilité et ne pas retarder le voyage d’Osnabrug qui pressoit, monsieur le duc
de Longueville m’envoya dire par monsieur Boulanger qu’ilz tirassent au sort,
ce qui fut fait en sa présence, et le billet où estoit escrit Osnabrug escheut à
monsieur de Saint-Romain. Voilà mon crime. Ainsy la fortune seconda l’ in-
tention de monsieur de Servien qui avoit destiné le voyage de l’armée à mon-
sieur de Croissy; mais il n’est pas content d’avoir vaincu d’une autre sorte que
par authorité et il a dit à monsieur de Croissy que quand le plus bel employ
ne luy seroit pas escheu il n’auroit pas permis qu’il fist donné à monsieur de
Saint-Romain.
Je ne mande point tout cecy à Vostre Eminence pour me plaindre de mon-
sieur de Servien. C’est un homme de si grand mérite et qui sert le roy avec
tant de zèle et d’adresse que je puis bien supporter quelque chose de son
humeur, veu mesmes qu’il n’en est pas le maistre, et que quand il ne m’aura
plus pour collègue je vous asseure, Monseigneur, qu’il donnera de l’exercice à
d’autres et qu’il luy faut un procès ou une querelle. J’en rens compte à Vostre
Eminence pour la deffensive seulement, et affin que la relation de monsieur
de Servien ne me nuise point.
Quand à cette grande censure de ma lettre où il a fait tant de corrections, s’il
me les avoit laissé voir ou qu’il s’en fust expliqué, j’essayerois d’y satisfaire ou
ne douterois point d’avouer mon erreur; mais puisqu’il s’est contenté de mar-
quer le nombre et la qualité des fautes en disant que j’ay peché vingt-cinq fois
contre le jugement, sans monstrer en quoy et de quelle sorte, je me contente-
ray pour response d’envoyer cy-jointes à Vostre Eminence les copies des let-
tres que luy et moy avons escrittes sur ce sujet. Elles feront voir qui de nous
deux s’est plus emporté à mander à la reyne de Suède ou à luy faire dire des
choses capables de luy desplaire. Car pour le correctif qui fait la conclusion
de ce que nous escrivons à monsieur Chanut il n’y a esté mis que d’hyer par
monsieur de Servien après que j’ay eu remonstré qu’il y avoit plus d’ inconvé-
nient à exécuter ses ordres qu’à rendre ma lettre. Je luy demanderois volon-
tiers , Monseigneur, pourquoy il remet à la prudence dudit sieur Chanut de se
servir de ce qui pourra proffiter, et de s’abstenir de ce qui pourroit nuire,
selon la disposition des espritz avec qui il a à traitter, et qu’il n’a jamais voulu
remettre pareillement à sa prudence de présenter nostre lettre à la royne ou de
ne la présenter pas, selon qu’il jugeroit à propos. Si c’eust esté l’embarasser
que de nous en reposer sur sa bonne conduitte et sur la cognoissance qu’il a
des sentimens de la cour où il est, monsieur de Servien le jette aujourd’huy
dans le mesme embarras et le rend responsable de l’événement quelqu’il
puisse estre, quand au bout d’une longue despêche nous luy donnons ordre
d’en prendre ce qui est bon et de laisser le reste; et s’il est capable de faire ce
choix, comme il l’est certainement, nous luy pouvions aussy confier l’autre
despêche suivant l’avis de monsieur le duc de Longueville et le mien. Mais ce
n’est pas d’aujourd’huy que monsieur de Servien soufle le froid et le chaud
d’une mesme bouche, et en un mesme temps, et sur une mesme question.
J’obmettois à dire à Vostre Eminence que je luy renvoie copie de ma lettre,
d’autant que j’y changeay quelques paroles auparavant que de la présenter à
messieurs mes collègues, et que la copie que monsieur de Servien en a fait
prendre doit estre conforme à l’incluse.
Je vous demande pardon, Monseigneur, de cette importunité et vous prometz
qu’elle n’aura point de suitte. Il y a quinze mois que je garde le silence avec
tout le respect que je dois à voz grandes occupations, et avec une entière
confiance en vostre protection dont j’ay recogneu souvent les effetz.