Acta Pacis Westphalicae II B 3,1 : Die französischen Korrespondenzen, Band 3, 1. Teil: 1645 - 1646 / Elke Jarnut und Rita Bohlen unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy, mit einer Einleitung und einem Anhang von Franz Bosbach
73. Memorandum Mazarins für Longueville, d’Avaux und Servien Paris 1646 Januar 20
Paris 1646 Januar 20
Kopien: AE , CP All. 63 fol. 180–188 = Druckvorlage; AE , CP All. 75 fol. 112–116’. Konzept
Lionnes: AE , CP All. 59 fol. 82–87
S. 20–24; Gärtner VII S. 585–598; Siri VI S. 820–828 (gekürzte Fassung in it. Sprache).
Regest: Mazarin , Lettres II S. 710–711.
Erwerbung der Niederlande und Burgunds durch Heirat oder im Austausch gegen Katalonien
und das Roussillon: Vorteile dieses Projekts für Frankreich. Mittel und Wege zu seiner Realisie-
rung .
Je vous avois promis Messieurs par mes précédentes de vous marquer plus
particulièrement les raisons pour lesquelles il me semble qu’il seroit très avan-
tageux à cette couronne de consentir à retirer ses armes de la Catalogne et
mesmes du comté de Roussillon pourveu que le roy d’Espagne nous cédast les
Paï’s-Bas et le comté de Bourgongne
Die Franche-Comté galt als Reichslehen, seit sie mit dem Kg.reich Burgund 1033/34 an Ks.
Konrad II. gekommen war. 1384 fiel sie durch Heirat an Philipp den Kühnen von Burgund,
wurde nach Karls des Kühnen Tod 1477 von Kg. Ludwig XI. von Frk. annektiert, im Frieden
von Arras 1482 behauptet, im Vertrag von Senlis 1493 aber von Maximilian I. zurückerwor-
ben . Bei der habsburgischen Erbteilung von 1522 gelangte sie an Spanien ( Febvre S. 54ff., 113,
151f.; Turba S. 159f.).
comme par eschange, bien entendu tousjours que l’on feroit à l’avantage et à
la seureté des Catalans tout ce qui se pourroit suivant ce qui est porté en
diverses despêches.
Je satisferay à ma parole maintenant que je me trouve um peu plus de loisir
que la semaine passée, et je vous diray mes réflexions là-dessus vous priant de
me mander de vostre costé les considérations que vous y aurez faittes.
Premièrement, l’acquisition des Païs-Bas forme à la ville de Paris un boule-
vard inexpugnable, et ce seroit alors véritablement que l’on pourroit l’ appel-
ler le cœur de la France, et qu’il seroit placé dans l’endroit le plus seur du
royaume. L’on en auroit estendu les frontières jusques à la Hollande et du
costé de l’Allemagne qui est celuy d’où on peut aussy beaucoup craindre, jus-
ques au Rhin par la rétention de la Lorraine et de l’Alsace et par la possession
du Luxembourg
Weite Teile des zu den Span. Niederlanden gehörigen Hgt.s Luxemburg waren in frz. Hand.
Seit der Kampagne des Marschalls von Châtillon 1637 war Damvillers frz.; 1643 fiel Frk. mit
Thionville (Diedenhofen), das sich nach langer Belagerung ergeben mußte, ein strategisch
wichtiger Platz an der Mosel zu ( Bougeant I S. 327; Chéruel I S. 103; zu Frk.s Ansprü-
chen auf Luxemburg s. APW I 1).
En 2. lieu que ce seroit sortir avec tant de fruit et de réputation de la présente
guerre que les plus malins seroient bien en peine d’y trouver à redire, tout le
sang respandu et les trésors consommez ne pourroient estre tenus par les plus
critiques que fort bien emploiez quand on verroit annexé à cette couronne
tout l’ancien roiaume d’Austrasie et des provinces entières dont la seule pos-
session a donné autrefois moien à des princes particuliers qui en estoient les
maistres non seulement de résister à la France, mais de la travailler comme
chacun sçait.
Troisièmement les coupables, les mescontens et les factieux perdans par ce
moien la facilité de leur retraitte perdroient aussy la commodité de brouiller
les affaires et de faire des cabales avec l’assistance des ennemis, estant aisé à
remarquer que tous les partis contre l’Estat et toutes les conspirations ont esté
ordinairement tramées dans le Païs-Bas, dans la Lorraine ou dans Sedan
In der Festung Sedan hatten sich 1641 der duc de Guise (s. [ nr. 61 Anm. 4 ] ) und Louis de
Bourbon, comte de Soissons (1604–1641), mit Frédéric-Maurice de la Tour d’Auvergne, duc
de Bouillon (1605–1652), zu dessen Besitz Sedan gehörte, verbündet, um mit Hilfe habsburgi-
scher Truppen unter Lamboy gegen Richelieu vorzugehen. Nach einer gewonnenen Schlacht
der Verschwörer, wobei jedoch der Gf. von Soissons zu Tode kam, mußte Sedan am 1. VIII.
1641 kapitulieren ( Bazin III S. 95–108). Im Juli 1644 konnte ein Anschlag auf das Schloß in
Sedan, der mit Hilfe ksl. Truppen und der Hg.in von Bouillon durchgeführt werden sollte,
vereitelt werden ( APW II B 1 S. 385, 402, 447).
En 4 e lieu la puissance de la France se rendroit redoutable à tous ses voisins et
particulièrement aux Anglois qui sont naturellement jaloux de sa grandeur et
qui ne laisseroient eschapper aucune occasion de procurer son désavantage et
sa diminution, si une si importante acquisition ne leur oste toute espérance
d’y pouvoir réussir. Aussy on peut bien estre asseuré que s’ilz avoient
connoissance d’une pareille négotiation, et que leur discordes intestines ne les
embarrassassent pas au point qu’elles font, il n’y a rien qu’ilz ne hazardassent
pour en empescher l’effet.
[5.] Messieurs les Estatz nous considéreroient davantage et se rendroient plus
traittables qu’ils ne sont, la religion catholique en recevroit grand proffit et
soulagement en leurs païs, les catholiques n’y estans pas tant persécutez pour
la haine que l’on porte à leur religion comme pour estre tenus et cella avec
raison affectionnez et adhérens au parti d’Espagne.
Il ne seroit pas à appréhender que les choses estans bien prises et bien
conduittes Messieurs les Estatz fussent pour traverser ce parti d’ accommode-
ment , puisque leurs intérestz propres ne s’y rencontreroient pas moins avan-
tageusement que le nostre en ce qu’ils pourroient s’asseurer pour jamais de
jouir d’un profond repos sans estre obligez aux despenses excessives qu’ilz
ont accoustumé de soustenir, puisqu’il ne se parleroit plus de trêve et que les
Espagnolz cédans la Flandre à Sa Majesté, toutes les occasions de guerre se-
roient aussy cessées.
D’ailleurs quand les Espagnolz qui ont intérest à la diminution de la puis-
sance de cette couronne nous céderoient les Païs-Bas, ilz ne manqueroient pas
de céder à Messieurs les Estatz plustost qu’à nous tous les droitz et les préten-
tions qu’ilz ont sur les Provinces-Unies et la France y consentant et le ratif-
fiant en la forme la plus solennelle et qui pourroit le plus les contenter, les
Estatz auroient moien de s’affermir une tranquillité durable avec tous les
avantages et toutes les commoditez que donne ordinairement la liberté d’un
commerce universel, d’autant plus que l’assiette de leur païs est telle et si bien
fortiffiée et par l’art et par la nature que ce sera tousjours inutilement que l’on
entreprendra d’y faire aucuns progrez et imprudemment que l’on s’ embar-
quera à de pareils desseins.
Il n’y a que les seules dissensions intestines lesquelles s’accroissent ou s’ allu-
ment aisément dans la paix qui fussent capables d’en altérer le repos. Et c’est
aussy une des raisons qui doit obliger la France à préférer les acquisitions de
ce costé-là à toutes les autres qu’elle pourroit faire ailleurs, puisque sans man-
quer aux loix de l’amitié ny à l’alliance elle pourroit avec le temps se préval-
loir notablement de leurs divisions.
Et quiconque examinera selon les règles de la bonne politique les affaires de
Messieurs les Estatz reconnestra sans doute qu’ils peuvent malaizément sub-
sister si dans la paix ilz n’establissent une autre forme de gouvernement que
celle qu’ilz ont eue jusques icy.
De plus monsieur le prince d’Orange l’autorité duquel serviroit extrêmement
à faire conclurre le parti dont est question n’est pas seulement avancé dans
l’aage, mais sujet à telles infirmitez qu’un chacun commence à désespérer de
sa vie, notamment quand l’on a sceu qu’il est tellement menacé d’hydropisi 1
que dans les consultations que l’on a faittes à Paris par son ordre on a conclu
unanimement qu’il seroit très malaizé qu’il l’évitast.
Ce qui nous doit obliger encores extrêmement à nous accommoder avec l’ Es-
pagne parce que la mort de ce prince ne peut estre que très préjudiciable de
toutes fassons à cette couronne, madame sa femme estant tellement haÿe que
l’on croid mesme qu’ilz la chasseroient et le prince Guillaume
jeune et à ce que l’on rapporte plus addonné à ses plaisirs qu’aux affaires et
par conséquent moins propre à reprendre le crédit du père, sa perte arrivant.
On estime mesme que Messieurs les Estatz travailleroient d’abord à diminuer
son authorité non seulement parce qu’ilz souffrent aujourd’huy mal volon-
tiers celle dudit prince, mais à cause de la jalousie qu’ils ont conceue du ma-
riage qu’il a fait en Angleterre
avec la France depuis la mort de monsieur le cardinal de Richelieu.
En 6 e si la France doit appréhender quelque chose de la maison d’Austriche
ce ne peut estre que du costé de Flandres et de celuy d’Allemagne tant pour
l’union qu’ilz peuvent faire de leurs forces, ces deux païs estans contigus, que
parce que quelque avantage que nous aions sur eux, un seul bon succez qu’ilz
remportent soit par surprise de quelques places sur la Somme, soit par com-
bat gaigné ou autrement peut mettre aussytost la mesme espouvante dans Pa-
ris qui en est si proche qu’il s’est veu en la prise de Corbie
bataille de Honnecourt
au moins à diminuer les forces emploiées au loing comme en Catalogne et en
Italie et laisser ces endroitz-là desgarnis, ainsy que l’on en usa pour Corbie
qui fit lever le siège de devant Dole
nous n’eussions point de guerre à faire du costé d’Espagne.
L’acquisition des Païs-Bas nous garentit de ces deux craintes pour jamais. Il
n’y aura plus de jonction de trouppes de noz ennemis puisque l’Espagne ne
posséderoit rien de ce costé-là, et aians estendu noz frontières jusques au Rhin
de toutes partz, tant s’en faut que nous fussions en estat de craindre aucun
mal du costé de l’Empereur, le sujet qu’il auroit d’en appréhender de nous
l’obligeroit à conserver soigneusement une bonne union avec ce roiaume, et
tout cella ne contribueroit pas peu à la séparation que la France a tant d 1
raison de désirer de la maison d’Austriche d’Espagne d’avec celle d’ Allema-
gne .
7. Il me semble que la prudence conseille de laisser aux ennemis ce qu’ils
peuvent plus vraysemblablement reprendre. Il est certain que comme la seule
nécessité les oblige à la paix, craignans un plus grand mal dans la continua-
tion de la guerre, toutes les fois qu’ilz estimeront de pouvoir s’y remettre avec
apparence de bon succez, à quoy la longue minorité du Roy les flattera beau-
coup , ilz ne manqueront pas de prétextes pour s’y engager de nouveau, quel-
ques précautions que l’on ayt prises. Et en ce cas quand mesmes par la paix
nous demeurerions maistres de tout ce que nous possédons présentement en
Catalogne et dans les Pays-Bas, il est bien plus possible que les ennemis fai-
sans de grandz préparatifz d’hommes et d’argent, cultivans des intelligences
dans la Catalogne où la meilleure place que nous aions est l’amour des peu-
ples dont on ne peut pas faire un fondement asseuré, puissent recouvrer cette
principauté-là, soit par force ou par intelligence ou par quelque autre avan-
tage que leurs armes remportassent du costé de Flandres, que de recouvrer les
Pays-Bas, si une fois ilz en estoient dehors, ou de faire des progrez dans le
Languedoc, puisqu’ils auroient d’abord en teste toutes les forces de la France
plus puissante qu’elle n’a jamais esté qui ne seroient plus diverties par celles
de la Flandre lesquelles donnent tant à craindre pour Paris.
8. Et cella seroit à mon avis la vraye seureté pour la durée de la paix, laquelle
nous trouverions dans noz propres forces. Car il faudroit que les ennemis
eussent perdu le jugement si les choses estans réduittes à ce point-là ilz se
résolvoient jamais à une rupture avec ce roiaume, puisque soit pour les avan-
tages que nous nous serions establis en Allemagne, soit pour les vieilles ami-
tiez et alliances que nous y conserverions et les nouvelles que nous pouvons y
acquérir, ou par la diminution que souffrira l’Empereur dans la conclusion de
la paix non seulement nous n’avons rien à craindre de ce costé-là, mais il est à
croire que quand nous n’aurions pas bridé l’Empereur à n’assister point les
Espagnolz ainsy que nous le ferons par la paix, son propre intérest et la
crainte qu’il auroit de noz forces l’empescheroit de prendre aucune part à tous
les remuemens que les Espagnolz voudroient causer. Et ainsy n’y aiant rien
du costé de Flandres ny de l’Allemagne qui pust occupper noz forces, on
laisse à juger de quoy elles seroient capables si nous n’estions obligez de les
emploier qu’en Espagne et en Italie, par l’estat des progrez qu’elles font au-
jourd ’huy dans ces deux provinces-là quoyque le roy d’Espagne agisse dans
l’une pour s’y opposer, et que nous fassions noz principaux effortz et des
despenses incroiables du costé de Flandres et d’Allemagne où servent ordinai-
rement les meilleures trouppes du roiaume.
9. Une des raisons dont les plus sensez des ministres d’Espagne se servent
pour conseiller leur maistre de sortir de l’embarras où il se trouve à toutes
sortes de conditions est l’espérance comme certaine dont ilz se flattent que la
paix nous empeschant de purger la France de ses mauvaises humeurs, il y
naistra bientost des divisions intestines dont ilz s’attendent de proffiter. Or il
est évident que les Espagnolz ne sçauroient donner des assistances considéra-
bles à aucune faction qui puisse se former dans l’Estat que du costé de Flan-
dres où les forces ont tousjours esté prestes à cella et sont plus à craindre
parce qu’elles sont plus aguerries. Quand les Espagnolz persuadèrent autre-
fois monsieur le duc d’Orléans à porter la guerre dans le Languedoc
que ce fust une province contiguë à l’Espagne, ilz ne purent luy bailler aucun
secours de ce costé-là, mais ilz le luy donnèrent de la Flandre; et dans le
dernier traitté de feu monsieur Le Grand
Henri Coeffier Ruzé d’Effiat (1620–1642), sieur de Saint-Marc, gen. Cinq-Mars, zunächst
Favorit Ludwigs XIII., der ihm 1639 die Charge des grand écuyer (gen. monsieur Le
Grand ) gab, wechselte dann zum Kreis der Oppositionellen um Gaston d’Orléans. Nachdem
dessen Geheimvertrag mit Philipp IV. von Spanien vom 13. III. 1642 (Druck: Du Mont
VI,1 S. 244f.), worin Cinq-Mars namentlich genannt wurde, entdeckt war, wurden Cinq-Mars
und ein weiterer Komplize festgenommen und enthauptet ( DBF VIII Sp. 1314f.; Dethan ,
Orléans S. 259–281).
nir des Païs-Bas comme chacun sçait.
10. Les peuples de Flandres qui souffrent des oppressions incroiables, leur
païs estant le théâtre de la guerre depuis si longtemps, trouveroient tel chan-
gement à leur condition qu’on ne peut pas douter que nous n’eussions bien-
tost gaigné leur amour quand ilz se verroient hors d’estat de plus craindre
aucune invasion et de jouir à jamais d’une profonde tranquillité avec toutes
sortes de commoditez et d’avantages sous la domination de cette couronne.
11. Et bien loing que noz despenses s’accrussent par l’acquisition de tant de
places qu’outre que sans charger aucunement les peuples nous en recevrions
des assistances notables, nous pourrions beaucoup espargner dans l’entretien
des garnisons en Picardie où il faudroit raser la pluspart desdites places et les
autres se maintiendroient avec peu d’argent puisque confinans avec Messieurs
les Estatz il n’y auroit pas à craindre qu’ils s’engageassent jamais à nous atta-
quer ny à intenter aucune surprise pour ne pas irriter une puissance si au-
dessus de la leur et qui auroit tant de moyens de s’en ressentir.
12. Je serois trop long si je voulois parler en destail des avantages et des com-
moditez que nous donneroit par le commerce et par divers autres moiens une
si importante acquisition, et mesme du fort de Mardick et de Dunquerque qui
est le plus beau et le plus commode qui soit dans la mer Océane et le plus
considérable à nostre esgard pour nous approcher de Messieurs les Estatz et
pour regarder comme il fait l’Angleterre.
Toute la difficulté que je vois en cette affaire n’est pas tant en la chose mesme,
puisque les Espagnolz ont aussy leurs raisons de la désirer ainsy qu’il se void
dans le mémoire cy-joint , qu’en la forme de la négotiation parce que certai-
nement s’ilz connoissent que nous le souhaittons, ce sera un motif assez fort
pour leur faire croire qu’ilz ne doivent jamais s’y porter. C’est pourquoy j’ es-
time qu’il faudra que vous autres Messieurs vous appliquiez avec vostre pru-
dence et vostre dextérité accoustumée à voir s’il y auroit moyen que quel-
qu ’un sans recognestre nostre intention fît une proposition approchante à
cella du consentement des ennemis, et alors que vous usassiez de la mesme
adresse que nous avons fait pour leur faire désirer la trêve, vous tesmoignans
bien esloignez d’y consentir pour les considérations portées dans l’autre mé-
moire que l’on pourra représenter affin d’en faire venir plus d’envie à noz
parties.
Et quoyque je sache bien que vostre bon esprit vous fournira mille moyens
meilleurs que tous ceux que je puis vous suggérer d’icy, je ne puis m’ empes-
cher de vous dire que si j’avois à conduire la chose je voudrois en quelque
occasion qui ne parût nullement affectée jetter quelques discours à la traverse
aux ministres de l’Empereur, ou à ceux de Bavières, ou à quelque autre qui le
pust rapporter à ceux d’Espagne touchant la Catalogne que nous cognoissons
bien les sujetz et les pressantes raisons que les Espagnolz ont de souhaitter d’y
rentrer, mais que cella nous fait d’autant plus estonner que comme il ne faut
pas qu’ilz espèrent que nous nous relaschions jamais de ce point dans l’estat
présent des affaires, ilz n’y cherchent quelques expédiens et ne proposent
eux-mesmes des partis proportionnez sur lesquelz on puisse négotier et voir
de réduire les choses à la satisfaction commune.
Je ne sçais pas s’il y pourroit avoir par delà quelque personne en qui l’on pust
prendre entière confiance, laquelle eust accez avec les ministres d’Espagne ou
de l’Empereur et qui sceust de cette affaire autant qu’il seroit nécessaire pour
en faire la proposition comme de soy.
Je vous metz aussy en considération s’il seroit bon que quelqu’un de vous
autres Messieurs, ou faisant semblant que c’est au desceu des autres, ou tes-
moignant que c’est de leur participation en laissast aller quelque chose confi-
demment à Saavedra ou à Brun, prenant occasion de ce que l’un d’eux a dit
dernièrement de faire jouer les violons .
Je ne vous ay point nommé les médiateurs parce que nous estans mal affec-
tionnez comme ilz sont je les tiens les moins propres pour cette affaire qu’ilz
auroient sans doute plus d’intention de ruiner que de faire réussir s’ilz y pou-
voient reconnestre les avantages pour la France qui y sont effectivement.
Peut-estre que Trautmansdorff seroit le meilleur instrument dont on se pust
servir pour cella, parce que ce parti feroit sortir un chacun d’affaires en un
instant par le moien de son ministère, en quoy il n’auroit pas seulement la
gloire d’avoir establi le repos de l’Empire, mais d’avoir fait la paix générale.
Et on pourroit mesme luy faire croire qu’il auroit rendu un service notable à
l’Espagne de la faire rentrer dans la possession de la Catalogne [et] du Rous-
sillon , et mis en estat de venir à bout du Portugal par la cession d’un païs que
dans leur plus grande puissance ilz ont souvent consulté eux-mesmes d’ aban-
donner et dont une seule campagne nous peut rendre maistres si la guerre
continue.
Ce qu’il y auroit à appréhender des intentions de Trautmansdorff en cella,
c’est la grande passion que l’Empereur et l’Impératrice peuvent avoir de ma-
rier leur filz à l’infante d’Espagne, et peut-estre l’envie qu’ilz ont de donner
leur fille au Roy. Mais ou l’on pourroit ne luy parler pas de mariage, ou luy
en parlant et le reconnoissant contraire à celuy d’Espagne et souhaittant l’ au-
tre songer à luy donner satisfaction là-dessus moiennant l’eschange dont est
question et que l’on nous accorderoit noz prétentions pour l’Allemagne.
Je ne sçais pas si je me trompe, mais j’oserois bien dire que les Espagnolz
consentiront plustost à nous laisser les Païs-Bas et la Bourgongne pour rentrer
dans la possession de la Catalongne et du Roussillon avec espérance de recou-
vrer encores le Portugal quand leur trêve seroit expirée sans faire le mariage
avec le Roy qu’en le faisant, et constituant pour dot la plus grande partie de
ce qu’ilz nous céderoient. Ma raison est que tout l’avantage qu’ils tireroient à
présent de cette alliance seroit de satisfaire à une certaine apparence et vanité
de ne nous laisser qu’à titre de dot les conquestes que nous avons faittes. Mais
comme cella ne seroit capable que de sauver um peu de réputation dans le
vulgaire, il se trouveroit que nous aurions tout le solide, et l’infante estant
mariée à Sa Majesté nous pourrions aspirer à la succession des roiaumes de
l’Espagne quelque renonciation qu’on luy en fist faire, et ce ne seroit pas une
attente fort esloignée puisqu’il n’y a que la vie du prince son frère qui l’en
peut exclurre.
Ce qu’il faut à mon avis principalement considérer c’est qu’encores que la
paix puisse estre conclue en un jour par ce moien, la ratification qui doit venir
d’Espagne et l’exécution des choses convenues pourra consommer beaucoup
de temps dans lequel toutes hostilitez cessans et par conséquent noz apprestz
de cette année devenans inutiles, les Espagnolz pourroient bien changer d’avis
quand ilz seroient hors du péril. C’est pourquoy il faudroit à mon avis user de
cette précaution en arrestant la trêve pour l’exécution du traitté d’insérer des
articles bien exprez ou en avoir des actes à part en bonne forme pour obliger
l’Empereur, Bavières et les autres électeurs et princes de ce parti-là à se rendre
tellement garendz et cautions de la bonne foy des Espagnolz, que s’ilz y fai-
soient après des difficultez ils fussent tous tenus de joindre à nous leurs forces
pour les contraindre à exécutter ce dont on seroit demeuré d’accord.