Acta Pacis Westphalicae II B 2 : Die französischen Korrespondenzen, Band 2: 1645 / Franz Bosbach unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy und unter Mithilfe von Rita Bohlen
254. Longueville, d’Avaux und Servien an Brienne Münster 1645 November 8
Münster 1645 November 8
Ausfertigung: AE , CP All. 56 fol. 209–214 = Druckvorlage; Eingang nach Dorsal fol. 214’:
1645 November 17 durch einen Sonderkurier. Duplikat für Mazarin: AE , CP All. 45 fol.
121–125’. Kopie: AE , CP All. 49 fol. 26–29. Reinkonzept: AE , CP All. 53 fol. 194–198’.
Druck: Nég. secr. II, 2 S. 197–199; Gärtner VI S. 651–660.
Konferenz Serviens mit Saavedra: Beendigung der Verhandlungen von spanischer Seite bei
weiterem Ausbleiben von Fortschritten, Friedensbereitschaft Spaniens zu ehrenhaften Bedin-
gungen , Ablehnung der französischen Forderungen; Beharren Serviens auf den vorgebrachten
Bedingungen, Inanspruchnahme des bisherigen spanischen Prinzips der Konstituierung von
Herrschaftsrechten durch militärische Erfolge, Berechtigung der französischen Forderungen
angesichts der militärischen Lage; französische Rechte auf Navarra; geringe Aussicht auf eine
Einigung.
Nous avions doubté sy nous vous ferions récit de ce qui s’est passé dans une
entreveue de monsieur Saavedra et de moy, Servien, parce qu’il ne s’y est
rien proposé de nouveau qui mérite de recevoir les ordres de la Reyne.
Néantmoins à cause que les discours qui ont esté faictz sont assez
importans, nous avons estimé à propos de vous en informer. Encor que les
visites soient interrompues depuis quelque temps entre les députez d’ Espa-
gne et nous, comme nous avons cy-devant mandé, ledit sieur Saavedra fist
demander heure la sepmaine passée à madame Servien pour la visiter, ce qui
fit croire qu’il vouloit peult-estre prendre cette occasion de venir dans le
logis de l’un de nous pour faire quelque ouverture nouvelle touchant la
négotiation de la paix. Cette croyance obligea moy Servien de me rendre au
lieu de l’audience, après que ledit sieur Saavedra y eut demeuré près d’un
quart d’heure. Le premier abord fut accompagné de grands complimens de
part et d’aultre où chacun tascha de vaincre son compagnon de civilité, ledit
sieur Saavedra tesmoignant beaucoup d’envie d’aller faire quelque séjour en
France après la conclusion du traicté pour veoir les belles maisons d’autour
de Paris, et moy faisant paroistre un semblable désir d’aller plustost en
Espagne qu’en aulcun aultre lieu sy quelqu’un de nous est député pour
assister au serment qui a accoustumé d’estre faict pour l’observation de la
paix.
Après cela, il me demanda sy nous ne voulions pas faire la paix, et
pourquoy nous n’y aportions pas plus de facilité, qu’il y alloit de l’honneur
des uns et des aultres de demeurer sy longtemps icy sans rien faire, et que
pour luy s’il en estoit creu l’on romproit l’assemblée, en cas que dans un
certain temps nous ne pussions nous accommoder. Je respondis
promptement sur ce dernier poinct qu’en cela nous nous rencontrions tous
de son sentiment, et que parmy nous il avoit esté souvent proposé de
prendre un terme limité dans lequel sy on ne pouvoit demeurer dans des
propositions qui auroient esté faictes, chacun se retirast pour ne repaistre
pas plus longtemps le monde de vaines espérances. Je m’apperceuz qu’il ne
s’attendoit pas à cette responce, de laquelle demeurant un peu surpris, et
changeant de discours, je fist paroistre qu’il n’avoit faict la proposition de
rompre l’assemblée que pour me sonder et descouvrir sy nous appréhende-
rions une telle résolution.
Dans la suite du discours en me pressant civilement il me dist souvent ‘pour
l’amour de Dieu faisons la paix, nous ne désavouons pas que nous en avons
besoin, et que nos affaires sont en mauvais estat, mais les choses du monde
sont subjettes à de grandes révolutions, et il ne fault pas abuser de la
prospérité. Car quelque malheur que nous ayons, nous ne ferons jamais de
traicté honteux’. Je luy repartis qu’il ne tenoit pas à nous que la paix ne fust
desjà faicte et que luy et ses collègues faisoient assez clairement cognoistre
qu’ilz ne la désiroient pas en effect. Que nous nous estions d’abord mis à la
raison, et que s’ilz vouloient prendre l’advis de toutes les personnes
entendues et désintéressées, ils treuveroient que dans l’estat présent des
affaires l’on ne pouvoit faire une proposition plus juste que celle que nous
avons donnée sur laquelle il ne tiendroit qu’à eux qu’on ne conclud le
traicté en quinze jours. Il voulut tourner la chose en raillerie et me dire que
j’avois trop de jugement pour croire que la paix se pust faire soubz ces
conditions. Je repartis que ce seroit un grand malheur sy luy et ses collègues
avoient cette oppinion parce que c’estoit véritablement tout ce que nous
pouvons faire, que sy les instances des médiateurs et l’estat où se treuve la
chrestienté nous avoient obligés de proposer du premier coup noz derniè-
res résolutions nous l’avions faict avec un ferme dessein de ne les changer
point. Que nous eussions bien peu demander la restitution de ce qu’on
détient au Roy, et principalement la Navarre à laquelle il n’y a point de
difficulté, mais que nous avions mieux aymé venir d’abord à un expédient
raisonnable. Que Leurs Majestez avoient un extrême désir de la paix. Que
nous avions charge de la donner ou l’accepter, mais que nous ne l’ achepte-
rions jamais, qu’il auroit bien mauvaise oppinion de nous si dans la
prospérité qu’il disoit que nous avions, nous faisions paroistre moins de
constance et moins de fermeté qu’eux dans le malheur qui les accompagne.
Qu’ilz estoient tellement en pocession de proffiter aux despens de la France
par tous les traictez, qu’ilz avoient peine d’en faire un raisonnable par
lequel nous puissions tirer quelque récompence de nos pertes passées. Que
tous ceux qui ont esté faictz jusqu’icy sont rempliz de renonciations que
l’on a faict faire à noz roys. Il respondit à cela que les renonciations
n’estoient point nécessaires, que c’ettoient des formalitez introduictes par
des docteurs, que le droict des souverains s’establissoit et se conservoit par
les armes. Je repartis que sy cette maxime est raisonnable en faveur de ceux
qui usurpent, elle l’est beaucoup davantage en faveur de ceux qui recou-
vrent ce qui leur a appartenu. Que le roy d’Espagne est un si grand
monarque, qu’il peult sans s’incommoder faire raison au Roy nostre maistre
des torts qui ont esté faictz aultresfois à ses prédécesseurs. Que luy
Saavedra parloit avec beaucoup de civilité de la nation françoise mais que
luy et ses collègues en faisoient un grand mespris puisqu’ilz ne veullent ny
nous imiter en ce que nous nous sommes cy-devant accommodez au temps
lorsque nous avons eu la fortune contraire, ny permettre que nous les
imitions en ce qu’ilz ont sy bien sceu proffiter de leur bonheur quand le
sort des armes leur a esté favorable. Que je le tenois trop raisonnable pour
croire que l’on pust faire sy peu de compte de tant de sang respandu, et de
tant de trésors consommez en cette longue guerre pour retourner à l’estat
ou nous estions lorsqu’ell’a commencé, qu’il s’y est faict de plus belles
actions et donné plus de batailles que dans celle qui selon son oppinion a
aultresfois estably le droict des roys d’Espagne sur Naples et sur Milan, que
quand nous serions assez lasches pour voulloir nous priver nous-mesmes
des faveurs que le ciel nous a faictes, nous ne sçaurions faire la moindre
restitution ny donner à ceux qui sont encor noz redebvables sans faire un
très grand préjudice aux droictz et aux justes prétentions de la France. Qu’il
y en a mesme une partie qui ont [!] esté réservez par le traicté de Vervins
dont ilz demandent si souvent l’exécution, qu’en un mot pour ne le
tromper point j’estois obligé de luy dire que nous ne ferons jamais de
traicté dont les condititons ne soient proportionnées à l’estat ou se
treuveront les affaires lorsqu’il sera conclud. Et puisqu’ilz nous ont aultres-
fois obligé de renoncer non seulement aux droicts qui estoient contestez
entre la France et l’Espagne mais à des souverainetez qui n’estoient point
en controverse, ilz ne doibvent pas treuver mauvais qu’en suivant avec plus
de modération qu’eulx la loy qu’ils ont establye nous nous prévallions
aujourd’huy de justice qu’il a pleu à Dieu de nous rendre.
Tōutes ces choses furent dictes à diverses reprises, et l’obligèrent plusieurs
fois de me respondre qu’ilz ne feroient jamais de traicté infame, et que sy je
voullois lire leur histoire, je treuverois que les Espagnolz avoient esté
quelquesfois renfermez dans leurs montagnes sans avoir jamais perdu
courage ny rien faict contre leur honneur, et que les affaires changeroient
peult-estre bientost de face. A ce mot je réplicquay que cette malheureuse
espérance qui avoit desjà faict durer la guerre dix ans, estoit cappable de la
faire continuer encor longtemps sy l’on percistoit à s’y arrester. Que grâces
à Dieu nous n’avons rien à craindre du costé qu’ilz pensoient, que la France
est très prudemment gouvernée au contentement et de ceux qui comman-
dent et de ceux qui obéissent, que tous les subjetz sont constamment dans
leur debvoir, et les alliez dans la fidélité. Mais que cependant qu’on
s’attendra à de semblables révolutions la paix ne se fera point et la
chrestienté courra fortune de se perdre. Que nous aurons tousjours cette
satisfaction devant Dieu et devant les hommes de n’en estre pas cause
puisque nous sommes prestz de sortir d’affaires en quinze jours sy on veult
traicter raisonnablement, et s’accommoder de part et d’aultre au temps
présent. Que tant s’en fault que l’invasion du Turc nous ayt faict hausser les
conditions de la paix, qu’elle nous a obligez de les proposer plus modérées,
mais que de nous vouloir obliger pour cela d’achepter la paix en faisant des
restitutions à ceux qui nous doibvent, nous qui sommes les plus esloignez
du péril présent, et que ceux qui y sont exposez demeurent fermes à
voulloir que l’on change la face des affaires en leur faveur, cela ne sera
jamais treuvé raisonnable par ceux qui en jugeront sans intérest et sans
passion. Il se voulut en quelque façon justiffier de ce qu’il avoit parlé des
changemens qui peuvent arriver et me dist, qu’il n’avoit point entendu ceux
du dedans du royaume, mais qu’en général il n’y a personne qui ne sçache
que la fortune est changeante, et ne tient pas longtemps les choses de
monde en un mesme estat.
Après, il reprist en riant le discours de la Navarre pour me dire que s’il
falloit examiner les droictz de la couronne de France sur tout ce qu’elle
possède, ils se treuveroient tous semblables à ceux de l’Espagne sur la
Navarre, puisque les conquestes qui avoient esté faictes sur les Albigeois
n’estoient fondées que sur les bulles des papes. Je repartis que ce ne seroit
pas faciliter l’accommodement des différens présens que de remonter si
hault, que les justes prétentions de noz roys sur la Navarre sont réservées
par le dernier traicté, et qu’on ne doibt pas dire que cette réservation
expresse ayt esté accordée pour n’avoir aulcun effect. Que ceux de leur
party mesme ne treuvent aulcune raison pour l’Espagne à retenir ce
royaume. Qu’il sçavoit bien les scrupules que Charles V et Philippe II ont
euz sur cette usurpation en mourant, et les clauses qu’ils ont insérées dans
leurs testamens qui sont raportées par Sandoval
temps on s’estoit servy du prétexte de la religion pour n’en faire pas la
restitution lorsque les princes à qui ce royaume appartient estoient héréti-
cques , mais qu’à présent cette exception ne peult pas estre alléguée contre
nostre Roy qui est très bon catholique.
Il réplicqua que difficilement tumberions-nous d’accord sur cette préten-
tion et que pour conclusion luy ny ses collègues ne pouvoient pas parler
plus raisonnablement qu’en offrant comme ilz ont faict de faire ou la paix,
ou la trêve ou une suspension d’armes. Je luy respondis que la trêve et la
suspention ne faisant que différer la guerre et ne la finissant pas ne nous
mettroient en estat ny les uns ny les aultres de secourir la chrestienté selon
le besoin qu’elle en a. Que nous sommes icy pour faire un traicté durable
qui puisse asseurer le repos de chacun. Que ce n’est pas assez de dire qu’on
y est disposé sy on ne le tesmoigne par les effectz, que de nostre costé nous
sommes prestz d’exécuter noz offres et conclurre la paix sans rien deman-
der de nouveau. Mais que de leur costé ilz prétendent qu’on doibt faire des
changemens et des restitutions pour y parvenir qui font naistre toute la
difficulté. Qu’il nous seroit moins préjudiciable de perdre noz conquestes
par les armes que de les rendre volontiers à ceux qui détiennent encor au
Roy tant d’aultres Estatz. Que néantmoins les affaires ne sont pas grâces à
Dieu réduictes au poinct qu’on nous peut oster par force ce que nous
tenons, et que nous essayerons d’empescher que la chose n’arivast ny d’une
façon ny d’aultre.
Ce fut là où le discours finit, après quoy ledict Saavedra se retira. Comme je
l’accompagnois, et que nous fusmes arivez à la seconde salle, il me mena
encor contre une fenestre comme s’il eust eu intention de me dire quelque
secret, mais ce ne fut que pour recommencer son mesme discours. ‘Mais
quoy’, me dist-il, ‘ne ferons-nous point de paix, ne voulez-vous point faire
quelque ouverture plus raisonnable?’ Je repartis que l’unique moyen de
l’avancer estoit de traicter sur la proposition que nous avions faicte, et que
je l’asseurois confidemment qu’elle contient tout ce que nous pouvions
faire, sur quoy nous nous séparasmes. C’est tout ce que nous aurons le bien
de vous dire pour le présent.