Acta Pacis Westphlicae II B 1 : Die französischen Korrespondenzen, Band 1: 1644 / Ursula Irsigler unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy
158. d’Avaux an Servien Münster 1644 Juli 6
Münster 1644 Juli 6
Kopien: AE , CP All. 33 fol. 110–123’ = Druckvorlage = Beilage zu nr. 166; AE , CP
All. 37 fol. 269–277’, vermutlich Beilage zu nr. 160; AE , CP All. 29 fol. 300–316’; BN
F. fr. 17914 fol. 6–21. Druck: Nég. secr. I S. 77–82.
Zurückweisung der Anschuldigungen Serviens.
J’ay esté quelques jours en dessein de ne point respondre à vostre lettre ou
plustost à vos accusations. Il me sembloit qu’il n’estoit pas à propos pour
le service du Roy de verbaliser ainsi entre nous et faire un procès immortel
qui à la longue occuperoit la meilleure partie du temps que nous devons
tout entier aux affaires de Sa Majesté. Il vaut mieux, Monsieur, tourner tous
nos soins et toutes nos forces contre les Plénipotentiaires de l’Empereur et
du Roy d’Espagne que de nous attaquer l’un l’autre et nourrir par des
escritures une mésintelligence qui n’est desjà que trop grande.
Que si vous cherchés à justifier vostre conduitte et à blasmer la mienne, je
vous déclare, Monsieur, que s’il ne tient qu’à mon aveu et à ma confession,
vous estes très prudent en toutes choses et moy fort malavisé, vostre pré-
voyance est telle qu’il ne s’y peut rien adjouster et cette qualité me manque
extrêmement. Vous estes prompt et vigilant, et je condamne de bon cœur
mon esprit pesant et tardif qui ne se remue qu’à grand’peine. Vostre lettre
est toute employée à descrire ces avantages que vous avés sur moy et j’en
demeure d’accord très volontiers.
Vous prétendés aussi de monstrer par la mesme lettre que tout ce qui a mal
réussi en nostre négotiation et tout ce que nous avons laissé de bien à faire
me doit estre imputé. Mais pour cela vous m’excuserés si je n’en demeure
pas d’accord. Vous pouviés vous contenter d’avoir marqué les défauts de
mon jugement sans en vouloir encore trouver en ma volonté, je ne me
défends point de la première accusation, je m’en sents coupable et m’estonne
de la patience de ceux qui m’ont employé jusques icy. Mais de m’objecter
que je retarde les affaires du Roy, que j’ay éludé en beaucoup d’occasions
les diligences dont vous vouliés user très à propos, que si quelque chose a
esté avancée c’est après que vous avés protesté contre moy, la passion vous
a merveilleusement emporté en cet endroit et vous a dicté des termes trop
injurieux à un homme de bien. Un ministre si sage, si judicieux et si agissant
tel que vous vous représentés devoit un peu espargner son collègue en ce
qui touche la fidélité. Cependant vous prononcés hardiment que j’ay éludé
tout ce qui alloit au bien du service de Leurs Majestés, et ce mot vous semble
si ajusté à l’opinion que vous voulés donner de moy, que vous le répétés
en plusieurs endroits. Mais de crainte qu’il ne fust pas encore suffisant pour
bien exprimer mon crime, vous adjoustés que telles et telles affaires ont esté
éludées sans que vous en sçachiés la raison, et une autre fois sans que vous
en ayés peu descouvrir les mouvemens. Vous dittes en un autre article
qu’après m’avoir souvent proposé une chose qui pressoit et qui estoit de
grande importance aux intérests du Roy, vous ne pouvés deviner pourquoy
il n’y a encore rien de fait. Tout cela me charge de grands soupçons. Quand
vous avés escrit de cette sorte, vous vous persuadés que me voilà tout noir.
Néantmoins si vous prenés la peine de considérer la response que je fais à
chaque article de la lettre, c’est à dire à tous les chefs d’accusation dont il
vous a pleu m’honorer, vous trouverés que je ne suis pas si criminel ny
vous si innocent que vous voulés faire croire, et puisque c’est pour une
juste déffense de mon honneur à laquelle vous m’avés forcé, j’espère que
vous ne m’en voudrés point de mal.
1. Vous dittes qu’il y a des affaires qui demeurent en arrière faute d’y vouloir
prendre résolution. Me voilà d’abord en faute, et en faute de volonté où il
s’agit du service du Roy. Si vous dittes vray, je suis un mauvais homme.
2. Il vous souviendra aussi s’il vous plaist que je consentis dès lors à vostre
proposition. Je la fis aussitost à Monsieur le Baron de Rorté quoyqu’elle
eust esté plus séante en vostre bouche qu’en celle de son hoste. Vous avés
grand tort de dire que vous ne sçavés pas la raison qui l’a retardé icy, il
vous l’a tesmoigné beaucoup de fois et vous l’avés approuvée et nous en
avons escrit à la Cour. Cela est si véritable qu’il y a près de trois semaines
que vous m’envoyastes dire par le Sieur de Préfontaines que pour luy donner
moyen de s’en aller, il seroit à propos de luy avancer douze cens richedales
de nostre bourse en attendant les ordres de la Cour pour le payement des
appointemens qui luy sont deus. Je vous renvoiay sur le champ ledit Sieur
de Préfontaine avec consentement à vostre proposition. Alors vous chan-
geastes d’avis et me fistes cognestre par cette variation si soudaine que vous
n’aviés fait cette offre que pour sonder mon intention, affin que si par fortune
j’eusse fait difficulté de prester moitié de la somme, vous en eussiés aussitost
chargé vostre registre, et ce seroit aujourd’huy un bon chef d’accusation
qui vous manque, car il paroist par toutte vostre lettre qu’il y a long temps
que vous instruisés mon procès. Mais vous avés beau escrire et verbaliser,
je n’estois pas plus tenu que vous à paier de ma bourse à Monsieur de Rorté
une partie de ses appointemens, et néantmoins quand vous m’avés escrit,
il y avoit desjà dix jours que je m’estois obligé pour luy envers un marchand
pour la somme de douze cens richedales moyennant quoy il est retourné à
Osnabrug. Jugés si j’ay péché et si vous avés droit de m’accuser, vous qui
avés mieux aimé retarder les affaires du Roy au moins selon vostre opinion
que d’avancer six cens richedales comme vous aviés vous mesmes offert.
Mais je ne voy pas que les Ambassadeurs de Suède se soient plaints du séjour
dudit Sieur de Rorté en cette ville, bien moins qu’ils en ayent fait quelque
mauvais jugement comme vous supposés. Le Résident qui est icy ne nous
a fait aucune instance de le renvoyer à Osnabrug, Monsieur Salvius en
quatre ou cinq conférences que nous avons eues avec luy n’en a pas touché
un seul mot, et la lettre de Monsieur Oxenstiern ne dit autre chose sinon
que sa présence y sera désormais nécessaire
Vgl. [ S. 296 Anm. 2. ]
mauvais jugement de son séjour auprès de nous? Par là on peut connoistre
vostre naturel et comme vous amplifiés les choses où vous ne m’appellés
pas à tesmoin, puisque mesme en vous adressant à moy, vous parlés d’une
lettre qui m’a esté escrite tout autrement qu’elle n’est.
Au reste, la présence de Monsieur de Rorté ne pouvoit estre nécessaire en
un lieu où il n’y a eu aucune négotiation. Je passe outre et vous dis que son
absence a esté cause que Monsieur Salvius est venu icy nous trouver et que
les Ambassadeurs de Suède ont rendu au Roy la déférence toute entière,
eux qui auparavant ne vouloient quasi pas faire la moitié du chemin et qui
ont contesté longtemps sur les moindres cérémonies. Mais ils estoient pressés
d’avoir l’assistance d’argent que la France leur donne, et c’est pour cela que
Monsieur Oxenstiern demandoit un homme auquel il en peust parler et
tesmoigner le ressentiment qu’il a des difficultés qu’on y apporte, car il y a
desjà du temps qu’ils en sont advertis par lettres de Paris et d’Hambourg.
Je dis ces choses comme elles sont pour la justification dudit Sieur de Rorté,
lequel vous taxés quant et moy et qui est pourtant un très homme de bien
qui a tousjours servi dignement le Roy sinon peut estre depuis qu’il est en
partie sous vostre charge. Car il n’y a plus que vous en Allemagne qui
serviés bien: Ceux qui en sçavent la langue et les affaires et qui y travaillent
depuis dix ou douze ans ne sont plus que des escoliers devant vous. Monsieur
de Beauregar[d] ne vous plaist point, vous en parlés avec un geste desdaig-
neux que je ne voudrois pas qu’il eust veu. Vous ne sçauriés bien dire de
Monsieur d’Avaugour ny de Monsieur de Meulles, et vous sçavés jusques
où vous vous estes emporté contre eux. Vous m’avés plusieurs fois tasté le
poulz sur la Résidence d’Osnabrug pour la donner à un autre. Enfin vous
en voulés aux vieux serviteurs du Roy et à ceux qui ont aquis quelque
créance en ces pais cy. Il n’y a que le seul Monsieur de Saint Romain qui
est eschappé à vostre censure. J’avoue qu’il vous a contraint de dire bien
de luy. Mais vous m’avouerés aussi que vous m’avés voulu persuader qu’il
faudroit l’envoyer en Portugal et que c’estoit une honte d’y employer Mon-
sieur Lanier
qu’il feroit cecy et cela. Vous m’avouerés que vous estes revenu à la charge
par plusieurs fois, car je n’osois vous dire alors l’absurdité de cette proposi-
tion , et encore à présent ne veux je pas croire que vous la fissiés pour vostre
intérest particulier contre l’intérest de la France.
3. Il est vray, je me souviens que vous proposastes de fort bonnes choses
comme un homme très entendu aux intérestz de la Suède et du Dannemarck,
et que je ne peus rien dire qui vaille. Je ne m’oppose point à cette créance,
vous la pouvés establir de mon consentement. Passés vous seulement de
dire que j’ay éludé vos propositions sans que vous en ayés peu descouvrir
les mouvemens, je vous promets que je n’ay point d’intelligence avec les
ennemis de l’Estat. Mais ce n’est pas merveille si vous ignorés les mouve-
mens d’une chose qui ne fut jamais. J’ay bien plus visité et sollicité le Rési-
dent de Dannemarck que vous n’avés fait, et il peut tesmoigner si je l’ay
pressé d’agir et d’escrire. Je me souviens mesme qu’il demeura pour une
fois deux bonnes heures avec moy en vostre présence et en celle de Monsieur
de La Thuillerie sans que jamais vous ouvrissiés la bouche pour m’ayder à
luy faire veoir l’avantage qu’auroit le Roy son maistre de terminer prompte-
ment ce différend. Je suis pourtant obligé de reconnoistre que vous m’avés
tousjours fort bien secondé dans les conférences avec les députés de Mes-
sieurs les Estats et autres semblables.
Vous m’imputés en cet endroit le long séjour que nous avons fait en Hol-
lande , je suis cause que nous avons perdu deux mois de temps. Voilà qui
est bien, vous avés pourtant escrit à la Cour que sur le sujet des traittés que
nous avons conclus en Hollande Monsieur l’Ambassadeur de Venise vous
a dit que c’est un coup de maistre et qui estoit de grande conséquence pour
la négotiation de la paix. Voilà qui est encore plus excellent. Vous rendés
une mesme action bonne et mauvaise, et ce qu’il y a de bien, vous y prenés
part et ne manqués pas de l’estaller, et ce qu’il y a de mal, je l’ay fait tout seul.
Enfin ces gens si actifs et si diligens sont arrivés icy trois semaines après
les autres.
4. Qu’est il besoin d’alléguer ny vos lettres escrites à la Cour ny Monsieur
de La Thuillerie (au tesmoignage duquel je me soumets très volontiers),
puisque la principale question qui est entre vous et moy sur ce sujet se trouve
décidée icy par vostre propre bouche. Si la harangue en faveur des Catho-
liques a esté faitte sans que vous y ayés consenti, pourquoy vous reproche-
t -elle secrètement en cette occasion que vous m’avés rendu trop de déférence
comme vous dittes à la fin de vostre lettre? Or, si c’est par déférence que
vous avés esté de l’avis de Monsieur de La Thuillerie et du mien, je n’ay
peu le deviner, et je vous estime trop pour vous croire capable d’une telle
foiblesse. D’ailleurs il me semble que vous n’aviés pas tant de bonne volonté
pour moy que de manquer au service de la Reyne et de trahir vostre propre
sentiment pour me complaire. Cela ne sera pas vraysemblable à ceux qui
sçauront comme nous vivions ensemble. Vous auriés quasi aussi bien fait
de persister en vostre premier désaveu et de maintenir constamment que
vous n’avés point eu de part à ce conseil, quand mesmes il n’auroit tenu qu’à
desdire Monsieur de La Thuillerie avec moy. Car cette contrariété qui paroist
en vos dépositions les affoiblit extrêmement. Mais il n’y a pas tant de quoy
s’estonner puisque vous avés mesmes eu l’asseurance de désavouer une
despêche que vous avés signée avec nous deux . Vous sçavés toutefois que
je ne la fis pas, ce fut Monsieur de La Thuillerie, et que vous la corrigeastes
à deux diverses fois. La minute fera veoir cette vérité. Monsieur de La
Thuillerie avoit mis trois ou quatre lignes pour tesmoigner à la Reyne que
si Sa Majesté avoit agréable de se plaindre de la response de Messieurs les
Estats, les Catholiques en recevroient quelque meilleur traittement. Vous
fistes raier cet article. Monsieur de La Thuillerie le remet à la marge en
autres termes plus convenables à vostre volonté et avec un peut estre. Vous
respondistes que vous ne le pouviés encores approuver de cette sorte si ce
n’est que ces mots fussent adjoustés: ainsy que deux d’entre nous estiment.
Nous jugeasmes plus à propos de vous céder que d’user de ces termes qui
auroient marqué de la division, l’article fut raié tout à fait, et la despêche
estant alors selon vostre gré, nous la signasmes tous trois. Estes vous
recevable après cella à mander sous main que vous l’avés signée par civilité,
ces contrelettres là sont elles dignes de vous et de la profession d’honneur
que vous faittes?
5. La lettre circulaire vous a esté communiquée, j’y ay changé et retranché
plusieurs choses suivant vostre advis. Si je ne l’ay pas observé punctuelle-
ment en tout, j’ay creu avoir droit d’y opiner aussi bien que vous. Les
Impériaux ne s’attachent point aux paroles comme vous m’objectés, vous
n’avés pas veu la plainte qu’ils en ont faitte à la diètte de Francfort, et je
fais travailler à la traduction pour vous l’envoyer. Aussi est il vray que les
termes de nostre lettre sont assés mesurés et que le mot de tirannie, d’ ambi-
tion ny mesme d’usurpation n’y sont pas emploiés. Mais quel meilleur effet
en pouvoit on attendre, sinon qu’elle pleust aux alliés de la France et à tous
les Princes d’Allemagne qui sont neutres et qu’elle dépleust à nos ennemis?
Les Ambassadeurs de Suède en ont parlé et escrit avec applaudissement et
en ont envoié eux mesmes des copies en plusieurs endroits. Madame la Land-
grave l’a approuvée et fortifiée par une grande despêche qu’elle a faitte à
l’assemblée de Francfort. Si ce que j’ay escrit a préjudicié aux affaires du
Roy comme vous me faittes l’honneur de me mander, cette fidèlle alliée de
Sa Majesté et tout son Conseil qui entend un peu les affaires d’Allemagne
a notablement augmenté ce préjudice. Vous sçavés qu’hier Monsieur Con-
tareni vous dit que les Impériaux en sont plus irrités contre elle que contre
nous. Il ne vous reste donc plus que de corriger aussi la lettre de Madame
la Langrave et de la blasmer comme vous faittes la mienne. Quand aux autres
Princes et aux villes impériales qui ne sont pas en guerre ouverte contre la
France, nous en avons des responses très civiles et qui marquent une grande
satisfaction de nostre lettre, le Duc Frideric de Brunsvic, le Duc Christian
Louis de Lunebourg, le Duc de Mekelbourg, l’Archevesque de Brème
Friedrich von Braunschweig-Lüneburg, 1574–1648, Herzog seit 1636. Christian Ludwig von
Braunschweig-Lüneburg-Kalenberg, 1622–1655, folgt zu Kalenberg 1641. Adolf Friedrich I. von
Mecklenburg-Schwerin, 1588–1658, Herzog seit 1592. Friedrich Prinz von Dänemark, seit
1634 Administrator des Erzstifts Bremen.
les villes de Lubec, Hambourg, Brême, Strasbourg. Et ce n’est pas tout, il en
viendra d’autres. Vous sçavés outre cella que deux Princes eclésiastiques qui
sont l’Archevesque de Saltzbourg et l’Evesque de Bamberg
agrée la mesme lettre circulaire qu’ils en sont en disgrâce à Vienne. Vous
pourries maintenant examiner avec plus de justice si eux qui sont vassaux
de l’Empire n’ont point plus failli en approuvant ce que j’ay escrit que moy en
l’escrivant. Mais que dires vous du Duc de Mekelbourg, lequel après de
grans remerciments au Roy proteste vix laetius quicquam universae Ger-
maniae dici aut scribi posse. Si un Prince neutre, bien esloigné de la France
et qui est en possession d’un grand Estat nous escrit de la sorte, un Ambassa-
deur du Roy si zélé et si intelligent que vous estes, peut il blasmer son collè-
gue d’avoir escrit la mesme chose et d’avoir concilié à Sa Majesté l’affection
de tant de Princes et de grandes villes? Et pouvions nous donner un plus
glorieux commancement au traitté de paix que par une telle déclaration des
saintes et généreuses intentions de la Reyne? Vous manqués bien de matière
pour me reprendre, puisque vous vous offensés du meilleur service que j’aye
rendu à la France depuis longtemps. Vous me contraignés de dire cella pour
ma déffense et que je voudrois bien voir que vous eussiés entrepris de mieux
faire. Enfin cette lettre qui ne vous a pas satisfait non plus qu’à l’Empereur
a satisfait à la Reyne et à Monseigneur le Cardinal et à tous Messieurs les
ministres. S’il vous est permis de contredire vostre compagnon, il ne vous
appartient pas de censurer vos maistres.
6. Vous avés voulu cy devant envoier Monsieur le Duc Roderic de Virtem-
berg à Stockolm pour éviter une jalousie que vous avés tousjours imaginée
tout seul, car Monsieur de La Thuillerie et moy avons creu que son passage
par Osnabrug et de là vers Monsieur Torstenson rend le premier honneur
de cette ambassade à la Couronne de Suède et la met hors d’intérest de ce
costé là. Vous n’avés pas laissé de revenir tousjours à vostre sentiment et
de dire que si ledit Sieur Duc alloit en Suède avec une lettre du Roy pendant
que Monsieur de La Thuillerie est en Dannemarck, ce seroit un bon moien
de faire cesser cette plainte que vous apprehendés et que la dignité d’un
Prince honoroit autant la Suède que celle d’un Ambassadeur du Roy honore
le Dannemarck. Je suis merri de vous voir raisonner de cette sorte, car c’est
ainsi que vous en avés escrit depuis peu à Monsieur de La Thuillerie. Pour
moy, vous sçavés et nos lettres en font foy que j’ay douté premièrement s’il
est utile que le nom de Sa Majesté paroisse en d’autres mains qu’en celles
de Monsieur de La Thuillerie, et s’il ne vaut pas mieux que le Duc Roderic
agisse par la seule créance qu’il dit avoir dans la Cour de Dannemarck et
qu’il donne avis à Monsieur de La Thuillerie de ce qu’il y pourra pénétrer;
car autrement s’il y paroist avec charge de Sa Majesté, l’on sera en garde
avec luy et il ne pourra plus servir que d’un adjoint peu utile et peut estre
bien incommode audit Sieur de La Thuillerie. Vous sçavés aussi que je vous
ay remonstré comme par un mémoire qu’il nous donna en arrivant il dit
avoir receu lettres du Prince de Dannemarck par lesquelles il tesmoigne que
le Roy son père désiroit l’entremise dudit Sieur Duc Roderic dans les
différends survenus entre luy et la Couronne de Suède, ne pouvant estre
suspect ny aux uns ny aux autres. Ce sont les termes de ce mémoire qui ont
augmenté le peu d’opinion que j’avois de son expérience au maniment des
affaires. Je vous ay dit sur quoy elle estoit fondée et que j’avois souvent
veu ce jeune Prince en Allemagne sans avoir remarqué qu’il y fust en quelque
considération sinon pour sa valeur et son courage. Mais comme vous
demeurés attaché à vostre sens après avoir agrée et mesmes loué l’ouverture
que je fis de remettre cette affaire à Monsieur de La Thuillerie et luy avoir
mandé nos avis et nos raisons par une despêche du 21 du mois passé
Die Kopie eines Teiles als Beilage zu [ nr. 166. ] Ein ebenfalls unvollständiges Konzept Serviens in
AE , CP All. 29 fol. 156–157’.
que vous en parlés encore comme d’une chose indécise et dites que j’ay
éludé vostre proposition par divers délays. Vous pourries dire avec vérité
que j’ay esté d’advis différent et que vous n’y voulant pas acquiesser, l’affaire
a esté différée jusques à ce que je vous ay proposé l’expédient cy dessus
lequel vous trouvastes fort bon, et à tel point que vous en tesmoignastes
de la joye vous voyant hors de la nécessité de déférer à mon premier avis.
Mais vous estes tombé dans un autre inconvénient plus fascheux, vous avés
eu le déplaisir de voir comme Monsieur Salvius nous a parlé avec raillerie
et mespris de ce dessein d’envoier un tel homme en Suède. Il nous demanda
avec un visage riant si c’estoit tout de bon que nous voulions que le Duc
Roderic de Virtemberg allast Ambassadeur en Suède, car estant à Osnabrug
il avoit dit à ces Messieurs que c’estoit nostre pensée. Vous respondistes
aussitost que nous n’avions pas eu intention de l’y envoier comme Ambas-
sadeur et touchastes les raisons qui nous avoient fait croire qu’il y seroit
propre pour un compliment. Monsieur Salvius secoua la teste et vous fit
entendre à bouche ouverte que cet envoy seroit fort inutile. Je pris lors la
parole pour vous aider à sortir de ce mauvais passage et représentay que
ledit Sieur Duc nous a escrit d’Osnabrug que Messieurs les Ambassadeurs
de Suède avoient trouvé à propos aussi bien que nous qu’il allast à Stok-
holm , et mesmes avec tesmoignage qu’il y seroit le bien venu pour des
raisons publiques et particulières. Monsieur Salvius respondit si fort à son
désavantage qu’il n’est pas besoin d’en faire mention en cet endroit. Vous
ne laissastes pas de suivre tousjours vostre pointe, vous répliquastes avec
esmotion que nous avions creu rendre honeur à la Couronne de Suède, et
lors Monsieur Salvius dit en s’adoucissant: bien bien, je ne doute pas qu’il
ne soit capable de cet employ et qu’il ne soit le bienvenu en Suède; cella luy
vaudra au moins un présent, il est pauvre Prince. Là finit ce discours avec
une grande confusion qui parut sur vostre visage, je m’en rapporte à Mon-
sieur de Rorté qui estoit présent.
7. J’ay mis en question parmy beaucoup d’autres choses s’il seroit à propos
de faire réformer nostre pouvoir pour gaigner temps, et après y avoir pensé
plus meurement il m’a semblé que ce seroit une chose superflue sans en
avoir concerté avec nos parties ny avec nos Médiateurs. Je vous ay fait
cette difficulté, et vous ne l’avés point improuvée ny combattue par aucune
raison contraire. Si ce que j’ay dit une fois en cherchant avec vous les moiens
d’avancer le service du Roy et vous communiquant mes pensées au moment
qu’elles naissent ne peut plus estre changé et que cella vous serve de mémoi-
res pour m’accuser, je ne sçais pas comme il faut agir avec vous. Au fonds,
si vous aviés insisté que le pouvoir fust réformé, j’y aurois consenti fort
facilement, et mesmes je vous le dis dernièrement et que s’il arrivoit qu’il y
fallust toucher pour la troisiesme fois, Monsieur le Comte de Brienne pren-
droit volontiers la peine de le signer et Monsieur le Chancelier de le sceller.
Là dessus vous ne distes ny oui ny non comme vous faittes fort souvent.
8. Il n’y a eu autre retardement que celuy qui a procédé de la forme en
laquelle vous aviés dressé cette déclaration et de la peine que j’ay eue à vous
en faire agréer une meilleure. Il ne faut que voir l’une et l’autre pour en
juger, vous aviés chopé dès le premier mot en commençant de cette sorte:
Messieurs les Ambassadeurs du Roy déclarent. Je n’ay pas creu que la
décence nous permist de nous appeller Messieurs en parlant de nous. Mais
il y avoit bien d’autres défautz. Vous disiés ensuitte qu’aians appris que les
Ambassadeurs de l’Empereur et du Roy Catholique, après avoir arresté la
négotiation de la paix à Osnabrug par le refus de communiquer leurs pou-
voirs aux Ambassadeurs de Suède, taschent de faire croire qu’il y a des
défautz dans les nostres affin de nous imputer une partie du retardement,
nous déclarons etc. Si cella fust demeuré de la sorte nous nous estions ex-
posés à un bon et légitime contredit qui auroit affoibli la justice de nostre
cause; car la vérité est telle que les difficultés sur nostre pouvoir avoient
esté faittes icy et qu’on nous les avoit bien marquées avant qu’on eust fait
aucun refus à Osnabrug touchant la communication nécessaire. Ainsi les
Plénipotentiaires de l’Empereur et d’Espagne (que vous ne deviés pas qua-
lifier Ambassadeurs) auroient eu lieu de répliquer avec raison et avec l’ appro-
bation de Messieurs les Médiateurs que nous leur aurions imposé quelque
chose, comme s’ils n’avoient prétendu la réformation de nostre pouvoir
qu’après avoir refusé de communiquer le leur aux Ambassadeurs de Suède
et pour chercher un prétexte de soustenir ce refus. J’entens bien que cella
les rendoit plus odieux, mais ils s’en seroient bientost desmêlés à nostre
honte, et il ne faut pas ce me semble que nous traittions avec ces Messieurs
comme vous faittes avec moy, vous estes un peu trop accoustumé à dire les
choses avec avantage.
Le troisiesme défaut plus important que les autres estoit que cette déclaration
se faisant pour rejetter sur les ennemis tout le blasme du retardement de la
paix, vous y demandiés des choses très capables de nous descrier par toute
l’Allemagne et les mettiés pour une condition nécessaire si l’on vouloit que
nostre pouvoir fust réformé.
La première estoit que la qualité d’Ambassadeur fust donnée aux Impériaux
et aux Espagnols ou qu’ils n’en eussent pas le rang et le titre. Premièrement,
ils en sont en possession avec Monsieur le Nunce, avec Monsieur l’ Ambassa-
deur de Venise et avec nous mesmes. Si vous allégués l’erreur, vous venés
à perdre les avantages que nous avons eus avec eux lesquels méritent bien
d’estre conservés. D’ailleurs lesdits Sieurs Nunce et Ambassadeur de Venise
ne changeront pas leur manière d’agir avec eux. Item toute la ville et toute
l’Allemagne se soulèveroit contre nous si nous voulions précéder le Comte
de Nassau. Cela nous concilieroit une estrange envie et seroit un mauvais
moien de faire la paix. Au fonds, nous ne sçaurions prétendre avec raison
que l’Empereur donne cette qualité à ses ministres, il est obligé seulement
par le traitté préliminaire d’envoyer icy des Plénipotentiaires. Il est dit la
mesme chose pour le regard de la France, et partant il seroit bien meilleur
puisqu’il nous faut une autre procuration que nous y fussions seulement
nommés Plénipotentiaires du Roy. Pour moy je m’en tiendrois très honoré
et il est certain qu’on éviteroit beaucoup d’embarras, car si nous voulons
tirer quelque avantage du titre d’Ambassadeurs contre les Impériaux et
Espagnols, ils nous paieront du traitté préliminaire que nous leur opposons
à toute heure. Je vous l’ay représenté plusieurs fois et que nous pourrions
nous contenter de la qualité que les autres députés auront. Mais cella ne
vous satisfait pas, et vous m’avés respondu fièrement que vous ne voulés
pas estre dégradé. Tant y a que de se plaindre que l’Empereur et le Roy
d’Espagne n’ont envoyé icy que des Plénipotentiaires et vouloir qu’ils y
adjoustent une qualité non nécessaire et laquelle mesmes ne fut jamais donnée
pour de semblables conférences, ou bien que les Plénipotentiaires de l’ Em-
pereur marchent après nous, cella n’est nullement plausible, et s’il eust esté
inséré dans la déclaration comme vous le vouliés à toute force, elle nous
eust causé plus de mal que de bien.
La seconde condition que vous y aviés apposée estoit que tous les Estats
qui n’appartiennent point à l’Empereur et au Roy Catholique ou desquels
ils ne sont pas présentement en possession, ne soient point exprimés dans
les pouvoirs qu’ils donneront à leurs députés. Ce sont les propres termes
de vostre déclaration, il n’y a ny plus ny moins. Je m’estonne que ce sage
et judicieux Ambassadeur pour lequel vous vous donnés ose me reprendre
de ce que j’ay fait difficulté de signer une telle pièce et me reproche le temps
qu’il a fallu pour le rendre capable du changement que j’y ay apporté. Nous
eussions mis tout le monde contre nous et eussions donné beau jeu aux
ennemis de nous calomnier, si par le mesme acte par lequel nous protestons
de faire cesser de nostre part jusques aux moindres prétextes qu’ils vou-
droient prendre pour arrester la négotiation de la paix, nous eussions déclaré
estre prests de faire changer la forme de nostre pouvoir pourveu que le
Roy d’Espagne ne se nomme plus Roy de Navarre ny de Portugal. Il suffira
comme je vous ay dit avoir veu pratiquer entre la Pologne et la Suède,
qu’au commencement de la négotiation nous déclarions aux Médiateurs que
les qualités prises de part et d’autre ne pourront aquérir aucun droit. Et pour
vous faire voir d’abondant combien vous vous mescontiés, les passeports
que nous avons de l’Empereur et la ratification du traitté préliminaire faitte
par le Roy d’Espagne portent les mesmes titres que vous voulés estre
supprimés dans les procurations qu’ils donneront pour traitter la paix. Ces
pièces là ont esté veues et agréés au Conseil du Roy, que s’il les faut aussi
corriger et en avoir d’autres après les avoir receues, considérés s’il vous
plaist où cella va et quelle opinion l’on auroit de la France. Permettés moy
donc de vous dire que je n’ay pas mérité vostre répréhension pour vous avoir
monstré un meilleur chemin que celuy que vous aviés pris pour parvenir
à la justification de nostre conduitte au fait de la paix.
9. Si vous m’avés parlé six fois de la négotiation qui est à faire en Hollande
touchant le rang de leurs Ambassadeurs, j’ay approuvé six fois ce que vous
m’en avés dit, et assés souvent je vous ay pressé d’y envoier quelqu’un.
Il est bien injuste que vous m’imputiés le retardement d’une affaire où je
n’ay fait aucune difficulté et dont l’exécution dépend de vostre plume. Vous
me chargés bien à vostre aise de tout le mal et de toutes vos negligences.
10. Quand au retour de Monsieur Torstenson en Allemagne et la remon-
strance à faire aux Ambassadeurs de Suède touchant le secours d’argent, je
m’y suis emploié conjointement avec vous. Et de plus je l’ay recommandé
avec soin à Monsieur d’Avaugour par celuy qu’il nous dépêcha. Nous luy
en avons escrit plusieurs fois, nous en avons prié Monsieur de La Thuillerie,
et s’il reste quelque chose à faire, dittes moy quelle voie vous y tenés propre
et je la suivray très volontiers. Pour ce qui est de l’assistence d’argent, j’en
ay parlé fort et ferme à Monsieur Salvius, vous y estiés présent et avés veu
qu’enfin il répartit que cella pourroit estre mal expliqué par la Couronne
de Suède.
11. En cet article vous me proposés ce que je vous ay desjà proposé. Vous
me rendés mes paroles. Il y a plus de trois mois que je vous ay prié et pressé
de régler nos heures, et vous avés trouvé bon d’emploier le lundy et le jeudy
pour concerter les despêches sans préjudice des autres affaires où tous les
jours et toutes les heures sont bonnes. Mais vous n’avés tenu ny l’un ny
l’autre, et en un mot, hors ce qui paroist à la Cour, je ne vous vois en aucun
soin pour ce qui va en Allemagne, en Suède, en Italie et ailleurs, quoyque
ces correspondances seroient pourtant très utiles si elles estoient bien cul-
tivées . Il y a près de deux mois que nous avons receu deux lettres de la
Reyne de Suède, dont l’une est si importante à nostre négotiation que nous
avons donné copie de quelques articles à Monsieur Contareni. Je vous
demanderois volontiers pourquoy toutes les deux lettres demeurent sans
response et vous puis bien asseurer que si vostre impatience ne m’avoit pas
arraché la plume des mains, j’y aurois satisfait il y a longtemps et entre-
tiendrois ce commerce. Que s’il vous plaist de vous soulager de ce travail,
je m’y offre de bon cœur, mais je ne prendrois pas plaisir qu’après en avoir
conféré ensemble vous vinssiés encore à me censurer et pontiller sur tout.
12. J’en suis demeuré d’accord dès La Haye, il n’estoit pas besoin de le
répéter, j’y consens de nouveau.
13. Toutes les précautions qu’on peut apporter pour la conservation de la
vérité sont louables, mais je désirerois une explication plus ample sur ce
point. Aurons nous tousjours un greffier présent pour escrire mot à mot ce
que nous dirons quand nous traitterons d’affaires d’importance, et nous n’en
aurons guères qui ne soient de cette nature. Cella feroit une chicane de
toutes nos conférences et ce ne seroit jamais fait.
Que si vous entendés comme il le semble par la suitte de vostre raisonnement
que tout se passe désormais par escrit et que nous n’ayons point ou peu
d’entreveues, il en arriveroit de grands préjudices au service du Roy.
En premier lieu, pensés vous que la Reyne trouve bon que des gens qui
doivent à toutes heures et à tous momens si le cas y eschet conférer, parler
respondre, consulter ensemble amiablement et fraternellement, se soient
réduits à s’expliquer l’un à l’autre comme ils s’expliqueroient aux députés
du parti contraire, que ceux dont la concorde et la bonne intelligence devroit
estre l’image de la paix qu’ils traittent ne puissent parler ensemble sans se
picoter ou se quereller? Estimés vous que les affaires de Leurs Majestés
n’en receussent point de dommage dans le retardement que cette méthode
apporteroit? Vous faittes parade de vostre vigilance dans la lettre que vous
m’avés escritte, mais icy elle s’endort et sommeille un peu. Ce n’est pas le
moien d’abréger les affaires que de traitter par escrit entre nous, c’est les
jetter dans des longueurs inévitables. Je sçais que vous escrivés avec grande
facilité, mais j’ay l’esprit pesant et tardif comme je vous ay desjà avoué, je
vous donnerois beaucoup de peine et j’exercerois trop vostre patience. En
un mot, vous sçavés qu’on expédiera plus de vive voix en un quart d’heure
qu’on ne sçauroit faire dans un escrit de six heures. Et de plus, si vous doutés
de quelque chose, vostre interprète est tout présent là où une lettre est
muette, sur la moindre difficulté il en faut une seconde.
Après cella, tant s’en faut que cette manière d’agir empesche l’aigreur qui
se trouve dans les conférences verbales, qu’elle la peut irriter davantage.
Le moindre mot, le moindre trait de plume un peu hardi paroist bien plus
offensant sur le papier que plusieurs paroles altières ou passionnées. On
pardonne à la promptitude, la lettre tient de la méditation et du guet à pens.
D’ailleurs, une lettre ou un mémorial ne rougit point, et au contraire le
respect de la personne présente nous retient. Pour moy, Monsieur, je con-
fesse que je vous ay dit des choses avec douceur et civilité lesquelles je vous
aurois escrit plus seichement et plus ferme, et peut estre en est il ainsy de
cette lettre mesme. Vous avoués qu’il n’en est pas de mesme de vous et que
la franchise de vostre naturel vous emporte quelquefois. Je n’empesche pas
que vous ne donniés un nom bien doux à une passion qui est quelquefois bien
violente, mais je vous déclare sincèrement que j’aymerois mieux en souffrir
comme j’ay desjà fait que de tomber dans un inconvénient dont la suitte
nous seroit si honteuse et si nuisible au service de Leurs Majestés.
C’est ce que je respondray pour cette fois à la lettre par laquelle vous m’avés
provoqué et maltraitté sans aucun sujet, vous asseurant que je n’ay eu inten-
tion que de parer aux coups, et que de ma part cella ne troublera point
l’amitié qui doit estre entre vous et moy, puisqu’elle n’oblige point nostre
jugement mais seulement nostre volonté.