Acta Pacis Westphalicae II B 3,2 : Die französischen Korrespondenzen, Band 3, 2. Teil: 1646 / Elke Jarnut und Rita Bohlen unter Benutzung der Vorarbeiten von Kriemhild Goronzy mit einer Einleitung und einem Anhang von Franz Bosbach
270. Memorandum Serviens für Lionne [Münster 1646 Mai 14]

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Memorandum Serviens für Lionne


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[Münster 1646 Mai 14]

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Undatiertes Konzept

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Datum nach Inhalt und Aktenzusammenhang, bestätigt durch [ nr. 295 ] .
, größtenteils eigenhändig: AE , CP All. 76 fol. 360–367 = Druck-
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vorlage
.

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Schwierige Verhandlungsposition der Gesandten, in Reichsangelegenheiten: Einstellung von Ka-
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tholiken und Protestanten zu Frankreich; Schürung des Widerstands der Katholiken gegen die
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kaiserliche Konzessionsbereitschaft gegenüber den Protestanten; Avancen gegenüber Brandenburg
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und Pfalz; Einschüchterung Bayerns. In den spanischen Angelegenheiten: Unzuverlässigkeit der
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Generalstaaten; Reserviertheit ihrer Vertreter; ihr Interesse an Separatverhandlungen mit Spa-
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nien ; Konsequenzen für die französischen Verhandlungen; Desinteresse Hollands an den spani-
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schen und italienischen Streitfragen; Verdächtigungen gegen Frankreich; Schwäche des Prinzen
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von Oranien; Absichten der Prinzessin von Oranien; Umtriebe der Spanier. Verbindung König –
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Kaisertochter. Erklärung über die Standhaftigkeit und Allianztreue Frankreichs. Möglichkeiten
15
im Fall holländischer Einigung mit Spanien bzw. schwedischer Einigung mit dem Kaiser. Emp-
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fehlung , den 9. Artikel zuzugestehen.

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Il y a longtemps que nous aurions conclud la paix de l’Empyre s’il n’y avoit
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point icy de ministre d’Espagne. Sy Son Eminence sçavoit la perpétuelle ac-
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tion où il nous fault estre et les divers personnages que nous sommes obligez
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de jouer, j’oze croire qu’elle auroit quelque satisfaction de nostre conduicte.
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Nous n’avons pas tant de peine de remédier aux divers préjudices qu’on nous
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voudroit faire dans cette négotiation, comme à composer les remèdes en sorte
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qu’agissans d’un costé ilz ne gastent rien de l’aultre. Dans les affaires de l’ Em-
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pire , nous sommes esclairez des catholicques et des protestans, nous sommes
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intéressez de créance et de charité avec les premiers et uniz par intérest d’ Es-
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tat avec les aultres. Les premiers ont certainement plus d’inclination dans
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l’âme pour nous quoyqu’ilz se plaignent chaque jour que les maux qu’ilz
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souffrent viennent principalement de la France. Mais dans la conjuncture pré-
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sente il seroit périlleux de faire fondement sur leur amitié parce qu’ilz sont
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ordinairement entraisnez par les Impériaux, et ceux-cy par les Espagnolz
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quoyque bien souvent contre le gré des uns et des aultres. Les protestans re-
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cognoissent bien que la France leur est un appuy nécessaire et qui fortiffieroit
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trop notablement le party contraire si elle se rangeoit de son costé. Mais ilz
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ont peu de bonne volonté pour nous dans leur cœur, ilz considèrent les Sué-
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dois comme leurs véritables protecteurs, et ne souhaitteroient pas que la
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France s’accrust dans l’Allemagne, jugeant très bien qu’un jour ce sera une
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assistance nouvelle contre eux pour les catholiques dans les premières divi-
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sions qui naistront entre les deux partis. Je ne doubte point qu’ilz ne s’ oppo-
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sassent à la satisfaction que nous demandons s’ilz ozoient, et s’ilz ne crai-

[p. 937] [scan. 267]


1
gnoient que leur opposition nous obligeast de nous unir aux catholicques, et
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d’empescher par ce moyen toutes les nouveautez qu’ilz veullent extorquer
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d’eux. Nous taschons de nous prévalloir le mieux qui nous est possible des
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divers mouvemens des uns et des aultres pour en tirer l’advantage du Roy
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dans ce traicté. Les Espagnolz par leur zèle ordinaire envers la religion por-
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tent les Impériaux à contenter aveuglément les Suédois et les protestans affin
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que nous demeurions en arrière. Desjà ceux-cy auroient tout ce qu’ilz ont
8
demandé sy le comte de Trautmandorff en estoit cru, mais les catholiques
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sont mal satisfaitz de luy et résistent à ce qu’il voudroit faire. Nous treuvons
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moyen sans paroistre de fomenter leur mescontentement et fortiffier leur ré-
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sistance affin de ne laisser pas réduire les affaires au point que la seule satis-
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faction du Roy arreste la paix. Trautmandorff estoit venu icy pour les faire
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consentir à tout ce qu’il a envie d’accorder aux aultres. Mais nous avons faict
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toucher au doigt aux principaux des catholicques qu’ilz se feroient préjudice
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de se relascher avant qu’estre asseurez d’avoir la paix, et par conséquent avant
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que l’on soit d’accord avec nous pour la satisfaction du Roy, les ayant asseu-
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rés que nous continuerons la guerre tout seuls plustost que de rendre Brisac et
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leur ayant fait comprendre l’intérest qu’ils ont que cette place nous demeure
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pour nous intéresser plus avant dans les affaires de l’Empyre, aujourd’huy que
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la puissance des protestants est si notablement acrue par l’acquisition que
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font les Suédois de diverses provinces dans l’Allemagne. Ilz ont esté fort tou-
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chez de cette considération sur l’espérance qu’on leur a laissé prendre que
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lorsque la France sera satisfaicte aussy bien que la Suède nous pourrons parler
24
plus hardiment en leur faveur, et peult-estre les garentir de beaucoup de cho-
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ses qu’on veult aujourd’huy exiger d’eulx par violence à cause que nous n’ o-
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zons dire mot, et que le mauvais traictement que nous recevons des Impé-
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riaux ne nous permet pas de résister à nos amis pour les empescher de rece-
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voir ce qu’on leur offre.

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Nous avons en mesme temps faict sçavoir aux députez du Palatin et de Bran-
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debourg que les premiers pour le restablissement de leur maistre, les aultres
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pour le desdommagement du leur, ne doibvent pas consentir facilement à tout
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ce qu’on leur veult faire faire, et qu’à toute extrémité il leur sera plus avanta-
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geux de se remettre au jugement des deux couronnes, que de deppendre abso-
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lument de l’une des deux à cause qu’elle pourroit plus facilement faire ses
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affaires à leurs despens. Cet offre n’a pas mal réussy, et nous l’avons faict affin
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que Bavière cognoisse qu’il ne luy suffit pas d’avoir le consentement des Sué-
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dois pour conserver l’électorat et le Hault-Palatinat et que sy on pensoit nous
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laisser en arrière pour les intérestz de la France, nous serions contrainctz de
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nous joindre au Palatin et à tous ses amis (dans le nombre desquelz nous
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avons faict appréhender le parlement d’Angleterre) pour obtenir par les armes
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son restablissement entier. Il importe extrêmement de donner quelquesfois de
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la crainte au duc de Bavières. C’est un prince habile qu’on dict estre d’une
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nature ingratte, qui ne se soucie que de parvenir à ses fins et qui ne feroit pas
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grand cas de la France s’il croyoit y pouvoir ariver sans elle. Il sera très utile

[p. 938] [scan. 268]


1
sy on luy faict escrire en ce sens par monsieur le nonce Bagni et qu’on accom-
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pagne ce qui luy sera mandé de quelques plaintes du procéder des Impériaux
3
en nostre endroit, qui veullent mettre en doubte un poinct duquel cy-devant
4
ilz nous avoient presque asseuré et sans lequel ilz sçavent très bien comme on
5
l’a déclaré plusieurs fois qu’on ne sçauroit jamais faire la paix ny par consé-
6
quent le duc de Bavière avoir son compte.

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Nous avons encor plus de peyne dans les affaires d’Espagne à cause de l’ hu-
8
meur infidelle et intéressée de Messieurs les Estats qui ne fairoient pas beau-
9
coup de scrupule de nous abandonner s’ils y treuvoient leur compte et leur
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seurté. L’on ne peut rien comprendre en la conduite de leurs députés qui sont
11
icy. Ils sont presque tousjours en garde quand ils traitent avec nous quoyque
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nous allions au-devant de tout ce que nous pouvons faire pour eux sans atten-
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dre d’en estre requis. Toutes les choses que nous leur demandons ne peuvent
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estre arrachées d’eux qu’avec peyne, quoyqu’ils soient obligés de les faire par
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les traités d’alliance, ils croyent qu’on leur en doit de reste quand ils en font
16
seulement une partie. Ils ont enfin mis à la teste des articles qu’ils ont donnés
17
aux Espagnols la déclaration que nous avons désirée, mais ils ne l’ont pas
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voulu faire aux termes que nous l’avions dressée, ny dire tout ce qui est porté
19
par les traités, au contraire lorsque les Espagnols s’en sont plaints à eux dans
20
leur conférence, nous sçavons que Pau leur a répondu qu’ils ne devoient pas
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s’effaroucher pour cest article et qu’il s’y treuveroit bien quelque expédient,
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ce qui monstre que luy et ses collègues non seulement ne rejettent pas le traité
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particulier, mais qu’ils en donnent eux-mesmes l’espérance. Le plus favorable
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jugement qu’on puisse faire de ce procédé est qu’ils voudroient bien découvrir
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tout ce que l’Espagne peut faire pour eux et s’en asseurer sans dessein toute-
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fois de conclurre le traité que nous ne soyons contents. Mais il seroit bien à
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craindre que des gents qui font si peu de cas de leur honeur et de leur devoir
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dès l’entrée de la négotiation n’en fissent encor moins de compte à la fin. Le
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moindre praejudice qui nous en arriveroit seroit qu’ilz ne fairoient rien pour
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la guerre, qu’ils exigeroient de nous diverses conditions déraisonables pour
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nous attendre, et qu’ils nous presseroient sans cesse de nous relascher sur les
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points qui retarderoient la paix, de sorte qu’au lieu de nous assister et d’ a-
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puyer nos intérests comme l’alliance le porte ils se rendr[oi]ent solliciteurs de
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ceux d’Espagne. Il y en a desjà parmy eux qui disent hautement qu’ils ne
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soient point obligés par les traités aux affaires d’Espagne et d’Italie, et que
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s’ils nous font laisser par la paix tout ce que nous avons conquis dans les
37
Pays-Bas ils seront déchargés envers nous de leur obligation et que légitime-
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ment on ne doit rien praetendre d’eux davantage. Les députés d’icy ne nous
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ont pas encor tenu ce langage, mais il y a aparence que si les offres des Espa-
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gnols les contentent ils s’en expliqueront après plus librement, car c’est le
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sentiment de la province de Hollande qui comme la plus puissante entraîne
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presque tousjours les autres. Elle fait encor semblant d’estre épouvantée du
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mariage et de l’eschange, quoyque les choses qui se sont passées depuis
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l’aye[nt] plainement désabusée. Il faut nécessairement si cette apréhension

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1
n’est point fainte que Contarini ayt découvert les discours qui luy en ont esté
2
tenus et peut-estre adjousté que nous en avons eu grande envie ou bien que
3
ceux qui désirent trop ardemment le repos dans les Provinces-Unies fassent
4
encor semblant d’apréhender cest eschange pour avoir praetexte de nous faire
5
une infidélité et d’attirer les autres dans leur advis en leur disant que nous
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n’attendons que le temps et l’ocasion pour nous séparer et faire nos affaires
7
sans eux. Ils se servent du refus que nous faisons du 9 e article pour augmenter
8
leurs soupçons, disant que nous n’y fairions point de difficulté si la France
9
avoit intention de demeurer tousjours unie avec leur Estat. La proposition de
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la trêve pour la Cataloigne et le Portugal a produit un semblable effect dans
11
leur esprit, ils croyent que nous ne la désirons que pour pouvoir à nostre aise
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remetre l’eschange sur le tapis pendant la durée de cette trêve, qui ne nous
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empeschera pas de disposer de la Cataloigne pour en tirer récompense ail-
14
leurs , et par conséquent alors il ne nous restera plus rien qui nous engage
15
à reprendre les armes avec eux si les Espagnols refusent de continuer leur
16
trève.

17
Ce qui est plus fascheux parmy tout cela est un advis que m’a donné Nidre-
18
host , député de la province d’Utrec, qui est un homme très franc et très pas-
19
sionné pour les intérests de la France. Il m’a dit en grande confiance que
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monsieur le prince d’Orange n’incline pas à la paix et faict tout ce qu’il peult
21
pour obliger la France, mais qu’il appréhende que sa femme le voyant affoibly
22
de corps et d’esprit n’aye des conseilz et des desseins différens des siens. Il
23
craint mesme qu’elle n’ayt secrettement donné des ordres à Knut, député de
24
Zélande, et à Riperda, député d’Overisel, qui deppendent absolument de son
25
mary pour agir icy d’une aultre sorte que monsieur le prince d’Orange ne
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désire. Il est certain que ces deux hommes ne procèdent pas sy bien dans cette
27
négotiation qu’ilz faisoient au commencement. On ne sçait pas s’ilz ont tou-
28
ché de l’argent que les Espagnolz distribuent sy libérallement ou sy c’est à
29
madame la princesse mesme que cet argent a esté donné. Il est constant qu’il
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y a quelque chose là-dedans qui ne va pas bien, et à quoy il importe de remé-
31
dier s’il est possible du costé de La Haye. Nous en avons donné advis à mon-
32
sieur de La Thuillerie

42
Longueville, d’Avaux und Servien an La Thuillerie, Münster 1646 Mai 13, Kopie: AE , CP
43
Holl. 35 fol. 270’–273; Eingang in Den Haag: 1646 Mai 19.
affin qu’il tasche d’en descouvrir la vérité. Je ne puis
33
croire que madame la princesse d’Orange qui est sy fort haÿe dans tout le
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pays, et qui ne peult espérer après la mort de son mary de solide appuy que de
35
la France, veuille se résouldre à désobliger Leurs Majestez, sy ce n’est que
36
pour gagner l’affection de la province de Hollande laquelle souhaitte ardem-
37
ment le repos, elle veuille prendre cette occasion de luy complaire. On doibt
38
tout craindre de l’esprit d’une femme qui est d’ordinaire léger et intéressé.
39
Celle-cy a encor un aultre deffault, car elle croid d’estre beaucoup plus habille
40
que son mary. Nous avons aussy donné advis à monsieur de La Thuillerie que
41
Noirmont est perpétuellement en conférence particulière avec quelqu’un des

[p. 940] [scan. 270]


1
députez qui sont icy, et qu’il seroit à propos que monsieur le prince d’Orange
2
fist envoyer un ordre de retrencher ces conférences ou du moins d’en user
3
avec plus de modération.

4
J’avois cy-devant oublié de vous dire que le comte de Trautmandorff voyant
5
dans ma chambre le portraict du Roy et l’ayant extrêmement loué, lorsque je
6
le luy offris me prit au mot et tesmoigna grande joye de l’accepter. Depuis, il
7
l’a faict mettre dans sa chambre auprès de celluy de la fille de l’Empereur
8
dont les Espagnolz ont faict grand bruict. Monsieur Contarini nous a voulu
9
aujourd’huy extrêmement faire valloir cette déclaration et en ayant reparlé à
10
diverses reprises, il m’a paru qu’il avoit quelque intention de porter le dis-
11
cours jusqu’à une proposition de mariage entre le Roy et la fille de l’ Empe-
12
reur . Mais n’en ayant point d’ordre nous sommes tous demeurez sur la rete-
13
nue . Sy on vouloit laisser au Roy tout ce que nous avons demandé pour la
14
satisfaction de Sa Majesté sans nous obliger de donner aucun argent à condi-
15
tion de faire ce mariage, peult-estre ne feroit-on pas mal d’y penser puisque
16
les Espagnolz ont bien l’insolence de publier partout qu’on ne se doibt pas
17
attendre à celuy de l’infante quoyqu’on n’y songe pas et qu’on n’en ayt jamais
18
parlé, et puisque celuy de la princesse de Mantoue dont je vous avois cy-
19
devant escript n’agréera peult-estre pas à la Reyne. Depuis ce que je vous en
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ay marqué j’ay appris qu’elle a 18 ans qui est une grande disproportion d’aage
21
avec celuy du Roy.

22
Le remède le plus nécessaire contre tous les maux dont il semble que nous
23
sommes menacés tant du costé d’Espagne que de l’Empyre est de faire bonne
24
contenance et n’en témoigner point d’apréhension, en n’obmettant rien de
25
tout ce qui sera possible pour nous en garentir. Nous avons desjà icy pratiqué
26
ce conseil en déclarant hautement deux choses:

27
L’une que quand la France devroit demeurer seule à soutenir la guerre tant
28
contre l’Empereur que contre le roy catholique, elle ne se départira point d’un
29
costé de la rétention de Brisac ny de l’autre des dernières ouvertures qu’ell’a
30
faites de consentir à une trêve pour la Cataloigne et le Portugal et faira la paix
31
pour l’Italie aux conditions proposées et partout ailleurs en retenant ce qu’el-
32
l’y possède.

33
La seconde qu’elle n’abandonnera jamais ses alliés quelques avantages qu’on
34
luy puisse offrir, et qu’elle choisira plustost d’en estre abandonnée que de
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manquer aux traités d’alliance qu’ell’a faits avec eux. Il est non seulement
36
honorable de faire cette déclaration à cause que la réputation doit estre plus
37
considérable aux grands roys que toute autre chose, mais il est très utile parce
38
que c’est un bon exemple qu’on donne aux alliés, lesquels estant plus recher-
39
chés des ennemis que nous ont besoin d’estre confirmés dans leur fidélité, au
40
lieu qu’il ne seroit pas en nostre pouvoir de les tromper quand nous en au-
41
rions la volunté, la principale jalousie et animosité des Impériaux et des Espa-
42
gnols estant contre la France.

[p. 941] [scan. 271]


1
Je croy mesme qu’on pourroit prendre cette résolution dans le conseil et la
2
publier affin qu’on ne s’attende plus que nous fassions rien par crainte ou par
3
foyblesse. Car à toute extrémité nous ne serions pas perdus quand cela arrive-
4
roit , et il ne seroit pas malaisé de deffendre ce que l’on veut que nous ren-
5
dions , nous serions tousjours asseurés d’avoir la paix en le rendant. D’ailleurs
6
je ne croy pas que les Suédois ny les Hollandois nous voyant dans cette réso-
7
lution nous osent faire une infidélité manifeste. Je ne croy pas non plus que
8
les estats catholiques ny les protestants veuillent fournir aux frais d’une
9
guerre qui ne seroit continuée dans l’Empyre que pour ravoir Brisac. Peut-
10
estre aussy que les provinces des Pays-Bas subjètes au roy catholique ne vou-
11
dront pas suporter plus longtemps la dépense qu’il faudroit faire pour nous
12
obliger par les armes de rendre la Cataloigne.

13
Outre ces deux espérances qui nous peuvent rester, il me semble que nous
14
avons de chaque costé une pareille qui nous doit mettre hors d’apréhension. Il
15
n’y a point de doute que quand Messieurs les Estats seroient d’accord avec
16
l’Espagne, qu’ils nous auroient pressé de nous relascher, et que mesme ils
17
nous auroient déclaré que faute de le faire ils seroient résolus de s’accomoder
18
sans nous, il seroit encor en nostre pouvoir de nous tirer de peyne en accep-
19
tant une trêve semblable à celle qu’on leur offre desjà pour vint ans et à la-
20
quelle les médiateurs nous sollicitent chaque jour de vouloir entendre. Selon
21
mon foyble sens c’est une porte de derrière que nous avons toute ouverte
22
pour nous sauver de ce péril, qui nous donneroit encor moyen d’obliger Mes-
23
sieurs les Estats par la complaisance que nous aurions pour eux en faisant un
24
mesme traité que le leur. Car je ne puis croire qu’il y ayt personne parmy eux
25
qui ayt si peu de prudence et tant de mauvaise volunté contre la France qu’il
26
ayme mieux faire un traité particulier 〈directement〉 contraire aux alliances
27
et auquel ils ne pourroient se porter sans honte, que d’en faire un honorable
28
conjointement avec nous où en satisfaisant à leur devoir ils treuveront leur
29
avantage et leur seurté, puisqu’en l’un et l’autre ils peuvent obtenir leur
30
compte esgalement. Ce seroit estre ennemy de son propre bien et il n’est pas
31
croyable que des marchands qui gouvernent l’Estat des Provinces-Unies ay-
32
ment mieux faire un contract (où il s’agist de tout pour eux) sans aucune
33
asseurance, que d’y faire obliger une bonne caution.

34
L’autre resource que nous avons du costé de l’Empyre c’est que quand nous
35
verrions les Suédois entièrement d’acord avec l’Empereur sans la France et
36
que les estats catholiques et protestants seroient déclarés contre nous, cela ne
37
se pourroit pas exéquuter si promptement que nous n’eussions assez de loysir
38
pour entrer dans le traité en nous relaschant de Brisac et acceptant les offres
39
qui nous ont esté faites de le raser, à quoy pourtant je ne croy pas qu’il faille
40
jamais se résoudre qu’à une dernière extrémité, cette place estant la pièce de
41
plus grand esclat dans nostre satisfaction, et estant bien plus facile en l’estat
42
qu’est aujourd’huy le royaume de la conserver qu’il n’estoit autrefois de def-
43
fendre Mets contre toutes les forces de l’Empyre, et où nous n’avions pas un
44
droit si légitime que sur Brisac.

[p. 942] [scan. 272]


1
Toutes ces considérations me font croire que nous jouons à jeu seur et que
2
nous pouvons sans péril tenir ferme d’un costé et d’autre. Il y a grande apa-
3
rence que tout ce que nous craignons n’arrivera pas et que nous tirerons bien-
4
tost proffit de nostre fermeté pourveu que les ennemys cognoissent qu’à la
5
cour et icy on est résolu de tout hazarder plustost que de se relascher par delà
6
les ordres qui nos [ont] esté envoyés par le sieur de Praefontaine . Je prendray
7
encor la liberté de dire à Son Eminence qu’en cas de nécessité il nous devroit
8
estre permis de contenter Messieurs les Estats sur le 9 e article dont le refus
9
leur faisant croire que nous voulons nous séparer d’eux leur donne la pensée
10
de se séparer de nous. Je n’y ay jamais treuvé d’inconvénient pourveu qu’il ne
11
nous empesche pas de faire la paix avec les Espagnols et que nous l’acordions
12
de leur consentement, ce qu’on pourra mesnager. Je croy que Messieurs les
13
Estats se contenteroient que sans en convenir particulièrement par escrit on
14
leur donnast parolle de le passer avant la conclusion du traité.

15
Il paroist clairement aux discours de monsieur d’Avaux qu’il a escrit à la cour
16
contre cest advis , mais je vous puis asseurer que nous l’avons réduit aujour-
17
d’huy, monsieur de Longueville et moy, à ne nous pouvoir répondre et je
18
m’asseure que Son Eminence l’avoueroit si j’ozois l’importuner des raisons
19
que peuvent estre alléguées sur ce subjet. Je ne sçay si nous n’aurons point
20
regret d’avoir tant insisté sur un point qui ne nous est d’aucun praejudice, si
21
faute de l’avoir acordé nous voyons cy-après Messieurs les Estats se porter à
22
quelque résolution qui nous déplust. Je sçay bien que tous les députés qui
23
sont icy ne le poursuivent pas avec une affection esgale, mais en l’acordant
24
nous pourrions ramener dans nos sentiments quelques-uns des principaux et
25
entre autres Knuyt qui est un des plus puissants et qui sans cesse demande
26
cest article avec opiniastreté.

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